Répondre aux marchés publics pour les PME : Formation, aide et assistance sur tout le territoire (sur site ou à distance)
Entreprises - PME : Répondre aux marchés publics (DC1, DC2, ATTRI1, DC4, mémoire technique, ...) Acheteurs publics
DATES J01 Fondamentaux J02 Répondre aux AO J03 Réponse électronique J04 Mémoire technique Formations Assistance

Sources > CCP > CCAG > Directives > Lois > Ordonnances > Décrets > Arrêtés > Instructions > Avis > Circulaires > Dématérialisation des MP.

TA Rennes, 16 janvier 2019, n°1806065 - Notation technique trop resserrée

TA Rennes, 16 janvier 2019, n°1806065 - Notation technique trop resserrée favorisant le prix

Méthode de notation basée sur une comparaison relative des offres techniques, avec un écart automatique et prédéfini : le meilleur candidat obtenait 10 points, et le second candidat obtenait automatiquement 9 points (une réduction de 10%). Cette méthode a été sanctionnée pour deux raisons principales : 1 : Elle créait une échelle d'appréciation trop restreinte (écart maximal de 1 point) qui ne permettait pas de refléter les véritables différences qualitatives entre les offres. Par exemple, même si une offre était techniquement très supérieure à l'autre, l'écart de notation restait limité à 1 point. 2/ Cette notation "écrasée" neutralisait de fait le critère technique (pondéré à 20%) par rapport au critère prix (pondéré à 80%). Puisque l'écart technique était artificiellement limité à 1 point, même une différence de prix minime pouvait suffire à l'emporter, indépendamment de la qualité technique réelle des offres.

La méthode de notation du critère technique qui ne permet pas de refléter les écarts réels entre les offres est irrégulière car elle neutralise la pondération des critères

Le tribunal administratif de Rennes, dans son ordonnance du 16 janvier 2019, précise les conditions de régularité des méthodes de notation des critères techniques dans les marchés publics. En l'espèce, la société Seaowl France, candidate évincée d'un marché d'affrètement de navires pour la Marine nationale, contestait la méthode de notation du critère technique retenue par le ministère des Armées.

Une méthode de notation technique contraignante qui neutralise les écarts

Le pouvoir adjudicateur avait défini dans le règlement de la consultation deux critères : le prix pondéré à 80% et la proposition technique à 20%. Le critère technique était lui-même divisé en deux sous-critères de 10 points chacun : les caractéristiques des navires et l'organisation mise en place.

La méthode de notation prévoyait que pour chaque sous-critère, le meilleur soumissionnaire obtiendrait la note maximale, le deuxième une note diminuée de 10%, le troisième une note diminuée de 20% et ainsi de suite. Dans le cas d'espèce, avec seulement deux candidats, cela conduisait mécaniquement à attribuer une note de 10 à la meilleure offre et au minimum 9 à la seconde.

Une méthode jugée irrégulière car neutralisant la pondération des critères

Le tribunal rappelle que si le pouvoir adjudicateur définit librement sa méthode de notation, celle-ci ne doit pas pour autant "priver de leur portée les critères de sélection ou neutraliser leur pondération". Or, en l'espèce, l'échelle d'appréciation restreinte ne permettait pas de "refléter les différences qualitatives réelles pouvant exister entre les différentes offres" et neutralisait de fait le critère technique.

Cette méthode pouvait ainsi conduire à ce que l'offre retenue ne soit pas économiquement la plus avantageuse. Le juge des référés a considéré que la différence d'un seul point entre les offres au sous-critère "caractéristiques des navires" ne reflétait pas les écarts réels de qualité sur les 10 items où l'offre de l'attributaire avait été jugée moins bonne.

Une irrégularité ayant lésé le requérant

Le ministère soutenait que la société requérante n'avait pas été lésée puisque l'écart de prix entre les offres ne lui permettait pas d'être attributaire même avec une meilleure notation technique. Toutefois, le juge relève que la méthode retenue "étant de nature à disqualifier l'ensemble des notes inférieures à 10 et alors que seul 1,5 point sépare au total les offres des deux sociétés, le manquement [...] a nécessairement été susceptible de léser la société requérante".

Le tribunal enjoint donc au ministère de suspendre la procédure et, s'il souhaite la poursuivre, de la reprendre intégralement en se conformant à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

[...]

4. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics. Toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n’y est pas tenu, aurait rendu publiques, dans l’avis d’appel à concurrence ou les documents de la consultation, de telles méthodes de notation.

5. Il résulte de l’instruction que le pouvoir adjudicateur a indiqué, dans l’annexe 2 du règlement de la consultation du marché litigieux, que le jugement des offres s’effectuait selon deux critères, à savoir le prix des prestations pondéré à 80 % et la « meilleure proposition technique » pondéré à 20 %. Le critère de la proposition technique était lui-même décliné en deux sous-critères, à savoir « les caractéristiques des navires, dont le critère développement durable » pour 10 points et « l’organisation mise en place pour assurer les missions » pour 10 points. Le règlement précisait par ailleurs que, pour chacun de ces sous-critères, le soumissionnaire ayant la meilleure proposition sera classé premier et aura le maximum de points, le deuxième aura une note diminuée de 10 % par rapport au premier, le troisième aura une notre diminuée de 20 % par rapport au premier et ainsi de suite et ajoutait que les soumissionnaires pouvaient être jugés ex aequo et avoir un nombre de points identiques correspondant au rang de leur classement et que les notes de chaque sous-critère étaient ensuite additionnées pour attribuer une note totale sur 20. Cette méthode de notation retenue par le ministère des armées conduit à attribuer automatiquement, lorsque que comme en l’espèce seuls deux candidats ont présenté une offre, une note de 10 à l’offre la mieux classée et une note qui ne peut être inférieure à 9 au candidat dont l’offre a été jugée moins bonne techniquement. Elle a ainsi pour effet, du fait de cette échelle d’appréciation restreinte, de priver de l’essentiel de sa portée le critère de la valeur technique en ne permettant pas de refléter les différences qualitatives réelles pouvant exister entre les différentes offres et à fausser la pondération des critères, en neutralisant le critère de la valeur technique pour le candidat le moins bien classé sur ce critère. L’application de cette méthode peut donc aboutir à ce que l’offre retenue ne soit pas celle qui est économiquement la plus avantageuse indépendamment de toute appréciation des mérites des offres. La société Seaowl France est ainsi fondée à soutenir que cette méthode de notation ne peut être regardée comme régulière. 

[...]

MAJ 30/01/19

Jurisprudence

CE, 22 novembre 2019 n° 418460, société Autocars Faure (Une méthode de notation des offres ne peut reposer sur une auto-évaluation des critères de jugement des offres).

CE, 24 mai 2017, n° 405787, Société Techno Logistique (Une méthode de notation des offres et neutralisation des critères. Une méthode de notation ne doit pas avoir pour effet d'éliminer l'offre économiquement la plus avantageuse au profit de l'offre la mieux disante sur le seul critère du prix. La méthode de notation retenue, conduisant automatiquement à l'attribution de la note maximale de 20 à l'offre la moins disante et de 0 à l'offre la plus onéreuse, a pour effet de neutraliser les deux autres critères).

CE, 19 avril 2013, n° 365340, Ville de Marseille (L'incertitude résultant de la méthode de notation des offres, et son adaptation lors de l'analyse des offres par le pouvoir adjudicateur porte atteinte au principe d'égalité entre les candidats)

CE, 2 août 2011, n° 348711, SIVOA (L'acheteur peut recourir à une simulation financière pour évaluer les offres. Pour l'appréciation des critères de sélection des offres il faut bien distinguer critère et simple méthode de notation des offres. En procédant à une simulation nécessaire à l’appréciation du critère du prix eu égard à la coexistence de prix forfaitaires et de prix unitaires, le pouvoir adjudicateur met en oeuvre une simple méthode de notation destinée à évaluer ce critère, sans modifier ses attentes définies dans le règlement de la consultation par les critères de sélection et donc sans poser un sous-critère assimilable à un critère distinct. En effectuant, pour évaluer le montant des offres qui lui sont présentées, une simulation consistant à multiplier les prix unitaires proposés par les candidats par le nombre d'interventions envisagées, un pouvoir adjudicateur n'a pas recours à un sous-critère, mais à une simple méthode de notation des offres destinée à les évaluer au regard du critère du prix. Il n'est donc pas tenu d'informer les candidats, dans les documents de la consultation, qu'il aura recours à une telle méthode).

CE, 31 mars 2010, n° 334279, Collectivité Territoriale de Corse (Si le pouvoir adjudicateur a l’obligation d’indiquer dans les documents de consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en oeuvre, il n’est en revanche pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation des offres).