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Conditions de rejet d'une offre pour fichier ZIP corrompu 2405722 TA Montpellier, 29 octobre 2024, n° 2405722 - mémoire technique inaccessible en ZIP

TA Montpellier, 29 octobre 2024, n° 2405722 - Mémoire technique inexploitable en ZIP

En matière d'offres irrégulières, le juge des référés rappelle le cadre juridique posé par l'article L2152-2 du code de la commande publique : une offre est irrégulière lorsqu'elle ne respecte pas les exigences des documents de consultation ou qu'elle est incomplète. Si l'article R2152-2 permet une régularisation de l'offre, celle-ci ne doit pas modifier les caractéristiques substantielles de l'offre. En l'espèce, le rejet d'une offre dont le mémoire technique dans un fichier ZIP était techniquement inaccessible est justifié, cette situation n'étant imputable ni à l'acheteur ni à la plateforme de dématérialisation, et une régularisation risquant de modifier substantiellement l'offre. Si le marché était important, la transmission d'une copie de sauvegarde aurait probablement pu sauver l'offre.

Le département des Pyrénées-Orientales avait lancé, le 2 avril 2024, une consultation sous forme d'appel d'offres ouvert. La société requérante, mandataire d'un groupement, a déposé une offre dématérialisée le 13 mai 2024. Par courrier du 27 septembre 2024, le département a rejeté cette offre comme irrégulière, au motif que le mémoire technique et environnemental était inexploitable. Le fichier correspondant, intégré dans un fichier compressé "ZIP", était vide et inexploitable, conduisant au rejet de l'offre pour incomplétude.

On sait que l'absence d'un document aussi important que le mémoire technique dans une offre rend cette dernière irrégulière (CE, 4 mars 2011, n° 344197, Région REUNION) et que le fournir après une demande de compléter le dossier ne suffit pas (CAA LYON, 14 novembre 2019, n° 17LY01062, communauté de communes du Jovinien).

Sur l'irrégularité de l'offre

Le tribunal développe une analyse de l'irrégularité de l'offre, articulée autour de plusieurs aspects techniques et juridiques.

En matière de matérialité du dépôt électronique, le tribunal constate, sur la base du bordereau de contrôle des plis dématérialisés, que la société requérante a effectué deux transmissions distinctes sur la plateforme AWS le 13 mai 2024 :

  • à 13 heures 11, un fichier de 9,88 Mo contenant les pièces de candidature,
  • à 15 heures 11, un fichier de 553,61 Mo contenant les pièces de l'offre.

L'analyse technique des fichiers révèle plusieurs problèmes comme le souligne le tribunal : "seul l'un des dix sous-dossier, qui est intitulé '3 - Me¦ümoire technique et environnemental', modifié en dernier lieu le 13 mai 2024 à 15 heures 09, est vide". Cette constatation a été renforcée par les vérifications successives effectuées par le commissaire de justice.

Le tribunal précise que la requérante "ne l'établit pas en se bornant à soutenir avoir déposé un dossier qui contenait toutes les pièces sans problème de nommage". Cette affirmation est importante car elle place la charge de la preuve sur le soumissionnaire. Ce raisonnement semble conforme à la décision du Conseil d'Etat à savoir que si le problème technique n'est imputable ni au dysfonctionnement de l'équipement informatique du candidat, ni à une faute ou une négligence de sa part dans le téléchargement des documents constituant son offre il appartient à l'acheteur public d'établir le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt ((CE, n° 449250, 23 septembre 2021, RATP).

Pour les tentatives de résolution, le juge relève que quatre logiciels différents ont été utilisés ("7zip", explorateur Windows, Winzip et Winrar) sans succès. Cette multiplicité des tentatives démontre la diligence de l'acheteur public dans l'analyse des fichiers.

Le tribunal souligne que la requérante n'a pas utilisé la faculté de déposer une copie de sauvegarde, qui aurait pu permettre de pallier ces difficultés techniques : "elle ne l'établit pas, notamment à défaut d'avoir déposé une copie de sauvegarde comme le règlement du marché le lui permettait".

Sur l'absence de dysfonctionnement de la plateforme le juge écarte la responsabilité de la plateforme AWS en notant que "le problème technique générant cette impossibilité d'ouvrir les fichiers de l'offre du groupement n'avait pas pour origine un dysfonctionnement de la plateforme AWS".

Sur l'impossibilité de régularisation

Pour le cadre juridique de la régularisation, le tribunal rappelle que selon l'article R2152-2 du code de la commande publique, la régularisation ne peut avoir pour effet de modifier des caractéristiques substantielles de l'offre.

Sur l'impossibilité matérielle de contrôle, le juge souligne que l'impossibilité pour le pouvoir adjudicateur d'accéder au contenu du mémoire technique rend impossible toute évaluation de l'ampleur des modifications qu'entraînerait une régularisation. Comme il le précise : "l'impossibilité pour le pouvoir adjudicateur de contrôler les pièces techniques du groupement Solutions 30 SE / Lumycom, donc le risque qu'une régularisation en modifie des caractéristiques substantielles".

Sur le caractère substantiel du document manquant, le tribunal met en évidence que le mémoire technique et environnemental constitue une pièce substantielle de l'offre, dont l'absence ne peut être compensée par d'autres éléments.

Sur l'absence d'obligation de régularisation, le juge confirme que le département n'était pas tenu de procéder à une régularisation, notamment en raison du risque de modification substantielle de l'offre : "il est constant que le département des Pyrénées-Orientales n'a pas procédé à la régularisation de l'offre en cause".

Conseils pratiques aux entreprises candidates à tirer de cette jurisprudence

Il est à noter que ce n'est pas la première fois que cette mésaventure concernant l'ouverture des fichiers transmis arrive. Donc, prenez vos précautions notamment lorsque le marché est important pour vous.

Sur la vérification des fichiers avant envoi

  • Tester l'ouverture de tous les fichiers ZIP avant transmission et vérifier que le contenu des fichiers compressés est accessible
  • S'assurer de l'intégrité des documents techniques après compression
  • Contrôler le poids total des fichiers par rapport aux limites de la plateforme. Cette disposition est souvent rappelée dans les prérequis des profils d'acheteur.

Sur les modalités de transmission

  • Éviter les accents et caractères spéciaux dans les noms de fichiers mais également les noms de fichiers trop longs
  • Respecter les préconisations techniques de la plateforme de dématérialisation c'est à dire les prérequis et les conseils
  • Anticiper les envois pour éviter les dépôts de dernière minute, par exemple 48 heures avant la date limite
  • Choisir des formats de compression standards et largement compatibles

Sur les mesures de précaution

  • Déposer une copie de sauvegarde si vous estimez que le marché est important pour vous
  • Faire des copies d'écran des fichiers et/ou des opérations avant envoi

Sur les aspects techniques

  • Evitez de compresser les fichiers
  • Utiliser des logiciels de compression reconnus et à jour
  • Éviter les fichiers trop volumineux en les fractionnant si nécessaire
  • Prévoir une marge par rapport aux tailles maximales autorisées

Sur l'organisation

  • Prévoir un délai suffisant avant la date limite pour vérifier les fichiers
  • Tester la transmission sur la plateforme en amont et de préférence avec des volumes équivalents à l'offre finale
  • Contacter les supports techniques en cas de difficulté.

[…]

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ". Enfin, Aux termes de l'article R. 2152-2 du même code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles. ".

5. Il résulte de l'instruction que pour rejeter, le 27 septembre 2024, l'offre du groupement Solution 30 SE / Lumycom, le département des Pyrénées-Orientales a considéré : " A l'ouverture de l'offre (), il a été constaté la présence d'un dossier nommé " 3 - Me¦ümoire technique et environnemental ", vide de tout fichier, ainsi qu'un fichier dénommé " ._3 - Me¦ümoire technique et environnemental ", dans un dossier intitulé _MACOSX\Pieces de l'offre - Solutions30 Lumycom, dont la taille était de 1Ko et qui ne s'ouvrait sur aucun des postes informatiques utilisés. En l'absence de ces deux mémoires technique et environnemental, l'offre est donc considérée comme étant incomplète. Une vérification a été effectuée auprès de la plateforme du profil acheteur et le prestataire a attesté du bon fonctionnement de cette dernière le jour du dépôt () à savoir le 13 mai 2024. L'offre du groupement est donc déclarée irrecevable et ne sera pas analysée ".

6. Tout d'abord, il résulte du bordereau de contrôle des plis dématérialisés qui lui a été remis, et n'est pas contesté, que la société Solutions 30 SE a transmis sur la plateforme AWS, le 13 mai 2024, en format " ZIP ", d'une part, à 13 heures 11, un fichier d'une taille de 9,88 Mo contenant les pièces correspondant au dossier " candidature " du groupement, d'autre part, à 15 heures 11, un fichier contenant les pièces du dossier " offre " d'une taille de 553,61 Mo. Si la requérante soutient, que, contrairement à ce que le département lui a opposé, le fichier " 3 - Me¦ümoire technique et environnemental " intégré dans le fichier " Pieces de l'offre - Solutions 30 Lumycom.zip " était exploitable, elle ne l'établit pas en se bornant à soutenir avoir déposé un dossier qui contenait toutes les pièces sans problème de nommage, en particulier s'agissant du mémoire technique et environnemental, qui, selon elle, dispose d'une taille de 456,6 Mo et s'ouvre sans difficulté sur ses postes dans un environnement Mac ou PC, faute de combattre, utilement, les constats du commissaire de justice faits, en dernier lieu, le 24 octobre 2024, à partir du dossier " séquestre " où ont été initialement téléchargés le 14 mai 2024 à 11 heures 52 par le département tous les dossiers des quatre candidats au marché en litige, selon lesquels le dossier du groupement, enregistré en " Zip Archives " sous la forme compressée " Pieces de l'offre - Solutions 30 Lumycom.zip ", présente deux fichiers dont le fichier " Pieces de l'offre - Solutions 30 Lumycom ", affichant une taille de 553,6 Mo et une dernière modification le 13 mai 2024 à 14 heures, pour lequel, d'une part, seul l'un des dix sous-dossier, qui est intitulé " 3 - Me¦ümoire technique et environnemental ", modifié en dernier lieu le 13 mai 2024 à 15 heures 09, est vide et, d'autre part, aucun des quatre logiciels, " 7zip ", explorateur Windows, Winzip ou Winrar, utilisés n'est parvenu à le décompresser, à l'inverse du fichier " Pièces de la candidature du groupement ". Et, si la requérante se prévaut de ce que le dossier " séquestre " ne correspondrait pas à celui de l'offre pour lequel elle bénéficie de l'attestation de dépôt mais résulte d'une modification apportée par l'agent du département enregistrée le 15 mai à 11 heures 52 minutes et 54 secondes, elle ne l'établit pas, notamment à défaut d'avoir déposé une copie de sauvegarde comme le règlement du marché le lui permettait. Enfin, il résulte de l'instruction que le problème technique générant cette impossibilité d'ouvrir les fichiers de l'offre du groupement n'avait pas pour origine un dysfonctionnement de la plateforme AWS. Par suite, l'incomplétude de l'offre ne peut être regardée comme imputable à un dysfonctionnement de cette plateforme ou à la manipulation des services du département lors de l'ouverture dématérialisée des plis.

7. Ensuite, alors qu'il est constant que le département des Pyrénées-Orientales n'a pas procédé à la régularisation de l'offre en cause, l'impossibilité pour le pouvoir adjudicateur de contrôler les pièces techniques du groupement Solutions 30 SE / Lumycom, donc le risque qu'une régularisation en modifie des caractéristiques substantielles, au sens des dispositions précitées de l'article R. 2152-2 du code de la commande publique, faisant, en tout état de cause obstacle à sa régularisation.

8. Le moyen tiré de ce que c'est à tort que le département des Pyrénées-Orientales a rejeté l'offre du groupement comme irrégulière doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en annulation de la société Solutions 30 SE doivent être rejetées.

[…]

MAJ 08/11/24

Jurisprudence

CE, n° 449250, 23 septembre 2021, RATP, Mentionné dans les tables du recueil Lebon (Le Conseil d’État modère la règle posée par l'article R2151-5 du code de la commande publique selon laquelle les offres reçues hors délai sont éliminées. Si le problème technique n'est imputable ni au dysfonctionnement de l'équipement informatique du candidat, ni à une faute ou une négligence de sa part dans le téléchargement des documents constituant son offre il appartient à l'acheteur public d'établir le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt. "Si l'article R2151-5 du code de la commande publique prévoit que les offres reçues hors délai sont éliminées, l'acheteur public ne saurait toutefois rejeter une offre remise par voie électronique comme tardive lorsque le soumissionnaire, qui n'a pu déposer celle-ci dans le délai sur le réseau informatique mentionné à l'article R2132-9 du même code, établit, d'une part, qu'il a accompli en temps utile les diligences normales attendues d'un candidat pour le téléchargement de son offre et, d'autre part, que le fonctionnement de son équipement informatique était normal").

CE, 4 mars 2011, n° 344197, Région REUNION (Caractère irrégulier de l'offre en raison de l’absence du mémoire technique nécessaire au jugement de la valeur technique de l’offre requis par le règlement de la consultation.

Actualités

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