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15 juin 2023
La méthode de notation des critères de sélection des offres est libre mais ne doit pas neutraliser leur pondération de manière à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie (TA Lille, 6 juin 2023, n° 2304098, CIG Linselles Bousbecque).
Suite au jugement du TA Lille, 31 janvier 2023, n°2209824, un nouvel épisode de la grande histoire d'amour entre les sociétés Voirie Assainissement Travaux Publics VATP et Rabot Dutilleul Constructions, sociétés bien connues dans le nord de la France sur fond de marchés publics. Les deux sociétés rivalisent d'ingéniosité pour séduire un donneur d'ordre. Sortez les popcorns.
Tout commence avec un marché de travaux pour le centre intercommunal de gérontologie de Linselles Bousbecque (CIG Linselles Bousbecque). Mais voilà, certains lots sont déclarés infructueux et doivent être relancés. C'est là que les ennuis commencent !
La société VATP décide de prendre les choses en main et fait appel au juge des référés. Et hop, l'attribution du lot numéro 1 à Rabot Dutilleul Constructions est purement et simplement annulée et il est enjoint au CIG de reprendre intégralement cette procédure. Le CIG se retrouve alors sous les feux des projecteurs, contraint de recommencer cette procédure depuis le début (TA Lille, 31 janvier 2023, n°2209824).
Le suspense est à son comble lorsque le CIG relance le marché du lot numéro 1 le 22 février 2023. Ouf ! L'offre de VATP est cette fois-ci retenue ! Mais Rabot Dutilleul Constructions, évincée de la compétition, ne compte pas se laisser faire. Armée de sa détermination, Rabot Dutilleul Construction dégaine un référé précontractuel le 5 mai 2023 et demande l'annulation des décisions prises lors de la phase d'analyse des offres de cette procédure de passation.
Les motifs invoqués reposent sur des critères de sélection qui auraient été gravement neutralisés, dès lors que les sociétés ont obtenu la note maximale sur 17 des 18 sous-critères, cette stricte égalité révélant que le CIG "s'est borné à vérifier la complétude des mémoires techniques des candidats, et non leur pertinence".
Le juge rappelle que le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Cependant cette liberté n’est pas illimitée et les critères de sélection ne doivent pas, notamment, neutraliser leur pondération de manière à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie (CE, 3 novembre 2014, n° 373362, Commune de Belleville-sur-Loire).
Le juge du référé précontractuel doit vérifier que les critères de jugement des offres figurant au règlement de consultation ont été appliqués intégralement selon la pondération annoncée et sans neutralisation.
Le règlement de la consultation fixait quatre critères de sélection des offres : le prix (60 pts), la valeur technique (30 pts), la valeur environnementale (5 pts) et le processus BIM (5 pts).
Or, dans cette affaire les deux sociétés ont obtenu la note maximale, sur 17 des 18 sous-critères des critères d'attribution autres que celui du prix.
Le tableau de notation de chacun des sous-critères portait des appréciations pour l'essentiel, identiques, le CIG s'étant borné à seulement vérifier que les deux sociétés ont présenté une offre conforme en tous points au règlement de la consultation sans réelle analyse des éléments produits. En effet, selon les appréciations du CIG, ces sociétés ont, chacune, soit " décrit ", soit " fourni ", soit " mentionné ", soit " mis en place ", soit " présenté ", soit " développé " les éléments exigés.
Il est fréquent d'observer ces types d'appréciations dans certains rapports d'analyse des offres.
Quand on voit la même note attribuée à un critère donné, on ne peut s'empêcher d'avoir des doutes sur une possible neutralisation du critère, surtout si cette note est la plus haute possible. En gros, cela voudrait dire que les offres se ressemblent comme deux gouttes d'eau pour ces sous-critères. Souvent des notes identiques sont attribuées sur quelques critères seulement, en l'espèce il est question de la même note maximale pour 17 critères sur 18 sous-critères.
Or, l’examen des offres doit s’effectuer sur leur valeur intrinsèque et il ne pas confondre l’analyse de la conformité des offres avec l’évaluation de leur pertinence (TA Dijon, 11 mars 2010, n° 1000492, Sté Roch Service).
Par ailleurs, la seule circonstance qu’une note identique ait été attribuée aux valeurs techniques respectives des offres ne suffit pas à établir que l’acheteur aurait entendu neutraliser le critère du prix pour favoriser une société (CAA Nantes, 19 octobre 2012, n° 10NT02700, Société TTC Productions).
Selon le juge, en l’espèce, « ces notes identiques et les mentions littérales les justifiant révèlent, en l'absence de toute appréciation effective de la valeur des offres sur ces sous-critères, que le CIG Linselles Bousbecque a neutralisé les critères d'attribution autres que celui du prix, et, ce faisant, manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ».
Le manquement est susceptible d'avoir lésé la société Rabot Dutilleul Construction dès lors que si ces critères n'avaient pas été neutralisés, son offre aurait été classée première compte tenu des notes obtenues au critère du prix ainsi qu’aux critères de la valeur environnementale et du processus BIM.
La décision attribuant à la société VATP le lot n° 1 et la procédure de passation de ce lot à compter de l'examen des offres sont annulés. Il est enjoint au CIG de reprendre la procédure de passation au stade de l'examen des offres.
Jurisprudence
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