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https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:62021TJ0376
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Par son troisième moyen, le requérant reproche à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle a rejeté les éléments de l’offre accessibles par un lien hypertexte.
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Premièrement, le requérant soutient qu’il pouvait déposer sur eSubmission des éléments de l’offre accessibles par un lien hypertexte, puisque, d’une part, la disposition du cahier des charges en cause ne contenait pas une interdiction explicite à cet égard et, d’autre part, l’utilisation des liens hypertextes permet de mieux visualiser le fonctionnement de la proposition technique et toutes ses potentialités.
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Deuxièmement, étant donné que la règle ne serait pas claire et que le requérant aurait raisonnablement pu considérer que le document accessible par un lien hypertexte intégré dans l’offre serait pris en considération, ce dernier soutient que la Commission aurait dû lui demander de justifier le procédé et, si elle l’estimait utile, d’effectuer un dépôt complémentaire.
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À cet égard, en premier lieu, le requérant estime que le risque de modification de l’offre, sur la base duquel la Commission a décidé de ne pas évaluer certains documents, était hypothétique. Selon le requérant, il serait techniquement démontrable qu’aucune modification n’a été apportée aux documents, dans la mesure où ils auraient tous été verrouillés à la date de leur dépôt. Ainsi, pour exercer effectivement son pouvoir d’appréciation, le requérant estime que la Commission devait vérifier si les éléments litigieux avaient été modifiés ou l’interroger sur la date à laquelle l’élément accessible par le lien hypertexte avait été déposé sur la plateforme, par analogie avec le régime applicable aux offres imprécises ou incomplètes, au lieu de présumer de la mauvaise foi du requérant. À cet égard, le requérant invoque la jurisprudence selon laquelle le pouvoir adjudicateur pourrait demander la communication d’un document dont l’existence avant la date impartie pour le dépôt de l’offre est « objectivement vérifiable ».
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En second lieu, le requérant fait observer que lors d’une procédure de passation de marché antérieure, portant sur l’organisation de tests linguistiques (réf. HR/2020/OP/0004), à laquelle il avait également participé et lors de laquelle les prescriptions relatives au dépôt du dossier étaient formulées en termes identiques, le comité chargé d’évaluer les offres pour la Commission avait accepté l’utilisation de liens hypertextes dans l’offre du requérant. La décision d’attribution de ce marché ayant été notifiée au requérant avant la date impartie pour le dépôt des offres pour l’attribution du marché qui fait l’objet du présent litige, le requérant estime avoir légitimement pu considérer que le lien hypertexte intégré dans l’offre serait accepté par la Commission. L’approche inverse adoptée pour l’attribution du présent marché aurait donc trompé son attente légitime et revêtirait un caractère arbitraire.
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Par ailleurs, le requérant soutient que l’argument de la Commission invoquant les règles relatives au dépôt des offres pour justifier le rejet de certains éléments de l’offre a été soulevé a posteriori, en ce qu’il y est fait référence pour la première fois dans la lettre du 25 mai 2021.
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En effet, ladite règle de dépôt des offres relative à l’emploi de l’application eSubmission fonctionnerait seulement comme un mécanisme d’exclusion des offres, et non comme des documents faisant partie de l’offre. Ainsi, les éléments litigieux seraient soumis aux exigences du principe d’égalité, et non à ce régime d’exclusion.
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Afin de démontrer que l’erreur légitime du requérant a été partagée par les autres soumissionnaires, ce dernier demande au Tribunal d’enjoindre à la Commission de produire des informations concernant, dans un premier temps, la mesure dans laquelle les autres soumissionnaires du lot no 3 et des autres lots du marché ont soumis des documents par le même procédé dans le cadre de leurs offres et, dans un second temps, la manière dont la Commission a traité cette erreur dans le cadre de ces évaluations.
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Le requérant a également déposé dans le dossier de la procédure les captures d’écran de tous les documents accessibles par un lien hypertexte, avec leurs propriétés.
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Le Royaume d’Espagne partage les arguments du requérant et ajoute de nouveaux éléments.
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Premièrement, le Royaume d’Espagne apporte de nouveaux éléments factuels pour faire valoir que le cahier des charges ne contenait aucune interdiction, ni explicite ni implicite, concernant les liens hypertextes.
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À cet égard, en premier lieu, dès lors que la Commission aurait envisagé l’utilisation de liens hypertextes ailleurs dans le cahier des charges, notamment s’agissant de l’accès au mandat donné au signataire de l’offre et des éléments se situant dans un document enregistré avec un code ISBN (International Standard Book Number), le Royaume d’Espagne estime qu’elle aurait dû expressément exclure leur utilisation dans le cadre de la soumission des documents par le biais de l’application eSubmission.
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En deuxième lieu, le Royaume d’Espagne relève que l’utilisation d’un hyperlien dans un document soumis au moyen d’eSubmission ne peut pas être assimilée à l’absence de soumission d’un document, ce qui serait révélé notamment par le fait que la Commission aurait accédé au contenu des documents accessibles par des liens hypertextes, bien qu’elle les ait considérés comme « non soumis ».
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En troisième lieu, le Royaume d’Espagne relève que la Commission fait preuve d’incohérence et va à l’encontre de ses propres actes. D’abord, la Commission inclurait tout naturellement des dizaines de liens hypertextes dans les documents contractuels, mais resterait surprise que les soumissionnaires utilisent la même technique. Ensuite, parmi les objectifs du pouvoir adjudicateur figurerait l’adaptation des méthodes de travail à leur finalité, de manière flexible et constamment améliorée, en exploitant les avantages des réseaux. Enfin, dans le cadre de l’évaluation du sous-critère 1.3, la Commission aurait bien évalué la plateforme après avoir utilisé un lien hypertexte, bien que cette plateforme d’enseignement en ligne ne soit pas hébergée par l’application eSubmission.
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Deuxièmement, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission a violé le droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, en ce qu’elle n’a pas demandé au requérant de démontrer qu’il n’avait pas modifié son offre, et a simplement rejeté les documents en cause.
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La Commission conteste tant les arguments du requérant que ceux du Royaume d’Espagne et conclut au rejet du troisième moyen.
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À cet égard, il convient de relever que, par son troisième moyen, le requérant soutient, en substance, qu’il pouvait déposer certains documents faisant partie de l’offre en utilisant des liens hypertextes et que la Commission devait tenir compte de ces documents.
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En premier lieu, il convient de déterminer si le requérant pouvait, conformément au cahier des charges, soumettre certaines parties de son offre en utilisant des liens hypertextes qui conduisaient vers un document accessible sur un site Internet sous le contrôle du soumissionnaire.
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Le cahier des charges dispose, à la page 79, que « [l]es offres doivent être soumises au moyen de l’application eSubmission, en suivant les instructions indiquées dans l’invitation à soumissionner et dans le guide pratique du système eSubmission ». Il y est également indiqué que l’offre technique « doit fournir toutes les informations nécessaires » pour évaluer la conformité avec le cahier des charges et avec les critères d’attribution.
139
L’utilisation, par le pouvoir adjudicateur, du verbe « soumettre » et de la phrase « au moyen de l’application » signifie, d’un point de vue tant textuel que contextuel, que l’« offre » doit être téléchargée directement sur la plateforme eSubmission et que seuls les documents ayant suivi ce processus font partie de ladite offre. Il s’ensuit que les liens hypertextes, tels qu’ils ont été présentés dans l’offre du requérant, ne sauraient être permis, puisqu’ils ne respectent pas l’exigence précitée imposée par le cahier des charges. Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en compte les documents obtenus via les liens hypertextes en question.
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Il convient de préciser que cette approche est conforme à l’objectif poursuivi par l’application eSubmission, qui est de faciliter la soumission des offres via une application sécurisée.
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De même, la soumission par cette application sécurisée permet d’assurer le respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires prévu à l’article 160, paragraphe 1, du règlement financier, en ce qu’elle garantit au pouvoir adjudicateur de garder le contrôle des documents qui lui sont soumis. Elle prévient ainsi de tout risque de modification de documents qui ne seraient accessibles que par le biais d’un lien hypertexte et qui n’auraient donc pas été téléchargés directement dans l’application eSubmission.
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Dans ce contexte, il y a lieu de noter qu’un soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent est en mesure de savoir qu’il a l’obligation de soumettre son offre dans le délai imparti et que, au-delà de ce délai, celle-ci ne peut plus être modifiée. Par conséquent, un tel soumissionnaire ne saurait déduire du cahier des charges en cause qu’il serait permis d’inclure dans son offre des liens hypertextes qui conduisent vers un document accessible sur un site Internet sous son contrôle. En effet, cette manière de procéder n’est pas autorisée par le cahier des charges et, au surplus, ne garantit pas que les documents concernés ne peuvent pas être modifiés après le délai de dépôt des offres.
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Par ailleurs, dès lors que l’inclusion de liens hypertextes dans l’offre du requérant n’était pas permise, la Commission n’était pas tenue de vérifier si les documents en cause avaient été modifiés ni de les accepter.
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Au demeurant, et en tout état de cause, il convient de relever que ces documents se trouvaient sur un site Internet sous le contrôle du soumissionnaire et que les éléments de preuve apportés par le requérant visent à démontrer le fait que les documents en cause n’ont pas été modifiés et non pas le fait qu’ils ne pouvaient pas être modifiés. En particulier, ni les déclarations ou captures d’écran des propriétés des documents soumis par le requérant, ni la possibilité de prendre en compte le certificat invoqué par le Royaume d’Espagne dans ses écritures ne sont en mesure de démontrer que les documents en cause étaient sous le contrôle de la Commission et, partant, ne pouvaient pas être modifiés. Il en va de même pour la présentation faite par le responsable informatique du requérant lors de l’audience, durant laquelle ce dernier a également souligné que ces documents pouvaient être modifiés, mais que toute modification aurait laissé une trace dans son système informatique.
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Par ailleurs, s’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne, exposé au point 133 ci-dessus, selon lequel la Commission aurait fait preuve d’incohérence et irait à l’encontre de ses propres actes, il convient de noter que, eu égard au fait que le requérant a reçu le maximum de points au sous-critère 1.3, cette prétendue erreur de la Commission ne saurait avoir une quelconque incidence en l’espèce. De plus, force est de constater que le requérant n’a pas contesté ce sous-critère. Partant, cet argument doit être écarté.
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En deuxième lieu, la conclusion énoncée au point 143 ci-dessus ne saurait être remise en cause par l’argument du requérant selon lequel il s’agirait d’un document « objectivement vérifiable » et selon lequel la Commission aurait donc dû lui demander de soumettre à nouveau les documents qui étaient accessibles par des liens hypertextes.
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À cet égard, il convient de relever que l’arrêt du 10 octobre 2013, Manova (C‑336/12, EU:C:2013:647), mentionné par le requérant, se réfère à la possibilité de corriger ou de compléter une offre pour effectuer une simple clarification ou pour mettre fin à des erreurs matérielles manifestes. En l’espèce, il ne s’agit pas d’une clarification ou d’une correction des documents, mais d’une nouvelle soumission des documents, lesquels auraient d’ailleurs pu être modifiés entre-temps. En particulier, il ressort de la jurisprudence qu’il n’est pas permis de manière générale à un soumissionnaire de fournir les documents requis par le cahier des charges et qui n’ont pas été soumis dans le délai imparti pour soumettre les offres (arrêt du 11 mai 2017, Archus et Gama, C‑131/16, EU:C:2017:358, point 36). Partant, eu égard à cette jurisprudence, la Commission n’était pas tenue de demander au requérant de soumettre à nouveau les documents qui avaient été rendus accessibles par des liens hypertextes.
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En troisième lieu, il convient d’analyser les arguments du requérant tirés d’une violation de sa confiance légitime. Tout d’abord, le requérant n’a pas démontré l’existence d’assurances concordantes de la Commission qui permettraient l’utilisation de liens hypertextes. En tout état de cause, un opérateur économique ne saurait se prévaloir du principe de la confiance légitime dans le cas où les assurances données ne seraient pas conformes aux normes applicables (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 75 et jurisprudence citée ; arrêt du 24 janvier 2017, Nausicaa Anadyomène et Banque d’escompte/BCE, T‑749/15, non publié, EU:T:2017:21, point 81). Partant, il y a lieu de rejeter les arguments du requérant tirés d’une violation de sa confiance légitime.
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En quatrième lieu, s’agissant de la prétendue violation du droit d’être entendu, consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, soulevée par le Royaume d’Espagne dans son mémoire en intervention, il y a lieu de relever que la Charte s’applique également aux procédures de passation des marchés (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C-129/13 et C-130/13, EU:C:2014:2041, points 28 à 31). En effet, le soumissionnaire doit être mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision. Ce droit est assuré au moment du dépôt de son offre, ainsi que par la possibilité du soumissionnaire de demander des clarifications concernant les dispositions du cahier des charges. Partant, le fait que, après l’évaluation des offres, aucune étape ultérieure pour fournir des explications complémentaires n’est prévue ne saurait constituer une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte. Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argument relatif à la violation du droit d’être entendu.
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Par ailleurs, ainsi que cela a été exposé au point 127 ci-dessus, le requérant a demandé au Tribunal d’adopter une mesure d’instruction. Or, il n’y a pas lieu de donner suite à cette demande, car elle n’est pas nécessaire pour la résolution du litige, conformément à l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure, comme il ressort notamment des points 139 à 142. S’agissant, en revanche, de la demande de mesure d’instruction introduite par le Royaume d’Espagne, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 88 du règlement de procédure, une telle demande ne peut pas être présentée par le Royaume d’Espagne, qui est intervenant, dès lors qu’elle est réservée aux seules parties principales. Ainsi, il n’y a pas lieu de donner suite à cette demande.
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Dès lors, il y a lieu de rejeter le troisième moyen dans son intégralité comme étant non fondé.
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Jurisprudence
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Actualités
Liens hypertextes dans les mémoiress techniques des marchés publics : Quels sont les risques ? (Un soumissionnaire a l’obligation de soumettre son offre dans le délai imparti, au-delà de ce délai, celle-ci ne peut plus être modifiée. Mais qu’en est-il si certains éléments du mémoire technique sont accessibles uniquement par des liens hypertextes intégrés dans l’offre ? Le pouvoir adjudicateur a-t-il alors la garantie que ces éléments ne peuvent plus être modifiés après le délai de dépôt des offres ? Ces questions, liées à la réponse électronique, se sont posées dans un litige opposant un soumissionnaire dont l’offre a été rejetée et la Commission Européenne TUE, 14 juin 2023, Aff. n° T-376/21, Instituto Cervantes / Commission Européenne).