Conseil d’Etat, 24 juin 2011, n° 346665, OPH interdépartemental de l'Essonne, du Val d'Oise et des Yvelines - Mentionné au tables du recueil Lebon
La notification de l'attribution du marché par le pouvoir adjudicateur doit comporter l'indication de la durée du délai de suspension (délai de "stand still") à défaut les dispositions de l'article L551-4 du CJA ne font pas obstacle à ce que le candidat évincé forme un référé contractuel. Une offre supérieure de 25 % à l'estimation des services de l'acheteur n'est pas systématiquement une offre inacceptable
Le Conseil d'État précise qu'une offre ne peut être qualifiée d'inacceptable que si l'acheteur n'a pas les moyens de la financer et qu'il est en mesure de le prouver. Cette décision limite la possibilité pour les acheteurs de rejeter des offres comme inacceptables sur la seule base de leur prix élevé. Elle exige une justification objective basée sur les contraintes budgétaires réelles de l'acheteur.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000024250591
Résumé
Un candidat à un marché de nettoyage passé par un office public de l'habitat sous forme d’un appel d’offres ouvert a été informé par deux courriers consécutifs de son éviction pour une offre déclarée économiquement inacceptable puis de l'attribution d’un lot à une société concurrente.
L'absence de respect du délai de stand still peut ouvrir droit au référé contractuel
Après avoir appris que la signature du marché était intervenue seize jours après la réception du second courrier il s’est désisté de son instance pré-contractuelle et a alors formé une demande en référé contractuel. Le juge a alors annulé le marché.
La notification du rejet de son offre à la société évincée ne mentionnait pas le délai de suspension que l'office s'imposait avant la conclusion du contrat relatif au lot n° 8 ; dès lors ce délai n'a pu courir à son encontre et la signature du contrat est intervenue avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, au sens de l'article L551-18 du code de justice administrative. Le Conseil d’Etat valide la décision du juge des référés qui n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que l'absence d'indication de ce délai avait privé la société évincée qui était de ce fait dans l'ignorance de la date de signature du contrat, de son droit d'exercer utilement un recours en référé précontractuel à l'encontre du marché en cause.
Une offre supérieure de 25 % à l'estimation des services de l'acheteur n'est pas systématiquement d'inacceptable
Aux termes de l'article 53 du code des marchés publics les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. L'article 35 du même code définit la notion d’offre inacceptable : une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer. Dans le cas d’espèce l'offre de la société APS a été rejetée sans classement au motif qu'elle était supérieure de 25 % à l'estimation des services de l'office et par suite, économiquement inacceptable. Or, il ne résultait pas de l'instruction que l'offre de la société APS n'aurait pas pu être financée par l'office, ainsi cette offre ne pouvait être qualifiée d'inacceptable, au sens des dispositions précitées.
Texte
.Jurisprudence
CE, 19 janvier 2011, n° 343435, Grand port maritime du Havre (Référé contractuel : Conditions de recevabilité pour le juge d’un référé contractuel y compris pour les MAPA)
CE, 10 novembre 2010, n° 340944, France Agrimer ( Les dispositions de l’article L551-14 du code de justice administrative n’ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel alors qu’il était dans l’ignorance du rejet de son offre et de la signature du marché par suite d’un manquement du pouvoir adjudicateur au respect des dispositions de l’article 80 du code des marchés publics)
Actualités
Crédits budgétaires alloués au marché (QE AN n° 32664, M. Fabrice Verdier, 15/10/2013) - L'expression de « crédits budgétaires alloués au marché » doit être interprétée strictement. Elle ne renvoie ni à la notion de budget annuel dont disposerait l'administration pour l'ensemble de ses achats publics, ni à une opération globale, prise dans son ensemble et tous lots confondus. Au contraire, il revient au pouvoir adjudicateur, pour chaque achat et chaque lot d'un marché de procéder à une estimation sincère et fiable de la prestation voulue et d'y affecter les crédits correspondants. - 29 octobre 2013
Questions écrites au sénat ou à l'assemblée nationale - Réponses ministérielles
QE Sénat n° 21407, 22/09/2016, M. Jean-Claude Carle (Définition de l'offre inacceptable dans les marchés publics - Offre supérieure à l'estimation. Un acheteur peut toujours attribuer un marché à une offre qui dépasse son estimation initiale. En revanche, il éliminera les offres qu'il ne peut pas financer, autrement dit celles qui excèderaient les crédits budgétaires alloués au marché public. Une offre ne peut être regardée comme inacceptable si, bien que supérieure à l'estimation de l'acheteur, celui-ci est en mesure de la financer (CE, 24 juin 2011, Office public de l'habitat interdépartemental de l'Essonne, du Val d'Oise et des Yvelines, n° 346665). L'article 59 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 impose l'élimination des offres inacceptables dans les procédures d’appel d’offres et les procédures adaptées sans négociation. En revanche, dans les autres procédures, les offres inacceptables peuvent devenir acceptables à l'issue de la négociation ou du dialogue, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses.