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7 août 2023
Un jugement intéressant pour les entreprises répondant aux appels d'offres, indiquant deux motifs d'irrégularité d'une offre : le non-respect du règlement de consultation concernant la forme du mémoire technique et la partie financière. Le document technique doit être spécifique à chaque marché. Donc si vous structurez le mémoire technique selon votre propre logique sans respecter la structure imposée par l’acheteur sachez que ce sera à vos risques et périls (TA Marseille, 21 juillet 2023, n° 2306079, Sté Ludi Arles organisation).
La commune d'Arles a lancé une procédure de passation d'une d'une délégation de service public (DSP) pour l'exploitation des arènes. Le règlement de consultation (RC) imposait aux candidats de présenter leur offre sous la forme d'un mémoire technique précis, en complétant un tableau à 4 colonnes et 12 lignes. Chaque ligne correspondait à une rubrique précise, associée à un sous-critère d'évaluation des offres prédéfini dans le RC.
Le règlement de la consultation indiquait également, parmi les sous-critères de notation de l'offre financière, qu'une redevance annuelle supérieure à 15 000 euros était attendue.
La société Ludi Arles organisation a présenté une offre dont le mémoire technique ne respectait pas la présentation imposée et dont l’offre financière ne respectait pas les exigences. Sa proposition a été rejetée comme irrégulière par la commune au sens des dispositions de l'article L3124-3 du Code de la commande publique faute de respecter les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation.
La société a saisi le juge des référés précontractuels pour contester ce rejet et demander l'annulation de la procédure à compter de l'examen des offres ainsi que la reprise de celle-ci. La commune soutenait que le rejet de l'offre était justifié par ces irrégularités.
Le Tribunal rappelle que le règlement de la consultation est obligatoire en toutes ses mentions et qu'une offre non conforme peut être rejetée, sauf si l'exigence est manifestement inutile ou s'il s'agit d'une erreur matérielle.
Concernant l'irrégularité du mémoire technique, le Tribunal relève que la présentation sous forme de tableaux poursuivait un objectif clair pour la commune, de comparaison facile des offres. Le choix de la société requérante de présenter son mémoire selon sa propre structure a complexifié l'analyse et imposé à la commune de vérifier la reprise exacte de chaque sous-critère.
En effet, Le règlement de consultation imposait aux candidats de présenter leur mémoire technique sous une forme très normée, à savoir un tableau comportant 4 colonnes et 12 lignes. Chaque ligne de ce tableau correspondait à une rubrique précise, qui était associée à un sous-critère d'évaluation des offres également prédéfini dans le règlement de consultation. Ainsi, le candidat devait renseigner ce tableau en remplissant les différentes rubriques imposées, chacune avec le contenu correspondant au sous-critère attaché. Cette présentation sous forme de tableau très cadré avait pour objectif de permettre à la commune, acheteur public, de comparer facilement les offres des candidats sur la base du même modèle.
Le fait d'imposer une structure identique pour le mémoire technique de tous les candidats facilitait l'analyse et la notation de chaque offre au regard des sous-critères de jugement des offres eux-mêmes prédéfinis et annoncés dans le règlement de consultation.
Selon le tribunal, cette exigence de présentation normée ne pouvait donc pas être considérée comme dépourvue d'utilité puisqu'elle répondait clairement à un objectif de bonne administration de la procédure pour l'acheteur public.
« En premier lieu, l'article 7 du règlement de la consultation de la concession de service public pour l'organisation de spectacles taurins et traditionnels dans les arènes d'Arles prévoyait que les offres des candidats devaient être présentées sous la forme d'un mémoire technique et financier établi conformément à un cadre précis, se présentant sous la forme d'un tableau contenant quatre colonnes, et douze lignes et précisait que le mémoire technique et financier devait être complété et joint à la réponse. Chacune des rubriques posées dans le cadre du mémoire technique correspondait au sous-critère qui lui était dédié. Cette présentation avait vocation à permettre une comparaison aisée des candidatures et à faciliter l'analyse des offres et ne peut être regardée comme manifestement dépourvue de toute utilité ».
L'exigence de présentation n'étant pas inutile, son non-respect justifie le rejet pour irrégularité. Autrement dit si vous ne respectez pas la présentation imposée par le règlement de la consultation dès lors qu'elle est utile, votre offre risque d'être déclarée irrégulière et rejettée.
Le mémoire technique présenté par la société candidate ne respectait pas la présentation sous forme de tableau à 4 colonnes et 12 lignes imposée par le règlement de consultation.
A la place, la société avait remis un mémoire de 40 pages, structuré en 3 grandes parties avec des intitulés différents de ceux prévus dans le cadre imposé ("Savoir-faire", "Faire-savoir", "Simulation financière").
La société soutenait que chaque partie contenait des sous-parties correspondant aux sous-critères et rubriques du tableau initial. Mais le Tribunal relève que ce choix de présentation imposait à la commune un travail de vérification et de recoupement pour s'assurer de la correspondance effective avec le cadre attendu.
Il résulte de l'instruction que le mémoire technique présenté par la société requérante ne se présentait pas sous la forme d'un tableau, ne reprenait pas le cadre du mémoire technique imposé par la commune et ne reprenait pas littéralement chacune des rubriques contenues dans ce cadre mais se présentait sous la forme d'une offre de quarante pages découpée en trois grandes rubriques intitulées Savoir-faire, Faire savoir et Simulation financière, intitulés qui ne correspondaient pas aux critères de la consultation. Si la société requérante soutient que les parties de son mémoire technique sont elles-mêmes divisées en sous-parties, correspondant aux différents sous-critères et aux différentes rubriques du cadre du mémoire technique associées, la présentation adoptée imposait à la commune de vérifier que le contenu des rubriques créées par le candidat correspondait au contenu des rubriques imposées par le règlement de consultation, et que la reformulation des rubriques retenues par la commune, alors que le mémoire technique était appelé à devenir une pièce contractuelle n'entraînait pas un allègement de ses futures obligations.
Cette présentation, qui résulte d'un choix de la société, ne saurait être regardée comme une erreur purement matérielle.
Pour le Tribunal, il ne s'agit donc pas d'une simple erreur matérielle involontaire, mais bien d'un choix délibéré de la société de s'écarter de la présentation normée exigée.
Ce choix ne pouvait être toléré car il contrariait l'objectif de facilitation de l'analyse et de la comparaison des offres poursuivi par l'acheteur public.
La circonstance que le tableau imposé se présente sous la forme d'un fichier au format pdf ne faisait, enfin, pas obstacle à ce qu'il soit repris et complété par la société pour la présentation de son offre.
De plus, la reformulation opérée par la société des intitulés prédéfinis était susceptible d'entraîner un risque d'allègement de ses obligations contractuelles futures.
Le règlement de consultation prévoyait un sous-critère de notation de l'offre financière sur la partie fixe de la redevance proposée au-delà de 15 000 euros par an. Or, dans son offre, la société candidate s'est contentée de proposer un montant plancher de 15 000 euros par an, sans formuler d'offre supérieure comme l'exigeait le règlement. Pourtant, le cahier des charges indiquait simplement un minimum de 15 000 euros, ce qui n'interdisait pas de proposer un montant plus élevé.
En ne proposant que le minimum requis et non un montant supérieur conformément aux attentes de l'acheteur public clairement indiquées dans le règlement de consultation, la société a présenté une offre irrégulière sur ce point.
Pour le tribunal, ce second manquement conforte le bien-fondé de la décision de rejet de l'offre pour non-respect des exigences de l'acheteur public ayant trait à la présentation de la proposition financière.
Pour le dernier point, manifestement c'est ce qui s'est passé avec l'utilisation d'un mémoire technique type, dont la pratique est à éviter si elle constitue le point de départ pour rédiger le document. Ce document type peut être utilisé mais encore faut il savoir le manier pour aboutir à un document final totalement spécifique et conforme aux règles.
Ce jugement illustre l'importance, pour les entreprises candidates, de respecter scrupuleusement les exigences formelles du RC, si contraignantes soient-elles, afin d'éviter l'écueil de l'irrégularité.
Il s'agit d'un rappel du formalisme strict en matière de commande publique. Le juge contrôle la légalité de la procédure et du motif de rejet de l'offre.
Jurisprudence
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Actualités
Offre irrégulière pour dépassement du nombre maximal de pages du mémoire technique imposé par le règlement de la consultation. Ce manquement entraîne-t-il l'annulation du contrat ? (TA Nancy, 1er février 2024, n° 2102299). Le code de la commande publique prévoit que l'acheteur doit écarter les offres irrégulières, c'est-à-dire celles qui ne respectent pas toutes les exigences formulées dans les documents de la consultation (Article L2152-2 du code de la commande publique). Cette obligation découle du principe de l'égalité de traitement des candidats. Néanmoins, le juge administratif considère que tous les manquements aux documents de consultation ne se valent pas. Selon lui, il faut distinguer entre les vices substantiels, qui altèrent réellement les chances des candidats, et les irrégularités purement formelles. C'est ce qu'illustre l'affaire examinée ici, dans laquelle le groupement attributaire n'avait pas respecté la limite de 40 pages imposée pour le mémoire technique par le règlement de consultation (TA Nancy, 1er février 2024, n° 2102299).