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CAA Toulouse, 9 juillet 2024, n° 22TL21561 – Modification substantielle CCTP en MAPA

CAA Toulouse, 9 juillet 2024, n° 22TL21561 – Modification substantielle du CCTP en MAPA

Si, dans les procédures d'appel d'offre, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l'offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu'elle n'est pas anormalement basse, la régularisation ne doit pas avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles, c'est à dire ses éléments déterminants pour la comparaison des offres, en méconnaissance des principes d'égalité de traitement et de transparence. 

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000049890877

Le jugement de la Cour Administrative d'Appel concerne un litige entre les sociétés Setec International et Thésée Ingénierie et l'État.

L'affaire concerne un marché de maîtrise d'œuvre passé sous forme d’appel d’offres ouvert pour la construction d'un quai à la base navale de Nouméa. Les sociétés Setec International et Thésée Ingénierie ont été évincées de ce marché et demandent réparation. Leur demande initiale d'indemnisation a été rejetée par le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Cet arrêt expose le cadre juridique et le raisonnement de la Cour concernant la régularisation des offres irrégulières et la notion de modification substantielle.

En ce qui concerne le cadre juridique, l'article L. 2152-1 du code de la commande publique impose l'élimination des offres irrégulières. L'article L. 2152-2 définit une offre irrégulière comme ne respectant pas les exigences des documents de consultation ou la législation applicable. L'article R. 2152-2 permet la régularisation des offres irrégulières, mais interdit la modification des caractéristiques substantielles. L'article R. 2161-5 interdit la négociation mais autorise des demandes de précisions.

La Cour rappelle que « Si, dans les procédures d'appel d'offre, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l'offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu'elle n'est pas anormalement basse, la régularisation ne doit pas avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles, c'est à dire ses éléments déterminants pour la comparaison des offres, en méconnaissance des principes d'égalité de traitement et de transparence. ».

Les principes dégagés par la Cour conduisent à l’obligation d'éliminer les offres incomplètes sans en apprécier la valeur, la possibilité de régularisation des offres irrégulières, sauf si anormalement basses et l’interdiction de modifier les caractéristiques substantielles lors de la régularisation.

En l’espèce :

  • Le dossier de consultation mentionnait un "besoin à étudier en option".
  • L'offre initiale du groupement Setec/Thésée était incomplète car elle n'incluait pas cette option.
  • La régularisation a conduit à une augmentation de 10% du prix de l'offre.
  • La Cour considère cette modification comme substantielle, en violation de l'article R. 2152-2.

En conclusion, pour la Cour :

  • L'offre aurait dû être écartée comme irrégulière.
  • Le groupement n'avait donc aucune chance de remporter le marché.
  • Les demandes d'indemnisation sont rejetées.

[…]

Considérant ce qui suit :

1. Dans un contexte de raréfaction de la ressource naturelle en eau conduisant à mobiliser d'autres gisements, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole a souhaité se doter d'une étude d'évaluation du potentiel de réutilisation des eaux usées traitées. En 2019, cet établissement public a fait appel public à la concurrence pour l'attribution d'un marché public de services, conclu en procédure adaptée ouverte avec possibilité de négociation en application des articles L. 2123-1 et R. 2123-1 du code de la commande publique, portant sur la réalisation d'une étude d'évaluation du potentiel de réutilisation des eaux usées traitées à l'échelle du territoire communautaire. La société Ecofilae, qui a constitué un groupement conjoint avec la société Pure Environnement, a présenté une offre. Par une lettre du 25 octobre 2019, le pouvoir adjudicateur a engagé des négociations écrites en l'invitant à consentir à une amélioration financière à son offre sans incidence sur la qualité et la fiabilité de celle-ci. La société Ecofilae a répondu par une lettre du 31 octobre suivant. Par une lettre du 25 novembre 2019, la société Ecofilae a été informée du rejet de son offre en raison de son irrégularité et de l'attribution du marché à la société Cabinet d'Études René Gaxieu. Le marché public de services conclu entre la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et la société Cabinet d'Études René Gaxieu a été signé le 25 novembre 2019. La société Ecofilae relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à contester la validité de ce contrat.

[…]

En ce qui concerne le rejet de l'offre de la société appelante comme irrégulière :

7. Ainsi qu'il a été dit au point 6, un concurrent évincé ne peut invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que des manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat en rapport direct avec son éviction. Au titre de tels manquements, le concurrent évincé peut contester la décision par laquelle son offre a été écartée comme irrégulière. Un candidat dont l'offre a été à bon droit écartée comme irrégulière ou inacceptable ne saurait en revanche soulever un moyen critiquant l'appréciation des autres offres. Il ne saurait notamment soutenir que ces offres auraient dû être écartées comme irrégulières ou inacceptables, un tel manquement n'étant pas en rapport direct avec son éviction et n'étant pas, en lui-même, de ceux que le juge devrait relever d'office. Il en va ainsi y compris dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, toutes les offres ont été écartées comme irrégulières ou inacceptables, sauf celle de l'attributaire, et qu'il est soutenu que celle-ci aurait dû être écartée comme irrégulière ou inacceptable.

8. Aux termes de l'article 7.2 du règlement de la consultation : " Le jugement des offres sera effectué dans les conditions prévues aux articles L. 2152-1 à L. 2152-4, R. 2152-1 et R. 2152-2 du code de la commande publique et donnera lieu à un classement des offres. L'attention des candidats est attirée sur le fait que toute offre irrégulière ou inacceptable pourra être régularisée pendant la négociation, et que seule une offre irrégulière pourra être régularisée en l'absence de négociation. En revanche, toute offre inappropriée sera systématiquement éliminée. Toute offre demeurant irrégulière pourra être régularisée dans un délai approprié. La régularisation d'une offre pourra avoir lieu à condition qu'elle ne soit pas anormalement basse (...) ". Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". L'article L. 2152-2 du même code précise que : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ".

9. En application des articles 1 à 3 du cahier des clauses techniques particulières, l'étude attendue devait se dérouler en quatre phases distinctes assorties d'objectifs, la première dédiée à un état des lieux précis et exhaustif de la thématique de la réutilisation des eaux usées traitées, la deuxième consacrée au recensement des usages et projets connus ou souhaités dans ce domaine au moyen d'un questionnaire, la troisième dédiée à l'étude des futurs éventuels projets de réutilisation des eaux usées traitées à l'échelle du territoire communautaire au regard des entités dotées d'un potentiel technique suffisant pour accueillir un tel projet et, enfin, la quatrième consacrée à une étude détaillée des territoires sélectionnés et à l'établissement d'une hiérarchie entre eux. L'article 4.1 de ce même cahier précise le déroulement général des prestations en prévoyant la constitution d'un comité technique et d'un comité technique restreint chargés d'émettre des propositions et d'un comité de pilotage chargé de prendre les décisions dont les missions précises sont décrites aux articles 4.1.1, 4.1.2, 4.1.3. Afin de donner un cadre méthodologique à l'étude, l'article 4.2 de ce même document contractuel prévoit un tableau synthétisant le nombre et le format des réunions de travail attendues, selon qu'elles concernent le comité technique restreint, le comité technique élargi, le comité de pilotage, l'agence régionale de santé et la direction départementale des territoires et de la mer, ces réunions étant au nombre minimal de 19, ainsi que les livrables attendus. En complément de ces réunions, dont l'article 4.2 du cahier des clauses techniques particulières précise que leur liste " n'est pas exhaustive ", ce même article impose au bureau d'étude de " rend[re] compte de son travail au maître d'ouvrage a minima toutes les 3 semaines selon deux médias : / - une réunion téléphonique ou physique calée de façon récurrente en début d'étude ; / - un CR [compte-rendu] de cette réunion traçant les points importants, accompagné d'un document montrant l'état d'avancement (traduit en pourcentage) de la mission, est envoyé dans les délais contractuels ".

10. En premier lieu, il résulte des stipulations claires et non équivoques citées au point 9 que le titulaire du marché était tenu, d'une part, d'organiser un minimum de 19 réunions de travail multipartites sans que ce nombre soit exhaustif et, d'autre part, de rendre compte de manière périodique de l'avancement de ses travaux sous la forme de points téléphoniques ou physiques donnant lieu à un compte-rendu, ces réunions de travail multipartites et ces points techniques n'ayant pas le même objet ainsi que cela résulte de la description qui en est donnée par l'article 4 du cahier des clauses techniques particulières. Par suite, indépendamment du silence du marché sur le format des réunions multipartites attendues, lesquelles doivent, du reste, être présumées se tenir en présentiel, en l'absence de mention autorisant la possibilité d'échanges téléphoniques ou par visioconférence, contrairement aux points techniques pour lesquels le format par échange à distance est possible, les offres attendues devaient au moins prévoir 19 réunions multipartites, les variantes n'étant pas autorisées en application de l'article 2.3 du règlement de la consultation. Dès lors que le rejet de l'offre présentée par la société Ecofilae comme irrégulière repose sur sa non-conformité au regard du nombre minimal de réunions multipartites attendues et non quant au format suivant lequel ces dernières doivent être organisées et qu'il lui était loisible de régulariser son offre ou de solliciter tout complément d'information utile si elle s'y croyait fondée, celle-ci n'est pas fondée à se prévaloir de l'imprécision des documents de la consultation quant au nombre et au format des réunions multipartites attendues.

11. En deuxième lieu, il est constant que l'offre initiale de la société Ecofilae prévoyait l'organisation des 19 réunions comme exigé par l'article 4.2.1 du cahier des clauses techniques particulières. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'invitée à consentir un effort financier sur le prix de son offre par une lettre du 25 octobre 2019, sans que cette remise ait d'incidence sur la qualité et la fiabilité de celle-ci dans le cadre de la première phase de négociation engagée par le pouvoir adjudicateur, la société appelante a, par une lettre du 31 octobre suivant, proposé de réduire ce nombre à 10 en se prévalant de son expérience dans le domaine de la réutilisation des eaux usées traitées et d'augmenter, en contrepartie, la fréquence des points dédiés à la restitution sur l'avancement de ses travaux lesquels se tiendraient toutes les deux semaines au lieu de trois, ces deux ajustements permettant de réduire le prix de son offre d'environ 10 % hors taxes, soit une réduction de 5 800 euros. Eu égard aux prestations et au nouveau prix qu'elle comporte, la lettre du 25 octobre 2019 a le caractère d'une nouvelle offre présentée après une première phase de négociation, dont la forme était libre en l'absence de stipulations contractuelles en ce sens, et ne saurait se limiter à de simples pourparlers ou à une simple réponse à une demande de précision de la personne publique comme le soutient la société appelante. Par ailleurs, eu égard à sa portée, la nouvelle offre ainsi émise dans le cadre de la première phase de négociation revient clairement à réduire le volume et la nature des prestations minimales attendues en ce qui concerne les réunions multipartites, indépendamment de l'augmentation de la fréquence des points techniques, cette circonstance étant sans incidence alors que l'objet de la négociation se limitait au prix du marché. Par suite, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, qui ne peut être regardée comme ayant dénaturé le contenu de l'offre de la société Ecofilae, était fondée à estimer que cette nouvelle offre après négociation ne respectait plus les prescriptions contractuelles et, par suite, à l'écarter comme irrégulière.

En ce qui concerne les autres irrégularités invoquées au titre de la procédure de passation du marché en litige :

12. Un concurrent évincé ne peut invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

13. La société Ecofilae dont l'offre a été écartée comme irrégulière, ainsi qu'il a été dit aux points 10 et 11, ne peut utilement se prévaloir des vices qui entacheraient la méthode de notation mise en œuvre par le pouvoir adjudicateur pour apprécier la valeur technique des offres de nature à caractériser des manquements à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Ecofilae tendant à contester la validité du marché de services conclu entre la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et la société Cabinet d'Études René Gaxieu doivent être rejetées.

Sur le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de résiliation :

15. Si la validité du marché en litige est susceptible d'être affectée par les conditions de sa passation, sa résiliation n'a, en tout état de cause, plus d'objet dès lors qu'il a été entièrement exécuté, l'article 5 de l'acte d'engagement prévoyant un délai global d'exécution de dix mois ne devant pas dépasser vingt-quatre mois. Il en résulte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de résiliation présentées, à titre subsidiaire, par la société Ecofilae.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et de la société Cabinet d'Études René Gaxieu, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société Ecofilae demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Ecofilae une somme de 750 euros à verser tant à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole qu'à la société Cabinet d'Études René Gaxieu au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2000951 du 12 mai 2022 est annulé.

[…]

MAJ 18/07/24 - Source legifrance

Jurisprudence

CAA Paris, 5 juillet 2024, n° 22PA00120, Sociétés Setec International et Thésée Ingénierie (Dans une procédure d’appel d’offres, une régularisation conduisant à une augmentation de 10% du prix de l'offre peut être considérée comme une modification substantielle et rendre l’offre irrégulière).

CE, 21 septembre 2011, n° 349149, Département des Hauts-de-Seine (Il peut être dérogé au principe d’intangibilité des offres dans une procédure d’appel d’offres s'il s’agit de rectifier une erreur purement matérielle, d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue)

CE, 8 mars 1996, n° 133198, M. PELTE (Dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, Seules de simples précisions ou compléments peuvent être demandés)