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jurisprudence

Conseil d’Etat, 21 septembre 2011, n° 349149, Département des Hauts-de-Seine - Publié au recueil Lebon

Dans une procédure d’appel d’offres il ne peut y avoir de négociation avec les candidats et il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre. Si ces dispositions s’opposent en principe à toute modification du montant de l’offre à l’initiative du candidat ou du pouvoir adjudicateur, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s’agit de rectifier une erreur purement matérielle, d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue. Dans le cas d'espèce il s'agissait de rectifier une erreur de prix. Si les dispositions du I de l'article 59 du code des marchés publics s'opposent en principe à toute modification du montant de l'offre à l'initiative du candidat ou du pouvoir adjudicateur, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s'agit de rectifier une erreur purement matérielle, d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000024585667/

Contexte et procédure

Le Département des Hauts-de-Seine a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour un marché à bons de commande portant sur des travaux d'assainissement (art. L2124-2 du Code de la commande publique). Le groupement dont la société Parenge était mandataire a vu son offre rejetée par la commission d'appel d'offres au motif qu'il aurait modifié l'un des prix unitaires suite à une demande de précision, en violation du principe d'intangibilité des offres.

La société Parenge a saisi le juge des référés précontractuels (art. L551-1 du Code de justice administrative) qui a annulé la procédure à compter de l'examen des offres. Le Département s'est pourvu en cassation contre cette ordonnance.

Problème juridique

La question centrale est de déterminer dans quelle mesure une modification du prix d'une offre peut être admise sans méconnaître le principe d'intangibilité des offres, lorsqu'il s'agit de rectifier une erreur matérielle.

Raisonnement du Conseil d'État

Rappel du principe d'intangibilité des offres

Le Conseil d'État rappelle tout d'abord le principe posé à l'article 59-I du Code des marchés publics (désormais article R2152-2 du code de la commande publique) : "Il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre."

Ce principe s'oppose en règle générale à toute modification du montant de l'offre, que ce soit à l'initiative du candidat ou du pouvoir adjudicateur.

Exception en cas d'erreur purement matérielle

Le Conseil d'État énonce toutefois une exception à ce principe : "Ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s'agit de rectifier une erreur purement matérielle, d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue".

Critères d'appréciation de l'erreur matérielle

Le Conseil d'État censure l'ordonnance du juge des référés pour erreur de droit. En effet, celui-ci s'est contenté de relever le "caractère très marginal de la prestation concernée" et "l'incidence négligeable" de la rectification sur le montant global de l'offre.

Or, selon le Conseil d'État, il convenait de rechercher si l'erreur était "d'une nature telle que nul n'aurait pu ensuite s'en prévaloir de bonne foi". C'est ce critère qui permet de caractériser une erreur purement matérielle justifiant une exception au principe d'intangibilité des offres.

Application au cas d'espèce

Statuant au fond, le Conseil d'État constate que :

- Le prix unitaire n° 903 était "anormalement faible" (22 € au lieu de 220 €)

- La décomposition du prix omettait la ligne tarifaire pour le stockage et le traitement des déchets

- Cette omission "ne pouvait résulter que d'une erreur purement matérielle"

- Le Département a demandé une précision sur ce prix

- La société a rectifié le prix en ajoutant la ligne tarifaire omise

Le Conseil d'État en conclut qu'il s'agissait bien d'une erreur "d'une nature telle que nul, notamment pas le département, n'aurait pu ensuite s'en prévaloir de bonne foi". La rectification pouvait donc intervenir sans méconnaître le principe d'intangibilité des offres.

Portée de la décision

Cette décision apporte des précisions sur l'application du principe d'intangibilité des offres.

Elle précise le critère permettant de caractériser une telle erreur : il doit s'agir d'une erreur "d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi". Par ailleurs elle illustre l'application de ce critère à un cas concret d'erreur dans un bordereau de prix unitaires. Enfin elle rappelle que le juge doit effectuer un contrôle approfondi pour vérifier si ce critère est rempli, et ne peut se contenter de relever le caractère marginal de la modification.

Cette jurisprudence permet ainsi de concilier le principe d'intangibilité des offres avec la nécessité pratique de pouvoir rectifier certaines erreurs évidentes.

[...]

Considérant qu’aux termes du I de l’article 59 du code des marchés publics : Il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre. ; que si ces dispositions s’opposent en principe à toute modification du montant de l’offre à l’initiative du candidat ou du pouvoir adjudicateur, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s’agit de rectifier une erreur purement matérielle, d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue ;

Considérant que, pour annuler la procédure de passation litigieuse, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir relevé qu’en réponse à la demande de précision qui lui avait été adressée par le département au sujet du prix n° 903 du bordereau de prix unitaires, la société Parenge Compagnie parisienne d’entreprises générales avait indiqué que ce prix était de 220 euros et non de 22 euros, a estimé que la société avait ainsi procédé à la rectification d’une erreur matérielle qui avait pu entraîner une modification du montant de l’offre sans méconnaître les dispositions précitées du I de l’article 59 du code des marchés publics, eu égard au caractère très marginal de la prestation concernée et à l’incidence négligeable de cette rectification en cause sur le montant global de l’offre de l’intéressée ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si cette erreur purement matérielle était d’une nature telle que nul n’aurait pu ensuite s’en prévaloir de bonne foi, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, par suite, le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application de l’article L821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Parenge Compagnie parisienne d’entreprises générales ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société Parenge Compagnie parisienne d’entreprises générales, mandataire du groupement Parenge / Sade / Segex, a remis un bordereau de prix unitaires comportant 905 prix pour un montant total de 2 365 897 euros hors taxes, avec un prix unitaire n° 903 correspondant au transport et à la mise en centre de stockage et de traitement de déchets dangereux de classe I, s’élevant à 22 euros, montant anormalement faible ; que la décomposition de ce prix faisait apparaître la mention du seul prix unitaire de transport de ces déchets et omettait la ligne tarifaire correspondant à leur stockage et traitement, dont l’absence ne pouvait résulter que d’une erreur purement matérielle ; que décelant cette erreur, le DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE a adressé à la société une demande de précision sur le fondement des dispositions du I de l’article 59 du code des marchés publics ; que la société a alors indiqué en réponse que ce prix était de 220 euros et non de 22 euros, après l’ajout de la ligne tarifaire omise ; qu’elle a ainsi, comme elle l’indiquait dans sa réponse au département, procédé à la rectification d’une erreur purement matérielle, laquelle était d’une nature telle que nul, notamment pas le département, n’aurait pu ensuite s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où l’offre du groupement dont la société était le mandataire aurait été retenue ; que cette rectification pouvait ainsi intervenir sans méconnaître, en l’espèce, le principe interdisant de modifier l’offre ; que, par suite, c’est à tort que la commission d’appel d’offres du DEPARTEMENT DES HAUTS-DE-SEINE a éliminé l’offre du groupement Parenge / Sade / Segex au motif que celui-ci avait méconnu ce principe en modifiant le prix n° 903 et par conséquent le montant de son offre ; que cette élimination a constitué un manquement du département à ses obligations de mise en concurrence qui, eu égard au stade de la procédure auquel il est intervenu, est susceptible d’avoir lésé la société Parenge Compagnie parisienne d’entreprises générales, en sa qualité de mandataire du groupement Parenge / Sade / Segex, laquelle n’a pu voir son offre examinée par le département ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que cette société est fondée à demander l’annulation de la procédure litigieuse à compter de l’examen des offres ; qu’il y a lieu d’enjoindre au département, s’il entend poursuivre cette procédure, de la reprendre au stade de l’examen des offres ;

[...]

MAJ 30/09/11 - Source legifrance

Jurisprudence

CAA Toulouse, 9 juillet 2024, n° 22TL21561 (Modification substantielle du CCTP en MAPA. Une négociation en procédure adaptée, ne doit pas engendrer une modification substantielle du cahier des charges rendant l’offre irrégulière dès lors que les variantes sont interdites). 

TA Bordeaux, 4 juillet 2024, n° 2403635 (Erreur de « tiroir numérique » sur la plateforme de dématérialisation PLACE, une fois de plus. Société ayant déposé son offre dans le mauvais "tiroir numérique" sur la plateforme PLACE. Le juge a considéré qu'elle n'avait pas été induite en erreur par les mentions erronées du règlement de la consultation. Le juge a également rappelé que le pouvoir adjudicateur n'a pas à vérifier ou rectifier une éventuelle erreur d'un candidat dans le dépôt de son offre. La seule circonstance que le lien mentionné était inactif ne peut être regardé comme une mention erronée de nature à avoir induit en erreur la requérante dès lors que ce lien inexistant ne pouvait orienter la candidate vers un autre " tiroir numérique ", c'est-à-dire vers une fenêtre correspondant à un autre marché).  

TA Paris, 24 janvier 2024, n° 2400734 (Erreur de tiroir numérique. Dans une décision rendue le 24 janvier 2024, le TA de Paris confirme que l'acheteur public n'est pas tenu de rectifier une erreur de dépôt d'offre dans un mauvais tiroir numérique d'une plateforme de dématérialisation, même à la demande du candidat. Dans le cadre des procédures de passation dématérialisées des marchés publics, la responsabilité du bon dépôt de l'offre incombe entièrement au candidat. L'acheteur public n'a pas d'obligation légale ou jurisprudentielle de rectifier une erreur de dépôt dans un mauvais tiroir numérique, même sur demande du candidat ou avec l'accord de l'autre acheteur concerné.   En l'espèce la société candidate ayant déposé son offre dans le tiroir numérique d'une autre consultation, l'acheteur public était en droit de ne pas la prendre en compte, malgré la demande de la société et l'accord de l'autre acheteur pour transférer l'offre. Le juge des référés a donc rejeté la demande de la société visant à faire reprendre la procédure au stade de l'ouverture des plis). 

CE, 1er juin 2023, n° 469127, Communauté d’agglomération de la région de Château Thierry (Erreur de « tiroir numérique » sur la plateforme de dématérialisation : clarification des obligations de l'acheteur. Le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’informer un candidat que son offre a été déposée dans le cadre d’une autre consultation que celle à laquelle il voulait postuler. Le pouvoir adjudicateur ne peut rectifier de lui-même l’erreur de dépôt, sauf si cette erreur résulte d'un dysfonctionnement du profil d’acheteur).

CE, 20 décembre 2019, n° 419993, communauté de communes de Sélestat (L'article L1411-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable,  permet à la personne publique délégante de négocier librement les offres des candidats, mais ne l'autorise pas à modifier ou à compléter de sa propre initiative et unilatéralement une offre dont elle estimerait que les prestations ne respectent pas les caractéristiques quantitatives et qualitatives qu'elle a définies. Modification substantielle d'une offre par la personne publique dans un contrat de délégation de service public).

CAA Douai, 17 janvier 2013, n° 12DA00594, préfet de la région Nord-Pas-de-Calais (L'intégration par un candidat de prestations non demandées dans son offre n'est pas une erreur purement matérielle autorisant la modification d'une offre par le pouvoir adjudicateur).

CE, 8 mars 1996, n° 133198, M. PELTE (Dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, Seules de simples précisions ou compléments peuvent être demandés)