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CAA Nantes, 7 février 2025, n° 24NT00896

CAA Nantes, 7 février 2025, n° 24NT00896 - Demande de devis pour les marchés dispensés de publicité et de mise en concurrence ... suite.

Une clarification intéressante sur la portée des obligations pesant sur les acheteurs dans le cadre des régimes dérogatoires aux règles de la commande publique des marchés dispensés de publicité et de mise en concurrence. La CAA de Nantes juge que la sollicitation de plusieurs devis pour un marché de travaux inférieur à 100 000 € HT relevant du dispositif dérogatoire de l'article 142 de la loi ASAP ne vaut pas engagement à respecter les règles d'une procédure adaptée. Cette consultation s'inscrit uniquement dans le respect des obligations minimales prévues par ce texte : choix d'une offre pertinente, bonne utilisation des deniers publics et absence de contractualisation systématique avec le même opérateur. La cour écarte également l'argument tiré du caractère anormalement bas de l'offre retenue, le simple écart de prix entre les offres étant insuffisant pour caractériser une méconnaissance des critères posés par l'article 142. Dans l'attente d'une décision du Conseil d'État pour clarifier la situation et donner une jurisprudence définitive sur la question.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000051145483

Selon la cour administrative d'appel de Nantes, le fait pour un acheteur de solliciter plusieurs devis dans le cadre d'un marché relevant du régime dérogatoire de l'article 142 de la loi ASAP ne l'engage pas à respecter les règles d'une procédure adaptée.

En l’espèce, la commune de Tilly-sur-Seulles avait conclu un marché de travaux de voirie d'un montant de 72 934,58 € TTC avec la société Jones TP, après avoir sollicité des devis auprès de trois entreprises. Des conseillers municipaux contestaient la validité de ce marché, estimant que la commune s'était volontairement soumise aux règles d'une procédure adaptée en consultant plusieurs entreprises.

La cour administrative d'appel de Nantes rejette ce raisonnement en opérant une distinction entre la simple consultation de devis et l'engagement dans une procédure de mise en concurrence  sous forme de MAPA. Elle rappelle que dans le cadre du dispositif dérogatoire de l'article 142 de la loi ASAP du 7 décembre 2020, les acheteurs pouvaient, jusqu'au 31 décembre 2022, conclure des marchés de travaux inférieurs à 100 000 € HT sans publicité ni mise en concurrence préalables. Ce seuil a depuis été prorogé jusque fin 2025.

La cour souligne que la consultation de différents devis s'inscrivait uniquement dans le respect des obligations minimales posées par cet article 142, à savoir : choisir une offre pertinente, faire une bonne utilisation des deniers publics et ne pas contracter systématiquement avec le même opérateur économique. Cette démarche ne traduisait donc pas la volonté de la commune de se soumettre volontairement aux règles plus contraignantes d'une procédure adaptée.

« 3. Il est constant que le maire de la commune de Tilly-sur-Seulles a sollicité des devis, pour effectuer les travaux de voirie ayant fait l'objet du marché litigieux, de la part de trois entreprises, qu'il a ensuite soumis au conseil municipal, ce dernier ayant finalement retenu le devis de la société Jones TP. Toutefois, cette circonstance n'implique pas que la commune de Tilly-sur-Seulles ait entendu se placer dans le cadre d'une procédure adaptée impliquant une mise en concurrence. La consultation de différents devis avait uniquement pour but de respecter les critères posés par l'article 142 de la loi du 7 décembre 2020 tirés du choix d'une offre pertinente, en faisant une bonne utilisation des deniers publics. Ainsi, la commune de Tilly-sur-Seulles bénéficiant du dispositif dérogatoire cité au point 2, le moyen tiré de ce que le contrat en cause a été conclu en méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence applicables à la procédure adaptée à laquelle la commune se serait spontanément soumise alors qu'elle n'y était pas tenue doit être écarté. Par conséquent, les requérants ne peuvent davantage utilement soutenir que la commune aurait dû communiquer aux entreprises contactées pour produire des devis les critères de choix des offres et les solliciter tous au même moment. Enfin, M. C..., M. B... et Mme J..... ne peuvent davantage utilement soutenir que la commune aurait dû mettre en œuvre la procédure de détection des offres anormalement basses, alors qu'ils ne développent aucun argument sur l'absence de pertinence de l'offre retenue, la mauvaise utilisation des deniers publics ou l'interdiction de contracter systématiquement avec un même opérateur économique, seuls critères posés par l'article 142 de la loi du 7 décembre 2020. En tout état de cause, le simple écart entre le prix proposé par la société Jones TP et celui des deux autres entreprises sollicitées ne suffit pas à établir le caractère anormalement bas du devis retenu. »

Selon la cour, dans ce contexte, le fait de solliciter plusieurs devis permet à l'acheteur de s'assurer de la pertinence de l'offre retenue et de la bonne utilisation des deniers publics, sans pour autant le contraindre à respecter l'ensemble des obligations procédurales liées à une mise en concurrence relativement formelle (information des critères de sélection, détection des offres anormalement basses...).

La cour écarte également l'argument tiré du caractère anormalement bas de l'offre retenue, rappelant que dans le cadre du régime dérogatoire de l'article 142, seuls comptent les critères expressément mentionnés par ce texte. Le simple écart de prix entre les offres ne suffit pas à établir le caractère anormalement bas d'une offre, en l'absence d'éléments démontrant que l'offre retenue ne serait pas pertinente ou traduirait une mauvaise utilisation des deniers publics.

Cette décision apporte ainsi une précision bienvenue sur la portée des obligations pesant sur les acheteurs dans le cadre des régimes dérogatoires aux règles de la commande publique. Elle confirme que la simple consultation de plusieurs devis ne vaut pas engagement à respecter les règles d'une procédure adaptée, dès lors que cette consultation s'inscrit dans le respect des obligations minimales prévues par les textes.

La cour administrative d'appel de Nantes confirme le jugement du tribunal administratif de Caen (TA Caen, 22 janvier 2024, n° 2201185) et rejette également la requête des requérants

[...]

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 5 avril 2022, la commune de Tilly-sur-Seulles a décidé de conclure un marché public avec l'entreprise Jones Travaux publics, dite " Jones TP ", afin de réaliser des travaux de voirie pour un montant de 72 934,58 euros toutes taxes comprises. M. C..., M. B... et Mme J..., conseillers municipaux de la commune, ont demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation du contrat ainsi conclu. Par un jugement du 22 janvier 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 142 de la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique visée ci-dessus : " I. - Jusqu'au 31 décembre 2022 inclus, les acheteurs peuvent conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € hors taxes. / (...) / Les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin. (...) ".

3. Il est constant que le maire de la commune de Tilly-sur-Seulles a sollicité des devis, pour effectuer les travaux de voirie ayant fait l'objet du marché litigieux, de la part de trois entreprises, qu'il a ensuite soumis au conseil municipal, ce dernier ayant finalement retenu le devis de la société Jones TP. Toutefois, cette circonstance n'implique pas que la commune de Tilly-sur-Seulles ait entendu se placer dans le cadre d'une procédure adaptée impliquant une mise en concurrence. La consultation de différents devis avait uniquement pour but de respecter les critères posés par l'article 142 de la loi du 7 décembre 2020 tirés du choix d'une offre pertinente, en faisant une bonne utilisation des deniers publics. Ainsi, la commune de Tilly-sur-Seulles bénéficiant du dispositif dérogatoire cité au point 2, le moyen tiré de ce que le contrat en cause a été conclu en méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence applicables à la procédure adaptée à laquelle la commune se serait spontanément soumise alors qu'elle n'y était pas tenue doit être écarté. Par conséquent, les requérants ne peuvent davantage utilement soutenir que la commune aurait dû communiquer aux entreprises contactées pour produire des devis les critères de choix des offres et les solliciter tous au même moment. Enfin, M. C..., M. B... et Mme J... ne peuvent davantage utilement soutenir que la commune aurait dû mettre en œuvre la procédure de détection des offres anormalement basses, alors qu'ils ne développent aucun argument sur l'absence de pertinence de l'offre retenue, la mauvaise utilisation des deniers publics ou l'interdiction de contracter systématiquement avec un même opérateur économique, seuls critères posés par l'article 142 de la loi du 7 décembre 2020. En tout état de cause, le simple écart entre le prix proposé par la société Jones TP et celui des deux autres entreprises sollicitées ne suffit pas à établir le caractère anormalement bas du devis retenu.

4. Il résulte de tout ce qui précède que M. C..., M. B... et Mme J... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a, par le jugement attaqué, rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Tilly-sur-Seulles et de la société Jones TP, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. C..., M. B... et Mme J... et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre solidairement à la charge de M. C..., M. B... et Mme J... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Tilly-sur-Seulles et la même somme à la société Jones TP au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C..., M. B... et Mme J... est rejetée.

Article 2 : M. C..., M. B... et Mme J... verseront solidairement à la commune de Tilly-sur-Seulles la somme de 1 500 euros et la même somme à la société Jones TP en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., représentant unique, à la société Jones Travaux Publics et à la commune de Tilly-sur-Seulles.

[...]

MAJ 08/02/25 - - Source Legifrance

Jurisprudence

TA Strasbourg, 16 mai 2024, n° 2108389 (Marché public de faible montant  : irrégularité dans le choix du critère de sélection, pas d'indemnisation pour l'entreprise écartée. Entreprise évincée d'un marché public de faible montant  contestant le choix du critère unique du prix pour sélectionner l'attributaire. Le juge du contrat confirme l'irrégularité du choix du critère unique du prix mais refuse d'annuler le contrat. Il considère que l'irrégularité n'a pas eu de conséquence réelle sur le choix de l'attributaire et que l'entreprise écartée n'aurait pas pu remporter le marché. L'affaire ne portait pas sur le fait de demander ou non 3 devis, mais sur les règles de mise en concurrence une fois que la commune a décidé de s'y soumettre). 

TA Caen, 22 janvier 2024, n° 2201185 (Consultation de plusieurs entreprises et MAPA. La consultation de plusieurs entreprises ne transforme pas automatiquement une procédure en MAPA. Une application extensive des dispositions dérogatoires de la loi ASAP aux marchés publics de travaux inférieurs à 100 000€ HT).

CAA Douai, 31 décembre 2012, n° 11DA00590, Commune de HOYMILLE (Demande de devis dans un MAPA et respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement et de transparence des procédures. Un marché à procédure adaptée résultant d’une demande de devis est soumis aux dispositions de l’article 1er du code des marchés publics et doit faire connaître les critères de choix des offres dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché).

Questions écrites au sénat ou à l'assemblée nationale

QE sénat n° 19417 de M. MASSON Jean Louis - 04/02/2021 - Réalisation d'une prestation de service pour une commune (Règle des 3 devis).