TA Versailles, 2 janvier 2025, n° 2410810 - Exigences irréalistes dans un appel d'offres
L’offre d’une société ne peut être rejetée pour incomplétude sur le fondement de l'article L2152-2 du CCP, s’il est impossible de fournir les informations demandées sur des produits inexistants. Un pouvoir adjudicateur de ne pas imposer des exigences irréalistes ou impossibles à satisfaire, sous peine de violer le principe d'égalité de traitement des candidats visé à l'article L3 du CCP.
Offre rejetée à tort pour irrégularité en raison de son caractère incomplet au motif qu'elle ne précisait pas le prix unitaire hors taxe au kg exprimé en euros des fluides R128 vert et R492A alors que ces gaz n'existent pas. Il ressort, en outre, que l'établissement Roussel, attributaire du marché public en litige, a proposé des prix unitaires pour ces fluides correspondant à des gaz de substitution. Dès lors, c'est à tort que le pouvoir adjudicateur a rejeté son offre comme irrégulière au motif qu'elle ne précisait pas de prix unitaires pour ces fluides. Un tel manquement, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, est susceptible d'avoir lésé la société requérante.
Résumé
Un département a lancé un appel d'offres pour un marché public concernant la maintenance et l'installation de matériels de cuisine. Une société a soumissionné mais son offre été rejetée pour irrégularité car incomplète, le marché étant attribué à un établissement. La société conteste cette décision, prétendant que le rejet de son offre était injustifié.
La société soutient que le département a violé le principe d'égalité de traitement des candidats en imposant des exigences relatives à des produits inexistants sur le marché (les fluides R128 vert et R492A). Elle affirme que son offre a été rejetée à tort pour incomplétude, car elle ne précisait pas les prix unitaires de ces fluides, qui ne sont pas disponibles en France.
Le juge des référés a rappelé que le pouvoir adjudicateur ne doit pas dénaturer le contenu d'une offre en méconnaissant ou en altérant manifestement ses termes, ce qui porterait atteinte au principe d'égalité de traitement des candidats. De plus, la prise en compte de renseignements erronés concernant les capacités d'un candidat peut fausser l'appréciation des offres et violer ce même principe (CE, n° 360952, 3 octobre 2012).
En l'espèce, le TA de Versailles a constaté que les fluides R128 vert et R492A n'existaient pas sur le marché français, comme en attestent les documents fournis par la société et les écritures de l'établissement, qui a proposé des prix pour des gaz de substitution. Par conséquent, le département a commis une erreur en rejetant l'offre de la société pour incomplétude, car il était impossible de fournir les informations demandées sur des produits inexistants.
Le TA de Versailles a jugé que le rejet de l'offre de la société était injustifié et a annulé la décision d’attribution du département.
Texte
[…]
6. La société requérante fait valoir que le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en violant le principe d'égalité de traitement des candidats dans la mesure où il a imposé des exigences relatives à des produits inexistants sur le marché. Elle fait ainsi valoir que son offre a été rejetée à tort pour irrégularité en raison de son caractère incomplet au motif qu'elle ne précisait pas le prix unitaire hors taxe au kg exprimé en euros des fluides R128 vert et R492A alors que ces gaz n'existent pas. Au soutien de ses allégations, la société requérante produit plusieurs attestations de ses fournisseurs indiquant qu'ils ne commercialisent pas ces fluides. Il ressort, en outre, des écritures de l'établissement Roussel, attributaire du marché public en litige, que celle-ci a proposé des prix unitaires pour ces fluides correspondant à des gaz de substitution. Ainsi, il résulte de l'instruction que la société requérante est fondée à soutenir que les fluides R128 vert et R492A ne sont pas disponibles sur le marché français. Dès lors, c'est à tort que le département de l'Essonne a rejeté son offre comme irrégulière au motif qu'elle ne précisait pas de prix unitaires pour ces fluides. Un tel manquement, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, est susceptible d'avoir lésé la société requérante.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la procédure de passation du marché en litige, doit être annulée au stade de l'analyse des offres, ainsi que la décision du 9 décembre 2024 informant la société requérante du rejet de son offre. .
[…]
MAJ 10/01/25
Jurisprudence
CE, n° 360952, 3 octobre 2012, société Déménagements Le Gars (Fausses déclarations au stade de la candidature sur les capacités d'un opérateur économique. La prise en compte par le pouvoir adjudicateur de renseignements erronés relatifs aux capacités professionnelles, techniques et financières d’un candidat est susceptible de fausser l’appréciation portée sur les mérites de cette candidature au détriment des autres candidatures et ainsi de porter atteinte au principe d’égalité de traitement entre les candidats. Le choix de l’offre d'un candidat, fondé sur de fausses déclarations, porte atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Il en résulte que le manquement relevé est susceptible d’avoir lésé la société concurrente, quel qu’ait été son propre rang de classement à l’issue du jugement des offres).
Actualités
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