Répondre aux marchés publics pour les PME : Formation, aide et assistance sur tout le territoire (sur site ou à distance)
Entreprises - PME : Répondre aux marchés publics (DC1, DC2, ATTRI1, DC4, mémoire technique, ...) Acheteurs publics
DATES J01 Fondamentaux J02 Répondre aux AO J03 Réponse électronique J04 Mémoire technique Formations Assistance

Sources > CCP > CCAG > Directives > Lois > Ordonnances > Décrets > Arrêtés > Instructions > Avis > Circulaires > Dématérialisation des MP.

CE, 21 novembre 2014, n° 384089 - Irrégularité d’une offre incomplète

Conseil d’Etat, 21 novembre 2014, n° 384089 - Irrégularité d’une offre incomplète

Une offre incomplète qui ne respecte pas les exigences formelles du règlement de la consultation doit être écartée comme irrégulière, même si l'acheteur l'a analysée et a demandé des précisions au candidat. Le Conseil d'État rappelle ainsi que l'examen d'une offre et les échanges avec un candidat ne permettent pas de régulariser a posteriori une offre irrégulière. En l’espèce l’offre ne comportait pas les originaux des pièces exigées, ni l'annexe 2 de la charte graphique signée et complétée et le bordereau des prix unitaires était quasiment illisible.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000029786318    

La commune de Versailles a lancé une consultation pour un marché de prestations de géomètre expert et de détection de réseaux. Pour le lot n°3 relatif à la détection et au récolement des réseaux, l'offre de la société JFM Conseils a été rejetée comme irrégulière car incomplète : elle ne comportait pas l'original signé du bordereau des prix unitaires (BPU) et du détail quantitatif estimatif (DQE), ni l'annexe 2 de la charte graphique signée. De plus, le BPU était jugé "quasiment illisible".

La société évincée a saisi le juge des référés précontractuels qui a annulé la procédure au motif que l'analyse de l'offre par l'acheteur et ses demandes de précisions constituaient un "commencement de preuve" de la complétude de l'offre. La commune s'est pourvue en cassation.

Le Conseil d'État censure cette ordonnance pour dénaturation. Il rappelle deux principes essentiels. D'une part, conformément à l'article 35-I du code des marchés publics (désormais repris à l'article L2152-2 du CCP), une offre irrégulière qui ne respecte pas les exigences des documents de la consultation doit être éliminée. D'autre part, l'article 59-I du même code (actuel article R2161-5 du CCP) interdit toute négociation et n'autorise que de simples demandes de précisions sur la teneur des offres.

En conséquence, le fait que l'acheteur ait analysé une offre incomplète et demandé des précisions au candidat "ne permet en aucun cas de supposer" que l'offre était conforme aux prescriptions du règlement. Ces échanges ne peuvent régulariser a posteriori une offre irrégulière que l'acheteur était tenu d'écarter. Le Conseil d'État souligne que le candidat évincé n'apporte aucun élément probant démontrant que son offre était complète et conforme aux exigences formelles.

Cette décision s'inscrit dans la jurisprudence constante du Conseil d'État qui veille au strict respect des principes fondamentaux de la commande publique. Elle confirme notamment que les exigences formelles des documents de la consultation, comme la signature des pièces de l'offre, ne constituent pas de simples formalités mais des prescriptions substantielles dont le non-respect entache l'offre d'irrégularité. L'analyse d'une offre incomplète par l'acheteur ne peut couvrir cette irrégularité initiale.

La solution retenue garantit l'égalité de traitement entre les candidats et la transparence des procédures. Elle évite qu'un acheteur ne puisse, par son comportement, régulariser de manière sélective certaines offres irrégulières. Elle préserve également la sécurité juridique en empêchant que l'examen d'une offre n’écarte les irrégularités formelles qui l'affectent.

[...]

4. Considérant qu'aux termes du I de l'article 35 du code des marchés publics : " 1° (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (...) " ; qu'aux termes du III de l'article 53 du même code : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 59 du même code : " Il ne peut y avoir négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre " ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le règlement de la consultation du marché litigieux imposait aux candidats d'inclure dans leur offre un bordereau des prix unitaires et un détail quantitatif estimatif daté et signé, ainsi que l'annexe 2 de la charte graphique également datée et signée ; qu'il résulte de l'instruction que l'offre de la société JFM Conseils, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, a été écartée au motif qu'elle ne comportait pas les originaux des pièces exigées, ni l'annexe 2 de la charte graphique signée et complétée et que le bordereau des prix unitaires était quasiment illisible ; que la société JFM Conseils, qui se borne à soutenir dans ses écritures que le pouvoir adjudicateur disposait nécessairement des pièces litigieuses dès lors qu'il a procédé à l'examen de son offre et lui a demandé de la préciser, n'apporte aucun autre élément de nature à justifier que l'offre qu'elle a déposée était complète et conforme aux prescriptions, y compris formelles, du règlement de la consultation ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées interdisent au pouvoir adjudicateur de modifier ou de rectifier lui-même une offre incomplète, comme telle irrégulière ; que la circonstance que le candidat ait été invité à préciser ou compléter son offre par le pouvoir adjudicateur, sans qu'il puisse alors en modifier la teneur, n'est pas de nature à régulariser une offre qui serait incomplète et que le pouvoir adjudicateur était, dès lors, tenue d'écarter ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société JFM Conseils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que son offre a été rejetée au motif qu'elle était incomplète et donc irrégulière ; que la lettre l'informant du rejet de son offre était, par ailleurs et en tout état de cause, suffisamment motivée ;

[...]

MAJ 30/11/14 - Source legifrance

Jurisprudence

CE, 16 avril 2018, n° 417235, Collectivité de Corse (Une entreprise qui n’a pas utilisé un BPU modifié par l’acheteur, alors qu'elle en a tenu compte pour rédiger son offre, ne suffit pas pour considérer son offre comme irrégulière. La décision du Conseil d'Etat jette un doute sur les possibilités de "régularisation", l'offre n'ayant pas été considérée comme irrégulière alors qu'elle invite l'acheteur à la régulariser).  

CE, 29 mai 2013, n° 366456, CU Marseille Provence Métropole / Comatis (Doit être rejetée une offre irrégulière même si cette offre avait été préalablement analysée, notée puis classée. Société fondée à soutenir que les documents de la consultation étaient entachés d'une imprécision de nature à l'induire en erreur)

CE, 12 janvier 2011, n° 343324, Département du DOUBS (Le pouvoir adjudicateur a l'obligation d'éliminer une offre incomplète. CCTP qui exigeait  de fournir les caractéristiques du matériel affecté pour l'exécution du marché. Il appartient, dans ce cas, au pouvoir adjudicateur de vérifier si les candidats au marché justifient, lors du dépôt de leur offre, qu'ils ont entrepris les démarches suffisantes pour disposer effectivement du matériel nécessaire au commencement de l'exécution du marché. Une entreprise, "qui n’avait fourni qu’un simple devis signé obtenu auprès d’un garage et revêtu de la mention lu et approuvé", ne répond pas à ces conditions).

Actualités

Dématérialisation et régularisation des offres papier au 1er octobre 2018. - 13 août 2018.