TA Grenoble, 7 juin 2024, n° 2403476 - Importance de l'avis du CSTB dans les marchés publics : Les certifications ISO ne suffisent pas
Société ayant produit un avis favorable émis par un bureau de contrôle pour valider son procédé technique. La société a également produit des certifications ISO 9001 et ISO 14001 délivrées par la société Socotec, ainsi qu'un contrat conclu avec un laboratoire du CNRS. Cependant, le pouvoir adjudicateur a considéré que ces éléments ne pouvaient pas être considérés comme équivalents à un avis spécialisé du CSTB.
Dans les circonstances de l'espèce, le pouvoir adjudicateur était fondé, pour apprécier la valeur technique des offres, à demander un avis spécialisé du CSTB et à comparer les autres certificats de contrôle fournis par les candidats à l'aune de ce niveau de certification. Cependant, il ne doit pas introduire un critère discriminatoire ayant pour effet de favoriser certains acteurs du marché et d'en exclure d'autres. Le pouvoir adjudicateur peut exiger que les soumissionnaires fournissent des certificats ou des rapports d'essai délivrés par des organismes d'évaluation de la conformité accrédités, mais il doit accepter d'autres moyens de preuve appropriés lorsqu'un opérateur économique n'a pas accès à ces certificats ou rapports d'essai ou ne peut les obtenir dans les délais fixés. En ce qui concerne le critère de la valeur technique, le pouvoir adjudicateur doit définir des sous-critères précis et pertinents, et ne peut pas utiliser des termes imprécis ou ambigus. L'utilisation de la locution "et cætera" dans les éléments d'appréciation d'un sous-critère ne suffit pas à établir que le pouvoir adjudicateur se serait arrogé une liberté de choix discrétionnaire.
Résumé
La société Access BTP a produit un avis favorable émis par un bureau de contrôle, JPS contrôle, pour valider son procédé technique. Cet avis était valable deux ans et consistait en un document d'une page et demi validant le cahier des charges rédigé par la société elle-même. Toutefois, le pouvoir adjudicateur a considéré que cet avis sommaire ne contenait pas suffisamment de précisions scientifiques et techniques pour être considéré comme équivalent à un avis spécialisé rendu par le CSTB.
La société Access BTP a également produit des certifications ISO 9001 et ISO 14001 délivrées par la société Socotec, ainsi qu'un contrat conclu avec un laboratoire du CNRS en juillet 2023. Cependant, le pouvoir adjudicateur a considéré que ces éléments ne pouvaient pas non plus être considérés comme équivalents à un avis spécialisé du CSTB.
En conséquence, le pouvoir adjudicateur a retenu que la société Access BTP n'avait pas satisfait aux exigences du CCTP en matière d'avis technique du CSTB. Toutefois, le juge a considéré que le pouvoir adjudicateur n'avait pas dénaturé l'offre de la société Access BTP en retenant que les éléments produits par celle-ci ne pouvaient pas être considérés comme équivalents à un avis spécialisé du CSTB.
En troisième lieu, le tribunal a écarté le moyen tiré de la dénaturation de l'offre de la société Access BTP. La société soutenait que son offre avait été dénaturée dès lors qu'elle avait proposé une optimisation au planning des travaux élaboré par la maîtrise d'œuvre. Le tribunal a considéré que le planning proposé par la société Access BTP était conforme au planning du MOE et ne faisait pas apparaître d'optimisation.
Enfin, le tribunal a considéré que la société Access BTP n'établissait pas avoir été lésée par l'ensemble de ces manquements. En effet, la société avait obtenu la note maximale pour le critère prix et la note de 35/60 pour le critère technique, soit un écart de note de 8,36 points avec la société attributaire. Le tribunal a donc considéré que la société Access BTP n'établissait pas que ces manquements auraient pu avoir une incidence sur le résultat de la procédure de passation du marché.
En conséquence, le tribunal a rejeté la demande de la société Access BTP.
Texte
[...]
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 1er février 2024, la commune de Le Cheylas a engagé une procédure de consultation en vue de l'attribution d'un marché de travaux préparatoires à l'opération d'aménagement " Clos du village ". Ce marché était divisé en en six lots. La société Access BTP a présenté une offre pour le lot " Injections : système expansif pour la consolidation des sols ". Le 15 mai 2024, la commune Le Cheylas l'a informée que son offre, classée deuxième avec une note totale de 75/100 n'avait pas été retenue, la société Uretek, attributaire du marché ayant obtenue 83,36/100. La société Access BTP demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation de ce lot.
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En ce qui concerne les critères de la consultation
3. Aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution () ". Aux termes de l'article L. 2152-8 du même code : " Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'acheteur et garantissent la possibilité d'une véritable concurrence. Ils sont rendus publics dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de son article R. 2152-11 : " Les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation ". Enfin, aux termes de son article R. 2152-12 : " Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, les critères d'attribution font l'objet d'une pondération ou, lorsque la pondération n'est pas possible pour des raisons objectives, sont indiqués par ordre décroissant d'importance. La pondération peut être exprimée sous forme d'une fourchette avec un écart maximum approprié ".
4. Selon l'article 8.2. du règlement de la consultation, les critères de sélection des offres étaient le prix des prestations et leur valeur technique, respectivement pondérés à 40% et 60%. Le critère relatif à la valeur technique était assorti de quatre sous-critères : " 2.1 personnels et moyens matériels affectés au chantier " comptant pour 15%, " 2.2 propositions de méthodologie " pour 20%, " 2.3 Calendrier prévisionnel " pour 15% et " 2.4 mesures environnementales " pour 10%. Le tableau d'évaluation des critères était complété s'agissant du sous-critère 2.2 par le texte suivant : " description des installations, approvisionnements, procédés de mise en œuvre des injections, le contrôle durant le chantier, les comparaisons des performances avant et après le chantier, l'application des garanties, etc. ".
5. La requérante a obtenu la note de 35/60 pour le critère technique et la note maximale pour le critère prix. Dans son courrier de rejet de l'offre d'Access BTP, la pouvoir adjudicateur précise " Principaux éléments pénalisants : " La note méthodologique bien que détaillée ne précisait pas les garanties du produit. Les travaux étaient validés par un bureau de contrôle et non par un avis technique du CTSB. Le planning proposé est conforme au planning du MOE mais ne fait pas apparaître d'optimisation ".
S'agissant de l'imprécision du sous-critère 2.6.
6. D'une part, en demandant aux candidats de préciser " l'application des garanties " pour ce procédé d'injection de résine expansive, que la requérante qualifie elle-même de novateur, le pouvoir adjudicateur n'a pas fait naître d'ambiguïté sur les informations attendues des candidats. Au demeurant, il était loisible à la société requérante, qui n'indique pas ce qui était pour elle " impossible à comprendre ", de demander au pouvoir adjudicateur des précisions sur ce point, dans les conditions prévues par l'article 9.1 du règlement de la consultation.
7. D'autre part, la seule utilisation de la locution et cætera dans les éléments d'appréciation du sous-critère 2.2, qui n'avaient pas à être obligatoirement rendus publics, ne suffit pas à établir que le pouvoir adjudicateur se serait arrogé une liberté de choix discrétionnaire.
S'agissant de l'existence d'un " sous-sous-critère " caché et illégal du sous-critère 2.2
8. Aux termes de l'article R.2151-14 du code de la commande publique : " Dans les documents de la consultation, l'acheteur peut exiger que les soumissionnaires fournissent, comme moyen de preuve de la conformité aux spécifications techniques, aux critères d'attribution ou aux conditions d'exécution du marché, un rapport d'essai d'un organisme d'évaluation de la conformité accrédité, conformément au règlement (CE) n° 765/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 fixant les prescriptions relatives à l'accréditation et à la surveillance du marché pour la commercialisation des produits et abrogeant le règlement (CEE) n° 339/93 du Conseil, ou un certificat délivré par un tel organisme. Lorsqu'il exige un certificat établi par un organisme d'évaluation identifié, il accepte un certificat établi par un organisme équivalent.
Lorsqu'un opérateur économique n'a pas accès aux certificats ou aux rapports d'essai mentionnés à l'alinéa précédent ni la possibilité de les obtenir dans les délais fixés par l'acheteur, ce dernier accepte d'autres moyens de preuve appropriés ".
9. En l'espèce, le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) précise que le " procédé () devra posséder un avis technique CSTB spécifique d'injections de résine expansive sous fondations, validé par un organisme de contrôle, précisant les modalités de conception de mise en œuvre et de contrôle du procédé. / Les analyses suivantes, effectuées par un organisme indépendant de l'entreprise et du fournisseur de résine, doivent être jointes à l'offre () ". Il est constant que cette formulation, quoique peu claire, permettait de candidater en justifiant d'une certification équivalente à celle du CSTB et ne méconnaît ainsi pas les dispositions précitées.
10. L'indication dans la lettre de rejet citée au point 5 de ce que " Les travaux étaient validés par un bureau de contrôle et non par un avis technique du CTSB " ne permet pas de retenir que le pouvoir adjudicateur aurait, en réalité et en contradiction avec le CCTP, illégalement estimé indispensable la certification par le CSTB. Par ailleurs, compte tenu des caractéristiques techniques particulières des procédés mis en œuvre, le pouvoir adjudicateur était fondé, pour apprécier la valeur technique des offres, à demander un avis spécialisé du CSTB et à comparer les autres certificats de contrôle fournis par les candidats à l'aune de ce niveau de certification. Par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait introduit un critère discriminatoire ayant pour effet de favoriser certains acteurs du marché et d'en exclure d'autres doit être écarté.
En ce qui concerne la dénaturation de l'offre dans l'évaluation des sous-critères 2.2 et 2.3
11. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
12. D'une part, la société requérante soutient qu'un bureau de contrôle a validé le procédé technique de son offre. Toutefois, pour satisfaire aux exigences du CCTP rappelées au point 9, elle a produit un avis favorable émis par JPS contrôle le 7 avril 2022 et valable deux ans consistant en un document d'une page et demi validant le cahier des charges rédigé par la requérante elle-même. En retenant que ni cet avis sommaire dépourvu de précision scientifique et technique, ni les certifications ISO 9001 et ISO 14001 délivrées par la société Socotec ou le contrat conclu en juillet 2023 avec un laboratoire du CNRS ne pouvaient être regardés comme ayant une valeur égale à celle d'un avis spécialisé rendu par le CSTB, le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé l'offre de la société Access BTP.
13. D'autre part, le calendrier prévisionnel dressé par le maître d'œuvre prévoyait un mois de préparation de chantier commun à tous les lots ainsi que, s'agissant du lot litigieux, une durée de travaux de deux semaines. Si la société Acess BTP se prévaut d'une durée de travaux de six jours, son planning fait toutefois apparaître une durée totale, allant de l'installation sur site à la réception des travaux d'injection, de deux semaines. Il ne résulte donc pas de l'instruction qu'en ayant estimé que le planning proposé par la société Acess BTP ne faisait pas apparaître d'optimisation par rapport au calendrier prévisionnel, le pouvoir adjudicateur aurait dénaturé l'offre de la société requérante.
14. Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des moyens doit être écarté et les conclusions en annulation rejetées.
[...]
MAJ 20/06/24
Jurisprudence
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