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TA Nancy, 1er février 2024, n° 2102299 mémoire technique pages

TA Nancy, 1er février 2024, n° 2102299

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Sur la contestation de la validité du contrat

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En ce qui concerne le moyen tiré de la pondération des critères d'appréciation des offres et la méthode de notation

5. Aux termes de l'article L. 2124-2 du code de la commande publique : " L'appel d'offres, ouvert ou restreint, est la procédure par laquelle l'acheteur choisit l'offre économiquement la plus avantageuse, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats ". Aux termes de l'article R. 2152-7 du même code : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : () sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir des critères suivants : a) La qualité, y compris la valeur technique () ".

6. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a retenus et rendus publics. Toutefois, une méthode de notation est entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est, par elle-même, de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation.

7. D'une part, les documents de la consultation prévoyaient que l'offre économiquement la plus avantageuse serait choisie au regard de deux critères, la valeur technique et le prix, pondérés respectivement à 60 et 40%. Le critère " valeur technique " était lui-même décomposé en deux sous-critères, la qualité et la continuité de service, d'une part, notée sur 35 points et la qualité environnementale, d'autre part, notée sur 25 points. Chacun de ces sous-critères devait être apprécié selon un barème de notation explicité dans le règlement de la consultation. Le sous-critère " qualité environnementale " était ainsi apprécié en fonction de la motorisation du ou des véhicules affectés au marché, un véhicule de la norme " Euro 4 " permettant de remporter 7 points, un véhicule de la norme " Euro 5 ", 18 points et un véhicule de la norme " Euro 6 " 25 points. Il était en outre précisé qu'en cas d'offre nécessitant la mise en place de plusieurs autocars, la notation serait constituée de la moyenne des notes obtenues par chaque véhicule sur la durée complète du marché, hors véhicules de réserve.

8. Si la société requérante fait valoir que, compte tenu des exigences figurant dans les documents de la consultation, en matière d'âge des véhicules notamment, tous les candidats étaient assurés d'obtenir un minimum de 16 points sur ce sous-critère, ce qui aboutissait nécessairement à neutraliser 57% du sous-critère et près de 15% de la note finale, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance, à la supposer établie, aurait été de nature à conférer au critère du prix une valeur prépondérante, ni à neutraliser la pondération des critères annoncés dans les documents de la consultation et, de ce fait, à ne pas attribuer le marché à l'offre économiquement la plus avantageuse.

9. D'autre part, il résulte de l'instruction que le règlement de la consultation prévoyait que le sous-critère " qualité et continuité de service ", noté sur 35 points, serait lui-même apprécié au regard de trois éléments : les dispositions mises en œuvre au sein de l'entreprise pour assurer la qualité de service, notées sur 15 points, les moyens mis en œuvre pour assurer la continuité de service, notés sur 12 points, et les dispositions prises pour assurer la mise en œuvre de la desserte, notées sur 8 points, sans imposer de formalisme particulier pour la présentation de ces différents éléments au sein du mémoire technique. Ces éléments étaient eux-mêmes divisés en plusieurs éléments qui devaient être appréciés, selon un barème divisé en quatre catégories : " pas satisfaisant ", " passablement satisfaisant ", " satisfaisant " et " très satisfaisant ". La société requérante conteste cette méthode de notation en indiquant que des offres différentes ont pu être considérées comme très satisfaisantes alors même qu'elles étaient de qualité inégale. Toutefois, et alors que l'appréciation des sous-critères et la notation attribuée par le pouvoir adjudicateur, à qui il appartient d'apprécier les mérites respectifs des offres au regard de ses attentes, ne révèle aucune incohérence, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que la méthode de notation retenue par la région pouvait conduire à ne pas retenir l'offre économiquement la plus avantageuse.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'appréciation des différentes offres

10. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le rapprochement entre les appréciations littérales et les notes chiffrées ne révèle aucune incohérence. La circonstance que le rapport ne fasse pas usage de motifs et d'analyses similaires pour les deux sociétés ou qu'il ne reprenne pas l'ensemble des éléments fixés par le cadre du mémoire technique n'est pas de nature à démontrer que l'appréciation des offres de la société requérante et du groupement attributaire serait entachée d'erreurs manifestes d'appréciation.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre présentée par le groupement attributaire

11. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". L'article L. 2152-2 du même code définit l'offre irrégulière comme l'offre " qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation () ". Le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. L'autorité concédante ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres. Une candidature doit être regardée comme irrégulière dès lors qu'elle ne respecte pas les exigences fixées par le règlement de la consultation relatives au nombre maximum de pages des documents transmis, sous réserve que ces exigences ne soient pas manifestement inutiles.

12. En l'espèce, l'article 4.3 du règlement de la consultation, relatif à la constitution du dossier de l'offre, exigeait la production du mémoire technique, et, de manière distincte, des copies des cartes grises ou du titre de propriété, bail ou document prouvant l'existence des dépôts utilisés ou, à défaut, tout document permettant d'attester d'un engagement écrit à disposer des dépôts au plus tard à la date de démarrage de l'exploitation, notamment. Toutefois, le cadre du mémoire technique indiquait quant à lui que le mémoire technique ne devait pas excéder 40 pages, annexes comprises hormis les cartes grises, créant ainsi une incertitude quant à la question de savoir si les documents relatifs aux dépôts utilisés devaient ou non intégrer les annexes du mémoire technique. Dans le cadre de la consultation, la région Grand Est, interrogée sur ce point, a toutefois expressément indiqué aux candidats que les documents prouvant la propriété ou l'engagement de propriété ou de location devaient être fournis en annexe du mémoire technique, de sorte que la preuve de l'existence et de la disposition des dépôts utilisés devait être regardée comme un élément à part entière du mémoire technique au sens des documents de la consultation. L'exigence ainsi faite aux candidats de produire un mémoire technique ne devant pas excéder 40 pages n'est pas manifestement inutile.

13. Il résulte de l'instruction, notamment de la version confidentielle du mémoire technique du groupement composé de la société Kéolis sud Lorraine, de la société Marcot et de la société Cars Ferry produit par la région Grand Est en application des dispositions de l'article R. 412-2-1 et L. 611-1 du code de justice administrative, que celui-ci renvoyait expressément à une annexe jointe, constituée de plusieurs pages, pour justifier de la preuve de l'existence ou de la disposition des dépôts utilisés dans le cadre de l'exécution du présent contrat. Ce faisant, le groupement auquel appartient la société Kéolis doit être regardé comme ayant porté le nombre de pages utiles du mémoire technique à un nombre supérieur aux 40 pages exigées. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'offre du groupement attributaire aurait dû être écartée comme irrégulière doit être accueilli et constitue un vice entachant la validité du contrat, qui n'est pas susceptible d'être régularisé devant le juge.

Sur les conséquences des vices invoqués

En ce qui concerne l'annulation ou la résiliation du contrat :

14. Le vice entachant la procédure de passation du contrat et consistant à retenir une société dont la candidature ou l'offre aurait dû être écartée comme irrégulière ne s'oppose pas nécessairement à la poursuite de l'exécution du contrat conclu avec cette société. Il incombe au juge saisi d'une contestation de la validité du contrat, au regard de l'importance et des conséquences du vice, d'apprécier les suites qu'il doit lui donner.

15. En l'espèce, la circonstance que le groupement attributaire n'ait pas respecté le nombre minimum de pages exigibles pour la production des éléments devant être contenues dans son mémoire technique n'est pas de nature à justifier l'annulation du contrat. Par ailleurs, cette même circonstance est par elle-même sans incidence sur les critères d'appréciation des offres, lesquels tenaient notamment à la preuve matérielle de l'existence ou de la disposition des dépôts, et non au nombre de pages rendues nécessaires pour apporter cette preuve. Ainsi, eu égard à la portée purement formel de ce manquement au règlement de la consultation, ce vice ne fait pas obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires

16. Lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché. Dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'offre de la société requérante a été classée en 5ème position. Elle était ainsi dépourvue de toute chance de remporter le marché. Par suite, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.

17. Il résulte de ce qui précède que la société SADAP n'est fondée à demander ni l'annulation, ni la résiliation du contrat conclu entre la région Grand Est et le groupement constitué de la société Keolis Sud Lorraine, de la société Marcot et de la société Cars Ferry. Elle n'est pas davantage fondée à demander la condamnation de la région Grand Est à réparer le préjudice que lui aurait causé l'attribution du marché à ce groupement.

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Voir également :

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Textes

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Jurisprudence

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Actualités

Offre irrégulière pour dépassement du nombre maximal de pages du mémoire technique imposé par le règlement de la consultation. Ce manquement entraîne-t-il l'annulation du contrat ? (TA Nancy, 1er février 2024, n° 2102299). Le code de la commande publique prévoit que l'acheteur doit écarter les offres irrégulières, c'est-à-dire celles qui ne respectent pas toutes les exigences formulées dans les documents de la consultation (Article L2152-1 du code de la commande publique). Cette obligation découle du principe de l'égalité de traitement des candidats. Néanmoins, le juge administratif considère que tous les manquements aux documents de consultation ne se valent pas. Selon lui, il faut distinguer entre les vices substantiels, qui altèrent réellement les chances des candidats, et les irrégularités purement formelles. C'est ce qu'illustre l'affaire examinée ici, dans laquelle le groupement attributaire n'avait pas respecté la limite de 40 pages imposée pour le mémoire technique par le règlement de consultation (TA Nancy, 1er février 2024, n° 2102299).