TA Dijon, 27 décembre 2024, n° 2404163 - Non-respect du cadre de mémoire technique imposé
Non-respect du cadre de mémoire technique imposé pour la présentation d'une offre. Une irrégularité formelle dans la présentation de l'offre n'est pas de nature à la rendre irrégulière au sens du code de la commande publique.
Le non-respect de la forme du cadre de mémoire technique imposée pour la présentation d'une offre n'a qu'une incidence esthétique et ne la rend pas irrégulière. De même, l'absence de certaines informations requises ne constitue pas une irrégularité si elle n'a d'impact que sur la notation technique de l'offre, sans traduire une absence totale d'information sur un point exigé.
Le tribunal administratif précise la notion d'irrégularité des offres en matière de marchés publics. Le juge considère que le non-respect du cadre formel imposé pour la présentation d'une offre n'a qu'une incidence esthétique et ne la rend pas irrégulière. De même, l'absence de certaines informations requises ne constitue pas une irrégularité si elle n'a d'impact que sur la notation technique de l'offre, sans traduire une absence totale d'information sur un point exigé. Cette décision s'inscrit dans une approche pragmatique privilégiant le fond sur la forme et visant à préserver l'efficacité de la commande publique en évitant des rejets d'offres pour des manquements mineurs.
Résumé
Le Tribunal administratif de Dijon précise qu'une simple non-conformité de forme dans la présentation d'une offre par rapport au cadre exigé ne constitue pas une irrégularité justifiant son rejet, dès lors que le contenu attendu est présent. L'absence de certaines informations demandées n'entache pas non plus l'offre d'irrégularité si ces manquements n'ont d'incidence que sur la notation technique.
Dans le cadre d'une procédure de passation du lot "Chauffage - ventilation - climatisation - plomberie sanitaires" pour la restructuration de l'Hôtel du département de la Côte-d'Or, la société SANITEL, candidate évincée, a saisi le juge des référés précontractuels pour contester l'attribution du marché à la société LGC. Elle invoquait principalement l'irrégularité de l'offre de l'attributaire qui n'aurait pas respecté le cadre de mémoire technique imposé et aurait omis certaines informations requises.
Le tribunal administratif apporte des précisions sur la notion d'irrégularité des offres au sens de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique. Il opère une distinction entre les vices de forme, qui n'affectent pas la régularité de l'offre, et les manquements substantiels aux exigences du cahier des charges.
S'agissant du respect du cadre formel du mémoire technique, le juge adopte une position pragmatique en considérant que le non-respect de la présentation formelle exigée « n'a qu'une incidence esthétique et ne préjuge pas du contenu exigé de l'offre ». Cette solution s'inscrit dans la lignée d'une jurisprudence constante qui privilégie le fond sur la forme dans l'analyse des offres.
Concernant l'absence de certaines informations demandées, le tribunal développe une approche nuancée. Il considère que des insuffisances dans le contenu de l'offre ne caractérisent pas nécessairement une irrégularité si elles ne traduisent pas « l'absence totale d'informations » sur un point requis et si elles ne sont « susceptibles d'avoir qu'une influence sur la notation apportée au critère tenant à la valeur technique de l'offre ». Cette position équilibrée permet de préserver l'efficacité de la commande publique en évitant des rejets d'offres pour des manquements mineurs.
Le tribunal applique ce même raisonnement à l'offre de la société requérante, dont les lacunes relevées par l'acheteur ne sont considérées que comme des éléments d'appréciation de la valeur technique, sans constituer une irrégularité justifiant son rejet.
Cette décision s'inscrit dans une jurisprudence plus large visant à favoriser une approche proportionnée dans l'analyse des offres. Elle est à rapprocher à d'autres jurisprudences ayant considéré que l'acheteur peut s'affranchir des exigences du règlement de consultation quand l'irrégularité est à la fois formelle et dénuée de toute portée (CE, 8 mars 1996, n° 133198, M. PELTE, omissions de signature n'affectant pas le fond ne rendant pas les offres irrecevables - CE, 6 novembre 1998, n° 194960, APHM, fourniture d’une photocopie non certifiée conforme - CE, 22 décembre 2008, n° 314244, Ville de Marseille, fourniture des éléments demandés ne présentant pas d'utilité pour l'appréciation de l'offre, notamment parce que ces informations ont un caractère public).
La décision rappelle également les limites du contrôle du juge du référé précontractuel qui, s'il peut vérifier l'absence de dénaturation manifeste des offres, n'a pas à se prononcer sur l'appréciation portée sur leur valeur ou leurs mérites respectifs.
Texte
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1. Le 26 juillet 2024, le département de la Côte-d'Or a lancé une consultation selon la procédure de passation du lot n°14 " Chauffage - ventilation - climatisation - plomberie sanitaires " du marché de restructuration de l'Hôtel du département. Trois sociétés, dont la société SANITEL et la société LGC, se sont portées candidates à l'attribution du lot n°14. Le 6 décembre 2024, le département de la Côte-d'Or a informé la société SANITEL que son offre était rejetée et que le marché était attribué à la société LGC. La société SANITEL demande au juge des référés, sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative, d'annuler cette procédure de passation.
[...]
7. En premier lieu, la seule circonstance que l'offre proposée par la société LGC ne corresponde pas à la présentation formelle du cadre méthodologique prévu par le règlement de consultation, ce qui n'a qu'une incidence esthétique et ne préjuge pas du contenu exigé de l'offre, est sans incidence sur la régularité de son offre.
8. En second lieu, il est vrai que la société LGC ne précise pas dans son offre les moyens mis en œuvre pour lever les réserves éventuelles et assurer la garantie de parfait achèvement pendant 1 an et reste imprécise sur les modalités d'intervention suite à un signalement du Maître d'Ouvrage. Toutefois, ces insuffisances de l'offre de la société attributaire, qui ne traduisent pas l'absence totale d'informations relatives au sous-critère n°6 indiqué au point 7 et ne sont susceptibles d'avoir qu'une influence sur la notation apportée au critère tenant à la valeur technique de l'offre, ne sont pas de nature à caractériser une incomplétude de l'offre par rapport aux exigences formulées dans les documents de la consultation de nature à rendre l'offre de la société LGC irrégulière.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que la société SANITEL n'est pas fondée à se prévaloir d'une irrégularité de l'offre de la société LGC qui porterait atteinte au principe d'égalité de traitement entre les candidats.
S'agissant du moyen de défense tenant à la régularité de l'offre de la société SANITEL :
10. Le département de la Côte-d'Or fait valoir que l'offre de la société SANITEL est elle-même irrégulière dès lors que, n'abordant que des " généralités applicables à tout chantier " sans traiter les spécificités du marché, ne traitant pas de la " description de l'organisation pour l'hygiène du personnel " et ne remplissant l'intégralité de la décomposition du prix globale et forfaitaire, elle est incomplète.
11. Le cadre méthodologique d'appréciation de la valeur technique prévoit un sous-critère n°4 " Mesures prises en faveur de l'hygiène et de la sécurité personnel " comportant deux éléments d'appréciation dont " la description de l'organisation pour l'hygiène du personnel ".
12. Il résulte de l'instruction que l'offre de la société Sanitel qui a été transmise au département de la Côte-d'Or comporte une décomposition du prix globale et forfaitaire et un cadre méthodologique en donnant des informations pour l'ensemble des sous-critères. Les insuffisances mentionnées par le département de la Côte-d'Or ne sont susceptibles d'avoir une influence que sur la notation attribuée au critère tenant à la valeur technique de l'offre de la société requérante sans l'entacher d'une irrégularité. Le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre de la société SANITEL opposé par le département de la Côte-d'Or doit dès lors être écarté.
[...]
MAJ 31/12/24
Jurisprudence
TA Orléans, 8 décembre 2023, n° 2304461 (Irrégularité d'une offre pour non-respect du cadre de mémoire technique imposé par le règlement de la consultation. Un pouvoir adjudicateur peut légitimement rejeter comme irrégulière une offre qui ne respecte pas le cadre de mémoire technique imposé par le règlement de la consultation, dès lors que cette exigence était clairement formulée et dénuée d'ambiguïté. Le juge confirme qu'une telle offre peut être écartée comme irrégulière dès lors que les exigences de présentation étaient clairement formulées et objectivement justifiées par l'ampleur de la consultation. La décision valide ainsi la marge de manœuvre des acheteurs dans la définition du formalisme des offres, tout en rappelant l'importance du strict respect par les candidats des modalités de présentation imposées).
TA Marseille, 21 juillet 2023, n° 2306079, Sté Ludi Arles organisation (Eviction pour mémoire technique type ne respectant pas le formalisme imposé. Un jugement intéressant pour les entreprises répondant aux appels d'offres, indiquant deux motifs d'irrégularité d'une offre : le non-respect du règlement de consultation concernant la forme du mémoire technique et la partie financière. Le document technique doit être spécifique à chaque marché. Donc si vous structurez le mémoire technique selon votre propre logique sans respecter la structure imposée par l’acheteur sachez que ce sera à vos risques et périls (Entreprises, ne jouez pas avec le feu avec la forme du mémoire technique ! Ce candidat évincé d'un contrat de la commande publique avait ignoré les exigences formelles. Conséquence : rejet pour irrégularité ! )).
TA Cergy-Pontoise, 9 mars 2020, n° 2001861, Sté Endros (Analyse du mémoire technique par l’acheteur et dénaturation de l’offre d’un soumissionnaire).
TA Grenoble, 23 janvier 2015, n° 1407728, Commune de Meylan (Cadres-type de mémoire technique non transmis entrainant le rejet d’une offre comme irrégulière. Société ayant fourni un mémoire technique au lieu des cadres-type complétés exigés par le règlement de la consultation. Dès lors que le pouvoir adjudicateur pouvait à la seule lecture du mémoire technique « et sans aucune recherche ou recoupement, une exploitation des offres identique à ce qu'aurait permis ces cadres-type » l’offre ne pouvait être regardée comme irrégulière).