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Un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation (CE, 23 novembre 2005, n° 267494, Société Axialogic, CE, 23 mai 2011, n° 339406, Commune d'Ajaccio). Il est tenu d’éliminer, sans en apprécier la valeur, les offres incomplètes, c’est-à-dire celles qui ne comportent pas toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation et sont, pour ce motif, irrégulières (CE, 12 janvier 2011, n° 343324, Département du DOUBS). Cette obligation ne fait pas obstacle à ce que ces documents prévoient en outre la communication, par les soumissionnaires, d’éléments d’information qui, sans être nécessaires pour la définition ou l’appréciation des offres et sans que leur communication doive donc être prescrite à peine d’irrégularité de l’offre, sont utiles au pouvoir adjudicateur pour lui permettre d’apprécier la valeur des offres au regard d’un critère ou d’un sous-critère et précisent qu’en l’absence de ces informations, l’offre sera notée zéro au regard du critère ou du sous-critère en cause.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000039120978
Résumé
Le Conseil d'État précise les règles applicables aux offres incomplètes dans le cadre des marchés publics. Il confirme que le pouvoir adjudicateur doit éliminer les offres qui ne comportent pas l'ensemble des pièces requises par les documents de la consultation, sans en apprécier la valeur. Cette règle s'applique également aux informations sur la qualité des matériaux et leurs fiches techniques lorsque le règlement de consultation les exige. La question qui se pose est de déterminer la distinction entre les éléments obligatoires dont l'absence rend l'offre irrégulière et les éléments d'information utiles mais non indispensables, dont l'absence entraîne une note de zéro sur le critère concerné. En l'espèce, pour le mémoire technique les informations sur les matériaux et leurs fiches techniques étaient considérées comme des éléments nécessaires. Leur absence rendait donc l'offre irrégulière, justifiant son élimination. Les questions soulevées portent sur la qualification des documents exigés et la marge d'appréciation du pouvoir adjudicateur.
Le Conseil d'État pose d'abord un principe général : "un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation". Il rappelle ainsi l'obligation d'éliminer, sans en apprécier la valeur, les offres incomplètes ne comportant pas l'ensemble des pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation.
La portée de la décision réside dans la distinction qu'opère la Haute juridiction entre deux catégories d'informations pouvant être demandées aux candidats. D'une part, les éléments "nécessaires pour la définition ou l'appréciation des offres" dont l'absence entraîne l'irrégularité de l'offre. D'autre part, les éléments qui, sans être indispensables, sont simplement "utiles au pouvoir adjudicateur pour lui permettre d'apprécier la valeur des offres" au regard d'un critère ou sous-critère. Pour cette seconde catégorie, le règlement de la consultation peut prévoir qu'en l'absence de ces informations, l'offre sera notée zéro sur le critère concerné, sans pour autant être considérée comme irrégulière.
En l'espèce, le Conseil d'État valide l'analyse de la cour administrative d'appel qui avait jugé que les informations relatives aux matériaux et leurs fiches techniques relevaient de la première catégorie. Leur absence rendait donc l'offre irrégulière, et ce malgré la rédaction "ambiguë" du règlement de la consultation qui semblait suggérer une simple sanction en termes de notation.
Cette décision s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure du Conseil d'État relative au caractère obligatoire du règlement de la consultation (CE, 23 novembre 2005, Société Axialogic) et à l'élimination des offres incomplètes (CE, 12 janvier 2011, Département du Doubs). Elle apporte toutefois une clarification bienvenue sur la distinction entre les pièces indispensables et les éléments d'information complémentaires, permettant ainsi aux acheteurs publics de moduler leurs exigences documentaires sans risquer d'entacher d'irrégularité leurs procédures de passation.
Cette solution concilie les impératifs de sécurité juridique et d'efficacité de la commande publique. Elle permet aux acheteurs d'obtenir les informations utiles à l'analyse approfondie des offres, tout en évitant le formalisme excessif qui conduirait à écarter des offres intéressantes pour de simples omissions de documents non essentiels.
Texte
[...]
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, le 18 juillet 2014, la collectivité territoriale de Corse a conclu avec un groupement composé des entreprises Raffalli et Pompéani un marché public de travaux en vue de la reconfiguration et de l'aménagement du carrefour de Furiani sur la route nationale n° 193. La société Vendasi, mandataire d'un groupement composé des sociétés Antoniotti, Via Corsa et PM Raffali, a saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à l'annulation de ce marché et à l'indemnisation du préjudice né de son éviction de la procédure de passation de ce marché. Par un jugement du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par un arrêt du 30 mars 2018, contre lequel la collectivité territoriale de Corse se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et le marché en litige, puis ordonné une expertise aux fins de déterminer le montant du manque à gagner subi, du fait de son éviction irrégulière, par le groupement dont la société Vendasi est mandataire.
2. Un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation. Il est tenu d'éliminer, sans en apprécier la valeur, les offres incomplètes, c'est-à-dire celles qui ne comportent pas toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation et sont, pour ce motif, irrégulières. Cette obligation ne fait pas obstacle à ce que ces documents prévoient en outre la communication, par les soumissionnaires, d'éléments d'information qui, sans être nécessaires pour la définition ou l'appréciation des offres et sans que leur communication doive donc être prescrite à peine d'irrégularité de l'offre, sont utiles au pouvoir adjudicateur pour lui permettre d'apprécier la valeur des offres au regard d'un critère ou d'un sous-critère et précisent qu'en l'absence de ces informations, l'offre sera notée zéro au regard du critère ou du sous-critère en cause.
3. Pour juger que l'offre du groupement des entreprise Raffalli et Pompéani était incomplète et, donc, irrégulière, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé qu'elle ne comportait pas certaines informations, relatives notamment aux matériaux utilisés pour la réalisation des travaux et à leurs fiches techniques. En jugeant ainsi que la communication de ces éléments relatifs au contenu des offres était prescrite par le règlement de la consultation, elle n'a pas dénaturé celui-ci. Elle n'a par ailleurs commis aucune erreur de droit. En effet, alors même que, ainsi qu'il ressort du dossier soumis à la cour, ce règlement prévoyait, parmi les critères d'attribution, un critère de la valeur technique divisé en un sous-critère relatif à la méthodologie employée, un sous-critère relatif aux matériels employés et aux personnels affectés et un sous-critère relatif à la qualité des matériaux et des prestations et qu'il ajoutait, en des termes au demeurant ambigus, que " toute absence de renseignement d'un sous-critère sera sanctionnée d'une note égale à zéro ", la production d'informations sur la qualité des matériaux employés, notamment de leurs fiches techniques, ne pouvait être regardée que comme une production d'éléments nécessaires prescrite par le règlement, dont l'absence dans une offre entraînait nécessairement son irrégularité.
4. Il résulte de ce qui précède que la collectivité territoriale de Corse n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
[...]
MAJ 25/09/19 - Source legifrance
Jurisprudence
CE, 18 octobre 2024, n° 474772 (Mémoire technique incomplet entrainant le rejet de l'offre. L'absence de détails sur des éléments exigés constituait une violation du règlement de la consultation. Le Conseil d'État examine la portée de l'insuffisante précision des moyens matériels décrits dans l'offre technique, en confirmant la qualification d'irrégulière d'une offre dont la description a été jugée insuffisante. En l'espèce, dans le cadre d'une procédure adaptée, l'offre retenue pour un marché de fourniture et renouvellement de matériau filtrant a été censurée car elle ne décrivait pas avec suffisamment de précision les équipements dédiés au chantier, notamment concernant le système de pompage).
TUE, 14 juin 2023, Aff. n° T-376/21, Instituto Cervantes / Commission Européenne (Analyse des risques potentiels associés à l'utilisation de liens hypertextes dans les offres de marchés publics, tels que la modification des documents après le dépôt de l'offre).
Mémoire technique incomplet et irrégularité potentielle de l’offre. Un mémoire incomplet vous expose à déclarer votre offre irrégulière. Irrégularité d'une offre ne comportant pas l’ensemble des éléments techniques exigés par les documents de la consultation et nécessaires à son appréciation. L'offre était ainsi incomplète et non, comme le soutient la société, insuffisante au regard des exigences du pouvoir adjudicateur. Dans ces conditions, l'acheteur pouvait rejeter cette offre comme irrégulière sans être tenu à inviter l'entreprise à la régulariser (TA Nancy, 4 janvier 2021, n° 2003245, Société Prestini TP).
CAA Paris, 4 août 2011, n° 09PA05511 (Irrégularité d'une offre incomplète au regard des documents exigés par le règlement de consultation. Conséquences du non-respect des exigences formelles fixées par le règlement de la consultation, notamment concernant les pièces devant être produites par les candidats. Offre ne comprenant pas le bordereau des prix unitaires, ni le mémoire justificatif requis, et comportant un état des prix forfaitaires incomplet).
CE, 23 mai 2011, n° 339406, Commune d'Ajaccio - Mentionné au tables du recueil Lebon (Pour l'appréciation des critères de jugement des offres il faut bien distinguer critère et simple méthode de notation des offres).
CE, 12 janvier 2011, n° 343324, Département du DOUBS (Le pouvoir adjudicateur a l'obligation d'éliminer une offre incomplète. Une offre irrégulière est une offre qui répond aux besoins du pouvoir adjudicateur, mais qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation ou qui ne contient pas toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation. CCTP qui exigeait de fournir les caractéristiques du matériel affecté pour l'exécution du marché. Il appartient, dans ce cas, au pouvoir adjudicateur de vérifier si les candidats au marché justifient, lors du dépôt de leur offre, qu'ils ont entrepris les démarches suffisantes pour disposer effectivement du matériel nécessaire au commencement de l'exécution du marché. Une entreprise, "qui n’avait fourni qu’un simple devis signé obtenu auprès d’un garage et revêtu de la mention lu et approuvé", ne répond pas à ces conditions).
CE, 22 décembre 2008, n° 314244, Ville de Marseille / France Télécom (L'entité adjudicatrice peut s'affranchir des exigences du règlement de la consultation quand la fourniture des éléments demandés ne présente pas d'utilité pour l'appréciation de l'offre notamment parce que ces informations ont un caractère public. L'utilité d'une information au regard de l'appréciation des offres relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.)
CE, 23 novembre 2005, n° 267494, Société Axialogic (le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions).