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30 juin 2023
L'affaire TUE, 14 juin 2023, Aff. n° T-376/21, Instituto Cervantes / Commission Européenne, amène à l'analyse des risques potentiels associés à l'utilisation de liens hypertextes dans les offres de marchés publics, tels que la modification des documents après le dépôt de l'offre.
Un soumissionnaire a l’obligation de soumettre son offre dans le délai imparti, au-delà de ce délai, celle-ci ne peut plus être modifiée.
Ces questions, liées à la réponse électronique, se sont posées dans un litige opposant un soumissionnaire dont l’offre a été rejetée et la Commission Européenne.
Le litige en question concerne un marché public lancé par la Commission européenne. Une société requérante a soumis une offre en utilisant des liens hypertextes pour certains éléments de son offre. La Commission a rejeté ces éléments, estimant qu'ils n'étaient pas conformes aux règles de dépôt des offres. Le requérant conteste cette décision, soutenant qu'il pouvait utiliser des liens hypertextes et que la Commission aurait dû vérifier si les éléments litigieux avaient été modifiés ou l'interroger sur la date à laquelle l'élément accessible par le lien hypertexte avait été déposé.
En l’occurrence le requérant a déposé sur la plateforme eSubmission certains éléments illustrant la proposition technique décrite dans son offre, lesquels étaient accessibles uniquement par des liens hypertextes intégrés dans l’offre.
La Commission a informé le requérant du fait qu’elle avait rejeté ces éléments et ne les avait pas évalués, au motif que ces derniers n’étaient pas conformes au cahier des charges et qu’il existait un risque de modification de l’offre par l’entremise desdits liens hypertextes, après la date limite de dépôt des offres.
Ainsi, la Commission a considéré que les documents accessibles uniquement par lesdits liens hypertextes faisaient défaut.
La Commission soutient que les éléments de l'offre accessibles par un lien hypertexte n'ont pas été pris en compte, car ils ne respectaient pas les règles relatives au dépôt des offres. Selon la Commission, les offres doivent être soumises au moyen de l'application eSubmission, et l'utilisation de liens hypertextes ne garantit pas que les documents concernés ne peuvent pas être modifiés après le délai de dépôt des offres.
Le requérant estime qu'il pouvait déposer sur eSubmission des éléments de l’offre accessibles par un lien hypertexte, puisque la disposition du cahier des charges en cause ne contenait pas une interdiction explicite à cet égard. Il soutient également que l'utilisation des liens hypertextes permet de mieux visualiser le fonctionnement de la proposition technique et toutes ses potentialités. Le requérant considère que la Commission aurait dû lui demander de justifier le procédé et, si elle l’estimait utile, d’effectuer un dépôt complémentaire.
Le tribunal a examiné le moyen du requérant tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison du rejet des éléments de l’offre accessibles par un lien hypertexte. Il a rappelé que les offres doivent être soumises au moyen de l’application eSubmission et que l’utilisation de liens hypertextes ne respecte pas cette exigence.
L’utilisation, par le pouvoir adjudicateur, du verbe « soumettre » et de la phrase « au moyen de l’application » signifie, d’un point de vue tant textuel que contextuel, que l’« offre » doit être téléchargée directement sur la plateforme eSubmission et que seuls les documents ayant suivi ce processus font partie de ladite offre. Il s’ensuit que les liens hypertextes, tels qu’ils ont été présentés dans l’offre du requérant, ne sauraient être permis, puisqu’ils ne respectent pas l’exigence précitée imposée par le cahier des charges. Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en compte les documents obtenus via les liens hypertextes en question.
Le tribunal a également souligné que l'utilisation de liens hypertextes ne garantit pas que les documents concernés ne peuvent pas être modifiés après le délai de dépôt des offres, ce qui est contraire au principe d’égalité de traitement des soumissionnaires.
De même, la soumission par cette application sécurisée permet d’assurer le respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires prévu à l’article 160, paragraphe 1, du règlement financier, en ce qu’elle garantit au pouvoir adjudicateur de garder le contrôle des documents qui lui sont soumis. Elle prévient ainsi de tout risque de modification de documents qui ne seraient accessibles que par le biais d’un lien hypertexte et qui n’auraient donc pas été téléchargés directement dans l’application eSubmission.
Le tribunal a rejeté l'argument du requérant selon lequel il s'agirait d'un document « objectivement vérifiable » et selon lequel la Commission aurait donc dû lui demander de soumettre à nouveau les documents qui étaient accessibles par des liens hypertextes. Il a rappelé que la jurisprudence ne permet pas à un soumissionnaire de fournir les documents requis par le cahier des charges et qui n’ont pas été soumis dans le délai imparti pour soumettre les offres.
Le tribunal a également rejeté les arguments du requérant tirés d’une violation de sa confiance légitime et d'une supposée violation du droit.
Il a conclu que le troisième moyen doit être rejeté dans son intégralité comme étant non fondé.
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