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CE, 17 octobre 2023, n° 465913, , commune de Viry-Châtillon

CE, 17 octobre 2023, n° 465913, commune de Viry-Châtillon - Mentionné dans les tables du recueil Lebon

Selon le Conseil d’Etat, les décisions d'accepter une entreprise en qualité de sous-traitante et d'agréer ses conditions de paiement ne sont susceptibles d’ouvrir à celle-ci un droit au paiement direct de ses prestations que pour autant que ces prestations relèvent effectivement du champ d’application de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance (codifié à l'article 116 du code des marchés publics (CMP) désormais codifiées aux articles R2193-11 à R2193-16 du code de la commande publique (Article R2193-11, Article R2193-12, Article R2193-14, Article R2193-15)). Ce droit au paiement direct ne concerne que les prestations relatives à l’exécution d’une part du marché, à l'exclusion de simples fournitures au titulaire du marché conclu avec le maître de l’ouvrage. Des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d’un marché déterminé ne peuvent être regardés, pour l’application de ces dispositions, comme de simples fournitures. «  … des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d'un marché déterminé ne peuvent être regardés comme de simples fournitures »

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000048222713

La décision du Conseil d'État du 17 octobre 2023 dans l'affaire Commune de Viry-Châtillon apporte un éclairage intéressant sur la distinction entre fournisseur et sous-traitant dans le cadre de l'exécution des marchés publics. Elle précise les critères permettant de qualifier un opérateur économique de sous-traitant et non de simple fournisseur, ce qui emporte des conséquences en termes de droit au paiement direct.

Le litige en l'espèce concerne une demande de paiement direct en sous-traitance dans le cadre d'un marché public de travaux comprenant des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d'un marché déterminé.

Un marché public de réhabilitation d'écoles maternelles a été conclu entre la commune de Viry-Châtillon et la société S3C Construction. Cette dernière a sous-traité la fabrication de menuiseries à la société Maugin. Suite à des modifications du contrat, des désaccords sont survenus, conduisant à une demande de paiement direct de la part du sous-traitant à la commune. Cette demande a été rejetée par la commune, mais la cour administrative d'appel de Versailles a ordonné le paiement. La commune a fait appel en cassation.

Rappel du cadre juridique du recours à la sous-traitance dans les marchés publics

Il s'agit dans un premier temps de savoir si les dispositions relatives à la sous-traitance s'appliquent. Le Conseil d’Etat rappelle la définition de la sous-traitance visée à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance et les termes de l'article 6 de la même loi selon lesquels « Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) ».

L’article L.2193-2 du code de la commande publique et l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 posent le principe selon lequel le sous-traitant est l'opérateur économique à qui le titulaire d'un marché public « confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ».

A l'inverse, le fournisseur est chargé de remettre au titulaire du marché des biens nécessaires à son exécution, sans réaliser lui-même une partie des prestations objet du marché.

Cette distinction emporte des conséquences puisque seul le sous-traitant bénéficie d'un droit au paiement direct par le maître d'ouvrage pour la part du marché dont il assure l'exécution, sous réserve de son acceptation et de l'agrément de ses conditions de paiement (Article L. 2193-11 du code de la commande publique).

La sous-traitance couvre-t-elle les biens spécifiques conçus pour un marché (produits techniques fabriqués sur mesure) ?

Dans cette affaire, le Conseil d'État affine la frontière entre fournisseur et sous-traitant en jugeant qu'un opérateur qui fournit des biens spécifiquement conçus et fabriqués pour répondre aux besoins d'un marché déterminé peut être qualifié de sous-traitant, alors même qu'il n'aurait pas participé à la pose de ces biens. Les « des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d'un marché déterminé » semblent suffire.

Le Conseil d’Etat rappelle que « Les décisions d'accepter une entreprise en qualité de sous-traitante et d'agréer ses conditions de paiement ne sont susceptibles d'ouvrir à celle-ci un droit au paiement direct de ses prestations que pour autant que ces prestations relèvent effectivement du champ d'application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, lequel ne concerne que les prestations relatives à l'exécution d'une part du marché, à l'exclusion de simples fournitures au titulaire du marché conclu avec le maître de l'ouvrage. Des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d'un marché déterminé ne peuvent être regardés, pour l'application de ces dispositions, comme de simples fournitures ».

En l’espèce la cour administrative d'appel a conclu, que la société sous-traitante avait fourni des menuiseries qui répondaient aux spécifications techniques définies dans le cahier des clauses techniques particulières, et qu'elles avaient été fabriquées spécifiquement pour répondre aux besoins du marché. De plus, cette société avait activement participé à leur installation sur le chantier.

La haute juridication précise au "Des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d'un marché déterminé ne peuvent être regardés, pour l'application de ces dispositions, comme de simples fournitures" sans, par ailleurs évoquer la pose des biens.

Par suite, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé que le contrat liant le sous-traitant avec le titulaire du marché présentait le caractère d'un contrat de sous-traitance et que cette société avait ainsi droit à être payée directement par le maître d'ouvrage pour la part du marché dont elle avait assuré l'exécution.

Le Conseil d'État s'inscrit ici dans le prolongement d'une jurisprudence aux termes de laquelle des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d'un marché déterminé ne peuvent être regardés, pour l'application des dispositions de la loi de 1975, comme de simples fournitures au titulaire du marché conclu avec le maître de l'ouvrage (CE, 26 septembre 2007, n° 255993, Département du Gard).

Le refus motivé par le titulaire de paiement direct du sous-traitant doit s’effectuer dans les délais

Il résulte des dispositions de l'article 116 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au litige, et de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance désormais codifiées aux articles R2193-11 à R2193-16 du code de la commande publique que, « si l'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il a été saisi par le sous-traitant d'une demande tendant à son paiement direct par le maître d'ouvrage, pour faire connaître son acceptation ou son refus motivé, il doit, faute d'avoir formulé un tel refus dans ce délai, être regardé comme ayant accepté définitivement la demande de paiement. Dès lors, le refus qu'il exprimerait après l'expiration du délai de quinze jours ne saurait constituer un refus motivé, au sens de ces dispositions. ».

En l'espèce, la cour administrative d'appel a constaté que le titulaire avait opposé un refus non motivé dans les quinze jours à la première demande de paiement du sous-traitant, mais n'avait pas fait de même dans le même délai pour la seconde demande, qui avait un montant différent.

En conséquence, la cour a pu juger, sans erreur de droit, que le titulaire du marché avait définitivement accepté la demande de paiement direct, ce qui empêchait la commune de rejeter cette demande en se basant sur un refus non motivé.

[...]

4. Les décisions d'accepter une entreprise en qualité de sous-traitante et d'agréer ses conditions de paiement ne sont susceptibles d'ouvrir à celle-ci un droit au paiement direct de ses prestations que pour autant que ces prestations relèvent effectivement du champ d'application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, lequel ne concerne que les prestations relatives à l'exécution d'une part du marché, à l'exclusion de simples fournitures au titulaire du marché conclu avec le maître de l'ouvrage. Des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d'un marché déterminé ne peuvent être regardés, pour l'application de ces dispositions, comme de simples fournitures.

5. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel a retenu, au terme d'une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la société Maugin avait fourni des menuiseries présentant des spécifications techniques déterminées conformément au cahier des clauses techniques particulières et fabriquées spécialement pour les besoins du marché et qu'elle était intervenue sur le chantier pour participer à leur pose. Par suite, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé que le contrat liant la société Maugin avec le titulaire du marché présentait le caractère d'un contrat de sous-traitance et que cette société avait ainsi droit à être payée directement par le maître d'ouvrage pour la part du marché dont elle avait assuré l'exécution.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 116 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au litige : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé./ Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché./ Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé./ Le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée par lui dans le marché adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant (...) ". Aux termes de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation./ Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées./ Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ".

7. Il résulte de ces dispositions que, si l'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il a été saisi par le sous-traitant d'une demande tendant à son paiement direct par le maître d'ouvrage, pour faire connaître son acceptation ou son refus motivé, il doit, faute d'avoir formulé un tel refus dans ce délai, être regardé comme ayant accepté définitivement la demande de paiement. Dès lors, le refus qu'il exprimerait après l'expiration du délai de quinze jours ne saurait constituer un refus motivé, au sens de ces dispositions.

8. En l'espèce, la cour administrative d'appel a souverainement constaté que si la société S3C Construction s'était opposée, le 24 février 2014, à la demande de paiement présentée par la société Maugin le 3 février 2014, qui portait sur la somme de 34 913,79 euros HT, elle n'avait pas opposé de refus motivé dans le délai de quinze jours à la seconde demande faite par la société Maugin le 9 avril 2014, qui portait sur un montant différent, ramené à 23 090,29 euros HT après prise en compte des moins-values acceptées par cette dernière. En l'état de ses constatations souveraines, exemptes de dénaturation, la cour a pu juger, sans erreur de droit, que le titulaire du marché devait être regardé comme ayant définitivement accepté la demande de paiement direct du 9 avril 2014, pour en déduire que la commune n'était pas fondée à se prévaloir d'un refus du titulaire du marché pour rejeter cette dernière demande de paiement direct.

[...]

MAJ 18/10/2023 - Source legifrance

Jurisprudence

CE, 19 avril 2017, n° 396174, Département de l'Hérault (Le sous-traitant a droit au paiement direct mais il doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal. La méconnaissance de la procédure l’empêche de se prévaloir d'un droit au paiement direct auprès du maître d'ouvrage. Le bénéfice du paiement direct est subordonné au respect de la procédure prévue par les dispositions de l’article 8 de la  et de l’article 116 du code des marchés publics (repris au I de l'article 136 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, puis dans le code de la commande publique : Article R2193-11, Article R2193-12, Article R2193-14, Article R2193-15). Faute d’avoir respecté une telle procédure, un sous-traitant ne peut utilement se prévaloir d’un droit au paiement direct).

CE, 26 septembre 2007, n° 255993, SAEDG c/ Société UNIBETON (Une entreprise qui conclut un contrat avec le titulaire d’un marché peut bénéficier du paiement direct si les deux parties ont signé un contrat d’entreprise et non un contrat de fourniture)