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CAA Lyon, 21 mars 2024, n° 22LY01798 - L’analyse des offres

CAA Lyon, 21 mars 2024, n° 22LY01798 - L’analyse des offres doit prendre en compte les éléments figurant dans le mémoire technique

L'analyse des offres via le mémoire technique est une étape importante dans la procédure d'attribution d'un marché public. Les entreprises doivent veiller à présenter une offre complète et précise, tandis que les pouvoirs adjudicateurs doivent évaluer les offres de manière impartiale et objective. En cas d'irrégularités ou d'erreurs dans l'évaluation des offres, les entreprises évincées peuvent demander réparation pour le préjudice subi. Dans ce cas, l'indemnisation doit tenir compte de la chance sérieuse qu'avait l'entreprise d'obtenir le marché et du bénéfice net escompté en cas d'obtention du marché.

Dans le cadre de la procédure d'appel d'offres pour la construction d'un bâtiment administratif et technique de la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron, la société SMG 26 a présenté une offre qui n'a pas été retenue. La société a donc saisi le tribunal administratif de Lyon pour contester la décision d'attribution du marché au groupement DCA-Desmarais TP et demander réparation pour le préjudice subi du fait de son éviction illégale.

Le tribunal administratif a partiellement fait droit à la demande de la société SMG 26 en condamnant la communauté de communes à lui verser une somme de 1 500 euros en dédommagement des frais de présentation de l'offre, outre 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Toutefois, la société SMG 26 a interjeté appel de cette décision, estimant que le préjudice subi était plus important.

Dans son appel, la société SMG 26 soutient que le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé concernant l'examen du moyen tiré de l'irrégularité de l'invitation faite à la société attributaire par le pouvoir adjudicateur à régulariser son offre. Elle estime également que le tribunal a commis une erreur en retenant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la notation du sous-critère de la valeur technique intitulé "moyens humains et moyens matériels", mais en estimant que cette erreur n'était pas de nature à avoir eu une influence sur le classement des offres.

La société SMG 26 conteste également l'appréciation des moyens matériels et humains mentionnés dans son offre. Elle estime que l'offre du groupement attributaire proposait des moyens humains inférieurs aux siens qualitativement et quantitativement, et que les moyens humains du groupement attributaire affectés au lot en cause provenaient exclusivement d'une société spécialisée en terrassement.

En effet, « Après avoir censuré l'erreur matérielle qui entachait le décompte des effectifs que la requérante prévoyait d'affecter à l'exécution du marché, mais refusé de considérer que cette erreur, si elle n'avait pas été commise par le pouvoir adjudicateur, aurait été de nature à entacher la notation de la valeur technique de l'offre et donc, à modifier la désignation de l'attributaire, le tribunal a limité la condamnation de la communauté de communes à l'indemnisation des frais de présentation de l'offre en ne regardant la société SMG 26 que comme non dépourvue de toute chance d'emporter le marché ».

En ce qui concerne l'indemnisation, la société SMG 26 demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire et de porter la condamnation de la communauté de communes à 91 289 euros, correspondant au montant du bénéfice net escompté.

La cour a examiné l'offre de la société SMG 26 et a constaté que celle-ci avait été sous-évaluée en raison d'une erreur de notation du critère de la valeur technique. Cette erreur a eu pour conséquence de priver la société SMG 26 d'une chance sérieuse d'obtenir le marché. La cour a donc considéré que la société SMG 26 était fondée à demander l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice, comprenant les frais d'études et d'élaboration de son offre ainsi que le bénéfice net escompté.

La cour a évalué le préjudice subi par la société SMG 26 à hauteur de 44 450 euros, soit 7 % du montant du marché. Cette évaluation tient compte du fait que la société SMG 26 avait une chance sérieuse d'obtenir le marché et que le préjudice subi correspond au bénéfice net escompté en cas d'obtention du marché.

En conséquence, la cour a condamné la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron à verser à la société SMG 26 la somme de 44 450 euros en réparation du préjudice subi, outre une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

[…]

Procédure contentieuse antérieure

La société SMG 26 a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler ou de résilier le marché public n° 2019-008 conclu par la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron avec le groupement DCA-Desmarais TP, pour l'exécution du lot n° 3 " gros œuvre " des travaux de construction d'un bâtiment administratif et technique de la communauté, d'autre part, de condamner la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron à lui verser la somme de 91 289 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale, enfin de lui allouer une somme de 3 500 euros au titre des frais de l'instance.

Par jugement n° 2000521 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon n'a fait que partiellement droit à la demande indemnitaire et a limité la condamnation de la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron à 1 500 euros en dédommagement des frais de présentation de l'offre, outre 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

[…]

1. La communauté de communes Ardèche Rhône Coiron a lancé un appel d'offre ouvert pour l'attribution des marchés de travaux de construction d'un pôle administratif et technique. La procédure d'attribution du lot n°3 " gros-œuvre " ayant été déclarée infructueuse, elle a à l'issue de la procédure adaptée de mise en concurrence prévue à l'article R. 2123-1 (1°) du code de la commande publique, attribué le marché au groupement de sociétés DCA-Desmarais TP, le 5 novembre 2019. La société SMG 26, dont l'offre n'a pas été retenue, a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande d'annulation ou de résiliation de ce marché ainsi que d'une demande de condamnation de la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron à lui verser la somme de 91 289 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale. La société SMG 26 relève appel du jugement du 14 avril 2022 en tant que le tribunal a limité la condamnation de la communauté de communes à 1 500 euros en dédommagement des frais de présentation de l'offre et à 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La communauté de commune Ardèche Rhône Coiron demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement et la décharge de la condamnation mise à sa charge.

[…]

3. Après avoir censuré l'erreur matérielle qui entachait le décompte des effectifs que la requérante prévoyait d'affecter à l'exécution du marché, mais refusé de considérer que cette erreur, si elle n'avait pas été commise par le pouvoir adjudicateur, aurait été de nature à entacher la notation de la valeur technique de l'offre et donc, à modifier la désignation de l'attributaire, le tribunal a limité la condamnation de la communauté de communes à l'indemnisation des frais de présentation de l'offre en ne regardant la société SMG 26 que comme non dépourvue de toute chance d'emporter le marché. La société SMG 26 se prévalant d'une perte de chance sérieuse au soutien de ses conclusions indemnitaires, il y a lieu d'examiner si le moyen retenu par le tribunal est de nature à justifier, non pas l'indemnisation des frais de présentation de l'offre, mais celle de son manque à gagner.

[…]

5. Il résulte de l'instruction que la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron a attribué le marché du lot n° 3 après classement des quatre offres en présence, selon les critères du prix pondéré à 60 % et de la valeur technique et des délais pondéré à 40 %, lui-même subdivisé en cinq sous-critères, dont celui des moyens humains et matériels affecté d'une valeur de 5 points sur un total de 35.

 

6. Si la colonne " observations " du tableau de classement mentionnait que l'offre de la société SMG 26 ne comportait pas l'effectif de chantier et lui attribuait, sur le sous-critère des moyens humains et matériels, la note de 3/5 contre 5/5 au groupement attributaire, il résulte toutefois de l'instruction que la société SMG 26 avait précisé au pouvoir adjudicateur le détail de son effectif de chantier au point 3 du mémoire joint à son offre, pour l'équipe d'encadrement et en page 25 du même document, pour les personnels d'exécution. La communauté de communes Ardèche Rhône Coiron a ainsi dénaturé le contenu de l'offre de la société SMG 26 en en altérant les termes et a, par une appréciation viciée de ce sous-critère, sous-évalué l'offre de la société requérante. Le règlement de la mise en concurrence a été méconnu, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur la notation qui aurait dû être attribuée à l'intéressée si cette erreur d'analyse n'avait pas été commise.

7. Compte tenu du faible écart de points séparant la notation de l'offre du groupement attributaire, ce dernier ayant obtenu la note globale de 95,62 contre 94 pour la société SMG 26 et de ce que cette écart résultait de l'erreur de notation du critère de la valeur technique commise au préjudice de la société SMG 26, celle-ci est fondée à soutenir avoir été privée d'une chance sérieuse d'obtenir le marché. C'est donc à tort que le tribunal a limité son indemnisation à la perte d'une chance dont elle n'aurait pas été dépourvue et il y a lieu, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la demande en indemnisation de la perte du bénéfice escompté.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que la société SMG 26 a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner résultant de la perte de chance sérieuse d'obtenir le marché en cause, incluant nécessairement, en l'absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation de l'offre intégrés dans ses charges, mais excluant le remboursement des frais généraux de l'entreprise qui seraient affectés à ce marché. Ce manque à gagner doit être déterminé non en fonction du taux de marge brute constaté dans son activité mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu.

9. Les données avancées par la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron font état d'un taux de marge nette moyen de la société requérante de 4,07 % sur les derniers exercices, alors que celle-ci se prévaut sur la base d'une attestation comptable, d'un taux de marge nette escompté, si elle avait eu le marché, d'environ 14 %. Toutefois, la circonstance que la société SMG 26 présente un faible de marge brute oscillant entre 1,4 % et 6 % sur plusieurs exercices n'implique pas qu'elle n'ait pu réaliser sur le marché en litige, s'il lui avait été attribué, un bénéfice net supérieur à ses taux de marge bruts moyens constatés sur les exercices écoulés. Dans ces conditions et compte tenu du prix marché conclu pour le lot n° 3, il sera fait une exacte appréciation du manque à gagner subi par la société SMG 26 en l'évaluant à la somme de 44 450 euros, soit 7 % de 635 000 euros HT.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la condamnation de la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron doit être portée de 1 500 euros à 44 450 euros et que, par voie de conséquence, l'appel incident de la communauté de communes tendant à être déchargée de toute condamnation doit être rejeté.

11. Enfin, la société SMG 26, qui n'était pas partie perdante en première instance, a obtenu la condamnation de la communauté de communes Ardèche Rhône Coiron à lui verser la somme de 1 400 euros au titre des frais de l'instance engagée devant le tribunal. Dans les circonstances de l'espèce, ses conclusions tendant à ce qu'il lui soit alloué une somme supérieure en appel doivent être rejetées.

[…]

Jurisprudence

 

Voir également

 

Textes

 

 

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