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Dans l’affaire C-264/03,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE,
introduit le 17 juin 2003,
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. B. Stromsky
et K. Wiedner, ainsi que par Mme F. Simonetti, en qualité d’agents,
ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République française, représentée par MM. G. de Bergues et D. Petrausch,
en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, MM. J.
Malenovský, J.-P. Puissochet, A. Borg Barthet et U. Lõhmus, juges,
avocat général: M. M. Poiares Maduro,
greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 octobre 2004,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24
novembre 2004,
rend le présent
Arrêt
1 - Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à
la Cour de constater que, en réservant, à l’article 4 de la loi nº
85-704, du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d’ouvrage publique et
à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée (JORF du 13 juillet 1985,
p. 7914), telle que modifiée par la loi nº 96-987, du 14 novembre 1996,
relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville (JORF du
15 novembre 1996, p. 16656, ci-après la «loi nº 85-704»), la mission de
maîtrise d’ouvrage déléguée à une liste exhaustive de personnes morales
de droit français, la République française a manqué aux obligations qui
lui incombent en vertu de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin
1992, portant coordination des procédures de passation des marchés
publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée par la
directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre
1997 (JO L 328, p. 1, ci-après la «directive 92/50»), et, plus
particulièrement des articles 8 et 9 de celle-ci, ainsi que de l’article
49 CE.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
2 - Selon l’article 1er, sous a), de la directive 92/50, les «marchés
publics de services» sont des contrats à titre onéreux, conclus par
écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur, à
l’exclusion des contrats énumérés à ladite disposition, sous i) à ix).
Conformément à l’article 1er, sous b), de la même directive, sont
considérés comme «pouvoirs adjudicateurs» «l’État, les collectivités
territoriales, les organismes de droit public, les associations formées
par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit
public». L’article 1er, sous c), de ladite directive définit comme
«prestataire de services» «toute personne physique ou morale, y inclus
un organisme public, qui offre des services».
3 - L’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50 dispose que les
pouvoirs adjudicateurs veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination
entre les différents prestataires de services.
4 - Aux termes de l’article 6 de ladite directive, celle-ci «ne
s’applique pas aux marchés publics de services attribués à une entité
qui est elle-même un pouvoir adjudicateur au sens de l’article 1er point
b) sur la base d’un droit exclusif dont elle bénéficie en vertu de
dispositions législatives, réglementaires ou administratives publiées, à
condition que ces dispositions soient compatibles avec le traité».
5 - L’article 7, paragraphe 1, sous a), de la même directive prévoit que
celle-ci s’applique aux marchés publics de services lorsque la valeur
estimée hors taxe sur la valeur ajoutée «égale ou dépasse 200 000
[euros]».
6 - En vertu de l’article 8 de la directive 92/50, les marchés qui ont
pour objet des services figurant à l’annexe I A de celle-ci doivent être
passés conformément aux dispositions des titres III à VI de ladite
directive, à savoir être soumis à un appel d’offres et faire l’objet
d’une publicité adéquate.
7 - La catégorie 12 de l’annexe I A de cette même directive vise les
«[s]ervices d’architecture; services d’ingénierie et services intégrés
d’ingénierie; services d’aménagement urbain et d’architecture paysagère;
services connexes de consultations scientifiques et techniques; services
d’essais et d’analyses techniques».
8 - Aux termes de l’article 9 de la directive 92/50, les marchés qui ont
pour objet des services figurant à l’annexe I B de celle-ci sont passés
conformément aux articles 14 et 16 de la même directive. L’article 14
porte sur les règles communes dans le domaine technique et l’article 16
sur les avis concernant les résultats de la procédure d’attribution.
9 - Les catégories 21 et 27 de l’annexe I B de la directive 92/50
comprennent respectivement les «services juridiques» et les «autres
services».
10 - L’article 10 de cette même directive dispose que «[l]es marchés qui
ont pour objet à la fois des services figurant à l’annexe I A et des
services figurant à l’annexe I B sont passés conformément aux
dispositions des titres III à VI lorsque la valeur des services figurant
à l’annexe I A dépasse celle des services figurant à l’annexe I B. Dans
les autres cas, le marché est passé conformément aux articles 14 et 16».
La réglementation nationale
11 - Les dispositions de la loi nº 85-704 sont applicables, aux termes
de l’article 1er de celle-ci, à la réalisation de tous ouvrages de
bâtiment ou d’infrastructure, ainsi qu’aux équipements industriels
destinés à leur exploitation dont les maîtres d’ouvrages sont:
«1° - L’État et ses établissements publics;
2° - Les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les
établissements publics d’aménagement de ville nouvelle créés en
application de l’article L321-1 du code de l’urbanisme, leurs
groupements ainsi que les syndicats mixtes, visés à l’article L166-1
du code des communes;
3° - Les organismes privés mentionnés à l’article L64 du code de la
sécurité sociale, ainsi que leurs unions et fédérations;
4° - Les organismes privés d’habitations à loyer modéré, mentionnés à
l’article L411-2 du code de la construction et de l’habitation, ainsi
que les sociétés d’économie mixte, pour les logements à usage locatif
aidés par l’État et réalisés par ces organismes et sociétés.»
12 - L’article 2 de ladite loi définit le maître de l’ouvrage comme:
«[...] la personne morale, mentionnée à l’article premier, pour laquelle
l’ouvrage est construit. Responsable principal de l’ouvrage, il remplit
dans ce rôle une fonction d’intérêt général dont il ne peut se démettre.
[...]
Le maître d’ouvrage définit dans le programme les objectifs de
l’opération et les besoins qu’elle doit satisfaire ainsi que les
contraintes et exigences de qualité sociale, urbanistique,
architecturale, fonctionnelle, technique et économique, d’insertion dans
le paysage et de protection de l’environnement, relatives à la
réalisation et à l’utilisation de l’ouvrage.
[…]»
13 - L’article 3 de la même loi dispose:
«[…] le maître de l’ouvrage peut confier à un mandataire, dans les
conditions définies par la convention mentionnée à l’article 5,
l’exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des
attributions suivantes de la maîtrise d’ouvrage:
1° - Définition des conditions administratives et techniques selon
lesquelles l’ouvrage sera étudié et exécuté;
2° - Préparation du choix du maître d’œuvre, signature du contrat de
maîtrise d’œuvre, après approbation du choix du maître d’œuvre par le
maître de l’ouvrage, et gestion du contrat de maîtrise d’œuvre;
3° - Approbation des avant-projets et accords sur le projet;
4° - Préparation du choix de l’entrepreneur, signature du contrat de
travaux, après approbation du choix de l’entrepreneur par le maître de
l’ouvrage, et gestion du contrat de travaux;
5° - Versement de la rémunération de la mission de maîtrise d’œuvre et
des travaux;
6° - Réception de l’ouvrage, et accomplissement de tous actes afférents
aux attributions mentionnées ci-dessus.
Le mandataire n’est tenu envers le maître de l’ouvrage que de la bonne
exécution des attributions dont il a personnellement été chargé par
celui-ci.
Le mandataire représente le maître de l’ouvrage à l’égard des tiers dans
l’exercice des attributions qui lui ont été confiées jusqu’à ce que le
maître de l’ouvrage ait constaté l’achèvement de sa mission dans les
conditions définies par la convention mentionnée à l’article 5. Il peut
agir en justice.»
14 - Aux termes de l’article 4 de la loi nº 85-704:
«Peuvent seuls se voir confier, dans les limites de leurs compétences,
les attributions définies à l’article précédent:
a) - Les personnes morales mentionnées aux 1° et 2° de l’article premier
de la présente loi, à l’exception des établissements publics sanitaires
et sociaux qui ne pourront être mandataires que pour d’autres
établissements publics sanitaires et sociaux;
b) - Les personnes morales dont la moitié au moins du capital est,
directement ou par une personne interposée, détenue par les personnes
morales mentionnées aux 1° et 2° de l’article 1er et qui ont pour
vocation d’apporter leur concours au maître d’ouvrage, à condition
qu’elles n’aient pas une activité de maître d’œuvre ou d’entrepreneur
pour le compte de tiers;
c) - Les organismes privés d’habitations à loyer modéré mentionnés à
l’article L411-2 du code de la construction et de l’habitation, mais
seulement au profit d’autres organismes d’habitations à loyer modéré
ainsi que pour les ouvrages liés à une opération de logements aidés;
d) - Les sociétés d’économie mixte locales régies par la loi n° 83-597
du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d’économie mixte locales;
e) - Les établissements publics créés en application de l’article L321‑1 du code de l’urbanisme ainsi que les associations foncières
urbaines autorisées ou constituées d’office en application des articles L322-1 et suivants du code de l’urbanisme;
f) - Les sociétés créées en application de l’article 9 de la loi n°
51-592 du 24 mai 1951 relative aux comptes spéciaux du Trésor pour
l’année 1951, modifié par l’article 28 de la loi n° 62-933 du 8 août
1962 complémentaire à la loi d’orientation agricole;
g) - Toute personne publique ou privée à laquelle est confiée la
réalisation d’une zone d’aménagement concerté ou d’un lotissement […];
h) - Les sociétés concluant le contrat prévu à l’article L222-1 du
code de la construction et de l’habitation pour la réalisation
d’opérations de restructuration urbaine des grands ensembles et
quartiers d’habitat dégradé […].
Ces collectivités, établissements et organismes sont soumis aux
dispositions de la présente loi dans l’exercice des attributions qui, en
application du présent article, leur sont confiées par le maître de
l’ouvrage.
Les règles de passation des contrats signés par le mandataire sont les
règles applicables au maître de l’ouvrage, sous réserve des adaptations
éventuelles nécessaires auxquelles il est procédé par décret pour tenir
compte de l’intervention du mandataire.»
15 - L’article 5 de la loi nº 85-704 prévoit:
«Les rapports entre le maître de l’ouvrage et les personnes morales
mentionnées à l’article 4 sont définis par une convention qui prévoit, à
peine de nullité:
a) - L’ouvrage qui fait l’objet de la convention, les attributions
confiées au mandataire, les conditions dans lesquelles le maître de
l’ouvrage constate l’achèvement de la mission du mandataire, les
modalités de la rémunération de ce dernier, les pénalités qui lui sont
applicables en cas de méconnaissance de ses obligations et les
conditions dans lesquelles la convention peut être résiliée;
[…]»
La procédure précontentieuse
16 - Estimant que certaines dispositions de la loi nº 85-704, et
notamment celles relatives aux conditions dans lesquelles un maître
d’ouvrage peut recourir à l’intervention d’un conducteur d’opération et
confier l’exercice de certaines de ses attributions à un maître
d’ouvrage délégué, étaient contraires, d’une part, aux dispositions de
la directive 92/50 et, d’autre part, à celles de l’article 49 CE, la
Commission a, par lettre du 25 juillet 2001, mis la République française
en demeure de présenter ses observations.
17 - Par lettre du 8 mars 2002, les autorités françaises ont contesté
les griefs soulevés par la Commission, à l’exception de ceux relatifs à
la conduite d’opération régie par l’article 6 de la loi nº 85-704. Elles
ont admis, à cet égard, que la mission de conduite d’opération est une
prestation de services au sens du droit communautaire et ont indiqué
qu’elle était désormais soumise au nouveau code des marchés publics
français.
18 - Cette réponse n’ayant pas satisfait la Commission, celle-ci a, le
27 juin 2002, adressé un avis motivé à la République française,
l’invitant à prendre les mesures requises pour se conformer à cet avis
dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
19 - Par courrier du 14 octobre 2002, la République française a fait
connaître à la Commission qu’elle maintenait les points de vue
développés dans sa lettre du 8 mars 2002.
20 - Estimant que le manquement perdurait pour ce qui est de la maîtrise
d’ouvrage déléguée, la Commission a décidé d’introduire le présent
recours.
21 - Depuis le dépôt de la requête en manquement, les autorités
françaises ont adopté l’ordonnance nº 2004-566, du 17 juin 2004, portant
modification de la loi n° 85‑704 (JORF du 19 juin 2004, p. 11020), qui
amende ladite loi en autorisant que le mandat de maîtrise d’ouvrage
déléguée soit désormais confié à toute personne publique ou privée,
supprimant ainsi l’exigence qu’il s’agisse d’une personne morale de
droit français, sous réserve toutefois du respect de certaines règles
d’incompatibilité visant à prévenir les
conflits
d’intérêts. D’après le
gouvernement français, ladite modification n’est pas la conséquence du
présent recours et ne modifie en rien le point de droit qu’il défend
dans le contexte de celui-ci.
Sur le recours
Arguments des parties
22 - La Commission soutient que, en réservant, à l’article 4 de la loi
nº 85‑704, la mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à des catégories de
personnes morales de droit français limitativement énumérées, la
République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu
de la directive 92/50, et plus particulièrement de ses articles 8 et 9,
ainsi que de l’article 49 CE.
23 - Selon la Commission, le mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée est
un marché public de services au sens de l’article 1er, sous a), de la
directive 92/50. Les missions objet du mandat relèveraient de la
catégorie 12 de l’annexe I A de cette directive, à l’exception des
missions de représentation, de sorte que les dispositions de la loi nº
85-704 ne respecteraient pas l’article 8 de ladite directive. S’agissant
des mandats portant exclusivement ou à titre principal sur des missions
de représentation, ceux-ci relèveraient de l’annexe I B de la directive
92/50, de sorte que ladite loi ne respecterait pas davantage l’article 9
de cette même directive.
24 - En outre, la Commission allègue que, pour ce qui est des mandats de
maîtrise d’ouvrage d’une valeur inférieure aux seuils fixés par la
directive 92/50, ainsi que des mandats portant exclusivement ou
principalement sur des services visés à l’annexe I B de celle-ci,
l’article 4 de la loi nº 85-704 constitue une restriction au principe de
la libre prestation des services consacré à l’article 49 CE. Une telle
restriction ne pourrait être justifiée ni par les articles 45 CE et 55
CE, dans la mesure où les missions concernées ne comporteraient pas de
participation, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité
publique, ni par les articles 46 CE et 55 CE, les raisons d’ordre
public, de sécurité publique et de santé publique ne trouvant pas à
s’appliquer dans les circonstances de l’espèce.
25 - Le gouvernement français soutient que le contrat de mandat de
maîtrise d’ouvrage déléguée prévu par la loi nº 85-704 n’est pas un
contrat de type commercial et ne relève pas du champ d’application de la
directive 92/50. Le mandataire participerait à une mission d’intérêt
général et ne saurait être considéré comme étant un prestataire de
services. Il représenterait le maître d’ouvrage, ce qui constituerait,
par essence, la fonction du mandat. Dans ce contexte, il bénéficierait
d’un transfert d’attributions s’accompagnant d’un pouvoir de décision.
La fonction de représentation serait inséparable de toutes les actions
menées par le mandataire pour le compte du mandant. En exerçant ses
compétences, qui sont en effet celles d’un pouvoir adjudicateur, le
mandataire serait soumis aux directives communautaires relatives aux
marchés publics.
26 - Le gouvernement français invoque par ailleurs l’arrêt du 12 juillet
2001, Ordine degli Architetti e.a. (C-399/98, Rec. p. I-5409), relatif à
l’application de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993,
portant coordination des procédures de passation des marchés publics de
travaux (JO L 199, p. 54). Il découlerait du raisonnement de la Cour
dans cet arrêt, applicable par analogie dans les circonstances de
l’espèce, qu’un contrat à titre onéreux, dès lors qu’il est constitutif
d’un mandat, pourrait échapper aux directives communautaires relatives
aux marchés publics.
Il suffirait que le mandataire soit lui-même soumis aux obligations
découlant desdites directives. Or, la loi nº 85-704 soumettrait les
contrats conclus par le mandataire aux mêmes obligations que s’ils
étaient conclus par le maître de l’ouvrage.
27 - Le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée présentant,
selon le gouvernement français, des caractéristiques telles qu’il ne
pourrait pas être assimilé à un contrat de prestations de services,
l’article 4 de la loi nº 85-704 ne serait pas contraire à l’article 49
CE.
Appréciation de la Cour
Observations liminaires
28 - L’article 3 de la loi nº 85-704 prévoit que le maître de l’ouvrage
peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par la
convention mentionnée à l’article 5 de cette même loi, l’exercice, en
son nom et pour son compte, de tout ou partie de certaines de ses
attributions. L’article 4 de ladite loi réserve la mission de maîtrise
d’ouvrage déléguée à des catégories de personnes limitativement
énumérées. Le gouvernement français n’a pas contesté que ces personnes
doivent être, ainsi que le soutient la Commission, des personnes morales
de droit français.
29 - Certes, depuis l’introduction du présent recours, les autorités
françaises ont amendé la loi nº 85-704 en autorisant que le mandat de
maîtrise d’ouvrage déléguée soit désormais confié à toute personne
publique ou privée, supprimant ainsi l’exigence qu’il s’agisse d’une
personne morale de droit français. Il convient néanmoins de relever que
l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la
situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai
fixé dans l’avis motivé (voir, notamment, arrêts du 16 janvier 2003,
Commission/Royaume-Uni, C-63/02, Rec. p. I-821, point 11, et du 16
décembre 2004, Commission/Italie, C‑313/03, non publié au Recueil, point
9). Les changements intervenus par la suite ne peuvent être pris en
compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 18 novembre 2004,
Commission/Irlande, C‑482/03, non publié au Recueil, point 11, et du 14
avril 2005, Commission/Allemagne, C‑341/02, non encore publié au
Recueil, point 33).
30 - Dans de telles conditions, il importe d’examiner si l’article 4 de
la loi nº 85-704 est conforme, d’une part, aux dispositions de la
directive 92/50 et, d’autre part, au principe de libre prestation des
services consacré à l’article 49 CE.
31 - Pour ce qui est de la violation alléguée de la directive 92/50, il
y a lieu de vérifier, dans un premier temps, si et dans quelle mesure le
contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée, tel que défini par la
loi nº 85‑704, relève du champ d’application de cette directive. À cet
égard, il convient de rappeler que ladite directive ne s’applique pas
aux marchés d’une valeur inférieure au seuil établi par celle-ci.
32 - Quant au grief tiré de la violation de l’article 49 CE, il y a lieu
de relever que les dispositions du traité CE relatives à la libre
circulation ont vocation à s’appliquer aux marchés publics échappant au
champ d’application de la directive 92/50. En effet, bien que certains
contrats soient exclus du champ d’application des directives
communautaires dans le domaine des marchés publics, les pouvoirs
adjudicateurs les concluant sont, néanmoins, tenus de respecter les
règles fondamentales du traité et le principe de non-discrimination en
raison de la nationalité en particulier (voir, en ce sens, arrêts du 7
décembre 2000,
Telaustria et Telefonadress, C‑324/98, Rec. p. I-10745,
point 60, et du 18 juin 2002, HI, C‑92/00, Rec. p. I‑5553, point 47,
ainsi que ordonnance du 3 décembre 2001, Vestergaard, C‑59/00, Rec. p.
I-9505, point 20).
33 - Il en est ainsi notamment s’agissant des marchés publics de
services dont la valeur n’atteint pas les seuils fixés par la directive
92/50. Le seul fait que le législateur communautaire a considéré que les
procédures particulières et rigoureuses prévues par les directives
relatives aux marchés publics ne sont pas appropriées lorsqu’il s’agit
de marchés publics d’une faible valeur ne signifie pas que ces derniers
sont exclus du champ d’application du droit communautaire (voir
ordonnance Vestergaard, précitée, point 19). De même, les contrats hors
du champ d’application de la directive 92/50, tels que les contrats de
concession, restent soumis aux règles générales du traité (voir, en ce
sens, arrêt du 21 juillet 2005, Coname, C-231/03, non encore publié au
Recueil, point 16).
34 - Enfin, il convient de rappeler que n’entrent pas dans le champ
d’application de l’article 49 CE, en vertu des articles 45, premier
alinéa, CE et 55 CE, en ce qui concerne l’État membre intéressé, les
activités participant dans cet État, même à titre occasionnel, à
l’exercice de l’autorité publique.
Sur le grief tiré de la violation de la directive 92/50
35 - La notion de «marchés publics de services» est définie à l’article
1er, sous a), de la directive 92/50. Cette disposition prévoit que
lesdits marchés sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit
entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur.
36 - Pour établir si le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée
au sens de la loi nº 85-704 relève du champ d’application de la
directive 92/50, il y a lieu d’examiner si les critères établis à
l’article 1er, sous a), de cette dernière sont remplis. Cette
disposition ne comportant aucun renvoi exprès au droit des États membres
pour déterminer son sens et sa portée, il n’y a pas lieu de rechercher
la qualification que le droit français donne audit contrat.
37 - En l’occurrence, il apparaît que lesdits critères sont remplis.
38 - Tout d’abord, l’article 5 de la loi nº 85-704 prévoit que les
rapports entre, d’une part, le maître d’ouvrage et, d’autre part, le
maître d’ouvrage délégué sont définis par une convention, conclue entre
eux par écrit. En outre, il ressort de la même disposition que le maître
d’ouvrage délégué reçoit une rémunération. Dès lors, ladite convention
peut être considérée comme un contrat à titre onéreux, conclu par écrit.
39 - Ensuite, pour ce qui est de la notion de «pouvoirs adjudicateurs»,
sont définis comme tels, aux termes de l’article 1er, sous b), de la
directive 92/50, «l’État, les collectivités territoriales, les
organismes de droit public, les associations formées par une ou
plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public».
40 - Or, l’article 1er de la loi nº 85-704 prévoit que les personnes
pouvant exercer les fonctions de maître d’ouvrage sont l’État et ses
établissements publics, les collectivités territoriales, leurs
établissements publics, les établissements publics d’aménagement de
ville nouvelle, leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes.
Peuvent également conclure des contrats de mandat de maîtrise d’ouvrage
déléguée en application de ladite loi les organismes privés mentionnés à
l’article L64 du code de la sécurité sociale, leurs unions et
fédérations, ainsi que les organismes privés d’habitations à loyer
modéré et les sociétés d’économie mixte, pour les logements à usage
locatif aidés par l’État et réalisés par ces organismes et sociétés.
41 - En l’espèce, il n’est pas contesté que ces personnes peuvent
constituer des pouvoirs adjudicateurs au sens de l’article 1er, sous b),
de la directive 92/50.
42 - Enfin, l’article 1er, sous c), de ladite directive définit comme
«prestataire de services» «toute personne physique ou morale, y inclus
un organisme public, qui offre des services». L’article 50 CE qualifie
de «services» «les prestations fournies normalement contre rémunération,
dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions
relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des
personnes». Les marchés qui ont pour objet des services figurant à
l’annexe I A de la directive 92/50 sont passés conformément aux
dispositions des titres III à VI de celle-ci et ceux figurant à l’annexe
I B conformément aux articles 14 et 16 de cette même directive.
43 - Les personnes qui peuvent se voir confier les attributions du
maître d’ouvrage délégué sont énumérées à l’article 4 de la loi nº
85-704. Il convient de relever qu’une partie de ces personnes peuvent,
elles-mêmes, constituer des pouvoirs adjudicateurs au sens de l’article
1er, sous b), de la directive 92/50. S’il est vrai que l’article 6 de
ladite directive exclut de son champ d’application les marchés publics
de services attribués à une entité qui est elle-même un pouvoir
adjudicateur sur la base d’un droit exclusif dont elle bénéficie en
vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives
publiées, il n’en demeure pas moins que ces conditions ne sont pas
remplies dans les circonstances de l’espèce.
44 - Les personnes susceptibles de se voir confier les attributions du
maître d’ouvrage délégué peuvent être considérées comme «prestataires de
services» dans la mesure où les attributions qui leur sont confiées, par
le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée, en application de
l’article 3 de la loi nº 85-704, correspondent à l’exécution des
prestations de services au sens du droit communautaire.
45 - À cet égard, l’argumentation développée par le gouvernement
français pour établir que le mandataire n’effectue pas des prestations
de services ne saurait être accueillie.
46 - Il ressort de l’article 3 de la loi nº 85-704, qui énumère les
attributions que le maître de l’ouvrage peut confier à un mandataire,
que le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée n’est pas
seulement un contrat par lequel le mandataire s’engage à représenter le
maître de l’ouvrage. Lesdites attributions comportent diverses missions
correspondant, d’une part, à des prestations d’assistance à caractère
administratif et technique et, d’autre part, à des tâches ayant pour
objet la représentation du maître de l’ouvrage.
47 - Tout d’abord, pour ce qui est de la question de savoir si la
fonction de représentation est inséparable de toutes les actions menées
par le mandataire pour le compte du mandant, ainsi que le soutient le
gouvernement français, il convient de relever qu’il est tout à fait
envisageable de dissocier ces différentes missions. En effet, le maître
de l’ouvrage peut confier à un mandataire, en application de l’article 3
de la loi nº 85-704, l’exercice de tout ou partie des attributions
énumérées à ladite disposition. Il importe également de constater que,
ainsi que l’a relevé à juste titre M. l’avocat général au point 37 de
ses conclusions, rien ne s’oppose à ce que ces missions soient
éventuellement soumises à des régimes différents.
48 - Ensuite, quant à la nature desdites attributions, il convient de
relever que la question de savoir si le mandataire contribue à
l’exercice d’une mission d’intérêt général n’est pas décisive pour
déterminer s’il effectue ou non des prestations de services. En effet,
il n’est pas inhabituel, dans le domaine des marchés publics, que le
pouvoir adjudicateur confie à un tiers une mission économique visant à
satisfaire un besoin d’intérêt général. Cette constatation est
corroborée notamment par le fait que la directive 92/50 s’applique, à
certaines exceptions, aux marchés publics de services passés par des
pouvoirs adjudicateurs dans le domaine de la défense.
49 - Enfin, il convient de déterminer si le contrat de mandat de
maîtrise d’ouvrage déléguée procède à un transfert de l’autorité
publique, ainsi que le prétend le gouvernement français. L’examen de
cette question présuppose que l’exercice des attributions en cause
comporte, dans le chef du maître de l’ouvrage, une participation directe
à l’exercice de l’autorité publique.
50 - À cet égard, le gouvernement français n’a pas fait valoir
l’existence de circonstances dans lesquelles le pouvoir adjudicateur est
en charge d’une structure de gestion «interne» d’un service public au
sens de la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 18
novembre 1999, Teckal, C‑107/98, Rec. p. I-8121, point 50, et Coname,
précité, point 26). En effet, rien ne permet de supposer que le mandant
exerce sur le mandataire un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur
ses propres services et que le mandataire réalise l’essentiel de son
activité avec la ou les autorités publiques qui le détiennent (voir, en
ce sens, arrêt du 11 janvier 2005, Stadt Halle et RPL Lochau, C-26/03,
Rec. p. I-1, point 49).
51 - Pour ce qui est des missions d’assistance administrative et
technique, telles que la définition des conditions administratives et
techniques selon lesquelles l’ouvrage sera étudié et exécuté, il
apparaît qu’il s’agit de prestations de services au sens de l’article 8
et de l’annexe I A de la directive 92/50 et que le mandataire ne
participe pas à l’exercice de l’autorité publique.
52 - Quant aux contrats de mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée ayant
pour objet des missions comportant une fonction de représentation, il
importe de relever d’emblée que la circonstance qu’une prestation soit
effectuée en exécution d’un tel contrat ne suffit pas à l’exclure du
champ d’application de la directive 92/50. Cette constatation est
corroborée par le fait que, ainsi que le relève à titre d’exemple la
Commission, les contrats de mandat conclus entre un pouvoir adjudicateur
et son avocat relèvent du champ d’application des articles 14 et 16 de
ladite directive, en application de l’article 9 et du point 21 de
l’annexe I B de celle-ci.
53 - En vertu de l’article 3 de la loi nº 85-704, le mandataire peut se
voir confier diverses missions comportant une fonction de représentation
du maître de l’ouvrage. Il en est ainsi notamment pour ce qui est de la
signature du contrat de maîtrise d’œuvre et du contrat de travaux, ainsi
que lorsque le mandataire verse aux prestataires et aux entrepreneurs
retenus leur rémunération.
54 - Comme le relève à juste titre M. l’avocat général au point 41 de
ses conclusions, bien que le mandataire soit habilité à signer les
contrats de maîtrise d’œuvre et de travaux au nom du maître de
l’ouvrage, il ne possède pas une autonomie suffisante dans
l’accomplissement de ses actes pour pouvoir être considéré comme
bénéficiaire d’un transfert de l’autorité publique. En effet, selon
l’article 2 de la loi n° 85-704, le maître de l’ouvrage, responsable
principal de celui-ci, remplit dans ce rôle une fonction d’intérêt
général dont il ne peut se démettre. En outre, le mandataire ne peut
agir qu’après approbation donnée par le maître de l’ouvrage. Pour ce qui
est du versement de la rémunération aux prestataires et aux
entrepreneurs, le financement en est assuré par le maître de l’ouvrage,
si bien que le mandataire ne possède pas non plus de marge de manœuvre
dans ce domaine. Il se contente d’avancer des fonds, qui lui sont
remboursés par le maître de l’ouvrage.
55 - Dans de telles circonstances, les contrats de mandat de maîtrise
d’ouvrage déléguée ayant pour objet des missions comportant une fonction
de représentation du maître de l’ouvrage relèvent de l’article 9 et de
l’annexe I B de la directive 92/50.
56 - Le raisonnement suivi par la Cour au point 100 de l’arrêt Ordine
degli Architetti e.a., précité, relatif à l’application de la directive
93/37, n’est pas de nature à infirmer cette conclusion. La Cour a
observé, pour ce qui est du respect de ladite directive en cas de
réalisation d’un ouvrage d’équipement dans des circonstances telles que
celles qui lui étaient soumises, qu’il n’était pas nécessaire que
l’administration communale applique elle-même les procédures de
passation de marché prévues par cette dernière. L’effet utile de
celle-ci était tout autant respecté dès lors que la législation
nationale permettait à l’administration communale d’obliger le lotisseur
titulaire du permis de construire à réaliser les ouvrages convenus en
recourant auxdites procédures.
57 - Cette appréciation a été portée dans le contexte d’une
réglementation particulière en matière d’urbanisme selon laquelle
l’octroi d’un permis de construire entraînait le versement, par son
titulaire, d’une contribution aux dépenses d’équipement engendrées par
son projet. Toutefois, ce dernier pouvait s’engager à réaliser
directement les ouvrages d’équipement, en déduction totale ou partielle
du montant dû. Dans cette dernière hypothèse, la Cour a conclu qu’il
s’agissait d’un
marché public de
travaux au sens de la directive 93/37.
La commune n’ayant cependant pas la faculté de choisir celui qui était
chargé d’exécuter les ouvrages d’équipement, cette personne étant
désignée par la loi en sa qualité de propriétaire des terrains faisant
l’objet du lotissement et titulaire du permis de construire, il était
loisible de constater que les procédures de passation pouvaient être
appliquées, au lieu de la commune, par le titulaire du permis, seule
personne apte, selon la loi, à exécuter les ouvrages, en tant
qu’alternative au versement à la commune d’une contribution aux charges
d’équipement. Cette situation se distingue de la situation régie par la
loi nº 85-704, qui laisse au maître d’ouvrage le choix du mandataire et
ne prévoit pas d’obligations préalables, pour lesquelles la rémunération
de celui-ci constituerait une contrepartie.
58 - À la lumière des considérations qui précèdent, il convient de
constater que le contrat de mandat, tel que défini par la loi nº 85-704,
est un marché public de services au sens de l’article 1er, sous a), de
la directive 92/50 et relève du champ d’application de celle-ci.
59 - Dès lors, il y a lieu d’examiner si l’article 4 de la loi nº
85-704, qui réserve le rôle de mandataire à des catégories de personnes
morales de droit français limitativement énumérées, est conforme aux
dispositions de la directive 92/50.
60 - À cet égard, il importe de rappeler que ladite directive vise à
améliorer l’accès des prestataires de services aux procédures de
passation des marchés pour éliminer les pratiques qui restreignent la
concurrence en général et la participation aux marchés des
ressortissants d’autres États membres en particulier. Ces principes sont
repris à l’article 3, paragraphe 2, de cette même directive, qui
interdit la discrimination entre les différents prestataires de
services.
61 - Force est de constater que l’article 4 de la loi nº 85-704 n’est
pas conforme au principe de l’égalité de traitement entre les différents
prestataires de services, en ce que cette disposition réserve la mission
de maîtrise d’ouvrage déléguée à des catégories de personnes morales de
droit français limitativement énumérées.
62 - En outre, sans même qu’il soit besoin de déterminer les prestations
de services qui relèvent de l’annexe I A de la directive 92/50 et celles
qui relèvent de l’annexe I B de cette même directive, ainsi que, dans ce
contexte, l’incidence que peut avoir l’application de l’article 10 de
celle-ci, il est établi que la loi nº 85-704 ne prévoit aucune procédure
de mise en concurrence pour le choix du mandataire.
63 - Dans ces conditions, le grief tiré de la violation de la directive
92/50 est fondé.
Sur le grief tiré de la violation de l’article 49 CE
64 - Pour les marchés publics de services ne relevant pas du champ
d’application de la directive 92/50, il reste à déterminer si l’article
4 de la loi nº 85-704 est conforme au principe de libre prestation des
services consacré à l’article 49 CE.
65 - Il convient de relever d’emblée que, ainsi qu’il ressort des points
49 à 55 du présent arrêt, le contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage
déléguée, tel que défini par la loi nº 85-704, ne confère pas au
mandataire des missions relevant de l’exercice de l’autorité publique,
que ce soit pour les missions d’assistance administrative ou technique
ou de représentation qui lui sont confiées. Par conséquent, l’exception
prévue aux articles 45 CE et 55 CE ne trouve pas à s’appliquer dans la
présente affaire.
66 - L’article 49 CE interdit les restrictions à la libre prestation des
services à l’intérieur de la Communauté européenne à l’égard des
ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté
autre que celui du destinataire de la prestation. En outre, il est de
jurisprudence constante que cette disposition exige la suppression de
toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux
prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle
est de nature à prohiber ou à gêner les activités du prestataire établi
dans un autre État membre, où il fournit légalement des services
analogues (voir, notamment, arrêts du 13 juillet 2004,
Commission/France, C‑262/02, Rec. p. I‑6569, point 22, et Bacardi
France, C‑429/02, Rec. p. I-6613, point 31 et jurisprudence citée).
67 - En particulier, un État membre ne peut pas subordonner la
réalisation de la prestation de services sur son territoire à
l’observation de toutes les conditions requises pour un établissement,
sous peine de priver de tout effet utile les dispositions du traité
destinées à assurer la libre prestation des services (voir arrêt du 26
février 1991, Commission/Italie, C‑180/89, Rec. p. I-709, point 15).
68 - En l’espèce, il convient de constater que l’article 4 de la loi nº
85-704 constitue une entrave à la libre prestation des services au sens
de l’article 49 CE en ce qu’il aboutit à réserver la mission de maîtrise
d’ouvrage déléguée à une liste exhaustive de personnes morales de droit
français.
69 - Toutefois, l’article 46 CE, lu en combinaison avec l’article 55 CE,
admet des restrictions à la libre prestation de services justifiées par
des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.
L’examen du dossier n’a cependant pas permis d’établir l’existence d’une
telle justification.
70 - Dans ces conditions, le grief tiré de la violation de l’article 49
CE est fondé.
71 - Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient
de constater que, en réservant, à l’article 4 de la loi nº 85-704, la
mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à une liste exhaustive de
personnes morales de droit français, la République française a manqué
aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/50 ainsi
que de l’article 49 CE.
Sur les dépens
72 - En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure,
toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en
ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République
française et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la
condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:
En réservant, à l’article 4 de la loi nº 85-704, du 12 juillet 1985,
relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la
maîtrise d’œuvre privée, telle que modifiée par la loi n° 96-987, du 14
novembre 1996, relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la
ville, la mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à une liste exhaustive
de personnes morales de droit français, la République française a manqué
aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/50/CEE du
Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de
passation des marchés publics de services, telle que modifiée par la
directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre
1997, ainsi que de l’article 49 CE.
Signatures
Source : Curia, http://www.curia.eu.int
Jurisprudence
CE, 5 mars 2003, n° 233372, UNSPIC (Contrats de mandat et annulation du 7° de l’article 3 du code des marchés publics annexé au décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 qui excluait les contrats de mandats de son champ d'application)
Textes
Ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 portant modification de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée
Décret n° 2002-381 du 19 mars 2002 portant application de l'article 19 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée
Arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise d’oeuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé [Remplacé par arrêté du 22 mars 2019 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'œuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé - NOR: ECOM1830228A. Annexe 20 du code de la commande publique].
Décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé
Décret no 93-1269 du 29 novembre 1993 relatif aux concours d’architecture et d’ingénierie organisés par les maîtres d’ouvrage publics NOR: EQUU9301162D [abrogé par le décret n° 2008-1334 du 17 décembre 2008]
Décret no 93-1270 du 29 novembre 1993 portant application du I de l’article 18 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée
Décret n°86-520 du 14 mars 1986 pris pour l'application de l'article 1er de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée
Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (Loi MOP)