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Analyse des offres dans les marchés publics

L'analyse des offres dans la commande publique : un processus encadré

L'analyse des offres constitue une étape fondamentale dans le processus de passation des marchés publics. Cette phase, qui intervient après la réception des candidatures et des offres, vise à sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse pour répondre aux besoins de l'acheteur public. Ce processus, loin d'être une simple formalité administrative, est encadré par un corpus juridique dense et une jurisprudence abondante, visant à garantir les principes fondamentaux de la commande publique : liberté d'accès à la commande publique, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures.

L'analyse des offres est régie par les articles L2152-1 à L2152-4 et R2152-1 à R2152-13 du Code de la commande publique. Elle s'inscrit dans un processus organisé qui, après élimination des offres non conformes, puis la notation de celles restantes selon les critères publiés, leur classement après pondération de ces notes, aboutit à l'attribution du marché à celle déclarée « économiquement la plus avantageuse ». Elle conduit à la rédaction d'un rapport d'analyse des offres.

Le cadre juridique de l'analyse des offres

Les principes fondamentaux

L'analyse des offres s'inscrit dans le respect des principes fondamentaux de la commande publique, énoncés à l'article L.3 du Code de la commande publique : La liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures

Ces principes, réaffirmés par la jurisprudence guident l'ensemble du processus d'analyse des offres (par exemple pour les délégations de service public : CE, 23 décembre 2009, n° 328827, Établissement public du musée et du domaine national de Versailles).

Les textes applicables

Le cadre juridique de l'analyse des offres est principalement défini par :

  • Le Code de la commande publique, notamment ses articles L.2152-1 à L.2152-8 et R.2152-1 à R.2152-13
  • Les directives européennes 2014/24/UE et 2014/25/UE
  • La jurisprudence administrative française et européenne

Les critères de sélection et leur pondération

Le choix des critères

Le choix des critères de sélection est une étape fondamentale qui conditionne la qualité de l'analyse des offres. L'article R.2152-7 du Code de la commande publique énonce que l'offre économiquement la plus avantageuse est appréciée sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution.

Les critères les plus couramment utilisés sont : Le prix ou le coût, la valeur technique, le délai d'exécution, les performances en matière de protection de l'environnement, la qualité, …

Il est important de noter que le choix des critères doit être adapté à l'objet du marché. Ainsi, dans une décision du 3 novembre 2014 (CE, 3 novembre 2014, n° 373362, Commune de Belleville-sur-Loire), le Conseil d'État a rappelé que les critères choisis doivent permettre de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse et ne doivent pas être discriminatoires.

La pondération des critères

La pondération des critères est obligatoire pour les procédures formalisées, comme le précise l'article R.2152-12 du Code de la commande publique. Elle permet d'attribuer à chaque critère un poids relatif dans la note finale.

La jurisprudence a apporté des précisions sur la pondération et notamment elle ne doit pas être de nature à neutraliser un critère (CE, 3 novembre 2014, n° 373362, Commune de Belleville-sur-Loire)

Le processus d'analyse des offres

L'examen de la conformité des offres

La première étape de l'analyse consiste à vérifier la conformité des offres aux exigences formulées dans les documents de la consultation. Les offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables sont éliminées, conformément à l'article L2152-1 du Code de la commande publique.

La jurisprudence a précisé les contours de ces notions :

L'analyse comparative des offres

Une fois les offres non conformes écartées, l'acheteur procède à une analyse comparative des offres restantes. Cette analyse doit être menée de manière objective et impartiale, en se basant uniquement sur les critères annoncés dans les documents de la consultation.

La méthode de notation

La méthode de notation doit permettre de classer les offres de manière objective. Si la méthode n'a pas à être communiquée aux candidats, elle ne doit pas être discriminatoire ou fausser la concurrence.

La jurisprudence a apporté des précisions importantes sur ce point :

La méthode de notation ne doit pas conduire à neutraliser un critère de sélection

CE, 3 novembre 2014, n° 373362, Commune de Belleville-sur-Loire. Dans cette affaire, la commune de Belleville-sur-Loire avait mis en place une méthode de notation des offres pour un marché public de travaux qui prévoyait que le prix serait noté sur 10 points et la valeur technique sur 90 points. Le Conseil d'État a annulé le marché public, considérant que cette méthode de notation avait pour effet de neutraliser le critère du prix. En effet, étant donné que la valeur technique était pondérée à 90%, une différence de prix même importante ne pouvait pas permettre à une offre d'obtenir une note supérieure à une autre offre dont la valeur technique était nettement meilleure.

Le Conseil d'État a rappelé que le pouvoir adjudicateur a certes la liberté de définir les critères de sélection des offres et les modalités de leur évaluation, mais que cette liberté ne doit pas s'exercer au détriment des principes d'égalité de traitement et de transparence. En pratique, cela signifie que la méthode de notation doit être conçue de manière à ce que tous les critères de sélection puissent être pris en compte de manière effective et que l'un d'entre eux ne soit pas neutralisé par les autres. Par exemple, il ne serait pas acceptable de mettre en place une méthode de notation qui attribuerait automatiquement la note maximale sur un critère donné à l'offre la plus performante sur ce critère, sans tenir compte des autres critères. De même, il ne serait pas acceptable de pondérer un critère de manière tellement disproportionnée par rapport aux autres qu'il deviendrait le seul critère déterminant.)

Une méthode de notation conduisant à ce qu'un écart de prix minime puisse être compensé par une faible différence sur un autre critère est légale

CE, 15 février 2013, n° 363854, SFR. Dans cette affaire, le marché public concernait un contrat de fourniture de matériel et de services de télécommunications. Le pouvoir adjudicateur avait prévu une méthode de notation des offres où le prix était noté sur 60 points et la valeur technique sur 40 points. L'offre de la société SFR, qui était la moins disante, n'avait obtenu que 38 points sur 40 au critère de la valeur technique, tandis que l'offre de la société Orange, qui était plus chère, avait obtenu 40 points. Malgré cette différence de 2 points, le pouvoir adjudicateur a retenu l'offre de SFR car son écart de prix était jugé suffisamment important pour compenser cette différence. Le Conseil d'État a validé cette méthode de notation, considérant qu'il appartient au pouvoir adjudicateur de définir les critères de sélection des offres et les modalités de leur évaluation, dès lors que ces choix respectent les principes d'égalité de traitement et de transparence.

L’analyse des prix doit-elle se faire TTC ou HT ?

 

Le traitement des offres anormalement basses (OAB)

La détection des offres anormalement basses

L'article L2152-5 du Code de la commande publique impose à l'acheteur de détecter les offres anormalement basses. Cette notion n'est pas définie précisément par les textes, laissant à l'acheteur une marge d'appréciation.

La jurisprudence a toutefois apporté des éclairages :

Une offre ne peut être qualifiée d'anormalement basse par référence au seul écart de prix avec les autres offres

CE, 29 mai 2013, n° 366606, Ministre de l'Intérieur c/ Société Artéis. Dans cette affaire, le ministère de l'Intérieur avait écarté l'offre de la société Artéis pour un marché public de fourniture de matériel informatique au motif que son prix était anormalement bas par rapport aux autres offres. Le Conseil d'État a annulé la décision du ministère de l'Intérieur, considérant que le simple fait qu'une offre soit la moins disante ne suffit pas à la qualifier d'anormalement basse. En effet, le Conseil d'État a rappelé que l'appréciation du caractère anormalement bas d'une offre doit se faire au regard de plusieurs critères, tels que le prix des matières premières et des prestations, les coûts de main-d'œuvre, les frais généraux de l'entreprise, la marge bénéficiaire, les conditions d'exécution du marché. Le Conseil d'État a également souligné que le pouvoir adjudicateur a l'obligation de demander des justifications à l'entreprise qui a soumis l'offre la plus basse lorsqu'il a des raisons de penser que cette offre est anormalement basse. En pratique, cela signifie que les acheteurs publics ne peuvent pas se baser uniquement sur l'écart de prix entre les offres pour écarter une offre qu'ils jugent anormalement basse. Ils doivent mener une analyse approfondie de l'offre en question et demander des justifications à l'entreprise si nécessaire)

Tenir compte de l'ensemble des éléments de l'offre et du contexte économique du secteur

L'acheteur doit tenir compte de l'ensemble des éléments de l'offre et du contexte économique du secteur pour apprécier son caractère anormalement bas.

CE, 30 mars 2017, n° 406224, Région Réunion. Dans cette affaire, la Région Réunion avait écarté l'offre de la société Océane pour un marché public de travaux de construction au motif que son prix était anormalement bas par rapport aux autres offres.

Le Conseil d'État a annulé la décision de la Région Réunion, considérant que l'acheteur n'avait pas tenu compte de l'ensemble des éléments de l'offre et du contexte économique du secteur pour apprécier son caractère anormalement bas. En effet, le Conseil d'État a relevé que la Région Réunion s'était uniquement basée sur l'écart de prix entre les offres pour écarter l'offre de la société Océane. Or, le Conseil d'État a rappelé que l'acheteur doit examiner l'offre dans son ensemble)

Les variantes et les prestations supplémentaires éventuelles

Les variantes

Les variantes permettent aux soumissionnaires de proposer une solution alternative à celle prévue dans le cahier des charges. Le régime des variantes diffère selon le type de marché et la procédure utilisée.

Pour les marchés publics autres que de défense ou de sécurité passés par un pouvoir adjudicateur en procédure formalisée, les variantes sont interdites sauf mention contraire dans l'avis de marché. En procédure adaptée, elles sont autorisées sauf mention contraire.

L'acheteur doit veiller à ce que les variantes proposées ne portent pas sur des éléments du cahier des charges identifiés par lui comme ne pouvant pas faire l'objet d'une variante et ne remettent pas en cause le projet de base. Le Conseil d'État a ainsi jugé qu'une offre proposant la construction d'un catamaran alors que la mise en concurrence portait sur celle d'un monocoque était inappropriée (CE, 28 juillet 1999, n° 186051 et 186219, Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération et Société Océa).

Les prestations supplémentaires éventuelles (PSE)

Les PSE sont des prestations que l'acheteur se réserve le droit de commander ou non lors de la signature du contrat. Elles doivent être en rapport direct avec l'objet du marché et le cahier des charges doit définir leurs spécifications techniques avec précision.

L'analyse des PSE dépend de leur caractère obligatoire ou facultatif. Lorsqu'elles sont obligatoires, elles sont prises en compte dans l'évaluation comparative des offres. Lorsqu'elles sont facultatives, elles ne sont pas prises en compte lors de l'analyse des offres (CE, 15 juin 2007, n° 299391, Ministre de la défense - Société Electronic Data Systems.

Dans cette affaire, le ministre de la Défense avait écarté l'offre d'une entreprise pour un marché public de travaux de construction au motif qu'elle n'avait pas chiffré les prestations supplémentaires éventuelles (PSE) obligatoires. Le Conseil d'État a annulé la décision du ministre de la Défense, considérant que les PSE obligatoires doivent être prises en compte dans l'évaluation comparative des offres, même si elles n'ont pas été chiffrées par l'entreprise.

En effet, le Conseil d'État a rappelé que les PSE obligatoires font partie intégrante du marché public et que l'acheteur a l'obligation de les prendre en compte lors de l'analyse des offres. Le Conseil d'État a également souligné que le fait de ne pas chiffrer les PSE obligatoires ne constitue pas une faute de l'entreprise qui peut être sanctionnée par l'écartement de son offre.

En revanche, le Conseil d'État a jugé que les PSE facultatives ne doivent pas être prises en compte dans l'évaluation comparative des offres. En effet, les PSE facultatives ne font pas partie intégrante du marché public et l'acheteur n'est pas tenu de les prendre en compte lors de l'analyse des offres.

En pratique, cela signifie que les acheteurs publics doivent distinguer clairement entre les PSE obligatoires et les PSE facultatives dans les documents de la consultation. Ils doivent également préciser si les PSE obligatoires doivent être chiffrées par les entreprises et, dans l'affirmative, les modalités de chiffrage.).

Jurisprudence

CAA Lyon, 21 mars 2024, n° 22LY01798 (L’analyse des offres doit prendre en compte les éléments figurant dans le mémoire technique. Analyse des offres et erreur matérielle entachant le décompte des effectifs qui figurait pourtant dans le mémoire technique. Réévaluation de l’indemnisation doit tenir compte de la chance sérieuse qu'avait l'entreprise d'obtenir le marché et du bénéfice net escompté en cas d'obtention du marché).

CE, 22 octobre 2014, n° 382495, Société EBM Thermique (Pas de conflit d'intérêt en l'absence de preuve d'un intérêt personnel ou d'une capacité d'influence particulière de nature à créer un doute légitime sur l'impartialité [Non reconnaissance d’une situation de conflit d’intérêts]. Est régulière la pratique n'attribuant pas la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas en prenant en considération les quantités estimées résultant de solutions techniques alternatives).

Actualités

Neutralisation de critères de sélection lors de l’analyse des offres (La méthode de notation des critères de sélection des offres est libre mais ne doit pas neutraliser leur pondération de manière à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie (TA Lille, 6 juin 2023, n° 2304098, CIG Linselles Bousbecque). -15 juin 2023.

Options et prestations supplémentaires éventuelles (PSE) - Fiche technique de la DAJ - Un candidat peut-il être favorisé lors de l'analyse des offres selon qu'elle est réalisée avec ou sans prise en compte des PSE ? - 21 juillet 2011

Question écrite n° 00527 de M. Bernard Piras JO Sénat du 16/07/2009 - Attribution du marché dans le cadre de la procédure d'appel d'offres des collectivités territoriales par la commission d'appel d'offres.

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