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TA Lyon, 5 novembre 2024, n° 2410291 - Accord-cadre et irrégularité

TA Lyon, 5 novembre 2024, n° 2410291 - Prix supérieur au montant maximum de l'accord-cadre figurant dans le RC

Le tribunal administratif de Lyon a été saisi d'un référé précontractuel concernant un accord-cadre multi-attributaires pour le contrôle sanitaire des eaux. Se fondant sur les articles R2121-8 et R2162-4 du code de la commande publique, le juge rappelle que la valeur estimée du besoin doit prendre en compte la valeur maximale estimée de l'ensemble des marchés. Toutefois, en application des articles L2152-1 et L2152-2 du même code, une offre ne peut être qualifiée d'irrégulière au seul motif qu'elle dépasse le montant maximum fixé dans le règlement de consultation, même si celui-ci est obligatoire dans toutes ses mentions. 

Le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. Le pouvoir adjudicateur ne peut, dès lors, attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par ce règlement. Toutefois, une offre ne saurait être regardée comme ne respectant pas les exigences du règlement de la consultation au seul motif que le prix qu'elle propose est supérieur au montant maximum de l'accord-cadre figurant dans le règlement de la consultation.

En l'espèce, l'Agence Régionale de Santé a écarté l'offre d’une société car le montant total sur quatre ans dépassait le plafond de l'accord-cadre. Le tribunal administratif a considéré que ce rejet était illégal, car l'offre respectait le montant maximum pour la première année du marché. Le règlement de la consultation ne précisant pas que le montant maximum incluait les années de reconduction, l'offre n'a pas été considérée comme irrégulière. L'ARS a donc fait une mauvaise application du règlement de la consultation en considérant le dépassement potentiel comme un motif de rejet

L'Agence Régionale de Santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes a lancé un appel d'offres en mai 2024 pour un marché public de contrôle sanitaire des eaux.

Cet appel d'offres, publié au BOAMP, concernait la réalisation d'analyses d'eau. Le marché, structuré sous forme d'accord-cadre multi-attributaires, était divisé en lots.

La société Carso-LSEHL a soumis une offre pour le lot n°10. Cependant, l'ARS a jugé cette offre irrégulière et l'a rejetée. La société a saisi le juge des référés du tribunal administratif et a demandé, notamment, d'annuler la décision de rejet de son offre.

Le cadre juridique applicable

L'analyse du tribunal s'appuie sur une lecture combinée de plusieurs articles du code de la commande publique. L'article R2121-8 impose de déterminer la valeur estimée du besoin en considérant la valeur maximale de l'ensemble des marchés. L'article R2162-4 autorise la conclusion d'accords-cadres avec un maximum seul ou avec un minimum et un maximum. L'article L2152-2 précise qu'une offre irrégulière est celle qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation.

Le montage contractuel retenu

L'acheteur public avait structuré sa consultation sous forme d'un accord-cadre multi-attributaires. Cet accord-cadre était divisé en dix-sept lots distincts. Sa durée initiale était fixée à un an avec la possibilité de trois reconductions. Le montant maximum global avait été fixé à 29 400 000 € HT. Pour le lot n°10 concerné par le litige, le montant maximum était de 1 400 000 € HT.

Le jugement ne précise pas explicitement si les montants maximums indiqués incluent ou non les périodes de reconduction. C'est justement ce point d'ambiguïté qui semble être au cœur du litige entre l'ARS et la société Carso-LSEHLL'ARS a interprété le montant maximum comme incluant les reconductions, tandis que la société Carso-LSEHL a contesté cette interprétation.

Les erreurs commises par l'acheteur selon le tribunal

L'acheteur a adopté une méthode de calcul inadaptée. Il a en effet projeté les montants sur quatre années en additionnant les simulations de commande. Cette approche ne correspond pas à la méthodologie prévue par les textes.

Sur l'interprétation du montant maximum, l'acheteur a confondu la notion de plafond d'engagement contractuel avec celle de critère de sélection des offres. Cette confusion l'a conduit à une application incorrecte des dispositions relatives aux accords-cadres.

Pour l'analyse des offres elle-même, l'acheteur n'a pas respecté la distinction nécessaire entre la phase de passation et la phase d'exécution du marché. Il a appliqué de manière extensive la notion d'irrégularité des offres, méconnaissant ainsi le principe de proportionnalité.

Les conséquences de la décision

L'acheteur devra tout d'abord réexaminer l'offre initialement écartée. Ce réexamen devra être effectué en reprenant l'analyse au stade de la vérification de la conformité des offres.

La méthodologie d'analyse des offres devra être revue. L'acheteur devra distinguer clairement les critères de conformité des contraintes d'exécution. Il devra adopter une approche séquentielle, en examinant d'abord la régularité des offres avant leur valorisation.

[…]

5. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Aux termes de son article L. 2152-2 : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ".

6. Aux termes de l'article 3.1 du règlement de la consultation, l'accord-cadre en cause " est conclu sans minimum mais ne pourra pas dépasser un maximum de 29 400 000 € HT sur toute la durée du marché, toutes prestations confondues. / Le montant maximum par lot est réparti de la façon suivante : () / Lot 10 : 1 400 000 € HT () ". L'article 3.3 du même règlement prévoit que " Le présent accord-cadre prend effet au 1er janvier 2025 pour une durée d'un (1) an. Il sera renouvelable par tacite reconduction par période de un (1) an, dans la limite de trois (3) ans de reconduction. / La durée totale du marché ne pourra pas excéder quarante-huit (48) mois. ".

7. Le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. Le pouvoir adjudicateur ne peut, dès lors, attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par ce règlement. Toutefois, une offre ne saurait être regardée comme ne respectant pas les exigences du règlement de la consultation au seul motif que le prix qu'elle propose est supérieur au montant maximum de l'accord-cadre figurant dans le règlement de la consultation.

8. Il résulte de l'instruction que l'offre de la société Carso-LSEHL a été déclarée irrégulière au motif que le montant cumulé de son offre sur les quatre années de l'accord cadre, tel que calculé par l'Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes sur la base des simulations de commande " 2025 " et " à partir de 2026 ", excédait le montant maximum de 1 400 000 € HT fixé à l'article 3.1 du règlement de la consultation pour le lot n°10. Eu égard au principe rappelé au point 7, l'Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique, et manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, en rejetant l'offre de la société Carso-LSEHL au motif qu'elle était irrégulière. Ce manquement, qui est à l'origine de l'éviction de la société Carso-LSEHL, l'a nécessairement lésée.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société Carso-LSEHL est fondée à demander l'annulation de la décision du 4 octobre 2024 par laquelle l'Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes a déclaré irrégulière son offre pour le lot n°10 de l'accord-cadre " contrôle sanitaire des eaux de la région Auvergne-Rhône-Alpes ".

[…]

MAJ 10/11/24

Jurisprudence

CE, n° 449250, 23 septembre 2021, RATP, Mentionné dans les tables du recueil Lebon (Le Conseil d’État modère la règle posée par l'article R2151-5 du code de la commande publique selon laquelle les offres reçues hors délai sont éliminées. Si le problème technique n'est imputable ni au dysfonctionnement de l'équipement informatique du candidat, ni à une faute ou une négligence de sa part dans le téléchargement des documents constituant son offre il appartient à l'acheteur public d'établir le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt. "Si l'article R2151-5 du code de la commande publique prévoit que les offres reçues hors délai sont éliminées, l'acheteur public ne saurait toutefois rejeter une offre remise par voie électronique comme tardive lorsque le soumissionnaire, qui n'a pu déposer celle-ci dans le délai sur le réseau informatique mentionné à l'article R2132-9 du même code, établit, d'une part, qu'il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d'un candidat pour le téléchargement de son offre et, d'autre part, que le fonctionnement de son équipement informatique était normal").

CE, 4 mars 2011, n° 344197, Région REUNION (Caractère irrégulier de l'offre en raison de l’absence du mémoire technique nécessaire au jugement de la valeur technique de l’offre requis par le règlement de la consultation.

Actualités

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