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https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000019989655
Résumé
Le Conseil d’Etat a ainsi annulé l’appel d'offres ouvert relatif à l'implantation et l'entretien de mobilier urbain réunissant en un groupement de commande la COMMUNAUTE URBAINE et la VILLE DE DUNKERQUE.
Deux entreprises, dont la société Decaux, ont répondu à cet appel d'offre et ont vu leur candidature admise.
La société Decaux, a saisi le juge des référés précontractuels qui a annulé la procédure de passation du marché.
L’application de la jurisprudence SMIRGEOMES
D’une part, le groupement n'avait pas apporté de précisions suffisantes quant aux niveaux minimaux de capacités professionnelles, techniques et financières exigés des candidats ; d'autre part, la liste des organismes certificateurs proposée par la communauté urbaine n'était pas conforme à celle établie par le ministère des finances constituant ainsi une violation de l'article 56 du Code des marchés publics.
En annulant la procédure de passation litigieuse aux motifs précités, sans rechercher si ces irrégularités, à les supposer établies, étaient susceptibles d'avoir lésé ou risquaient de léser la société Decaux, dont la candidature avait été admise, le juge des référés a commis une erreur de droit et a ainsi méconnu son office.
L'insuffisante définition de la nature et de l'étendue des besoins
L’art. 5 du code des marchés dispose que : « La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence […] Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins. »
Or, le règlement de la consultation autorisait les candidats à présenter des « services annexes » qui ne faisaient l'objet d'aucune description précise, le règlement se bornant à citer des exemples non-limitatifs de services annexes susceptibles d'être proposés.
Le Conseil d’Etat en déduit que le groupement n’a pas précisément défini le type des prestations complémentaires envisagées, lesquelles doivent nécessairement être en rapport direct avec l'objet du marché.
Ont été, par exemple, considérés comme des manquements à la définition des besoins : la sous-estimation des quantités du marché (CE 29 juillet 1998 Commune de Léognan, n° 190452), le renvoi de la définition de certains besoins à un dispositif ultérieur (CE 8 août 2008, Région Bourgogne, n° 307143), la possibilité pour les candidats de proposer des « services annexes » non définis (CE 15 décembre 2008, Communauté urbaine de Dunkerque, n° 310380).
… engendrant une marge de choix discrétionnaire que s’est réservé le groupement
Compte tenu de l’insuffisance de définition des besoins relative aux « services annexes » et alors même que le sous-critère « services annexes » était affecté d’une pondération relativement faible dans le jugement des offres, le groupement s’est réservé une marge de choix discrétionnaire et par suite manqué aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui lui incombaient.
Le raisonnement mené par le Conseil d’Etat est intéressant car il rappelle une fois de plus l’obligation de définir précisément les besoins qui, à défaut, peut alors conduire au choix discrétionnaire d’une offre.
Texte
Conseil d'État
N° 310380
Inédit au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Daël, président
M. Alban de Nervaux, rapporteur
M. Boulouis Nicolas, commissaire du gouvernement
SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP MONOD, COLIN, avocats
lecture du lundi 15 décembre 2008
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2
novembre et 19 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du CE,
présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE, dont le siège est au Pertuis
de la Marine BP 5530 à Dunkerque (59386), représentée par son président en
exercice, et la VILLE DE DUNKERQUE, dont le siège est situé à l'hôtel de ville,
place Charles Valentin, BP 6537 à Dunkerque (59386), représentée par son maire ;
la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE et la VILLE DE DUNKERQUE demande au Conseil
d'Etat :
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alban de Nervaux, Auditeur,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la COMMUNAUTE
URBAINE DE DUNKERQUE et de la VILLE DE DUNKERQUE et de la SCP Delaporte, Briard,
Trichet, avocat de la société JC Decaux Mobilier Urbain,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du
gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (...) Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. (...) Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des
référés
- que la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE, et la VILLE DE DUNKERQUE,
réunies en un groupement de commande coordonné par la communauté
urbaine, ont lancé, en juin 2007, la procédure de passation, par
appel d'offres ouvert, d'un marché relatif à l'implantation et
l'entretien d'abribus, de panneaux d'affichage et de fléchage
événementiel ;
- que deux entreprises, dont la société Decaux, ont répondu à cet
appel d'offre et ont vu leur candidature admise ;
- que saisi sur le fondement des dispositions précitées de l'article L551-1 du code de justice administrative par la société Decaux, le
juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lille
a, par une ordonnance du 28 septembre 2007, enjoint à la communauté
urbaine de différer la signature du contrat ; que par une seconde
ordonnance du 17 octobre 2007 contre laquelle la COMMUNAUTE URBAINE
DE DUNKERQUE et la VILLE DE DUNKERQUE se pourvoient en cassation, le
juge des référés a annulé la procédure de passation du marché ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant
- qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L551-1 du
code de justice administrative, les personnes habilitées à agir pour mettre fin
aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de
mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels
manquements ;
- qu'il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de
rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard
à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont
susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte
en avantageant une entreprise concurrente ;
- que, par suite, en annulant la procédure de passation litigieuse
au motif, d'une part, que la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE et la VILLE DE
DUNKERQUE n'avaient pas apporté de précisions suffisantes quant aux niveaux
minimaux des capacités professionnelles, techniques et financières exigés des
candidats et, d'autre part, que la liste des organismes certificateurs proposée
par la communauté urbaine n'était pas conforme à celle établie par le ministère
des finances constituait une violation de l'article 56 du Code des marchés
publics, sans rechercher si ces irrégularités, à les supposer établies, étaient
susceptibles d'avoir lésé ou risquait de léser la société Decaux, dont la
candidature avait été admise, le juge des référés a commis une erreur de droit
et a ainsi méconnu son office ;
- qu'il en résulte que la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE et la
VILLE DE DUNKERQUE sont fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée
;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en
application de l'article L821-2 du code de justice administrative, de régler
l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Decaux ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la société Decaux ;
Considérant
- qu'en vertu du règlement de la consultation les candidats étaient
autorisés à présenter des « services annexes » pris en compte à hauteur de 30%
au titre du critère de la
valeur technique
des offres, critère lui-même assorti d'une pondération de 7/20 dans l'évaluation
des offres ;
- que les prestations complémentaires ainsi demandées à titre
facultatif ne faisaient l'objet d'aucune description précise, le règlement de la
consultation se bornant à citer des exemples non-limitatifs de services annexes
susceptibles d'être proposés, tels que des « distributeurs de plans », des «
fiches horaires » mais aussi la « mise à disposition de vélo »... ;
- que faute d'avoir précisément défini le type des prestations
complémentaires envisagées, lesquelles doivent nécessairement être en rapport
direct avec l'objet du marché, la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE et la VILLE DE
DUNKERQUE n'ont pas, eu égard à l'insuffisante définition de la nature et de
l'étendue de leurs besoins, et à la marge de choix discrétionnaire qu'elles
s'étaient ainsi réservée, prévu des modalités d'examen des offres garantissant
l'égalité de traitement des candidats et la transparence de la procédure ;
- qu'ainsi, et alors même que le sous-critère « services annexes »
n'occupait pas une place prépondérante, dans le jugement des offres, compte tenu
du coefficient de pondération qui lui était affecté, la COMMUNAUTE URBAINE DE
DUNKERQUE et la VILLE DE DUNKERQUE ont manqué aux obligations de publicité et de
mise en concurrence qui leur incombaient ;
- qu'un tel manquement, qui est de nature à léser la société Decaux
au stade de l'examen des offres, justifie l'annulation de la procédure de
passation du marché ;
Considérant que l'annulation prononcée par la présente décision implique nécessairement que la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE et la VILLE DE DUNKERQUE, si elles entendent passer le marché, reprenne la procédure au stade de l'avis d'appel public à la concurrence ; que cette dernière n'est toutefois pas tenue de relancer la procédure ; qu'il n'y a ainsi pas lieu de prononcer l'injonction en ce sens demandée par la société Decaux ;
Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE et la VILLE DE DUNKERQUE une somme de 4500 euros au titre des fais engagés par la société Decaux devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille et devant le Conseil d'Etat ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre, d'un part, par COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE et la VILLE DE DUNKERQUE, d'autre part, devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille, par la société Clear Channel ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 17 octobre 2007 du juge des référés du
tribunal administratif de Lille est annulée.
Article 2 : La procédure de passation du marché relatif à
l'implantation et l'entretien d'abribus et de panneaux d'affichage lancée par
COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE et la VILLE DE DUNKERQUE est annulée.
Article 3 : La COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE et la VILLE DE
DUNKERQUE verseront une somme de 4500 euros à la société Decaux au titre de
l'article L761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Decaux et les
conclusions présentées par la COMMUNAUTE URBAINE DE DUNKERQUE et la VILLE DE
DUNKERQUE, ainsi que par la société Clear Channel au titre de l'article L761-1
du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE
URBAINE DE DUNKERQUE, à la VILLE DE DUNKERQUE, à la société Decaux et à la
société Clear Channel.
Jurisprudence
TA Cergy-Pontoise, 3 décembre 2015, n° 1509913, Société LOGITUD SOLUTIONS (Manquements à la définition des besoins – Un renvoi à un catalogue des prix fournisseur sans préciser dans les documents de la consultation la nature et l’étendue des prestations attendues dans le cadre de ce catalogue ne respecte pas l’obligation de définition préalable des besoins tels que prévus à l’article 5 du code des marchés publics).
CE, 8 août 2008, n° 307143, Région Bourgogne (Manquements à la définition des besoins - Renvoi de la définition de certains besoins à un dispositif ultérieur)
CE, 29 juillet 1998, n° 190452, Commune de Léognan (Manquements à la définition des besoins - Sous-estimation des quantités du marché).
Actualités
La définition du besoin - Fiche technique de la DAJ de 2017. La DAJ de Bercy a mis en ligne le 9 août 2017 sur son site Internet une fiche technique de 13 pages relative à la définition du besoin dans les marchés publics. Cette fiche fait le point sur les principales dispositions notamment le sourçage et les accords-cadres. - 24 août 2017.