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participation d'une entreprise qui aurait eu accès à des informations privilégiées

CAA LYON, 2 juillet 2020, n° 18LY03402

Aux termes de l'article 5 du décret du 25 mars 2016, désormais repris à l'article R2111-2 du code de la commande publique, « L'acheteur prend les mesures appropriées pour que la concurrence ne soit pas faussée par la participation à la procédure de passation du marché public d'un opérateur économique qui aurait eu accès, du fait de sa participation préalable directe ou indirecte à la préparation de cette procédure, à des informations ignorées des autres candidats ou soumissionnaires ». Un groupement attributaire du marché, dont l’offre n’a pas obtenu la meilleure note au critère de la valeur technique, ne bénéficie d’un avantage substantiel sur ses concurrents dès lors que l’étude de faisabilité réalisée par un de ses membres a été intégrée dans le document de consultation des entreprises et qu’une une visite des lieux a été proposée dans le règlement de consultation. Aux termes de l'article 43 du décret du 25 mars 2016, désormais repris à l'article R2143-1 du code de la commande publique, le délai de réception des offres doit tenir compte de la complexité du marché et du temps nécessaire aux candidats pour préparer leur offre, encore faut-il que les candidats évincés démontrent que le délai en l'occurrence de onze jours ouvrés imparti aux candidats pour présenter une offre aurait favorisé le groupement attributaire.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000042114652/ 

Contexte et faits de l'espèce

La commune du Chambon-sur-Lignon a lancé une procédure adaptée pour un marché de maîtrise d'œuvre. Après une première procédure annulée par le juge des référés précontractuels, une nouvelle procédure a abouti à l'attribution du marché au même groupement. Les groupements évincés ont contesté la validité du contrat devant le tribunal administratif, puis fait appel du jugement rejetant leurs demandes.

Avantage concurrentiel du groupement attributaire

La Cour examine si le groupement attributaire a bénéficié d'un avantage concurrentiel du fait de sa participation préalable à l'étude de faisabilité. Elle conclut que ce n'est pas le cas, car l'étude a été intégrée au dossier de consultation et une visite des lieux a été organisée.

Cette approche est conforme à l'article 5 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics (désormais article R2111-1 du Code de la commande publique) et à la jurisprudence du Conseil d'État (CE, 29 juillet 1998, no 177952, Société Génicorp).

Critères d'attribution du marché

La Cour rappelle la liberté de l'acheteur public dans le choix des critères d'attribution, sous réserve qu'ils permettent de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse. Cette position est conforme à l'article 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 (désormais article R2152-7 du Code de la commande publique) et à la jurisprudence du Conseil d'État (CE, 23 novembre 2011, n° 351570, Communauté Urbaine de Nice-Côte d’azur).

Cependant, la Cour censure le critère relatif aux références des candidats dans le domaine du patrimoine historique, considérant qu'il a eu un "effet discriminatoire". Cette décision s'inscrit dans la lignée de la jurisprudence sur la nécessité d'un lien entre les critères et l'objet du marché (CE, 2 août 2011, n° 348254, Parc naturel régional des grands causses / société PK-ENR).

Conséquences des irrégularités constatées

Malgré l'irrégularité constatée concernant le critère des références, la Cour considère que celle-ci ne justifie pas l'annulation du contrat, estimant qu'elle ne révèle pas une volonté de favoriser le groupement attributaire.

Indemnisation des candidats évincés

La Cour rappelle les principes d'indemnisation des candidats évincés, tels qu'établis par la jurisprudence (CE, 18 juin 2003, n° 249630, Groupement d'entreprises solidaires ETPO Guadeloupe). En l'espèce, elle estime que les requérants n'avaient pas de chances sérieuses mais n'étaient pas non plus dépourvus de toute chance. Elle leur accorde donc une indemnité de 2 000 euros chacun, correspondant aux frais de présentation de l'offre.

1. Pour la réhabilitation de l'école primaire municipale, la commune du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) a engagé une procédure adaptée en vue de la conclusion d'un marché de maîtrise d'oeuvre. La société Didier D... et M. A... F..., agissant en qualité de mandataires respectifs des groupements qui avaient présenté des offres rejetées, ont tout d'abord obtenu du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'annulation par une ordonnance du 4 avril 2017 de la procédure de passation du marché, au motif que l'étude de faisabilité préalable à la définition du projet de réhabilitation de l'école primaire, réalisée par l'agence d'architecture Atelier David Fargette, membre du groupement retenu par la commune, n'avait pas été communiquée à l'ensemble des candidats. Au terme d'une nouvelle procédure adaptée, le marché a été attribué au même groupement. Les groupements représentés par M. F... et la société Didier D..., dont les offres ont été classées 6ème et 7ème sur les 9 offres analysées, ont alors après la signature du marché vainement saisi le juge des référés précontractuels. Ils relèvent appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ce marché et à la condamnation de la commune du Chambon-sur-Lignon à les indemniser des préjudices causés par leur éviction et la dissimulation volontaire pendant plusieurs semaines de la date de signature du marché.

[…]

5. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la commune du Chambon-sur-Lignon a notifié aux groupements évincés le rejet de leurs offres après la signature du marché et sans les informer de cette signature, en méconnaissance du I de l'article 99 et de l'article 101 du décret visé ci-dessus du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, alors en vigueur, est sans rapport direct avec leur éviction et doit être écarté comme inopérant, alors au surplus que le marché litigieux a été attribué au terme d'une procédure adaptée.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de ce décret du 25 mars 2016 : " L'acheteur prend les mesures appropriées pour que la concurrence ne soit pas faussée par la participation à la procédure de passation du marché public d'un opérateur économique qui aurait eu accès, du fait de sa participation préalable directe ou indirecte à la préparation de cette procédure, à des informations ignorées des autres candidats ou soumissionnaires. Cet opérateur n'est exclu de la procédure de passation que lorsqu'il ne peut être remédié à cette situation par d'autres moyens, conformément aux dispositions du 3° de l'article 28 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 (...) ". En vertu du IV de l'article 55 du même décret, si un candidat se trouve dans un cas d'interdiction de soumissionner, sa candidature est déclarée irrecevable et il est éliminé.

7. Dans le cadre de la reprise de la procédure d'attribution du marché, l'étude de faisabilité ayant conduit à la définition du projet de réhabilitation de l'école primaire, réalisée par l'agence d'architecture Atelier David Fargette, a été intégrée dans le document de consultation des entreprises et une visite des lieux a été proposée dans le règlement de consultation, un descriptif des travaux étant remis aux candidats à cette occasion. Ainsi le groupement attributaire, dont l'offre n'a pas obtenu la meilleure note au critère de la valeur technique, n'a pas bénéficié d'un avantage substantiel sur ses concurrents, alors même que la commune du Chambon-sur-Lignon n'aurait pas apporté une réponse pertinente à la question posée par M. D... en cours de consultation sur l'estimation prévisionnelle du coût des travaux. Par ailleurs, si l'article 43 du décret du 25 mars 2016 imposait à la commune de fixer le délai de réception des offres en tenant compte de la complexité du marché et du temps nécessaire aux candidats pour préparer leur offre, les groupements évincés ne démontrent pas que le délai de onze jours ouvrés imparti aux candidats pour présenter une offre aurait favorisé le groupement de l'agence d'architecture Atelier David Fargette. Par suite, ils ne sont fondés à soutenir ni que sa candidature aurait dû être éliminée comme irrecevable, ni que la procédure suivie a méconnu le principe d'égalité entre les candidats.

8. En troisième lieu, la commune du Chambon-sur-Lignon, qui était libre de choisir les critères d'attribution du marché dès lors qu'ils lui permettaient de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse et qu'ils étaient justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution conformément aux dispositions de l'article 62 du décret du 25 mars 2016, a retenu cinq critères portant sur la valeur technique, les références, la composition, les délais d'exécution et le prix de la prestation. Elle a pondéré ces critères à hauteur respectivement de 30 %, 20 %, 10 % ; 30 % et 10 %.

9. L'article 3.3 du règlement de la consultation précisait que l'offre à remettre par le concurrent était composée notamment d'un mémoire justificatif des dispositions que le candidat envisageait de prendre pour l'exécution du marché, dont une note méthodologique pour chaque étape de la mission. L'article 4 relatif au jugement des offres comportait entre parenthèses, après " valeur technique ", la mention " note cadre méthodologique ", ce qui suffisait pour permettre aux candidats de prendre la mesure de ce que recouvrait ce critère. Ils devaient par ailleurs indiquer dans leur offre les délais d'exécution de chaque élément de mission, dont les éléments étaient précisés dans le cahier des clauses particulières. Enfin et en tout état de cause, l'article 3.3 du règlement de la consultation précité détaillait la composition de l'offre à remettre par chaque concurrent. Dans ces conditions, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que la commune du Chambon-sur-Lignon n'aurait pas organisé un examen des offres garantissant l'égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure. Ils ne sont pas davantage fondés à soutenir qu'en l'absence de sous-critères, la commune a entaché d'une erreur manifeste son appréciation des mérites des offres au regard des critères portant sur la valeur technique et les délais d'exécution.

10. En quatrième lieu, si la commune du Chambon-sur-Lignon fait valoir que les bâtiments de l'école élémentaire font partie de son patrimoine historique, cet aspect n'était pas mentionné dans le document de consultation des entreprises. Ainsi et comme l'a jugé à juste titre le tribunal, le caractère patrimonial des bâtiments à réhabiliter ne justifiait pas objectivement le recours à un critère reposant sur les références des candidats dans ce domaine particulier. Dans ces conditions, la prise en considération d'une telle expérience pour utiliser ce critère a eu un effet discriminatoire.

11. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que le critère de la composition de l'offre était inopérant est sans rapport avec l'éviction des appelants, qui ne développent d'ailleurs pas de critique du jugement sur ce point.

12. En sixième lieu, il résulte de l'instruction que les groupements représentés par M. F... et la société D... ont obtenu pour le critère portant sur le prix, respectivement, les notes de 10 et 7 et le groupement attributaire la note de 9, le montant de son offre étant de 116 000 euros HT et celui du groupement représenté par la société D... de 146 550 euros HT. Si les appelants persistent à soutenir en appel que leurs groupements ont obtenu chacun la note de 8 et le groupement attributaire la note de 10 en se référant au courrier du 7 juillet 2017 adressé par la commune du Chambon-sur-Lignon à M. F... en réponse à sa demande de communication des motifs de rejet de la candidature de son groupement, ces indications traduisent de simples erreurs de plume commises dans la retranscription du tableau d'analyse des offres. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir qu'en raison de ces erreurs, l'appréciation des offres par la commune du Chambon-sur-Lignon au regard du prix serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

[…]

15. Eu égard à la pondération du critère mentionné au point 10 tenant aux références des candidats et à l'écart de trois points qui séparait l'offre du groupement attributaire de celle des autres candidats les mieux classés relativement à ce critère, la prise en compte de celui-ci ne révèle pas une volonté de la commune du Chambon-sur-Lignon de favoriser le groupement de l'agence Atelier David Fargette. L'illégalité entachant la procédure de sélection de ce candidat n'implique donc pas d'annuler le marché public de maîtrise d'oeuvre conclu avec la commune.

Sur les conclusions indemnitaires :

16. Lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi.

17. Les groupements représentés par M. F... et la société D..., compte tenu de l'écart entre les notes qu'ils ont obtenues et celles du groupement attributaire, n'avaient pas de chances sérieuses d'emporter le marché. Il suit de là que les appelants qui, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, n'étaient néanmoins pas dépourvus de toute chance de remporter ce marché si la commune n'avait pas pris en compte le critère tenant aux références des candidats, n'ont droit qu'au remboursement des frais qu'ils ont engagés pour présenter leurs offres. Ces derniers peuvent être justement évalués à 2 000 euros pour chacun d'eux.

18. Pour les motifs exposés au point 5, les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la dissimulation volontaire aux groupements évincés de la date de signature du marché ne peuvent qu'être rejetées.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les groupements représentés par M. F... et la société D... sont seulement fondés à demander la condamnation de la commune du Chambon-sur-Lignon à leur verser chacun la somme de 2 000 euros et la réformation du jugement attaqué dans cette mesure.

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés au titre du litige.

[…]

MAJ 25/07/20 - Source legifrance

Jurisprudence

CE, 31 octobre 2024, n° 490242, Métropole Aix-Marseille Provence (Le manque à gagner d’une entreprise candidate à l’attribution d’un contrat public, évincée à l'issue d'une procédure irrégulière, est évalué par la soustraction du total du chiffre d’affaires non réalisé de l’ensemble des charges variables et de la quote-part des coûts fixes qui aurait été affectée à l’exécution du marché si elle en avait été titulaire).

Cass. Com. 15 novembre 2023, n° 22-13.695 (Le fait pour un candidat à un marché de détenir une technologie adaptée aux besoins définis par l'acheteur ne constitue pas un avantage indu, dès lors qu'aucune solution spécifique n'est imposée par le pouvoir adjudicateur. « En se déterminant ainsi, sans rechercher en quoi le seul fait pour la société déclarée attributaire d'avoir précédemment, à l'occasion d'un autre marché ayant pour objet d'autres prestations que celles recherchées, mis à disposition de l'acheteur une solution comportant un logiciel cartographique, dont l'élaboration relevait de ses seuls mérites, constituait un avantage indu faussant l'égalité entre les candidats de ce nouveau marché, le président du tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision »). - Marché privé d'informatique soumis aux dispositions du code de la commande publique. Absence de base légale au regard des articles L3, L2141-8 et R2111-2 du code de la commande publique.

CE, 11 juillet 2018, n° 418021, communauté d'agglomération du Nord Grande-Terre (Il incombe au juge des référés de vérifier si le délai de consultation, quand bien même il serait supérieur au délai minimal fixé par les textes applicables, n'est néanmoins pas manifestement inadapté à la présentation d'une offre compte tenu de la complexité du marché public et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leurs candidatures et leurs offres).

Actualités

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Voir également

« sourcing » ou sourçage au sens du code de la commande publique. Au sens de l'article R2111-1 du code de la commande publique le sourcing est défini comme la possibilité pour un acheteur d'« effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, solliciter des avis ou informer les opérateurs économiques de son projet et de ses exigences ».