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CAA Lyon, 16 janvier 2025, n° 23LY03563. Modification de la DPGF

CAA Lyon, 16 janvier 2025, n° 23LY03563. Modification de la DPGF, offre incomplète et non-conformité au CCTP

Appréciation de l'irrégularité des offres dans les marchés publics de travaux. La Cour juge que la modification des quantités fixées dans la DPGF, l'absence de chiffrage d'une prestation même éventuelle, et le non-respect des spécifications techniques du CCTP constituent des irrégularités justifiant le rejet des offres. La Cour clarifie également la distinction entre les demandes de précisions sur les matériaux et la procédure de régularisation des offres irrégulières. Elle rappelle que cette dernière reste une faculté pour l'acheteur et que son absence de mise en œuvre ne constitue pas une rupture d'égalité entre les candidats. Conséquences sur les demandes indemnitaires des candidats évincés. Dès lors que les DPGF devaient être complétées et avaient vocation à intégrer les pièces contractuelles, et alors qu'aucune variante n'était par ailleurs autorisée, leur modification par l’entreprise engendre l’irrégularité de l’offre.

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000050999081 

La décision de la Cour administrative d'appel de Lyon apporte des précisions sur l'appréciation de l'irrégularité des offres dans le cadre des marchés publics de travaux et ses conséquences sur les demandes indemnitaires des candidats évincés.

En l’espèce, la société Union technique du bâtiment (UTB) contestait le rejet de ses offres pour deux lots d'un marché de construction d'un collège et d'un gymnase lancé par le département de l'Ain. Les lots concernaient la couverture et le bardage zinc des bâtiments. La société soutenait notamment que les modifications qu'elle avait apportées aux quantités indiquées dans la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF) étaient justifiées par leur caractère erroné.

La Cour confirme le rejet des offres de la société UTB pour irrégularité, en s'appuyant sur une interprétation stricte des articles L2152-1 et L2152-2 du code de la commande publique. Elle rappelle ainsi qu'une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation.

La décision est intéressante à plusieurs égards.

Premièrement, la Cour adopte une position ferme sur la modification des quantités par les candidats. Elle rappelle qu'en l'absence d'autorisation de variantes, les candidats ne peuvent pas modifier les quantités fixées par le pouvoir adjudicateur dans la DPGF, celui-ci étant "seul responsable de l'évaluation de son besoin". Cette position s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence qui considère que les documents de consultation s'imposent tant à l'acheteur qu'aux candidats.

Il est à noter que dans le cas présent les documents de la consultation étaient très directifs en fixant unilatéralement les quantités dans la DPGF et en rendant cette dernière contractuelle.

Par contre il ne s’agit pas d’une pratique générale car parfois les maitres d’ouvrage ne rendent pas la DPGF contractuelle et :

  •  soit laissent les soumissionnaires compléter eux même les quantités dans un cadre de décomposition sans quantités,
  • soit complètent les quantités de manière indicative laissant les opérateurs économiques les modifier ou non.

Deuxièmement, la Cour précise la portée des demandes de précisions et de la procédure de régularisation prévue à l'article R2152-2 du CCP. Elle distingue les demandes de précisions sur les matériaux utilisés, qui ne constituent pas une régularisation, de la procédure formelle de régularisation des offres irrégulières. Cette distinction est importante car elle permet de rejeter l'argument de la rupture d'égalité entre les candidats.

Troisièmement, la décision rappelle l'importance de respecter scrupuleusement les spécifications techniques du CCTP. En l'espèce, l'utilisation d'un zinc d'une épaisseur inférieure à celle exigée (0,65 mm au lieu de 0,70 mm) constitue une irrégularité, même si la différence est minime. La Cour écarte l'argument tiré des préconisations d'un document technique unifié, confirmant la primauté des exigences formulées dans les documents de consultation.

Enfin, la décision aborde la question des demandes indemnitaires des candidats évincés. La Cour rappelle qu'un concurrent évincé ne peut invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles de passation en rapport direct avec son éviction. L'irrégularité des offres étant établie, les demandes indemnitaires sont logiquement rejetées.

Récapitulatif des irrégularités selon la Cour et pratiques à éviter pour les candidats

Modification des quantités prévues dans la DPGF (non-conformité aux documents de la consultation)

UTB a modifié les quantités prévues par le pouvoir adjudicateur dans la décomposition du prix forfaitaire, en substituant celles qu'elle estimait nécessaires à la réalisation du projet.

La Cour considère qu’il s’agit d’une irrégularité car les candidats devaient compléter la DPGF en indiquant, pour chaque produit, un prix unitaire et un prix total correspondant aux quantités prévues par le pouvoir adjudicateur. UTB n'avait pas le droit de modifier ces quantités, car cela ne respectait pas les exigences de la consultation.

Rubrique non chiffrée (incomplétude)

La DPGF comprenait une rubrique 6.1.3.17 portant sur sept unités d'"aération avec compresseur". UTB ne l'a pas chiffrée.

La Cour considère qu’il s’agit d’une seconde irrégularité car l'absence de chiffrage pour cette rubrique rendait l'offre incomplète. Les candidats devaient compléter toutes les mentions requises par la DPGF, même si le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) présentait cette installation comme éventuelle.

Épaisseur du zinc (non-conformité au CCTP)

Le CCTP exigeait un habillage en zinc de 0,70 mm d'épaisseur pour la couverture et le bardage. UTB a proposé un zinc de 0,65 mm d'épaisseur pour la couverture.

La Cour considère qu’il s’agit d’une troisième irrégularité car l'offre d'UTB ne répondait pas aux exigences formulées dans les documents de la consultation. La différence d'épaisseur, même minime, constituait une irrégularité, car le CCTP dérogeait à tout autre document technique unifié.

Il en résulte que l'offre d'UTB a été jugée irrégulière parce qu'elle ne respectait pas les exigences de la consultation, notamment en modifiant les quantités prévues par le pouvoir adjudicateur, en omettant de chiffrer une rubrique obligatoire, et en proposant une épaisseur de zinc différente de celle exigée. Ces irrégularités ont conduit à l'écartement de l'offre d'UTB pour les lots n° 6 et n° 28.

[...]

1. Le 11 janvier 2021, le département de l'Ain a engagé une procédure d'appel d'offres en vue d'attribuer les marchés de travaux des quarante-trois lots nécessaires à la construction d'un collège et d'un gymnase à Saint-Didier-de-Formans. Les lots n° 6 et n° 28 relatifs notamment à la couverture et au bardage zinc, respectivement, du collège et du gymnase, ont été attribués au groupement comprenant la société André Vaganay, après rejet pour irrégularité des offres présentées par la société Union technique du bâtiment. Celle-ci a alors demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de ces marchés, outre l'indemnisation des préjudices causés par son éviction irrégulière de la procédure d'attribution. Le tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 21 septembre 2023 dont elle relève appel.

[...]

5. Il résulte, d'une part, de l'instruction que le dossier de consultation des entreprises pour l'attribution des lots n° 6 et n° 28 comportait une décomposition du prix global forfaitaire (DPGF) que les candidats devaient compléter en indiquant, pour chaque produit, un prix unitaire et un prix total correspondant aux quantités prévues. En vertu du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) commun à ces lots, les DPGF ainsi complétées avaient vocation à intégrer les pièces contractuelles. En conséquence, et alors qu'aucune variante n'était par ailleurs autorisée, il n'appartenait pas, contrairement à ce que soutient la société Union technique du bâtiment, aux candidats de vérifier, voire de modifier, les quantités ainsi fixées par le pouvoir adjudicateur, seul responsable de l'évaluation de son besoin. Il est constant que, pour chacun de ces deux lots, la société Union technique du bâtiment a modifié les quantités prévues par le pouvoir adjudicateur pour y substituer celles qu'elle estimait nécessaires à la réalisation du projet. Compte tenu des modifications ainsi apportées par la société Union technique du bâtiment à ces documents, ses offres ne respectaient pas les exigences de la consultation. D'autre part, s'agissant du lot n° 6, il résulte de l'instruction que la DPGF comprenait une rubrique 6.1.3.17 portant sur sept unités d'" aération avec compresseur ". Alors même que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché de ce lot présentait cette installation comme seulement éventuelle, il appartenait aux candidats de compléter l'ensemble des mentions requises par la DPGF. La société Union technique du bâtiment s'est abstenue de chiffrer cette rubrique, sans que, comme elle prétend, aucune rubrique 6.1.4.12 ne comporte un tel chiffrage. Par suite, son offre était incomplète. Enfin, s'agissant du lot n° 28, il résulte de l'instruction qu'alors que le CCTP de ce marché exigeait un habillage en zinc de 0,70 mm d'épaisseur tant pour la couverture que pour le bardage, seul un zinc de 0,65 mm était prévu dans l'offre de la société Union technique du bâtiment pour la couverture. Dès lors, son offre ne répondait pas, à cet égard, aux exigences formulées dans les documents de la consultation, sans qu'elle ne puisse utilement se prévaloir ni de la faible différence entre les épaisseurs ainsi prévues, ni des préconisations d'un document technique unifié, auquel le CCTP aurait, en tout état de cause, dérogé. Compte tenu de ce qui précède, et alors même qu'aucune autre irrégularité ne résulterait de l'absence de renseignement du tableau de la fiche produit du lot n° 28 compte tenu des indications mentionnées en introduction de cette fiche, ses offres devaient être écartées comme irrégulières, tant pour le lot n° 6 que pour le lot n° 28, sans que le pouvoir adjudicateur n'ait été préalablement tenu ni de lui demander des précisions, ni d'engager la procédure de régularisation prévue par l'article R2152-2 précité.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, par courriers électroniques du 26 mars 2021 et du 7 avril 2021, le pouvoir adjudicateur a demandé des précisions à trois candidats sur des matériaux qu'ils entendaient utiliser. Contrairement à ce que soutient la société Union technique du bâtiment, ces demandes, qui ne révèlent pas une incomplétude des offres de ces candidats, n'ont pas été de nature à leur permettre une régularisation de leurs offres. Ainsi, aucune procédure de régularisation, telle que prévue par l'article R2152-2 du code de la commande publique, n'a été engagée par le pouvoir adjudicateur. Le pouvoir adjudicateur n'étant par ailleurs nullement tenu de mettre en œuvre une telle procédure, la société Union technique du bâtiment n'est pas fondée à invoquer une rupture d'égalité entre les candidats, au motif que cette procédure n'a pas été engagée à son égard. Enfin, elle ne peut davantage utilement reprocher au pouvoir adjudicateur, qui n'a pas rejeté son offre comme anormalement basse, de ne pas avoir exigé des précisions en application de l'article L2152-6 du même code, ni invoquer un formalisme excessif, qui n'est pas de nature à caractériser une rupture d'égalité. Par suite, le moyen tiré d'une telle rupture d'égalité doit être écarté.

7. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que les offres de la société Union technique du bâtiment étaient irrégulières. Dès lors, et indépendamment même du nombre d'irrégularités retenues par le pouvoir adjudicateur, elle n'est pas fondée à soutenir que la commission d'appel d'offres se serait prononcée au vu d'informations erronées ou incomplètes.

8. Enfin, la société Union technique du bâtiment n'étant pas fondée à contester la validité des marchés passés par le département de l'Ain pour l'attribution des lots n° 6 et n° 28, ses demandes indemnitaires doivent, en conséquence, être également rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Union technique du bâtiment n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Ain, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Union technique du bâtiment. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière les sommes de 1 500 euros à verser, d'une part, au département de l'Ain et, d'autre part, à la société André Vaganay, en application de ces mêmes dispositions.

[...]

Jurisprudence

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