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TA Lille, 6 janvier 2025, n° 412665 - Contradictions DCE (AAPC/RC)

TA Lille, 6 janvier 2025, n° 412665 - Contradictions dans les documents de la consultation (AAPC/RC)

Cette décision est à rapprocher de l'arrêt CE, 18 juillet 2024, n° 492938, association Nayma avec une contradiction entre l'AAPC et le RC dans le DCE, et aussi de l'arrêt de 2005 (CE, 15 avril 2005, 273178, Ville de Paris c/ Société SITA) qui ne mentionne pas explicitement une obligation de vigilance des candidats face aux contradictions. En l'espèce, l'avis de publicité fixait une heure limite de dépôt des candidatures alors que le règlement de consultation restait silencieux sur ce point. Le juge considère que cette contradiction ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence dès lors qu'elle était aisément décelable et que les candidats ne pouvaient se méprendre de bonne foi sur les exigences du pouvoir adjudicateur. Cette solution s'inscrit dans une jurisprudence constante qui responsabilise les candidats en les incitant à interroger l'acheteur en cas d'ambiguïté dans les documents de la consultation. (TA Lille, 6 janvier 2025, n° 412665, SARL ACYC-Architectes - Contradictions dans les documents de la consultation (AAPC/RC)

Le 6 janvier 2025, le juge des référés du Tribunal administratif de Lille a précisé les conditions dans lesquelles une contradiction entre les documents de la consultation peut être opposée aux candidats, dans le cadre d'un référé précontractuel.

Les circonstances de l'espèce

La commune de Dunkerque a lancé un concours restreint de maîtrise d'œuvre pour l'implantation d'un conservatoire. L'avis de concours publié au JOUE et au BOAMP fixait une date limite de réception des candidatures au 12 novembre 2024 à 10h00. Le règlement de concours, quant à lui, ne précisait pas d'horaire limite.

La société ACYC-Architectes, ayant déposé sa candidature le 12 novembre 2024 en fin d'après-midi, a vu celle-ci rejetée comme tardive. Elle a alors saisi le juge des référés précontractuels, prétendant que l'horaire limite ne lui était pas opposable puisque non mentionné dans le règlement de concours.

Une solution confirmant la jurisprudence existante du Conseil d'Etat

Le tribunal administratif rejette la requête en se fondant sur deux éléments :

1) L'avis de publicité figurait parmi les documents de la consultation à télécharger. Cet élément rappelle que selon la définition visée à l'article R2132-1 du code de la commande publique, les documents de la consultation comprennent l'ensemble des documents fournis par l'acheteur, y compris l'avis d'appel à la concurrence.

2) La contradiction entre les documents était "aisément décelable" par les candidats qui "ne pouvaient se méprendre de bonne foi sur les exigences du pouvoir adjudicateur". Cette solution s'inscrit dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d'État (CE, 18 juillet 2024, n° 492938, Association Nayma, voir infra) selon laquelle une contradiction manifeste entre documents n'entache pas d'irrégularité la procédure si elle était facilement identifiable.

La responsabilisation des candidats dans le processus de mise en concurrence

Pas facile pour les candidats peu expérimentés car ces derniers privilégient les dispositions du règlement de la consultation sans s'attarder sur le contenu de l'avis d'appel à la concurrence.

Or, parfois l'avis d'appel à la concurrence comporte des renseignements qui malheureusement ne figurent pas dans le règlement de la consultation.

Conseil pour les candidats à la réponse aux marchés publics
Lisez systématiquement l'avis d'appel à la concurrence car ce dernier peut contenir des informations absentes du règlement de la consultation (RC).
En l'occurrence, en l'espèce, dans le règlement de concours il manquait l'heure limite de réception des plis, mais il arrive également que le montant estimatif du marché figure dans l'avis tout en étant absent du RC.

Le juge souligne qu'il appartenait à la société requérante d'interroger le pouvoir adjudicateur pour lever cette confusion, conformément aux dispositions du règlement de concours. Cette position témoigne d'une responsabilisation accrue des candidats qui ne peuvent rester passifs face à une ambiguïté dans les documents de la consultation.

Cette obligation de diligence des candidats peut se justifier par la sécurité juridique des procédures de passation et aussi l'efficacité de la commande publique qui serait compromise si toute contradiction, même mineure et facilement décelable, pouvait entraîner l'irrégularité de la procédure.

Une solution qui semble équilibrée

Le raisonnement du tribunal semble équilibré car il :

  • Protège les intérêts des pouvoirs adjudicateurs contre des recours abusifs fondés sur des vices de forme mineurs.
  •  Préserve les droits des candidats en cas de contradictions véritablement préjudiciables à leur compréhension des exigences.
  •  Incite à un dialogue entre acheteurs et candidats pendant la phase de consultation via les demandes de renseignements sur le profil d'acheteur.

Ce dernier point est particulièrement important car il consiste, pour les candidats, à interroger l’acheteur de manière à obtenir des renseignements pertinents relatifs à la consultation par le biais du profil d’acheteur.

Les candidats doivent, à cet effet, prendre garde de poser les questions dans les délais impartis. L’expérience montre pourtant que de nombreux candidats, soit n’osent pas poser certaines questions pour des raisons diverses, soit s’y prennent tardivement. Or, la réponse à des questions pertinentes permet non seulement d’éviter les erreurs dans le contenu de la candidature ou de l’offre, mais également de sécuriser l'exécution du contrat.

De nombreux points durs peuvent être résolus en amont du dépôt par le biais de ces questions destinées notamment à clarifier les documents de la consultation. 

[...].

4. Par ailleurs, aux termes de l'article L2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". Aux termes de l'article L2152-2 de ce code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ". Aux termes de l'article R2143-13 du même code : " L'acheteur fixe les délais de réception des candidatures en tenant compte de la complexité du marché et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leur candidature () " L'article R2132-1 de ce code dispose que : " Les documents de la consultation sont l'ensemble des documents fournis par l'acheteur ou auxquels il se réfère afin de définir son besoin et de décrire les modalités de la procédure de passation, y compris l'avis d'appel à la concurrence. Les informations fournies sont suffisamment précises pour permettre aux opérateurs économiques de déterminer la nature et l'étendue du besoin et de décider de demander ou non à participer à la procédure. " Selon l'article R2143-1 du même code : " Les candidatures reçues hors délai sont éliminées ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Dunkerque a rejeté la candidature de la société ACYC-Architectes au motif que celle-ci avait été présentée le 12 novembre 2024 en fin d'après-midi, soit au-delà de la date limite de remise des offres fixée le même jour à 10h00, laquelle était mentionnée au point 5.1.12 de l'avis de concours publié au JOUE et au BOAMP. Si la société requérante fait valoir que cet horaire ne lui est pas opposable dès lors que l'avis de publicité n'était pas joint au règlement de concours lequel se borne à préciser au point B) 3. que " Les candidatures sont à déposer via le profil acheteur, au plus tard à la date et l'heure indiquée en page de garde du présent document " et qu'il est constant que la première page de ce document ne comporte aucune mention d'un horaire, il ressort toutefois de la capture d'écran du dossier de consultation produit en défense que l'avis de publicité figurait parmi les documents de la consultation à télécharger. Par ailleurs, la circonstance que le règlement de concours ne précisait pas, contrairement à l'avis de publicité, l'heure limite du dépôt des candidatures, si elle était de nature à révéler une ambigüité de ces documents de la consultation, celle-ci était toutefois aisément décelable par les candidats qui ne pouvaient se méprendre de bonne foi sur les exigences du pouvoir adjudicateur, de sorte qu'il appartenait à la société requérante d'interroger le pouvoir adjudicateur pour lever cette confusion conformément au point B)1.3 du règlement de concours, ce qu'elle s'est abstenue de faire. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la commune de Dunkerque a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en rejetant comme tardive sa candidature.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société ACYC-Architectes au titre de l'article L551-1 doit être rejetée.

[...]

Jurisprudence

CE, 18 juillet 2024, n° 492938, association Nayma (Contradiction entre AAPC et RC dans le DCE. Obligation de vigilance des opérateurs économiques face aux contradictions dans les documents de la consultation. Contradiction qui "était aisément décelable par les candidats qui ne pouvaient se méprendre de bonne foi sur les exigences du pouvoir adjudicateur telles qu'elles étaient formulées dans le règlement de la consultation, auquel ils devaient se conformer". Le Conseil d'État confirme l’irrégularité de l’offre de NAYMA qui ne pouvait soutenir que l’acheteur avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en écartant ses offres comme irrégulières. Il s'agissait d'offres irrégulières car elles portaient sur plus de deux lots, en violation de l'article 1.4 du règlement de la consultation. Signature prématurée du contrat par l’acheteur en violation de l'obligation de suspension).

CE, 15 avril 2005, 273178, Ville de Paris c/ Société SITA (Incohérence relative à la date de début et la durée d'exécution d'un marché entre l'avis d'appel public à concurrence et le règlement de consultation)

Textes