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TA Rennes, 2 décembre 2024, n° 2406252 - Téléchargement externe d'une offre

TA Rennes, 2 décembre 2024, n° 2406252 - Téléchargement externe d'une offre

Selon le Tribunal administratif de Rennes, l'acheteur peut légitimement rejeter comme irrégulière une offre incomplète dont certains éléments essentiels sont accessibles uniquement via un lien de téléchargement externe, lorsque le règlement de consultation impose la transmission exclusive des offres par la plateforme PLACE. Cette décision apporte des clarifications intéressantes sur les modalités de dépôt des offres dématérialisées et leurs conséquences contentieuses. Voir également sur le mêm sujet : Liens hypertextes dans les mémoiress techniques des marchés publics : Quels sont les risques ?

Cette décision peut être intéressante pour peu qu'elle soit confirmée sachant que de nombreuses entreprises se posent la question du téléchargement de pièces d'offres via des liens externes au profil d'acheteur.

La direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information de Brest avait lancé, par un avis publié le 26 juillet 2024, un accord-cadre mono-attributaire à bons de commande pour des prestations de numérisation patrimoniale. Ce marché, divisé en deux lots, concernait respectivement la numérisation de livres et périodiques militaires d'une part, et celle de documents manuscrits, tapuscrits et iconographiques d'autre part. La société Arkhenum, candidate aux deux lots, s'est vue notifier le rejet de ses offres au motif qu'elles étaient incomplètes, les échantillons-tests requis n'étant pas directement joints aux mémoires techniques mais accessibles via un lien de téléchargement externe.

Le juge des référés précontractuels, saisi par la société évincée, développe un raisonnement en trois temps, qui permet de dégager des principes essentiels en matière de dématérialisation des procédures.

En premier lieu, le tribunal rappelle le cadre juridique applicable. L'article L2152-2 du code de la commande publique dispose qu'"une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète". Cette définition est complétée par l'article R2152-2 du même code qui prévoit que la régularisation des offres irrégulières reste une simple faculté pour l'acheteur. Le juge souligne ainsi que le pouvoir adjudicateur n'était nullement tenu de donner suite à la demande de régularisation formulée par la société.

En deuxième lieu, le tribunal procède à une analyse du règlement de consultation. Celui-ci exigeait explicitement deux conditions cumulatives : d'une part, les échantillons-tests devaient être intégrés au mémoire technique comme éléments "indispensables à l'appréciation de la valeur technique de l'offre" et, d'autre part, l'ensemble des éléments devait être transmis "en une seule fois" et "exclusivement par la plateforme PLACE". Le juge en déduit que l'acheteur a fait une exacte application du règlement en écartant des offres dont les mémoires techniques ne comprenaient pas physiquement les échantillons-tests, "sans tenir compte de l'existence des liens de téléchargement" vers un serveur externe.

En troisième lieu, le tribunal examine et écarte avec précision l'argumentaire technique de la société requérante. Si la plateforme PLACE limite effectivement la taille des fichiers à un gigaoctet, cette contrainte s'applique par fichier et non à l'envoi global. Les candidats disposaient donc de solutions techniques adaptées, notamment la possibilité de scinder leurs documents en plusieurs fichiers ou de les comprimer. Cette faisabilité technique permet également d'écarter le moyen tiré d'une prétendue rupture d'égalité entre les candidats.

La portée de cette décision dépasse largement le cas d'espèce. Elle constitue un guide pratique tant pour les acheteurs que pour les opérateurs économiques. Pour les premiers, elle souligne l'importance de préciser dans leurs documents de consultation non seulement les modalités techniques de dépôt des offres, mais aussi les solutions alternatives autorisées en cas de contraintes techniques. Pour les seconds, elle rappelle la nécessité d'anticiper ces contraintes en prévoyant une organisation des fichiers compatible avec les limites des plateformes de dématérialisation.

Cette décision s'inscrit ainsi dans la construction jurisprudentielle relative à la dématérialisation des procédures. Elle confirme que les exigences formelles du règlement de consultation, lorsqu'elles sont claires et précises, s'imposent aux candidats qui ne peuvent y déroger, même pour des motifs apparemment pragmatiques. Elle rappelle également que la sécurité juridique des échanges dématérialisés prime sur la commodité technique des solutions alternatives non expressément autorisées. L'utilisation de liens hypertextes ne garantit pas que les documents concernés ne peuvent pas être modifiés après le délai de dépôt des offres, ce qui est contraire au principe d’égalité de traitement des soumissionnaires.

MAJ 07/12/24

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6. Les offres que la société Arkhenum a présentées pour l'attribution des deux lots du marché en cause ont été rejetées comme irrégulières, au motif que les mémoires techniques ne comprenaient pas les échantillons tests requis outre que, s'agissant du lot n° 2, avaient été joints le bordereau de prix unitaire et le devis quantitatif estimatif du lot n° 1.

7. Pour contester le rejet de ses offres, la société Arkhenum soutient qu'elles n'étaient pas incomplètes ni, par suite, irrégulières, dès lors que les mémoires techniques comprenaient les rapports de numérisation ainsi que les échantillons, accessibles par un lien de téléchargement vers le serveur FTP, dont elle avait indiqué la méthode de téléchargement, ainsi que le lien et les identifiants. Elle soutient à cet égard qu'elle a été contrainte de procéder ainsi, dès lors que la plateforme PLACE ne permet pas de joindre des fichiers et documents d'un poids supérieur à un gigaoctet, que le règlement de la consultation n'exclut pas l'usage de liens de téléchargement, que le précédent marché autorisait et, enfin, qu'interdire une telle modalité de transfert est discriminatoire et méconnaît l'égalité de traitement des candidats, en tant que cela favorise les fichiers moins volumineux et donc les offres de moindre qualité.

8. Il résulte toutefois de la combinaison des dispositions précitées du règlement de la consultation, d'une part, que le mémoire technique joint à l'offre présentée pour chaque lot devait comprendre, notamment, la numérisation des échantillons-tests, ces éléments étant indispensables à l'appréciation de la valeur technique de l'offre et, d'autre part, que l'ensemble des éléments, documents et fichiers constituant l'offre devait être transmis en une seule fois, le cas échéant en autant de fichiers et documents que nécessaires, exclusivement par la plateforme PLACE. C'est par suite en faisant une exacte application du règlement de la consultation, dont les termes sont clairs et dénués d'ambiguïté sur ces différentes exigences, que le pouvoir adjudicateur a pu considérer que les offres de la société Arkhenum, dont les mémoires techniques ne comprenaient pas, parmi ses composantes, les échantillons-tests, étaient incomplètes et donc irrégulières, sans tenir compte de l'existence des liens de téléchargement de ces fichiers d'échantillons-tests sur un serveur extérieur, alors même que le règlement en cause n'interdisait pas explicitement l'usage de tels moyens de dépôt de pièces externes à la plateforme PLACE ou qu'un tel usage ait été autorisé dans le cadre d'une précédente procédure de passation.

9. S'il est par ailleurs constant que cette plateforme PLACE ne permet de joindre que des fichiers d'un poids inférieur à un gigaoctet, il s'agit là d'une limitation par fichier et non par envoi global, de sorte que ni le poids du mémoire technique, ni celui de l'offre totale n'étaient limités, le mémoire technique pouvant être scindé en autant de fichiers que nécessaire, chacun pouvant au demeurant faire l'objet d'une compression. Dans ces circonstances, la société Arkhenum ne peut utilement ni sérieusement soutenir que les contraintes de fonctionnement de la plateforme PLACE faisaient techniquement obstacle à ce qu'elle joigne à son mémoire technique les échantillons-tests, compte tenu de leur volume trop important, seul celui du lot n° 2 dépassant, au surplus, un gigaoctet. Elle ne peut davantage soutenir, pour les mêmes motifs, que cette limitation de la taille des fichiers transférables sur cette plate-forme génère une rupture d'égalité entre les candidats et une discrimination au détriment des offres qualitatives.

10. Il résulte de ce qui précède que les deux offres de la société Arkhenum pouvaient, au seul motif de l'absence des échantillons-tests dans le mémoire technique, être écartées comme irrégulières, sans qu'il ne puisse être reproché au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir donné suite à la demande de régularisation des offres, constituant une simple faculté.

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Actualités

Liens hypertextes dans les mémoiress techniques des marchés publics : Quels sont les risques ? (Un soumissionnaire a l’obligation de soumettre son offre dans le délai imparti, au-delà de ce délai, celle-ci ne peut plus être modifiée. Mais qu’en est-il si certains éléments du mémoire technique sont accessibles uniquement par des liens hypertextes intégrés dans l’offre ? Le pouvoir adjudicateur a-t-il alors la garantie que ces éléments ne peuvent plus être modifiés après le délai de dépôt des offres ? Ces questions, liées à la réponse électronique, se sont posées dans un litige opposant un soumissionnaire dont l’offre a été rejetée et la Commission Européenne TUE, 14 juin 2023, Aff. n° T-376/21, Instituto Cervantes / Commission Européenne).

Jurisprudence marchés publics et autres contrats publics

TUE, 14 juin 2023, Aff. n° T-376/21, Instituto Cervantes / Commission Européenne (Analyse des risques potentiels associés à l'utilisation de liens hypertextes dans les offres de marchés publics, tels que la modification des documents après le dépôt de l'offre).