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Textes relatifs à la commande publique > QE Assemblée Nationale
23 octobre 2013
L'expression de « crédits budgétaires alloués au marché » doit être interprétée strictement. Elle ne renvoie ni à la notion de budget annuel dont disposerait l'administration pour l'ensemble de ses achats publics, ni à une opération globale, prise dans son ensemble et tous lots confondus. Au contraire, il revient au pouvoir adjudicateur, pour chaque achat et chaque lot d'un marché de procéder à une estimation sincère et fiable de la prestation voulue et d'y affecter les crédits correspondants.
Question publiée au JO le : 16/07/2013
M. Fabrice Verdier attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'interprétation qui doit être faite de la notion de « crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire », posée à l'article 35-I-1° du code des marchés publics. Ce dernier prévoit qu'une offre est susceptible d'être qualifiée comme étant inacceptable dans l'hypothèse où les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer. Or aucun texte juridique ne vient à ce jour clarifier ces dispositions. Aussi, il se demande si les « crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire » doivent être entendus comme le montant estimatif du marché, ou si cette notion doit être appréhendée de manière plus globale et représenter l'ensemble des crédits budgétaires votés et affectés au marché dans son ensemble, c'est-à-dire à l'opération. Si les notions de montant estimatif et de crédits budgétaires alloués au marché demeurent intimement liées, il se demande si, à ce titre, elles doivent être interprétées de manière tout à fait similaire. Il lui semble par ailleurs que si le législateur avait souhaité que soit prise en compte l'estimation faite par l'administration aux fins de détecter les offres inacceptables, les dispositions du code la mentionneraient explicitement et sans ambigüité. Dans l'hypothèse où la seconde interprétation, plus globale, devrait primer, il apparaît que la manière même de considérer les « crédits budgétaires alloués au marché » doit être éclaircie. Considérant en effet que le fléchage des crédits ne joue en principe que par type d'opérations et non par lots, il se demande si ce sont effectivement les crédits budgétaires alloués au marché dans son ensemble, c'est-à-dire à l'opération dans sa globalité, qu'il convient de considérer pour détecter une offre inacceptable. En d'autres termes, une offre doit-elle être qualifiée comme étant inacceptable si et seulement si elle ne peut être financée par l'ensemble des crédits budgétaires alloués à l'opération dans son ensemble ? Si cela devait être le cas, qu'en est-il alors si cette offre porte exclusivement sur un lot, que son prix se révèle déraisonnablement plus élevé que celui estimé par le pouvoir adjudicateur de manière sincère et réaliste, mais qu'elle peut être financée au regard de l'ensemble des crédits alloués à l'opération ? Il lui semble que pareille interprétation serait de nature à mettre en péril deux principes fondamentaux de la commande publique que sont l'estimation sincère et réaliste de ses besoins par le pouvoir adjudicateur, et la bonne gestion des deniers publics. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui préciser la teneur de cette notion et de lui en déterminer les modalités d'appréciation.
Réponse publiée au JO le : 15/10/2013 (Ministère de l'économie et des finances)
Outre le cas de l'offre dont l'exécution méconnaitrait la législation en vigueur, l'offre inacceptable est celle dont « les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire » ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer (article 35-I-1° du code des marchés publics). L'expression de « crédits budgétaires alloués au marché » doit être interprétée strictement. Elle ne renvoie ni à la notion de budget annuel dont disposerait l'administration pour l'ensemble de ses achats publics, ni à une opération globale, prise dans son ensemble et tous lots confondus. Au contraire, il revient au pouvoir adjudicateur, pour chaque achat et chaque lot d'un marché de procéder à une estimation sincère et fiable de la prestation voulue et d'y affecter les crédits correspondants. La réalisation de l'objectif de bonne utilisation des deniers publics dépend notamment de ces phases préalables d'évaluation financière des besoins et d'affectation budgétaire réaliste. De l'estimation faite en amont par l'acheteur public découle le montant des crédits budgétaires qu'il entend engager pour une prestation donnée. La notion d'offre inacceptable est liée à la capacité, pour le pouvoir adjudicateur, de financer ou non les prestations objet du marché. Ainsi, une offre peut être déclarée inacceptable parce qu'elle ne peut être financée par la collectivité, mais elle ne pourra être qualifiée automatiquement d'inacceptable si elle s'avère simplement supérieure au montant estimé du marché. Si les crédits budgétaires alloués à un lot permettent de la financer, il n'est pas possible de déclarer inacceptable l'offre arrivée en tête lors du classement final au seul motif que son prix serait jugé excessif. Une telle pratique est illicite : si cette offre est classée en première position, l'acheteur public est tenu de la choisir (voir en ce sens le point 15.1.2 de la circulaire du 14 février 2012 relative au Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics). A titre d'illustration, une offre supérieure de 25 % à l'estimation des services de l'acheteur n'emporte pas systématiquement la qualification d'offre inacceptable (CE, 24 juin 2011, Office public de l'habitat interdépartemental de l'Essonne, du Val d'Oise et des Yvelines, n° 346665). Par ailleurs, le coût estimatif ne doit pas être fixé de façon irréaliste par le pouvoir adjudicateur, d'une manière ne permettant pas la réussite de l'appel d'offres (CE, 24 novembre 1997, Préfet de Seine et Marne contre OPAC de Meaux, n° 160686). A cet égard, le caractère irréaliste d'un prix ne peut résulter du seul fait que toutes les offres sont supérieures aux estimations faites : il y faut un écart conséquent, de nature à conduire tout gestionnaire responsable à une remise en cause radicale des estimations initiales (Conclusions C. Bergeal sous CE, 24 novembre 1997, Préfet de Seine et Marne contre OPAC de Meaux, n° 160686, Marchés publics-La revue de l'achat public, 1998, n° 301, p. 18-21).
Source : QE AN n°32664 - 15 octobre 2013 - Passation de marchés - Crédits budgétaires alloués insuffisants - Définition des crédits budgétaires alloués au marché
Jurisprudence
TA Rennes, 9 août 2024, n° 2404137 (Le dépassement des seuils de procédure formalisée dans le cadre d'une procédure adaptée ne suffit pas à qualifier une offre d'inacceptable - une offre ne peut être déclarée inacceptable que s'il est démontré qu'elle ne peut être financée par l'acheteur).
CE, 12 juin 2024, n° 475214, Société Actor France (Crédits budgétaires alloués au marché et montant maximum d'un accord-cadre porté à la connaissance des candidats à son attribution. Si les crédits budgétaires alloués à un marché destiné à être passé sous la forme d’un accord-cadre peuvent être inférieurs au montant maximum que prévoit le pouvoir adjudicateur, celui-ci ne peut toutefois écarter comme inacceptable une offre, sur le fondement de l’article 59 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 désormais codifié aux articles L. 2152-1 et L. 2152-3 du code de la commande publique (CCP), au motif qu’elle excède le montant de ces crédits budgétaires qu’à la condition que ce dernier montant ait été porté à la connaissance des candidats à son attribution. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le montant total du devis estimatif établi par la société Actor France s'élevait à 2 784 095 euros hors taxes, soit un montant inférieur au montant maximum de l'accord-cadre à bons de commande, qui avait été fixé à 3 500 000 euros hors taxes dans l'avis d'appel public à la concurrence. En jugeant que la Ville de Paris avait pu régulièrement rejeter comme inacceptable l'offre de cette société au motif qu'elle excédait le montant maximum de 2 500 000 euros hors taxes auquel la collectivité avait limité le budget alloué à cet accord-cadre, alors qu'il résultait des pièces du dossier qui lui était soumis que la Ville de Paris n'avait pas informé les candidats du montant maximum du budget qu'elle avait alloué à ce marché, la cour a commis une erreur de droit).
TA Bastia, 4 octobre 2023, n° 2301101, SARL Autocars Nadizi (Offre inacceptable pour dépassement de 12% du budget alloué. Offre écartée pour son caractère inacceptable, car son montant dépassait de plus de 12 % les crédits budgétaires alloués, conformément à l'article L2152-3 du code de la commande publique. Le budget alloué au marché avait été approuvé par l'Assemblée de Corse, et le montant attribué au lot en question n'était pas anormalement bas).
CAA Paris, 18 avril 2023, n° 21PA02213, Société Actor France (Accord-cadre et écart entre budget alloué et montant maximum - Caractère inacceptable d’une offre. La circonstance que le budget alloué soit inférieur au montant maximum de l'accord-cadre est sans incidence sur le caractère inacceptable d’une offre).
CAA Paris, 10 février 2023, n° 22PA00023 (L'estimation d’un marché doit être réaliste. Une procédure ne peut être déclarée infructueuse dès lors que les montants estimés sont largement inférieurs à « la réalité du marché ». Appel d'offres ouvert déclaré infructueux pour cause d’offres inacceptables passé ensuite selon une procédure avec négociation sans publicité. Seules les sociétés ayant déjà remis une offre participant en application de l'article R2124-3 du code de la commande publique).
CAA Nantes, 10 juillet 2020, n° 19NT00091, Société LST Ropeway Systems (Dépassement de l'enveloppe financière prévisionnelle, définition des besoins, caractère irrégulier et inacceptable d’une offre. Définition des besoins en l’absence de précision de l'enveloppe financière prévisionnelle d’une tranche optionnelle. Validité d’un critère financier fondé sur un prix médian reposant sur une formule mathématique purement objective).
CAA Marseille, 18 juin 2018, n° 17MA00975, société Raffalli Travaux publics (En procédure adaptée, l’acheteur peut admettre à la négociation les candidats ayant remis des offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables et ne pas les éliminer d'emblée (Application de l'article 28 et de l'article 53 du code des marchés publics).
CAA de Marseille, 1 février 2016, n° 14MA01954, Société Axis Architecture (Une offre supérieure à l’estimation de l’administration peut-elle être retenue ? Dès lors qu'elle ne justifie pas avoir disposé des crédits qui lui permettaient de financer le marché à raison du montant qui était proposé par la société retenue, il lui appartient de rejeter cette offre. La circonstance qu’une offre soit supérieure à l'estimation n'est pas, en elle-même, de nature à la rendre inacceptable si les crédits budgétaires alloués au marché sont suffisants).
CE, 9 novembre 2015, n° 392785, Société Autocars de l'Ile de Beauté (La prise en compte, pour déterminer si les offres présentent un caractère inacceptable, des crédits budgétaires alloués au lot analysé peut être effectuée à partir de la comparaison avec les estimations financières de la collectivité).