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https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007568832
Résumé
Les dispositions des articles 296 ter et 297 du code des marchés publics alors en vigueur imposent à la commission d’appel d’offres, pour chaque offre, d’ouvrir la première enveloppe intérieure, contenant les justifications relatives aux qualités et capacités des candidats.
Ce n’est qu’une fois cette opération effectuée que la commission d’appel d’offres peut décider, avant l’ouverture des secondes enveloppes intérieures, contenant les offres, d’éliminer les candidats dont elle estime qu’ils n’ont pas qualité pour présenter une offre ou dont les capacités lui paraissent insuffisantes.
Ce n'est donc qu'une fois ces formalités effectuées que la commission d’appel d’offres peut, pour procéder à cette appréciation, tenir compte, notamment, des difficultés rencontrées par l’un des candidats pour exécuter un précédent marché.
En l'espèce, par un avis publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 15 avril 1997, le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE a lancé un appel d’offres ouvert portant sur la fourniture de matériels et de progiciels, la formation et l’assistance, pour la mise en oeuvre d’un système informatique de gestion des assistantes maternelles.
La commission d’appel d’offres, lors de sa réunion du 4 juin 1997, la commission d’appel d’offres a procédé à l’ouverture des plis, et a décider d’éliminer la société xxx, sans ouvrir la première enveloppe que comportait l’offre présentée par celle-ci, en raison des difficultés qu’elle avait rencontrées dans l’exécution d’un précédent marché ayant le même objet. Ainsi la commission d’appel d’offres a méconnu les dispositions précitées des articles 296 ter et 297 du code des marchés publics
Texte
Cour Administrative d’Appel de Nancy
statuant au contentieux
N° 01NC00913
Inédit au Recueil Lebon
Lecture du 12 mai 2005
REPUBLIQUE FRANCAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu I) la requête, enregistrée le 24 août 2001 sous le n° 01NC000913, présentée par le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE, représenté par le président du conseil général en exercice, à ce habilité par délibération de la commission permanente du 11 septembre 2001 ; le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 972102 du 22 mai 2001 par lequel, à la demande de la société xxx, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de la commission d’appel d’offres du 4 juin 1997 de ne pas retenir son offre ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société xxx devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Il soutient :
- qu’en décidant de ne pas ouvrir la première enveloppe contenant l’offre de la société xxx, la commission d’appel d’offres n’a pas méconnu l’article 297 du code des marchés publics, dès lors que le rejet de son offre n’était pas justifié par l’examen des pièces fournies, mais par le comportement de cette entreprise lors de l’exécution d’un précédent marché, qui avait dû être résilié aux torts de celle-ci, mesure dont le tribunal administratif a reconnu le bien-fondé ;
- que par ordonnance du 3 septembre 1997, le vice-président du tribunal administratif avait admis la légalité de cette décision ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2000, présenté pour la société xxx, société anonyme représentée par son président-directeur général en exercice, par Me Bonnefoy-Claudet, avocat ;
Elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation du DEPARTEMENT DE LA MOSELLE à lui verser 1 500 euros au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
Vu l’ordonnance du président de la première chambre de la Cour du 8 novembre 2004, fixant au 3 décembre 2004 la date de clôture de l’instruction ;
Vu II) la requête, enregistrée le 22 janvier 2002 sous le n° 02NC000083, présentée pour le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE, représenté par le président du conseil général en exercice, par Me Muller, avocat ; le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 985468 du 27 novembre 2001 par lequel, à la demande de la société xxx, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de la commission d’appel d’offres du 6 mars 1998 retenant l’offre de la société DBX, ensemble la décision de la commission permanente de conclure un marché avec ladite société ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société xxx devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) de condamner la société xxx à lui verser 1 525 euros au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la solution retenue par le jugement attaqué contredit celle qu’avait adoptée le vice-président du tribunal administratif par ordonnance du 3 septembre 1997 ;
- l’ouverture de la première enveloppe était inutile, la commission d’appel d’offres étant déjà suffisamment éclairée sur les capacités de la société xxx ;
- la commission d’appel d’offres n’avait pas d’autre possibilité que d’évincer cette entreprise, compte tenu de son comportement lors de l’exécution d’un précédent marché, qui avait dû être résilié à ses torts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l’ordonnance du président de la première chambre de la Cour du 8 novembre 2004, fixant au 3 décembre 2004 la date de clôture de l’instruction ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 14 avril 2005 :
- le rapport de M. Clot, président,
- les observations de Me Bonnefoy-Claudet, avocat de la société xxx,
- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées du DEPARTEMENT DE LA MOSELLE présentent à juger les mêmes questions et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant qu’aux termes de l’article 296 bis du code des marchés publics, relatif à la procédure de passation des marchés au nom des collectivités territoriales sur appel d’offres ouvert, dans sa rédaction alors en vigueur : (...) Les candidats transmettent leur offre sous pli cacheté contenant deux enveloppes également cachetées. Ce pli porte l’indication de l’appel d’offres auquel il se rapporte. Les enveloppes intérieures portent le nom du candidat ainsi que, respectivement, les mentions : Première enveloppe intérieure et : Seconde enveloppe intérieure. La première enveloppe intérieure contient les justifications visées au 5 de l’article 38, la seconde contient l’offre ; qu’aux termes de l’article 296 ter du même code : A leur réception, les plis contenant les offres sont enregistrés dans leur ordre d’arrivée sur un registre spécial par un agent placé sous l’autorité du représentant légal de la collectivité. Les plis et les enveloppes intérieures sont ouverts par la commission prévue à l’article 279 dans les conditions mentionnées à l’article 297. (...) La commission dresse un procès-verbal des opérations d’ouverture qui n’est pas rendu public ; que l’article 297 ajoute : I. La commission ouvre la première enveloppe intérieure. Elle en enregistre le contenu dans toutes les parties essentielles, y compris les pièces jointes. Elle élimine par décision prise avant l’ouverture de l’enveloppe contenant l’offre, les candidats qui n’ont pas qualité pour présenter une offre ou dont les capacités paraissent insuffisantes. Les enveloppes contenant les offres des candidats éliminés sont rendues sans avoir été ouvertes. II. La commission procède ensuite à l’ouverture de la seconde enveloppe contenant les offres des candidats admis. Elle en enregistre le contenu dans toutes les parties essentielles, y compris les pièces jointes. Elle élimine les offres non conformes à l’objet du marché et choisit librement l’offre qu’elle juge la plus intéressante (...) ;
Considérant que les dispositions précitées des articles 296 ter et 297 du code des marchés publics imposent à la commission d’appel d’offres, pour chaque offre, d’ouvrir la première enveloppe intérieure, contenant les justifications relatives aux qualités et capacités des candidats ; que ce n’est qu’une fois cette opération effectuée qu’elle peut décider, avant l’ouverture des secondes enveloppes intérieures, contenant les offres, d’éliminer les candidats dont elle estime qu’ils n’ont pas qualité pour présenter une offre ou dont les capacités lui paraissent insuffisantes ; qu’elle peut, pour procéder à cette appréciation, tenir compte, notamment, des difficultés rencontrées par l’un des candidats pour exécuter un précédent marché ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que par un avis publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 15 avril 1997, le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE a lancé un appel d’offres ouvert portant sur la fourniture de matériels et de progiciels, la formation et l’assistance, pour la mise en oeuvre d’un système informatique de gestion des assistantes maternelles, qu’en décidant, lors de sa réunion du 4 juin 1997, au cours de laquelle elle a procédé à l’ouverture des plis, d’éliminer la société xxx, sans ouvrir la première enveloppe que comportait l’offre présentée par celle-ci, en raison des difficultés qu’elle avait rencontrées dans l’exécution d’un précédent marché ayant le même objet, la commission d’appel d’offres a méconnu les dispositions précitées des articles 296 ter et 297 du code des marchés publics ; que, dès lors, cette décision est illégale et qu’il en va de même, par voie de conséquence, de la décision de la commission d’appel d’offres du 6 mars 1998 de retenir l’offre de la société DBX et de la décision du département de conclure un marché avec cette entreprise ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions susmentionnées ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société xxx qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au DEPARTEMENT DE LA MOSELLE quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application desdites dispositions, de condamner le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE à payer à la société xxx une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par celle-ci en appel et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes du DEPARTEMENT DE LA MOSELLE sont rejetées.
Article 2 : Le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE versera à la société xxx la somme de 1 000 euros au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DE LA MOSELLE, à la société xxx et à la société DBX.
Voir également
mauvaise exécution d'un marché précédent,
critères, critères de sélection des candidatures, dossier de candidature,
capacités techniques, capacités financières, capacités professionnelles,
critères de choix des offres, offres, pondération des critères de sélection des candidatures ou de choix des offres
système de qualification d’opérateurs économiques
Clauses sensibles dans les marchés publics d'informatique
Code des marchés publics 2006-2016 [abrogé]
Présentation des documents et renseignements fournis par les candidats
Article 44 [Pièces à l’appui des candidatures]
Article 45 [Documents de candidature exigibles]
Article 46 [Documents de candidatures, certificats et attestations]
Article 47 [Documents de candidatures, inexactitude des documents et renseignements, sanctions]
Examen des candidatures et des offres
Article 52 [Sélection des candidatures]
Article 53 [Attribution des marchés]
Article 54 [Sélection des offres au moyen d’enchères électroniques]
Article 55 [Offre anormalement basse]
Jurisprudence
CAA Paris, 2 octobre 2007, n° 06PA02495, Société GAR c/Commune de Congis-sur-Thérouanne (Un pouvoir adjudicateur ne peut écarter la candidature d’une entreprise en se fondant uniquement sur des litiges avec cette dernière sans examiner dans son ensemble son dossier de candidature)
CAA Marseille, 13 juin 2005, n° 04MA00070, SARL MARIANI FRERES c/ Département de Haute-Corse (Une commission d'appel d'offres peut écarter la candidature d’une entreprise en se fondant sur les retards reprochés dans l'exécution de marchés passés antérieurement. Mais cette décision ne peut être prise qu'après ouverture de la seconde enveloppe)
CAA Nancy, 12 mai 2005, 01NC00913, Département de la Moselle (La commission d'appel d'offres peut tenir compte notamment des difficultés rencontrées avec un candidat pour exécuter un précédent marché pour éliminer le candidat ; cependant elle est tenue de procéder à l’ouverture de la première enveloppe intérieure)
CE, 27 février 1987, n° 61402, Hôpital départemental ESQUIROL c/ Sté Généton (La commission d’appel d’offres ne commet pas une erreur manifeste d’appréciation en écartant une société de la liste des entreprises admises à présenter une offre en raison de difficultés qui avaient affecté la réalisation de travaux antérieurs et ce, bien que les marchés précédents aient donné lieu à réception définitive sans réserve).