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Marchés publics > Sources des marchés publics > Jurisprudence
Résumé
Le département du Pas-de-Calais avait lancé une procédure d'appel d'offres pour la conclusion d'un marché public de fourniture de matériels micro-informatiques et système-réseau, composants, accessoires et prestations associées.
Voila une ordonnance intéressante pour les pouvoirs adjudicateurs passant des marchés publics d’informatique mais qui ne fait que rappeler un certains nombre de dispositions souvent oubliées des acheteurs dans les marchés publics d'informatique et notamment l’interdiction à la référence injustifiée à des marques.
Il faut dire que ces types de marchés sont toujours délicats à rédiger car :
- les services informatiques souhaitent notamment conserver, de manière légitime, l'homogénéité entre leur parc existant et les nouvelles acquisitions,
- de plus les acheteurs de matériels informatiques souhaitent généralement s'orienter vers des matériels de marques connues plutôt que vers des matériels assemblés. Et dans ce dernier cas l'analyse du critère technique est souvent problématique.
Heureusement pour les acheteurs les constructeurs adoptent généralement une attitude relativement modérée sinon de nombreux marchés d’acquisition de matériels ou logiciels informatiques feraient l’objet de recours ne serait ce que pour la simple mention de marques dans les documents de consultation. La référence à des marques dans un marché public est strictement encadrée et les règles sont régulièrement rappelées par la doctrine ou la jurisprudence administrative.
La possibilité de reconduire le marché, lorsqu’elle est prévue dans le Marché, est une option au sens des avis de marché (annexe VII A de la directive du 31 mars 2004 et de l'annexe II du règlement (CE) n° 1564/2005 de la Commission du 7 septembre 2005 ainsi que dans le modèle d'avis prévu par l'arrêté du 28 aout 2006, pris en application du code des marchés publics). L’acheteur doit donc compléter cette rubrique.
Ainsi doivent être indiqués dans les avis d’appel public à la concurrence, au titre de la rubrique "options" (rubrique II. 2.2), les achats ou travaux susceptibles d'être effectués dans le cadre d'éventuelles reconductions du marché, d'avenants ou de marchés complémentaires conclus sans nouvelle mise en concurrence ainsi que, s'il est connu, leur calendrier prévisionnel.
C’est une solution qui a fait l'objet de l'arrêt du CE, 15 juin 2007, n° 299391, Ministre de la défense - Société Electronic Data Systems.
Le lieu d'exécution du marché doit obligatoirement être indiqué dans l'avis d'appel public à la concurrence. Cette information doit figurer dans l’avis de marché et sa mention dans le seul règlement de la consultation est insuffisante.
Par suite, en n'ayant fait figurer cette information que dans le règlement de la consultation, le département du Pas-de-Calais a entaché d'irrégularité la procédure de passation litigieuse.
Les seuls motifs précités 1) et 2) engendrent l'annulation de l'ensemble de la procédure d'appel d'offres lancée par le département du Pas-de-Calais.
Selon le tribunal administratif de LILLE, en exigeant de façon injustifiée que chaque candidat propose deux produits de constructeurs distincts, le département du Pas-de-Calais a méconnu les dispositions de l'article 1er et de l'article 6 du code des marchés publics et a entaché par suite d'irrégularité la procédure de passation des lots concernés.
Le département avait imposé aux candidats de proposer pour le processeur deux constructeurs distincts ; il avait ainsi empêché les constructeurs et les assembleurs de présenter à titre individuel une offre conforme aux exigences du cahier des charges, seuls les distributeurs pouvaient ainsi proposer deux produits de constructeurs distincts.
Il en résulte que les constructeurs étaient exclus d’office car les exigences formulées conduisaient à ce qu’ils proposent des produits concurrents au titre de leur offre.
D’autre part le recours possible à un groupement ne pouvait être opposé à la requérante par le pouvoir adjudicateur car il résulte des dispositions de l’article 51 du code des marchés publics que la possibilité de recourir à un groupement relève de l'entière liberté et de la seule appréciation des candidats.
Le cahier des clauses particulières exigeait la fourniture de processeurs de marque Intel (Intel XEON 3,0 Ghz).
A supposer par ailleurs que la référence à cette marque était nécessaire pour décrire de façon suffisamment précise et intelligible les prestations attendues, elle n'était en tout état de cause pas accompagnée des termes « ou équivalent ». Par suite, le département du Pas-de-Calais a méconnu les dispositions de l'article 6 du code des marchés publics et a entaché d'irrégularité la procédure de passation.
Rappelons l'existence de l'instruction sur l’établissement des spécifications techniques pour la fourniture de matériels informatiques du 31 mai 2005 qui s’adresse aux acheteurs publics de matériels informatiques : micro-ordinateurs, stations de travail, serveurs. Elle appelle leur attention sur le caractère discriminatoire de certaines pratiques lors de la définition des spécifications techniques de microprocesseurs et autres composants intégrés dans les micro-ordinateurs, stations de travail, serveurs. Ce défaut est en effet susceptible d’invalider une procédure de passation de marché et de contraindre l’acheteur public à la reprendre intégralement.
Texte
Tribunal administratif de LILLE
n° 0806154
Vu, enregistrée au greffe le 19 septembre 2008 sous le n° 0806154, la requête présentée pour la SOCIETE DELL, dont le siège est situé 1 rond-point Benjamin Franklin à Montpellier (34000), par Me Delelis et Me Brice, avocats ; la SOCIETE DELL demande au juge des référés statuant en application de l'article L.551-1 du code de justice administrative : 1°/ d'annuler la procédure de passation du marché de fourniture de matériels microinformatiques et système-réseau, composants, accessoires et prestations associées lancée par le département du Pas-de-Calais ; 2°/ de condamner le département du Pas-de-Calais à lui verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative ;
La société requérante soutient :
- que le cahier des clauses particulières commun à tous les lots prévoit à son article 3 que le marché pourra être reconduit à trois reprises mais que cette information n'a pas été portée à la connaissance des candidats dans la rubrique « options » de l'avis d'appel public à la concurrence ;
- que le cahier des clauses particulières exige, dans son article 6 et son annexe 2, s'agissant du lot n° 2, que les stations de travail PAO et les micro-ordinateurs portables compatibles Mac OS soient garantis 3 ans sur site J+l du prestataire et que les imprimantes Grand Format/ Traceurs soient garanties 5 ans sur site J+l mais que cette information n'a pas été portée à la connaissance des candidats dans la rubrique « cautionnement et garanties exigés » de l'avis d'appel public à la concurrence ;
- que le lieu principal de livraison des fournitures n'est pas renseigné alors qu'il s'agit d'une mention obligatoire ;
- qu'il ressort de la rédaction de l'article 3.4.1. du règlement de la consultation que le département n'entend pas sélectionner les candidatures au seul vu des renseignements et documents exigés des candidats, ce qui est contraire au principe de transparence des critères de sélection ; que par ailleurs l'article 3.3.1. b), auquel renvoie l'article 3.4.1., n'existe pas ;
- que le règlement de consultation établi par le département fait l'objet de très nombreuses marques de corrections apparentes sous formes d'ajouts et de suppressions de mentions dans tout le corps du document, et notamment quant au contenu des enveloppes de candidature et d'offre et quant aux critères de jugement des offres ; que les informations contenues dans le règlement de la consultation présentent ainsi un caractère contradictoire, ce qui porte atteinte au principe de transparence des procédures ;
- que l'annexe 2 du cahier des clauses particulières prévoit pour les lots nos 4 et 5 l'obligation de proposer « pour chaque équipement deux produits de constructeurs distincts répondant aux spécifications techniques requises et donc de capacité similaire pouvant être comparées » ; que cette exigence a pour effet d'exclure de manière automatique les offres individuelles des fabricants et/ou des assembleurs de matériels informatiques, car seuls les distributeurs sont capables d'indiquer deux produits de constructeurs distincts ; que le caractère discriminatoire de ces clauses n' est pas justifié par l'objet du marché ou la nature des prestations attendues ; que si le département souhaite disposer de matériels de deux ou plusieurs constructeurs, il lui suffit de passer un accord-cadre ou un marché à bons de commandes avec plusieurs titulaires ;
- que s'agissant du lot n° 1 dédié à la fourniture de micro-ordinateurs de bureau et portables, l'annexe 2 bis du cahier des clauses particulières se réfère uniquement au système d'exploitation Windows Vista Business, et s'agissant du lot n° 4, l'annexe 2 requiert de manière obligatoire le processeur Intel XEON 3,0 GHZ ; que ces spécifications techniques restreignent l'accès des candidats au marché public sans être justifiées par l'objet du marché et sans comporter la mention « ou équivalent » ;
Vu, le mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2008, présenté par le département du Pas-de-Calais ; il conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir :
- que la rubrique « option » n'apparaît pas comme une rubrique obligatoire en rouge dans le formulaire commun BOAMP / JOUE ; qu'en l'absence d'indication dans le cadre « option » il n'est pas possible pour l'acheteur de compléter la rubrique « reconduction » ; que le requérant ne pouvait ignorer le caractère reconductible du présent marché puisqu'il en fait état lui-même ;
- que la notion de « cautionnement et garanties exigées » visée par le modèle d'avis d'appel public à la concurrence concerne les garanties financières exigées des candidats et non les garanties contractuelles portant sur le matériel livré ;
- que le règlement de la consultation indique dans son article 2.1.3. que le lieu d'exécution est « l'ensemble du département du Pas-de-Calais » ; qu'en application de l'article 42 du code des marchés publics, cette information n'avait donc pas à figurer dans l'avis d'appel public à la concurrence ;
- que la référence à l'article 3.3.1 b résulte d'une simple erreur matérielle ; que par ailleurs les seuls éléments d'appréciation en possession du pouvoir adjudicateur à ce stade de la consultation sont ceux contenus dans la première enveloppe ;
- que l'illisibilité alléguée du règlement de la consultation résulte uniquement du fait que dans la version informatique de ce document, la fonction révision est restée par erreur activée ; qu'il appartenait simplement au candidat d'y remédier en désactivant cette fonction ; que la version papier envoyée gratuitement à tout candidat en faisant la demande était exempte de ces éléments ;
- que l'obligation de proposer pour chaque équipement deux produits de constructeurs distincts visait à élargir la concurrence en proposant une gamme élargie et professionnelle, le soumissionnaire constructeur ayant la possibilité de proposer ses produits via un distributeur ; que ce point ne constituait en tout état de cause pas un élément fondamental pour le département et pouvait faire l'objet d'une question et d'une rectification par le département ;
- qu'en ce qui concerne la mention de marques, l'annexe 2 bis au cahier des clauses particulières fait référence au système d'exploitation Windows Vista Business comme « configuration minimale demandée » mais autorise le soumissionnaire à proposer une autre configuration « colonne D » ; que de même l'annexe 2 fait référence au processeur Intel XEON 3,0 Ghz mais le pavé introductif indique que le soumissionnaire proposera pour chaque équipement matériel deux produits de constructeurs distincts répondant aux spécifications techniques requises et donc de capacités similaires pouvant être comparées ; que si le soumissionnaire jugeait la rédaction ambiguë, il avait toute capacité de demander des informations complémentaires qui auraient pu faire l'objet de clarification de la part du département ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er octobre 2008, présenté pour la SOCIETE DELL par Me Delelis et Me Brice, avocats ; elle conclut aux mêmes fins que par son mémoire initial et fait valoir de façon nouvelle :
- que le département ne peut opposer le fait que la reconduction ait été mentionnée dans le cahier des clauses particulières, le respect des règles de publicité étant destiné à faire connaître préalablement aux entreprises susceptibles d'être intéressées le projet de marché envisagé par la collectivité ;
- que les dispositions de l'article 42 du code des marchés publics n'ont pas pour effet de permettre au pouvoir adjudicateur de substituer le règlement de la consultation à l'avis d'appel public à la concurrence lorsque les textes imposent que des mentions figurent dans ce dernier ; que par suite, la mention du lieu d'exécution du marché étant obligatoire en application, notamment, de l'annexe VII A à la directive 2004/18/CE, elle devait être renseignée dans l'avis ;
- que le département du Pas-de-Calais ne peut prétendre que l'obligation de présenter deux produits de constructeurs distincts pour chaque équipement ne constituait pas un élément fondamental de la consultation, le terme « deux » étant le seul terme du paragraphe apparaissant en caractère gras et souligné ; que d'autre part les candidats n'ont aucune obligation d'attirer l'attention de la collectivité publique sur l'illégalité d'une disposition du dossier de consultation des entreprises ;
- que s'il est exact que la référence faite au système d'exploitation Windows Vista Business consiste en une « configuration minimale demandée », tel n'est pas le cas de la référence faite dans l'annexe 2 du cahier des clauses particulières au processeur Intel XEON 3,0 Ghz, lequel figure dans une liste intitulée « caractéristiques obligatoires des serveurs » ; que le paragraphe introductif de l'annexe 2 au cahier des clauses particulières précise lui-même que « les caractéristiques techniques de chaque matériel sont obligatoires » ; que le département ne saurait établir la possibilité de présenter des produits de capacité similaire par référence à l'exigence de proposer pour chaque matériel deux produits de constructeurs distincts alors, d'une part, que cette exigence n'induit pas que les processeurs des serveurs de constructeurs distincts soient nécessairement différents, et d'autre part, que le département reconnaît lui-même l'illégalité de cette exigence en admettant qu'elle aurait pu faire l'objet d'une rectification si la SOCIETE DELL lui en avait fait la demande ;
Vu l'ordonnance en date du 19 septembre 2008 enjoignant de différer la signature du contrat;
Vu la décision en date du 1er septembre 2008, par laquelle le président du Tribunal a désigné M. Moreau, conseiller de tribunal administratif, pour statuer en qualité de juge des référés sur le fondement de l'article L.551-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 ;
Vu le règlement (CE) n° 1564/2005 établissant les formulaires standard pour la publication des avis de marché en application de la directive 2004/18/CE ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu l'arrêté du 28 août 2006 fixant les modèles d'avis pour la passation et l'attribution des marchés publics et des accords cadres ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2008 :
- le rapport de M. Moreau, président,
- les observations de Me Pellous, avocat, pour la SOCIETE DELL ;
- et les observations de Mme Gilloots et M. Douai, pour le département du Pas-de-Calais ;
Considérant qu'aux termes de l'article L551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics, des marchés mentionnés au 2° de l'article 24 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, des contrats de partenariat, des contrats visés au premier alinéa de l'article L6148-5 du code de la santé publique et des conventions de délégation de service public. Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. »;
Considérant que par deux avis d'appel public à la concurrence, publiés respectivement le 23 juillet 2008 au BOAMP et le 24 juillet 2008 au JOUE, le département du Pas-de-Calais a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché public de fourniture de matériels micro-informatiques et système-réseau, composants, accessoires et prestations associées ; que la date limite de remise des offres était fixée au 19 septembre 2008 ; que par requête enregistrée le 19 septembre 2008, la SOCIETE DELL demande l'annulation de cette procédure ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'annexe VII A de la directive 2004/18/CE susvisée, les pouvoirs adjudicateurs doivent obligatoirement renseigner la rubrique "option" des avis de marché lorsque sont prévus des "achats ou travaux complémentaires" ; que l'annexe II du règlement (CE) n° 1564/2005 de la Commission du 7 septembre 2005 établissant les formulaires standard pour la publication des avis de marché en application de la directive 2004/18/CE, prescrit à la rubrique "II. 2.2) options (le cas échéant)" que, si des options sont prévues, celles-ci doivent être décrites ainsi que, s'il est connu, le calendrier prévisionnel de l'exercice de ces Options ; que doivent également être indiquées, au titre de la même rubrique le nombre de reconductions éventuelles du marché, ainsi que, s'il est connu, le calendrier prévisionnel de marchés ultérieurs ; que les mêmes renseignements sont demandés dans le modèle d'avis prévu par l'arrêté du 28 août 2006, pris en application du code des marchés publics ; qu'il résulte de ces dispositions que doivent être indiqués dans les avis d'appel public à la concurrence, au titre de la rubrique "options" (rubrique II. 2.2), les achats ou travaux susceptibles d'être effectués dans le cadre d'éventuelles reconductions du marché, d'avenants ou de marchés complémentaires conclus sans nouvelle mise en concurrence ainsi que, s'il est connu, leur calendrier prévisionnel ;
Considérant qu'en l'espèce le cahier des clauses particulières prévoit en son article 3 que le marché, qui est conclu pour une durée de douze mois, pourra faire l'objet de trois reconductions expresses ; que la possibilité de reconduire le marché, ainsi prévue par le cahier des clauses particulières, est une option au sens des dispositions précitées de l'annexe VIIA de la directive du 31 mars 2004 et de l'annexe II du règlement du 7 septembre 2005 ; que, par suite, en ne mentionnant pas cette information dans la rubrique II.2.2 de l'avis publié, le département du Pas-de-Calais a entaché d'irrégularité la procédure de passation litigieuse ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte également de l'annexe VÏIA de la directive 2004/18/CE et de l'annexe II du règlement de la commission du 7 septembre 2005 établissant les formulaires standard pour la publication des avis de marché en application de la directive 2004/18/CE, que le lieu d'exécution du marché doit obligatoirement être indiqué dans l'avis d'appel public à la concurrence ; que par suite, en n'ayant fait figurer cette information que dans le règlement de la consultation, le département du Pas-de-Calais a entaché d'irrégularité la procédure de passation litigieuse ;
Considérant que pour ces seuls motifs, il y a lieu d'annuler l'ensemble de la procédure d'appel d'offres lancée par le département du Pas-de-Calais pour la conclusion d'un marché public de fourniture de matériels micro-informatiques et système-réseau, composants, accessoires et prestations associées ;
Considérant, au surplus, qu'aux termes de l'article 1er du code des marchés publics : « II. Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures » ; qu'aux termes de l'article 6 du même code : « IIL - Les spécifications techniques mentionnées au I permettent l'égal accès des candidats et ne peuvent avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l'ouverture des marchés publics à la concurrence. » ; qu'aux termes enfin de l'article 51 du même code :« I.-Les opérateurs économiques sont autorisés à se porter candidat sous forme de groupement solidaire ou de groupement conjoint, sous réserve des règles relatives à la concurrence » ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que la possibilité de recourir à un groupement relève de l'entière liberté et de la seule appréciation des candidats et ne saurait leur être opposée par le pouvoir adjudicateur pour restreindre de façon injustifiée les conditions d'accès à un marché public ;
Considérant que l'annexe 2 du cahier des clauses particulières impose aux candidats aux lots nos 4 et 5 de proposer « pour chaque équipement matériel deux produits de constructeurs distincts répondant aux spécifications techniques requises et donc de capacité similaire pouvant être comparée » ; que ce faisant, le département du Pas-de-Calais a, ainsi que le soutient la SOCIETE DELL, empêché les constructeurs et les assembleurs de présenter à titre individuel une offre conforme aux exigences du cahier des charges, seuls les distributeurs pouvant proposer deux produits de constructeurs distincts ; que cette restriction à l'accès au marché envisagé n'est justifiée par le département du Pas-de-Calais par aucune raison technique particulière, celui-ci indiquant même au contraire dans son mémoire en défense que ce point ne constituait pas pour lui « un élément fondamental » ; que, conformément à l'interprétation précédente de l’ article 51-1 du code des marchés publics, le département du Pas-de-Calais n'est en outre pas fondé à soutenir, comme il semble le faire, qu'il était toujours loisible à la SOCIETE DELL de constituer un groupement avec un distributeur ; que dès lors, en exigeant de façon injustifiée que chaque candidat propose deux produits de constructeurs distincts, le département du Pas-de-Calais a méconnu les dispositions précitées de l'article 1er et de l'article 6 du code des marchés publics et a entaché par suite d'irrégularité la procédure de passation des lots nos 4 et 5 du marché envisagé ;
Considérant, encore au surplus, qu'aux termes de l'article 6 du code des marchés publics : « IV. -Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d'un mode ou procédé de fabrication particulier ou d'une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu'une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. Toutefois, une telle mention ou référence est possible si elle est justifiée par l'objet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l'objet du marché n'est pas possible sans elle et à la condition qu'elle soit accompagnée des termes : " ou équivalent ". » ;
Considérant qu'aux termes de l'annexe 2 du cahier des clauses particulières, les candidats au lot n° 4 étaient tenus de proposer le processeur Intel XEON 3,0 Ghz ; que le département du Pas-de-Calais n'établit pas, ni même ne soutient, que cette spécification technique était justifiée par l'objet du marché ; qu'à supposer par ailleurs que la référence à cette marque était nécessaire pour décrire de façon suffisamment précise et intelligible les prestations attendues, elle n'était en tout état de cause pas accompagnée des termes « ou équivalent » ; que par suite, le département du Pas-de-Calais a méconnu les dispositions précitées de l'article 6 du code des marchés publics et a entaché d'irrégularité la procédure de passation du lot n° 4 du marché envisagé ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'aux termes de l'article L761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le département du Pas-de-Calais à verser à la SOCIETE DELL la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
ORDONNE
Article 1er : La procédure d'appel d'offres lancée par le département du Pas-de-Calais pour la passation d'un marché public de fourniture de matériels micro-informatiques et système-réseau, composants, accessoires et prestations associées est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au département du Pas-de-Calais, si il entend passer le marché précité, de reprendre la procédure au stade de la publicité.
Article .3 : Le département du Pas-de-Calais versera à la SOCIETE DELL une somme de deux mille euros
(2.000 euros) en application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIETE DELL et au département du Pas-de-Calais.
Jurisprudence
CAA Bordeaux, 14 février 2013, n° 11BX01785, Sté Index Education / Université de Poitiers (Marché public d’informatique pour un logiciel. Respect des exigences du CCTP. Application des critères hiérarchisés de la valeur technique de l’offre et du prix. Solution devant s’appuyer sur le SGBD relationnel existant de marque Oracle ; un CCTP peut s’appuyer sur un logiciel de marque donnée même si la référence à une marque est interdite si le contexte le justifie)
Conseil d'État, 21 novembre 2007, n° 262908, Société xxx c/ Agence de l'eau Loire-Bretagne (Marché de concession de droit d'usage de progiciels, exploitation sans licence après la durée contractuelle)
TA Toulouse, 31 octobre 2007, Commune de B. , n° 0704632, juge des référés (Continuité du service public compromise sans que l'administration ne dispose des moyens de la rétablir. Société de services informatiques ayant pris l’initiative d’interrompre l’exécution du contrat à la suite d’un différend financier)
CE, 15 juin 2007, n° 299391, Ministre de la défense - Société Electronic Data Systems (Doivent être indiqués dans les AAPC communautaires, au titre de la rubrique options, les achats ou travaux susceptibles d'être effectués dans le cadre d'éventuelles reconductions du marché, d'avenants ou de marchés complémentaires conclus sans nouvelle mise en concurrence ainsi que, s'il est connu, leur calendrier prévisionnel. Une prestation prévue dans le cadre de l'exécution du marché et non pas dans le cadre des dispositions précédentes n'est pas une option)
CAA Douai, 10 mai 2007, n° 06DA00353, Commune de Maromme c/ Société xxx (Responsabilité contractuelle - Marché public d'informatique et imprudence d'une commune n’hésitant pas à signer un contrat dont les subtilités des clauses pouvaient être sujettes à interprétation)
CAA Douai, 29 décembre 2006, n° 05DA00981, Société X MEDICAL SAS c/ SDIS de Seine-Maritime (Garantie contractuelle dans un marché de fournitures soumis aux dispositions du CCAGFCS , tel qu'approuvé par le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 modifié)
CAA Paris, 25 avril 2006, n° 02PA02065, Entreprise ferroviaire SAFEN c/ Office départemental d'HLM de la Seine-Saint-Denis (obligation de résultats)
CAA Douai, 3 mai 2005, n° 03DA00786, Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés CNAMTS c/ xxx (Marché de concession de droit d'usage et de suivi des progiciels, exploitation sans licence et imprudence de l'entreprise)
CAA Paris, 31 décembre 2003, n° 99PA03950 et 99PA03999, Société Informatique c/ Commune de Palaiseau (Atténuation de la responsabilité du titulaire d’un marché d’informatique du fait de la carence du maître d'ouvrage qui n'utilise pas les pouvoirs de contrôle et de sanction prévus au marché et qui a contribué à l'aggravation de son préjudice)
Textes
Instruction sur l’établissement des spécifications techniques pour la fourniture de matériels informatiques - 31 mai 2005 - Réf. : 051C0025
Actualités
Le Conseil d’Etat clarifie l’interprétation de la loi DAVSI en ce qu’un logiciel libre qui contourne une mesure de protection aux fins de permettre l'interopérabilité de systèmes informatiques ne constitue pas un dispositif portant atteinte aux mesures de protection. Il en profite pour rappeler l'exception de décompilation (sous certaines conditions) destinée à permettre le développement de logiciels libres – 8 aout 2008
Rare : Le BOAMP publie un AAPC pour la maintenance de progiciels applicatifs avec mise en concurrence (10 lots) - 18 juin 2008
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