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Le principe d’impartialité, principe général du droit, s’impose au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative. Sa méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Une personne a participé à la procédure d’adjudication d’un marché dans des conditions lui permettant d’influencer l’issue de la procédure litigieuse (mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, contribution à la rédaction du cahier des clauses techniques particulières et aussi à l’analyse des offres des candidats), alors qu’elle avait exercé des responsabilités importantes au sein de l’entreprise attributaire, jusqu’à moins de deux ans avant le lancement de cette procédure. Même si cette personne ne détient plus d’intérêts dans l’entreprise attributaire du marché, le caractère très récent de leur collaboration, à un haut niveau de responsabilité, pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance de tels intérêts et par voie de conséquence sur l’impartialité de la procédure suivie par le pouvoir adjudicateur.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000031315648/
Résumé
Le Conseil d'État rappelle dans cette décision que "au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence".
Le principe d'impartialité est un principe général du droit administratif, qui s'applique à l'ensemble de l'action administrative, y compris dans le domaine de la commande publique. Ce principe n'est pas explicitement mentionné dans le "Code des marchés publics" alors en vigueur, mais il découle des principes fondamentaux de la commande publique, notamment le principe d'égalité de traitement des candidats.
La jurisprudence a progressivement précisé la portée de ce principe dans le domaine des marchés publics.
Dans le cas d'espèce, le Conseil d'État considère que plusieurs éléments sont de nature à faire naître un doute légitime sur l'impartialité de la procédure :
a) Le rôle de M. A... dans la procédure :
"M. A..., chargé par la région d'une mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour le marché litigieux, a non seulement contribué à la rédaction du cahier des clauses techniques particulières mais aussi à l'analyse des offres des candidats aux côtés des services de la région et qu'il a ainsi été susceptible d'influencer l'issue de la procédure litigieuse" (considérant 5).
b) Les liens antérieurs de M. A... avec l'attributaire du marché :
"M. A... a exercé des responsabilités importantes au sein de la SA Applicam, en qualité de directeur qualité puis de directeur des opérations et des projets, et qu'ayant occupé ces fonctions du mois de décembre 2001 au mois d'avril 2013, il n'avait donc quitté l'entreprise que moins de deux ans avant le lancement de la procédure litigieuse" (considérant 5).
Le Conseil d'État estime que même s'il n'est pas prouvé que M. A... détenait encore des intérêts dans l'entreprise, "le caractère encore très récent de leur collaboration, à un haut niveau de responsabilité, pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance de tels intérêts et par voie de conséquence sur l'impartialité de la procédure suivie par la région Nord-Pas-de-Calais".
Le Conseil d'État souligne l'obligation pour le pouvoir adjudicateur de prévenir tout conflit d'intérêts potentiel : "il était au demeurant loisible à la région, qui avait connaissance de la qualité d'ancien salarié de la SA Applicam de M. A..., de mettre en œuvre, une fois connue la candidature de cette société, toute mesure en vue de lever ce doute légitime, par exemple en l'écartant de la procédure d'analyse des offres".
Cette position s'inscrit dans la lignée de la jurisprudence antérieure, notamment : CE, 22 octobre 2014, Société EBM Thermique, n° 382495. Le Conseil d'État a jugé que le pouvoir adjudicateur doit s'assurer que le processus d'attribution du marché n'est pas entaché de conflits d'intérêts.
Le Conseil d'État conclut que "la région Nord-Pas-de-Calais a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence" et annule en conséquence la procédure de passation du marché.
Cette décision illustre la position du juge administratif qui apprécie le respect du principe d'impartialité dans les procédures de passation des marchés publics, en sanctionnant non seulement les conflits d'intérêts avérés, mais également les situations susceptibles de faire naître un doute légitime sur l'impartialité de la procédure.
Texte
[…]
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, le 6 février 2015, la région Nord-Pas-de-Calais a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché à bon de commandes ayant pour objet la mise en place d'une carte dématérialisée " Génération Nord-Pas-de-Calais ", destinée à se substituer aux dispositifs existants des " chéquiers livres région " et " chéquiers équipements des apprentis " ; que, le 9 avril 2015, le président du conseil régional a informé la société RevetSens du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la SA Applicam ; que la société RevetSens a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Lille, qui a annulé la procédure par une ordonnance du 28 mai 2015 ; que, par des pourvois qu'il y a lieu de joindre, la SA Applicam et la région Nord-Pas-de-Calais demandent l'annulation de cette ordonnance ;
3. Considérant que, pour annuler la procédure au motif que la région Nord-Pas-de-Calais s'était assuré la collaboration, comme assistant à la maîtrise d'ouvrage pour l'élaboration des pièces du marché litigieux et l'analyse des offres des candidats, de M.A..., ancien responsable de la SA Applicam, attributaire du marché, et qu'une telle circonstance était de nature à faire naître un doute légitime sur l'impartialité de cette procédure, le juge du référé précontractuel s'est fondé sur la définition du conflit d'intérêts posée par l'article 24 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ; qu'en statuant ainsi, alors qu'à la date à laquelle a été lancée la procédure litigieuse, cette directive n'avait pas été transposée, que son délai de transposition, dont le terme est fixé au 18 avril 2016, n'était pas expiré et que l'attribution du marché, laquelle présente le caractère d'une décision individuelle, ne pouvait être regardée comme de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit pas cette directive, il a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, l'ordonnance attaquée doit être annulée ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande en référé présentée par la société RevetSens en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que, d'une part, M.A..., chargé par la région d'une mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour le marché litigieux, a non seulement contribué à la rédaction du cahier des clauses techniques particulières mais aussi à l'analyse des offres des candidats aux côtés des services de la région et qu'il a ainsi été susceptible d'influencer l'issue de la procédure litigieuse ; que, d'autre part, M. A...a exercé des responsabilités importantes au sein de la SA Applicam, en qualité de directeur qualité puis de directeur des opérations et des projets, et qu'ayant occupé ces fonctions du mois de décembre 2001 au mois d'avril 2013, il n'avait donc quitté l'entreprise que moins de deux ans avant le lancement de la procédure litigieuse ; que s'il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé détiendrait encore des intérêts au sein de l'entreprise, le caractère encore très récent de leur collaboration, à un haut niveau de responsabilité, pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance de tels intérêts et par voie de conséquence sur l'impartialité de la procédure suivie par la région Nord-Pas-de-Calais ; qu'il était au demeurant loisible à la région, qui avait connaissance de la qualité d'ancien salarié de la SA Applicam de M.A..., de mettre en oeuvre, une fois connue la candidature de cette société, toute mesure en vue de lever ce doute légitime, par exemple en l'écartant de la procédure d'analyse des offres ; que, dans ces conditions, la région Nord-Pas-de-Calais a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; que, par suite, il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, d'annuler la procédure contestée ;
[…]
MAJ 20/10/15 - Source Legifrance
Jurisprudence
Conseil d’Etat, 24 Juillet 2024, n° 491268 (Principe d’impartialité applicable à un pouvoir adjudicateur dans une délégation de service public. Un commentaire Facebook d'élu ne suffit pas à caractériser la partialité dans un contrat de la commande publique dès lors que la modération des propos et le contexte de cette publication ne révélaient ni parti pris ni animosité personnelle à l'encontre de la société).
CE, 28 février 2023, n° 467455 (Le dirigeant d'une société assistante à la maîtrise d'ouvrage de la commune de Caudry, est également le dirigeant d'une société éditeur du logiciel, que l'offre du groupement attributaire désignait comme son fournisseur. D'autre part, il ressort tant de l'ordonnance attaquée que des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société précitée a, au titre de sa mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, participé à l'analyse des offres et à leur notation et a été ainsi susceptible d'influencer l'issue de la procédure. Par suite, en jugeant que la participation de la société au déroulement de la procédure de passation du marché litigieux n'était pas de nature à compromettre l'impartialité de l'assistant à la maîtrise d'ouvrage ni, par conséquent, la régularité de la procédure de passation, le juge des référés a inexactement qualifié les faits de l'espèce. La commune a méconnu le principe d'impartialité et ses obligations de publicité et de mise en concurrence. La procédure de passation est annulée au stade de l'analyse des offres). [Conflit d'intérêt].
CE, 22 octobre 2014, n° 382495, Société EBM Thermique (Pas de conflit d'intérêt en l'absence de preuve d'un intérêt personnel ou d'une capacité d'influence particulière de nature à créer un doute légitime sur l'impartialité [Non reconnaissance d’une situation de conflit d’intérêts]. Est régulière la pratique n'attribuant pas la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas en prenant en considération les quantités estimées résultant de solutions techniques alternatives).