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TA Lyon, 28 octobre 2024, n° 2409983 - Délais d’exécution irréalistes

TA Lyon, 28 octobre 2024, n° 2409983 - Délais d’exécution irréalistes et incohérents

Procédure de marché public d’informatique de paiement dématérialisé du stationnement annulée en raison de contradictions dans les documents de la consultation sur les délais d'exécution. Le juge identifie trois manquements : l'imprécision de la notion de "prestation de mise en œuvre" notamment sur l'inclusion des phases de vérification (VA et VSR), l'impossibilité mathématique de respecter le délai de quatre mois compte tenu des délais successifs incompressibles prévus au CCAP, et l'insuffisance des précisions apportées en cours de consultation. Cette décision illustre l'exigence de clarté et de cohérence dans la définition des besoins, particulièrement sur les délais d'exécution qui constituent un élément essentiel du marché. Le manquement est jugé avoir lésé le candidat qui n'a pu présenter une offre appropriée. En l’espèce les documents de consultation n'étaient pas clairs notamment quant à savoir si le délai de 4 mois incluait uniquement la phase de Mise en Ordre de Marche (MOM) ou également les phases de Validation d'Aptitude (VA) et de Vérification de Service Régulier (VSR). Cette ambiguïté a été un élément central des problèmes soulevés par la requérante.

Le juge du référé précontractuel sanctionne l'insuffisante définition du besoin résultant des contradictions entre les documents de la consultation sur les délais d'exécution

Le Tribunal administratif de Lyon juge que les contradictions et ambiguïtés dans les documents de la consultation concernant les délais d'exécution caractérisent une insuffisante définition du besoin par l'acheteur et constituent un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, dès lors que les candidats n'ont pas été mis en mesure de présenter des offres répondant utilement aux exigences de délai prescrites.

La commune de Lyon a lancé un appel d'offres ouvert pour l'attribution d'un marché public de services portant sur le paiement dématérialisé du stationnement sur voirie, divisé en trois lots. Les offres de la société PayByPhone ont été rejetées comme irrégulières au motif qu'elles ne respectaient pas le délai de quatre mois prescrit par le CCTP pour la mise en œuvre de la solution.

La société requérante conteste cette éviction en soulignant notamment l'existence de contradictions entre le CCTP et le CCAP concernant les délais d'exécution, rendant impossible le respect du délai de quatre mois imposé.

Le juge des référés relève trois séries de manquements qui caractérisent une insuffisante définition du besoin par l'acheteur.

  • En premier lieu, la notion de "prestation de mise en œuvre" n'est pas clairement définie dans les documents de la consultation, en particulier sur l'intégration ou non des phases de vérification d'aptitude (VA) et de vérification de service régulier (VSR) dans le délai de quatre mois fixé par le CCTP. Cette imprécision est d'autant plus problématique que les prestations décrites pour cette phase sont identiques à celles prévues pour l'ensemble du marché.
  • En deuxième lieu, le juge constate que le délai de quatre mois est mathématiquement impossible à respecter si, comme le soutient la commune, il inclut les phases de mise en ordre de marche (MOM) et de VA. En effet, le CCAP, qui prime sur le CCTP, prévoit une succession de délais incompressibles : un délai pour la livraison et la vérification avant MOM, un mois pour la MOM, trente jours pour sa validation par la commune, et trois mois pour la VA. Le juge écarte l'argument de la commune selon lequel les candidats pouvaient proposer une optimisation des délais, relevant qu'aucune stipulation ne le prévoyait expressément et que les candidats étaient tenus de respecter les délais du CCAP.
  • En troisième lieu, les précisions apportées par la commune à la société requérante en cours de consultation n'ont pas permis de lever les ambiguïtés, d'autant qu'elles n'ont pas été portées à la connaissance de l'ensemble des candidats.

Le juge en conclut que ces contradictions et ambiguïtés caractérisent un manquement aux obligations de transparence et de publicité. Ce manquement a lésé la société requérante qui n'a pu présenter une offre répondant utilement aux exigences de délai. Par conséquent, il annule la procédure de passation des lots n°1 et 2 ainsi que les décisions de rejet des offres de la société PayByPhone.

Cette décision s'inscrit dans la jurisprudence qui impose aux acheteurs une obligation de clarté et de cohérence dans la définition de leurs besoins. Elle illustre particulièrement cette exigence s'agissant des délais d'exécution, élément essentiel du marché qui doit être défini sans ambiguïté pour permettre aux candidats de présenter des offres appropriées.

[…]

3. Par deux avis de marché publiés au bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) et au Journal Officiel de l'Union européenne (JOUE) respectivement les 5 et 8 janvier 2024, la commune de Lyon a lancé un appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché public de services portant sur le paiement dématérialisé du stationnement sur voirie. Le marché a été alloti en trois lots, et chaque candidat ne pouvait se voir attribué qu'un seul lot. La société PayByPhone, qui a été informée par des courriers électroniques du 26 septembre 2024 que ses offres pour les lots n°1, 2 et 3 n'avaient pas été retenues dès lors qu'elles étaient considérées comme irrégulières, demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation initiée par la commune de Lyon ainsi que les décisions par lesquelles ses offres ont été rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la procédure de passation du lot n°3 et de la décision rejetant l'offre de la société PayByPhone :

[…]

Sur le surplus des conclusions à fin d'annulation :

9. D'une part, aux termes de l'article premier " Objet du marché " du cahier des clauses administratives particulières commun du marché en cause : " Le marché régi par le présent cahier des clauses administratives particulières commun (C.C.A.P.C) a pour objet le paiement dématérialisé sur voirie. / La prestation comprend notamment la conduite de projet, l'architecture et l'expertise technique, la conception et l'analyse, la reprise des données des grands comptes, la réalisation et le paramétrage, la connexion à la Gestion Globalisée Centralisée des Outils du Stationnement (GGCOS), l'installation et la configuration, l'accompagnement et la communication ainsi que les formations. () ". L'article 6 de ce C.C.A.P.C prévoit que " Les pièces sont les suivantes par ordre de priorité décroissante : / - L'acte d'engagement et ses annexes éventuelles par lot / - Le présent cahier des clauses administratives particulières (C.C.A.P) commun / - Le Cahier des Clauses Techniques Particulières (C.C.T.P) commun et son annexe_REFERENTIEL SI - RGAA et Accessibilité des sites web / - Le Cahier des Clauses Administratives Générales (C.C.A.G) - Techniques de l'Information et de la Communication - version 2021 modifié ; - Le bordereau des prix / - Le mémoire justificatif de l'offre () ". Aux termes de l'article 11.4 de ce C.C.A.P.C : " Le titulaire est également soumis à une obligation de résultat dans les conditions prévues par le présent CCAP et s'engage, pour l'exécution des prestations, à respecter les spécifications et modalités décrites dans les documents du marché. " Aux termes de l'article 16.1 " Installation et mise en ordre de marche " du C.C.A.P.C : " L'installation et la mise en ordre de marche (MOM) du matériel et des logiciels sont réalisées par le titulaire. / Le titulaire dispose du délai imparti par la commande pour effectuer la livraison. / Celui-ci s'engage à vérifier avant la mise en ordre de marche et dans le contexte de développement de la Ville de Lyon : • que sa solution est conforme aux spécifications détaillées ; • que toutes les fonctionnalités sont opérationnelles ; • qu'il a réalisé les tests suffisants pour s'assurer que son logiciel/système/sa solution est exempte d'anomalies ou ne présente que des anomalies résiduelles. / Il dispose ensuite d'un mois pour effectuer la mise en ordre de marche. Lorsque la fourniture, l'installation, le paramétrage du logiciel/système/de la solution et le transfert de compétences sont réalisés par le titulaire, celui-ci remet un procès-verbal de mise en ordre de marche (MOM) au pouvoir adjudicateur. () A l'issue de la notification de la mise en ordre de marche par le titulaire, la personne publique dispose de 30 jours calendaires pour vérifier et notifier au titulaire sa décision. A défaut de notification dans le délai défini, la mise en ordre de marche est réputée négative. () ". Selon l'article 16.12.5 du même cahier : " La vérification d'aptitude intervient après la mise en ordre de marche. / Le délai maximal de Validation d'Aptitude est de trois mois à partir de la date d'admission par la ville de la mise en ordre de marche de la totalité de la prestation demandée. () La vérification de service régulier a pour but de constater que les prestations et produits fournis sont capables d'assurer un service régulier dans les conditions normales d'exploitation. La régularité du service s'observe pendant deux mois, à partir du jour de la décision positive de vérification d'aptitude prise par l'Acheteur. () ".

10. Aux termes de l'article 2 du cahier des clauses techniques particulières du marché : " La prestation de mise en œuvre comprend notamment la conduite de projet, l'architecture et l'expertise technique, la conception et l'analyse, la réalisation et le paramétrage, la connexion effective et exhaustive à la Gestion Globalisée Centralisée des Outils du Stationnement (GGCOS), l'installation et la configuration, l'accompagnement et la communication ainsi que les formations. ", l'article 2.1 précisant que : " Il est précisé que les délais de mise en œuvre de la totalité de la solution (notamment fonctionnalités complètes, communication, formations) ne devront pas dépasser 4 mois à compter de la notification du marché. / En cas de non-respect de ce délai de mise en œuvre de 4 mois, le présent marché pourra être résilié unilatéralement par la Ville et sans que des indemnités soient versées au titulaire, conformément au CCAP. / Il est précisé que durant cette période de 4 mois de mise en œuvre, le titulaire s'engage à se rapprocher du titulaire du marché de la GGCOS pour garantir la bonne mise en œuvre de sa solution. Il est précisé que le calendrier prévisionnel du titulaire devra inclure une phase de validation de la conformité au présent CCTP de sa solution au plus tard 15 jours avant l'échéance de cette mise en œuvre effective et exhaustive initiale. ".

11. Aux termes de l'article 4 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) des marchés publics de techniques de l'information et de la communication, dans sa version issue de l'arrêté du 30 mars 2021 : " 4.1. Ordre de priorité : / En cas de contradiction entre les stipulations des pièces contractuelles du marché, elles prévalent dans l'ordre de priorité suivant : / - l'acte d'engagement et ses éventuelles annexes financières ; / - le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ou tout autre document qui en tient lieu et ses éventuelles annexes ;/ - le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ou tout autre document qui en tient lieu et ses éventuelles annexes ; / - le présent cahier des clauses administratives générales (CCAG) ; () ". Aux termes de l'article 33 du même CCAG : " Décisions après vérification / Dans le cas d'un marché comportant des prestations distinctes, la livraison de chaque prestation fait l'objet de vérifications et de décisions distinctes. () / 33.2. A l'issue des vérifications qualitatives : / 33.2.1. A l'issue de la vérification d'aptitude, le délai imparti à l'acheteur pour procéder à la vérification d'aptitude et notifier sa décision est de trente jours à compter de la date de notification de l'écrit par lequel le titulaire informe l'acheteur que les prestations sont prêtes à être vérifiées ou, à défaut, de la date de notification par le titulaire du procès-verbal de mise en ordre de marche à l'acheteur. () 33.2.2. A l'issue de la vérification de service régulier, l'acheteur dispose d'un délai maximal de sept jours pour notifier par écrit au titulaire sa décision de vérification de service régulier. () ".

12. Aux termes du point 1 " Calendrier de mise en œuvre de la solution " pour l'évaluation de la valeur technique de l'offre du mémoire justificatif de l'offre : " Le candidat indiquera son calendrier de mise en place de la solution dans sa totalité (notamment fonctionnalités complètes, communication, formations) et qui devra être opérationnelle dans les 4 mois maximum à compter de la notification du marché. () Un macro planning, comportant les jalons du marché (MOM ; VA, VSR et garantie) sera également fourni. ".

13. Il résulte de l'instruction, en premier lieu, que la notion de " prestation de mise en œuvre ", enserrée dans un délai de quatre mois fixé par le CCTP, n'est pas clairement définie par les documents de la consultation, cette notion ne précisant en particulier pas si elle intègre ou non les phases de vérification (VA et VSR) prévues au C.C.A.P.C. Si la commune de Lyon fait valoir que cette " prestation de mise en œuvre " dans sa totalité englobe la phase de MOM et de VA, il est constant, d'une part, que les prestations à réaliser au cours de cette phase, telles que définies à l'article 2 du CCTP, sont les mêmes que celles décrites à l'article premier du C.C.A.P.C pour la notion de " prestation ", qui englobe l'ensemble des éléments du marché, et d'autre part que le sous critère n°1 à la valeur technique de l'offre, relatif au " calendrier de mise en œuvre de la solution " ne précise pas davantage les phases du marché inclues dans ce délai de 4 mois, ce calendrier de mise en œuvre devant selon ce même sous-critère comporter les jalons du marchés (MOM ; VA, VSR et garantie). En deuxième lieu, comme le soutient à juste titre la société requérante, le délai de quatre mois prévu par le CCTP du marché est mathématiquement impossible à respecter si, comme le fait valoir la commune de Lyon, le délai pour la réalisation de la " prestation de mise en œuvre " inclut tant les phases de MOM et de VA, dès lors qu'il résulte des stipulations du C.C.A.P.C, qui en vertu de son article 6 ont priorité sur celles du CCTP, que le titulaire doit, tout d'abord, dans le délai imparti par la commande pour effectuer la livraison et avant la mise en ordre de marche, vérifier la conformité et l'opérationnalité de sa solution aux exigences du marché, qu'il dispose ensuite d'un délai d'un mois pour effectuer la mise en ordre de marche et la notifier à la commune, celle-ci disposant enfin d'un délai de trente jours calendaires à compter de cette notification pour la valider puis d'un délai maximal de trois mois pour la vérification d'aptitude, le CCTP prévoyant en outre une phase de validation de la conformité de la solution du titulaire au plus tard quinze jours avant l'échéance de la " mise en œuvre effective et exhaustive initiale ". Si la commune de Lyon fait valoir qu'il était attendu des candidats qu'ils puissent proposer une optimisation des délais du marché, aucune stipulation des documents de la consultation ne le prévoyait expressément, les candidats ne pouvant pas méconnaitre les délais prévus au C.C.A.P.C, en particulier ceux concernant les phases de vérification par la commune de Lyon, les candidats étant tenus en vertu de l'article 11.4 de ce C.C.A.P.C de " respecter les spécifications et modalités décrites dans les documents du marché ", et alors au surplus que la commune de Lyon a dérogé en sa faveur aux délais prescrits à l'article 33 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de techniques de l'information et de la communication s'agissant des phases de vérification. Enfin, en dernier lieu, la circonstance que la commune de Lyon a indiqué à la société PayByPhone par des courriers des 18 avril et 23 mai 2024 que la phase de vérification d'aptitude devait être comprise dans le délai de quatre mois de la " prestation de mise en œuvre " n'est pas de nature à permettre de considérer que toute ambiguïté et contradictions auraient été levées, dès lors que cette précision, dont il ne résulte au-demeurant pas de l'instruction qu'elle ait été portée à la connaissance de l'ensemble des candidats au marché, conduisait à méconnaitre en particulier le délai prévu par la commune pour la phase de vérification d'aptitude.

14. Les contradictions et ambiguïtés qui viennent d'être précisées, qui révèlent une insuffisante définition de son besoin par l'acheteur, caractérisent un manquement de la commune de Lyon à ses obligations de transparence et de publicité de la procédure. Ce manquement a été de nature à léser la société PayByPhone, dès lors qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter des offres répondant utilement aux exigences de délai d'exécution prévues par l'acheteur et que ses offres ont été déclarées irrégulières au motif qu'elles ne respectaient pas le délai de quatre mois prescrit par l'article 2.1 du CCTP.

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société PayByPhone est fondée à demander l'annulation de la procédure de passation des marchés ayant pour objet l'acquisition d'un système de paiement dématérialisé du stationnement sur voirie (lots n°1 et 2) ainsi que des décisions par lesquelles la commune de Lyon a rejeté ses offres pour ces lots.

[…]

MAJ 10/11/24

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