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TA Orléans, 27 août 2024, n° 2403196 - Portée d'une erreur dans le DQE

Tribunal administratif d'Orléans, 27 août 2024, n° 2403196 - Portée d'une erreur dans le DQE

En matière de marchés publics, une erreur dans le détail quantitatif estimatif (DQE) d'une offre n'entraîne pas automatiquement son irrégularité. Si l'erreur peut être qualifiée de purement matérielle, c'est-à-dire qu'elle ne modifie pas substantiellement l'offre et que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi, l'acheteur peut la rectifier sans rompre l'égalité entre les candidats. Cette possibilité de correction doit cependant être prévue dans le règlement de la consultation et ne doit pas affecter les prix unitaires du bordereau des prix. L'objectif est de permettre une certaine souplesse dans l'analyse des offres tout en préservant les principes fondamentaux de la commande publique.

En l'espèce, l'erreur dans le DQE de la société attributaire portait uniquement sur les quantités, les prix unitaires restant conformes au bordereau des prix. Le règlement de la consultation prévoyait explicitement la possibilité de corriger ce type d'erreur. Le juge a donc considéré que la rectification effectuée par l'acheteur était légitime et n'avait pas modifié substantiellement l'offre ni rompu l'égalité entre les candidats. . 

Contexte du litige concernant le DQE

Une société, candidate non retenue, soutient que l'offre de la société attributaire Suez RV Centre ouest aurait dû être écartée comme irrégulière en raison d'une non-conformité de son DQE par rapport au cahier des charges modifié (article L2152-2 du Code de la commande publique).

Nature de l'erreur dans le DQE

L'instruction révèle que le DQE transmis par Suez RV Centre ouest le 21 juin 2024 ne comportait pas les prescriptions attendues concernant les quantités estimatives pour deux prestations spécifiques :

  • Déplacement ou retrait temporaire ou définitif d'un conteneur
  • Nettoyage d'un site en cas de conteneur brûlé, accidenté, etc. dans les 2 heures maximum

Ces prescriptions avaient été modifiées en cours de consultation par le pouvoir adjudicateur et communiquées aux candidats via la plateforme de dématérialisation le 28 mai 2024.

Qualification de l'erreur par le juge

Le juge considère que l'erreur commise est une "erreur purement matérielle".

Il justifie cette qualification par les éléments suivants :

  • L'erreur portait uniquement sur les quantités présentées
  • Les prix unitaires restaient conformes à ceux renseignés dans le bordereau des prix unitaires (BPU)
  • Les prix calculés résultaient de la multiplication des quantités erronées

Possibilité de correction de l'erreur

Le juge valide la correction du DQE effectuée par le pouvoir adjudicateur en s'appuyant sur deux fondements :

  • D'une part, la jurisprudence en rappellant le principe selon lequel une erreur purement matérielle peut être rectifiée, "d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue" (CE, 21 septembre 2011, n° 349149, Département des Hauts-de-Seine).
  • D'autre part, le règlement de la consultation, car l'article 7.2 du RC prévoyait explicitement que "dans le cas où des erreurs purement matérielles (de multiplication, d'addition ou de report) seraient constatées entre les indications portées sur le bordereau des prix unitaires et le détail quantitatif estimatif, le bordereau des prix prévaudra et le montant du détail quantitatif estimatif sera rectifié en conséquence".

Conséquences de la correction

Le juge estime que la correction du DQE par le pouvoir adjudicateur :

  • N'a pas eu pour effet de modifier les caractéristiques substantielles de l'offre de la société attributaire
  • N'a pas méconnu le principe interdisant de modifier une offre

Rejet du moyen

Le juge rejette donc le moyen soulevé par la société requérante concernant l'irrégularité de l'offre de Suez RV Centre ouest en raison de l'erreur dans son DQE.

Cette analyse démontre l'importance accordée par le juge à la distinction entre erreurs purement matérielles et erreurs substantielles dans les documents de l'offre, ainsi que le rôle central du règlement de la consultation dans la définition des modalités de correction des erreurs.

Le juge adopte ici une approche pragmatique, permettant la rectification d'erreurs mineures ne remettant pas en cause l'égalité entre les candidats.

[...]

1. Par un avis d'appel public à la concurrence du 21 mai 2024, Chartres métropole traitement et valorisation a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché public de services de collecte en points d'apport volontaire aériens et enterrés des emballages ménagers recyclables et du verre sur le territoire de Chartres métropole (Eure-et-Loir). La société Mineris a présenté une offre en vue de l'obtention de ce marché. Par un courrier du 19 juillet 2024, la société Mineris a été informée du rejet de son offre, classée en seconde position avec une note globale de 69 points sur 100 et de l'attribution du marché à la société Suez RV Centre ouest, ayant obtenu la note globale de 77,17 points sur 100. Par sa requête, la société Mineris demande l'annulation de la procédure de passation du marché.

[...]

4. En premier lieu, aux termes de l'article L2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières () ". Aux termes de l'article L2152-2 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation () ". Enfin, aux termes de l'article R. 2152-2 de ce code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ".

5. Si ces dispositions s'opposent en principe à toute modification du montant de l'offre à l'initiative du candidat ou du pouvoir adjudicateur, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s'agit de rectifier une erreur purement matérielle, d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue.

6. Il résulte de l'instruction que les candidats devaient produire, à l'appui de leur offre, un bordereau des prix unitaires (BPU), ainsi qu'un détail quantitatif estimatif (DQE). La société Suez RV Centre ouest a transmis, le 21 juin 2024, un DQE, sur lequel n'apparaissaient pas les prescriptions attendues concernant les quantités estimatives au cas de " déplacement ou retrait temporaire ou définitif d'un conteneur " et de " nettoyage d'un site en cas de conteneur brûlé, accidenté, etc dans les 2 heures maximum ", telles que modifiées en cours de consultation par le pouvoir adjudicateur et portées à la connaissance des candidats sur la plateforme de dématérialisation des procédures le 28 mai 2024. Cependant, alors, d'une part, que l'erreur commise tenait uniquement aux quantités présentées, les prix unitaires, conformes à ceux renseignés au BPU, demeurant inchangés, Chartres métropole traitement et valorisation a pu valablement en déduire que la mention des prix calculés par multiplication des quantités résultait elle-même d'une erreur purement matérielle d'une nature telle, que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat aurait vu son offre retenue. En conséquence et alors que l'article 7.2 du règlement de la consultation prévoyait précisément que " dans le cas où des erreurs purement matérielles (de multiplication, d'addition ou de report) seraient constatées entre les indications portées sur le bordereau des prix unitaires et le détail quantitatif estimatif, le bordereau des prix prévaudra et le montant du détail quantitatif estimatif sera rectifié en conséquence ", la correction du DQE par le pouvoir adjudicateur n'a pas eu pour effet de modifier les caractéristiques substantielles de l'offre de la société attributaire, qui était elle-même régulière, et a pu ainsi intervenir sans méconnaître, contrairement à ce que soutient la société Mineris, le principe interdisant de modifier une offre.

[...]

20. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la société Mineris tendant à l'annulation de la procédure de passation en litige ne peuvent qu'être rejetées.

[...]

MAJ 07/09/24 - Source Legifrance

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