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CE, 18 juin 2003, n° 249630, Groupement ETPO Biwater Aqua TP indemnisation manque à gagner

Conseil d’Etat, 31 octobre 2024, n° 490242 - Manque à gagner et coûts fixes en marchés publics

Dans le cadre d'un marché public de transport et traitement des déchets ménagers, le Conseil d'État rappelle les règles d'indemnisation d'un candidat irrégulièrement évincé. Il souligne que l'évaluation du manque à gagner ne peut se limiter aux seuls coûts variables mais doit intégrer la part des coûts fixes qui aurait été affectée à l'exécution du marché. La haute juridiction censure ainsi l'arrêt de la cour administrative d'appel qui avait conditionné la prise en compte des coûts fixes à l'existence de frais supplémentaires.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000050429404

Dans une affaire concernant un marché public de transport et traitement des déchets ménagers, le Conseil d'État rappelle la méthode de calcul du préjudice d'une entreprise évincée irrégulièrement. Il rappelle d'abord qu'en l'absence de toute chance de remporter le marché, aucune indemnité n'est due. Si l'entreprise avait une chance de l'emporter, elle peut prétendre au remboursement des frais de présentation de l'offre. En cas de chances sérieuses, l'indemnisation doit couvrir le manque à gagner, calculé en soustrayant du chiffre d'affaires non réalisé l'ensemble des charges variables et la quote-part des coûts fixes qui aurait été affectée à l'exécution du marché. Le Conseil d'État censure ainsi l'arrêt de la cour administrative d'appel qui avait limité la prise en compte des coûts fixes aux seuls frais supplémentaires.

La règle générale prévoit que l'indemnisation du manque à gagner d'un candidat évincé doit prendre en compte l'ensemble des coûts qui auraient été engagés pour l'exécution du marché.

En l'espèce, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en conditionnant la prise en compte des coûts fixes à l'existence de frais supplémentaires, alors qu'elle aurait dû intégrer la quote-part des coûts fixes existants qui aurait été affectée à l'exécution du marché.

[...]

6. D'une part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le contrat. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le contrat. Dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. D'autre part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité et si les chances sérieuses de l'entreprise d'emporter le contrat sont établies, de vérifier qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation. Il lui incombe aussi d'apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain, en tenant compte notamment, s'agissant des contrats dans lesquels le titulaire supporte les risques de l'exploitation, de l'aléa qui affecte les résultats de cette exploitation et de la durée de celle-ci. Enfin, dans le cas où le contrat a été résilié par la personne publique, il y a lieu, pour apprécier l'existence d'un préjudice directement causé par l'irrégularité et en évaluer le montant, de tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation, afin de déterminer quels auraient été les droits à indemnisation du concurrent évincé si le contrat avait été conclu avec lui et si sa résiliation avait été prononcée pour les mêmes motifs que celle du contrat irrégulièrement conclu.

7. Le manque à gagner de l'entreprise est évalué par la soustraction du total du chiffre d'affaires non réalisé de l'ensemble des charges variables et de la quote-part des coûts fixes affectée à l'exécution du marché.

8. La cour administrative d'appel de Marseille a jugé qu'il n'y avait pas lieu, pour évaluer le manque à gagner, de tenir compte des coûts fixes, sauf à démontrer l'existence de coûts fixes supplémentaires induits par l'obtention du marché. En subordonnant ainsi la prise en compte des coûts fixes dans le calcul du manque à gagner à l'existence de frais supplémentaires induits par l'obtention du marché, alors qu'il lui appartenait de soustraire la part des coûts fixes de la société SMA Vautubière qui aurait été affectée à l'exécution du marché si elle en avait été titulaire, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la métropole Aix-Marseille Provence est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 16 octobre 2023 qu'elle attaque..

[...]  

MAJ 10/11/24 - Source legifrance

Voir également

Indemnisation pour éviction irrégulière et réparation du préjudice

Jurisprudence

CE, 28 novembre 2023, n° 468867, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer (Le candidat irrégulièrement évincé doit avoir été le seul à disposer d’une chance sérieuse d’emporter le contrat. Il appartient au juge saisi par une société d’une demande tendant à la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de la procédure de passation de vérifier si cette société aurait eu des chances sérieuses d’emporter le contrat au contraire de tous les autres candidats. La seule circonstance que l’offre finale de la société évincée n’aurait pas eu une valeur inférieure à celles de tous les autres candidats admis à négocier ne saurait conduire à ce qu’elle soit regardée comme ayant des chances sérieuses d'emporter le contrat)

CE, 8 février 2010, n° 314075, Commune de la Rochelle (Entreprises : à vous de choisir ! Mémoire technique généraliste ou stéréotypé ? Le choix de l'offre ne peut se fonder sur les références des entreprises candidates, mais exclusivement sur la valeur intrinsèque de l'offre. Contrôle de l'erreur manifeste d’appréciation de la valeur technique de l'offre. Dans le cas d'une chance sérieuse d’emporter le marché, la société lésée a droit à l’indemnisation de l’intégralité du manque à gagner en résultant pour elle, incluant nécessairement, en l’absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation de l’offre intégrés dans ses charges, mais excluant le remboursement des frais généraux de l’entreprise qui seraient affectés à ce marché ; ce manque à gagner doit être déterminé en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l’avait obtenu).

CE, 26 sept. 2007, n° 259809, OPHLM du Gard (Absence Une personne publique ayant conclu un marché entaché de nullité et n’ayant pas fait naitre d’obligations entre les parties peut exercer une action en répétition de l’indu)

CAA Marseille, 9 juillet 2007, n° 05MA01087, Cie générale eaux c/ Commune Frontignan (Illégalité des bons de commande n'entrainant pas la nullité du marché et rejet de la demande indemnitaire fondée sur les terrains des responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle)

CAA  de Marseille, 25 juin 2007, n° 03MA00359, Société de transports Galiero (Conditions de réparation du préjudice né de l'éviction irrégulière d'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public).

CAA Paris, 20 mars 2007, n° 04PA04003, Société GETRONICS FRANCE venant aux droits de la SOCIETE OSLY FRANCE (Indemnisation de prestations effectuées sans marché, partage des responsabilités entre le prestataire et l'Etat sur le fondement de l'enrichissement sans cause en résultant pour l'Etat. Remboursement de celles de ses dépenses utiles, à l'exclusion de tout bénéfice, engagées par l'entreprise pour assurer les prestations dont l'administration a profité)

CE, 29 décembre 2006, n° 273783, Société Bertele SNC c/ Commune de LENS (Un règlement de consultation qui retient comme premier critère d’attribution des offres la qualification professionnelle des entreprises est illégal. Conditions d'indemnisation).

CE, 27 janvier 2006, n° 259374, ville d’Amiens (Indemnisation du manque à gagner. La réalisation par une entreprise, après qu'elle a été irrégulièrement évincée d'un marché, d'un chiffre d'affaires sur d'autres marchés est sans incidence sur l'évaluation du manque à gagner résultant de cette éviction irrégulière).

CE, 18 juin 2003, n° 249630, Groupement d'entreprises solidaires ETPO Guadeloupe, Société Biwater et Société Aqua TP (Règles d'indemnisation d'un candidat injustement évincé)

CAA Douai, 28 mai 2003, n° 00DA00663, Entreprise Delattre c/ Commune d'Amiens (Conditions d'indemnisation d'une entreprise privée d'une chance sérieuse de remporter un marché compte tenu du caractère irrégulier de la procédure d'appel d'offres)

CE, 23 mai 1979, n° 00063, commune de Fontenay-le-Fleury (Notion Tacite reconduction équivalant à la passation d'un nouveau contrat. Nullité du contrat et droit à l’indemnisation du cocontractant. Un avenant au contrat initial, conclu de gré à gré, avait pour effet d'augmenter la valeur totale du marché au point de dépasser le seuil applicable à cette procédure. Le Conseil d'État a jugé cet avenant nul, considérant qu'il conduisait à un contournement des règles de mise en concurrence applicables aux marchés dépassant un certain seuil. Cet arrêt met en évidence la position initiale de la jurisprudence, qui interdisait tout dépassement de seuil, quel que soit le motif de la modification. Cette approche visait à garantir le respect strict des procédures de passation des marchés publics et à prévenir tout risque de favoritisme ou de manque de transparence).