Tribunal administratif de Caen, 28 décembre 2022, n° 2100330 - Marché sans publicité ni mise en concurrence
Un marché public d'un montant inférieur à 40 000 euros HT peut être passé sans publicité ni mise en concurrence, sous réserve du respect des principes fondamentaux de la commande publique.
Un marché public dont le montant est inférieur à 40 000 euros HT peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables, conformément à l'article R2122-8 du code de la commande publique. L'acheteur doit toutefois veiller à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique. La seule circonstance qu'un conseiller municipal soit le frère de l'artisan bénéficiaire du contrat ne suffit pas à caractériser une situation de conflit d’intérêts au sens de l'article L2131-11 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il n'est pas établi que ce conseiller ait participé aux travaux de la commission d'appel d'offres ou influencé le vote du conseil municipal.
Résumé
Dans un jugement du 5 octobre 2024, le Tribunal administratif rejette le recours de deux élus d'opposition contestant la délibération d'un conseil municipal approuvant un devis de travaux d'un montant de 2 302 euros HT. Les requérants soutenaient notamment que cette délibération méconnaissait les règles de publicité et de mise en concurrence.
Les juges rappellent qu'aux termes de l'article R2122-8 du code de la commande publique, *"l'acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 40 000 euros hors taxes"*. Cette disposition impose néanmoins à l'acheteur de *"veiller à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin"*.
En l'espèce, le montant du devis étant largement inférieur au seuil de 40 000 euros HT, le tribunal considère que la commune n'était pas tenue de mettre en œuvre une procédure formalisée de publicité et de mise en concurrence. Les requérants n'établissent par ailleurs pas que ce devis s'inscrirait dans le cadre d'un marché global dont le montant annuel dépasserait ce seuil.
Le tribunal écarte également les autres moyens soulevés par les requérants. Il juge notamment que la seule circonstance qu'un conseiller municipal soit le frère de l'artisan bénéficiaire du contrat ne suffit pas à caractériser une situation de conflit d’intérêts au sens de l'article L2131-11 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il n'est pas établi que ce conseiller ait participé aux travaux de la commission d'appel d'offres ou influencé le vote du conseil municipal.
Cette décision s'inscrit dans la lignée d'une jurisprudence constante rappelant que si les marchés de faible montant sont dispensés des obligations de publicité et de mise en concurrence, l'acheteur doit néanmoins respecter les principes fondamentaux de la commande publique que sont la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures.
Texte
[...]
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L2131-11 du code général des collectivités territoriales, dans sa version en vigueur à la date de la délibération : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ".
7. La seule circonstance que l'un des conseillers municipaux, qui a pris part aux délibérations du conseil municipal de la commune de Coulouvray-Boisbenâtre ayant pour objet l'approbation d'un devis de travaux, soit le frère de l'artisan bénéficiaire du contrat, ne suffit pas à établir qu'il soit "intéressé à l'affaire" au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L2131-11 du code général des collectivités territoriales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce conseiller municipal, simple membre suppléant, ait participé aux travaux de la commission d'appel d'offre ayant examiné le devis approuvé, ni qu'il ait influencé le vote du conseil municipal. En conséquence, le moyen doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les conseillers municipaux n'auraient pas été mis à même d'exercer, en tant que de besoin, leur droit à l'information en prenant connaissance du dossier avant la réunion ou en demandant des précisions en séance, afin d'être à même de délibérer en toute connaissance de cause. En l'absence d'élément circonstancié produit par les requérants, il n'est pas établi que des conseillers municipaux aient sollicité en vain, avant la réunion du conseil municipal ou pendant la séance du 5 février 2021, la communication d'informations complémentaires, en particulier la communication du devis en cause. Il ressort d'ailleurs de l'extrait du registre des délibérations que ce devis a été présenté en séance. En conséquence, le moyen tiré du défaut d'information des conseillers municipaux doit être écarté.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article R2122-8 du code de la commande publique : " L'acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 40 000 euros hors taxes ou pour les lots dont le montant est inférieur à 40 000 euros hors taxes et qui remplissent la condition prévue au b du 2° de l'article R2123-1. L'acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin ".
11. M. B et Mme C soutiennent que l'approbation du devis en cause ne respecte pas les règles applicables en matière de mise en concurrence et de publicité du marché telles que prévues par l'article R2122-8 du code de la commande publique précité. Il ressort des pièces du dossier que le devis fait état d'une somme de 2 302 euros hors taxe, soit un montant en dessous du seuil de mise en concurrence ou de soumission à publicité. Si les requérants invoquent un défaut de publicité et de mise en concurrence, le devis considéré, dont il n'est pas établi qu'il s'inscrirait dans un marché global supérieur à 40 000 euros sur un an, n'entre pas dans la catégorie des marchés soumis à publicité ou mise en concurrence. En conséquence, le moyen tiré du défaut de mise en concurrence ou de publicité du devis approuvé par la délibération attaquée doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B et Mme C doit être rejetée dans l'ensemble de ses conclusions.
[...]
MAJ 15/01/23
Jurisprudence
TA Strasbourg, 16 mai 2024, n° 2108389 (Marché public de faible montant : irrégularité dans le choix du critère de sélection, pas d'indemnisation pour l'entreprise écartée. Entreprise évincée d'un marché public de faible montant (marché à procédure adaptée) contestant le choix du critère unique du prix pour sélectionner l'attributaire. Le juge du contrat confirme l'irrégularité du choix du critère unique du prix mais refuse d'annuler le contrat. Il considère que l'irrégularité n'a pas eu de conséquence réelle sur le choix de l'attributaire et que l'entreprise écartée n'aurait pas pu remporter le marché).
TA Caen, 22 janvier 2024, n° 2201185 (Consultation de plusieurs entreprises et MAPA. La consultation de plusieurs entreprises ne transforme pas automatiquement une procédure en MAPA. Une application extensive des dispositions dérogatoires de la loi ASAP aux marchés publics de travaux inférieurs à 100 000€ HT).
Information des candidats dans les procédures adaptées (Quelle que soit la procédure utilisée les critères doivent être annoncés dans l'AAPC)
CAA Douai, 31 décembre 2012, n° 11DA00590, Commune de HOYMILLE (Demande de devis dans un MAPA et respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement et de transparence des procédures. Un marché à procédure adaptée résultant d’une demande de devis est soumis aux dispositions de l’article 1er du code des marchés publics et doit faire connaître les critères de choix des offres dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché).
CE, 24 février 2010, n° 333569, Communauté de commune de l'Enclave des Papes (L’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un marché public est nécessaire dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges y compris pour les marchés passés selon la procédure adaptée. Le Conseil d’Etat précise que lorsqu'un pouvoir adjudicateur décide de restreindre le nombre de candidats autorisés à soumettre une offre, il doit garantir une information adéquate sur les critères de sélection dès le début de la procédure d'attribution du marché, que ce soit dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le cahier des charges disponible pour les candidats. Ainsi si un pouvoir adjudicateur sélectionne les candidats avant d'examiner les offres dans le cadre d'un marché passé selon une procédure adaptée, il doit, d'une part, informer les candidats de cette phase de sélection et, d'autre part, leur fournir des détails sur ses modalités).
Questions écrites au sénat ou à l'assemblée nationale
QE sénat n° 19417 de M. MASSON Jean Louis - 04/02/2021 - Réalisation d'une prestation de service pour une commune (Règle des 3 devis).