CAA Nancy, 16 juin 2020, n° 18NC03163, Société Remy Boulanger
L’acheteur doit-il informer les candidats sur la pondération des éléments d'appréciation de la valeur technique de l'offre si ces derniers sont quasiment identiques ? En procédure adaptée, pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur peut retenir Un critère de sélection des offres reposant sur l'expérience des candidats et donc sur leurs références portant sur l'exécution d'autres marchés.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000042013666/
Si la pondération, non communiquée par l’acheteur, de sous-critères est quasiment identique, les éléments d'appréciation de ces sous-critères ne sont pas susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres. Par suite, dans un tel cas, ces éléments mentionnés au titre du critère de la valeur technique de l'offre par un règlement de consultation ne constituent pas des sous-critères pour lesquels l’acheteur doit porter à la connaissance des candidats la pondération.
Pour les critères d'attribution du marché si l’acheteur souhaite utiliser des sous-critères pondérés ou hiérarchisés, il doit informer les candidats de la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères s’ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres ainsi que sur leur sélection. En l’espèce, les éléments d'appréciation pris en compte dans le rapport d'analyse des offres, mentionnés au titre du critère de la valeur technique de l'offre (ici : références du candidat, moyens matériels et humains de l'entreprise affectés à l'opération et mémoire technique) par le règlement de consultation étaient affectés d’une pondération quasi-similaire des 12 éléments. Ces éléments d'appréciation ne constituaient pas des sous-critères pondérés ou hiérarchisés que l’acheteur devait porter à la connaissance des candidats mais informaient seulement les candidats sur les qualités techniques attendues de leur offre. Le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres, ni dans une procédure formalisée (CE, 23 mai 2011, n° 339406, Commune d'Ajaccio) ni dans une procédure adaptée (CE, 31 mars 2010, n° 334279, Collectivité Territoriale de Corse)
« Ainsi, les précisions apportées par le règlement de la consultation quant à l'appréciation de la valeur technique de l'offre - références du candidat, moyens matériels et humains de l'entreprise affectés à l'opération et mémoire technique - constituaient des éléments d'appréciation, définis par le pouvoir adjudicateur pour préciser ses attentes au regard du critère de la valeur technique. La pondération quasi-similaire des 12 éléments d'appréciation ainsi pris en compte par le rapport d'analyse des offres, affectés de 1 point pour l'un de ces éléments seulement à 5 points pour trois d'entre eux et de 2 à 4 points pour huit autres, manifestait l'intention du pouvoir adjudicateur de ne pas accorder à l'un d'entre eux une importance particulière. Au regard de leur pondération, en réalité quasiment identique et non inégale ainsi que l'a jugé le tribunal, ces éléments d'appréciation n'étaient pas susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres. Par suite, les éléments mentionnés au titre du critère de la valeur technique de l'offre par le règlement de consultation ne constituaient pas des sous-critères pondérés ou hiérarchisés que la commune de Midrevaux aurait été tenue de porter à la connaissance des candidats mais informaient seulement les candidats sur les qualités techniques attendues de leur offre. »
La Cour rappelle que les dispositions du I de l'article 53 du code des marchés publics alors applicable citées au point 3 permettaient au pouvoir adjudicateur de retenir, en procédure adaptée, pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, un critère reposant sur l'expérience des candidats et donc sur leurs références portant sur l'exécution d'autres marchés, lorsque sa prise en compte est rendue objectivement nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser et n'a pas d'effet discriminatoire.
Texte
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1. La commune de Midrevaux a engagé une procédure d’attribution d’un marché de renouvellement de son réseau d’eau potable et de collecte des eaux usées selon la procédure adaptée, le 27 janvier 2016. Le 1er avril 2016, elle a informé la société Rémy Boulanger du rejet de son offre, classée en deuxième position et de l’attribution du marché à la société SLD TP pour un montant de 1 419 079,60 euros HT incluant la tranche ferme et la tranche conditionnelle. La société Rémy Boulanger a présenté l’offre la moins chère tout en obtenant la note de 26,5 points sur 40 sur le critère de la valeur technique de l’offre. Elle a ainsi obtenu une note globale de 83 sur 100, alors que l’attributaire a obtenu la note totale de 85,2 sur 100. Le 29 avril 2016, la société Rémy Boulanger a adressé à la commune de Midrevaux une demande indemnitaire préalable tendant à l’indemnisation du préjudice subi en raison de son éviction irrégulière du marché litigieux pour un montant de 640 120 euros. Par un jugement du 28 septembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a condamné la commune de Midrevaux à lui verser la somme de 32 915,20 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions. La société Rémy Boulanger relève appel de ce jugement en ce qu’il ne fait pas droit à la totalité de sa demande indemnitaire. La commune de Midrevaux forme un appel incident tendant au rejet de la demande indemnitaire de la société Rémy Boulanger.
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6. Il résulte du rapport d’analyse des offres que leur valeur technique a été appréciée au regard des éléments mentionnés dans le règlement de la consultation, à savoir les références des candidats pour des prestations similaires, les moyens matériels et humains mis en oeuvre, les matériaux proposés et la méthodologie retenue par les candidats, qui ont été notés respectivement sur 5, 5, 13 et 17 points. Cependant, les matériaux proposés, faisant l’objet d’une notation sur 13 points, étaient eux-mêmes évalués en fonction, d’une part, des fournitures assainissement notées sur 5 points, d’autre part, des fournitures eau potable faisant l’objet d’un même nombre de points et enfin du poste de relèvement des eaux usées noté sur 3 points. La méthodologie, notée sur 17 points, était elle-même appréciée au regard de cinq rubriques, à savoir l’installation de chantier - hygiène et sécurité sur 3 points, les études d’exécution - contrôle interne et assurance qualité sur 4 points, les procédures générales mises en oeuvre sur 4 points, la méthodologie spécifiquement proposée pour le chantier de Midrevaux sur 5 points et la gestion des déchets sur 1 point.
7. Ainsi, les précisions apportées par le règlement de la consultation quant à l’appréciation de la valeur technique de l’offre - références du candidat, moyens matériels et humains de l’entreprise affectés à 1’opération et mémoire technique - constituaient des éléments d’appréciation, définis par le pouvoir adjudicateur pour préciser ses attentes au regard du critère de la valeur technique. La pondération quasi-similaire des 12 éléments d’appréciation ainsi pris en compte par le rapport d’analyse des offres, affectés de 1 point pour l’un de ces éléments seulement à 5 points pour trois d’entre eux et de 2 à 4 points pour huit autres, manifestait l’intention du pouvoir adjudicateur de ne pas accorder à l’un d’entre eux une importance particulière. Au regard de leur pondération, en réalité quasiment identique et non inégale ainsi que l’a jugé le tribunal, ces éléments d’appréciation n’étaient pas susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres, Par suite, les éléments mentionnés au titre du critère de la valeur technique de l’offre par le règlement de consultation ne constituaient pas des sous-critères pondérés ou hiérarchisés que la commune de Midrevaux aurait été tenue de porter à la connaissance des candidats mais informaient seulement les candidats sur les qualités techniques attendues de leur offre.
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MAJ 30/06/20 - Source legifrance
Jurisprudence
CE, 18 mai 2021, n° 448618, SNBTP (Rappel de l'obligation d'information appropriée préalable des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public, et de pondération ou de hiérarchisation des sous-critères s’ils doivent être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. En l'espèce la commune de La Léchère n'avait pas communiqué la décomposition des trois sous-critères du critère technique et la pondération correspondante).
CAA Nantes, 6 juillet 2017, n° 16NT01702, Société EERI (La trame de la décomposition du prix doit être respectée de manière à rendre possible la comparaison des offres. Les critères de jugement des offres et leurs modalités d'application doivent être suffisamment précis, notamment en ce qui concerne les éléments demandés dans le mémoire technique utilisé pour le critère de la valeur technique de l'offre, pour ne pas laisser à l’acheteur une liberté de choix discrétionnaire susceptible de méconnaître les principes d'égalité des candidats et de transparence des procédures).
CJUE, 14 juillet 2016, TNS Dimarso NV contre Vlaams Gewest, aff. C-6/15 (« dans le cas d’un marché de services devant être attribué selon le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur, ce dernier n’est pas tenu de porter à la connaissance des soumissionnaires potentiels dans l’avis de marché ou le cahier des charges relatifs au marché en cause la méthode d'évaluation appliquée par le pouvoir adjudicateur afin d’évaluer et de classer concrètement les offres. En revanche, ladite méthode ne saurait avoir pour effet d’altérer les critères d’attribution et leur pondération relative »).
CE, 3 novembre 2014, n° 373362, Commune de Belleville-sur-Loire (Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics. Il n’est en revanche pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation des offres. Par contre ces méthodes de notation ne doivent pas être de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération).
CE, 19 avril 2013, n° 365340, Ville de Marseille (L'incertitude résultant de la méthode de notation des offres, et son adaptation lors de l'analyse des offres par le pouvoir adjudicateur porte atteinte au principe d'égalité entre les candidats)
CE, 2 août 2011, n° 348711, SIVOA (L'acheteur peut recourir à une simulation financière pour évaluer les offres. Pour l'appréciation des critères de sélection des offres il faut bien distinguer critère et simple méthode de notation des offres. En procédant à une simulation nécessaire à l’appréciation du critère du prix eu égard à la coexistence de prix forfaitaires et de prix unitaires, le pouvoir adjudicateur met en oeuvre une simple méthode de notation destinée à évaluer ce critère, sans modifier ses attentes définies dans le règlement de la consultation par les critères de sélection et donc sans poser un sous-critère assimilable à un critère distinct. En effectuant, pour évaluer le montant des offres qui lui sont présentées, une simulation consistant à multiplier les prix unitaires proposés par les candidats par le nombre d'interventions envisagées, un pouvoir adjudicateur n'a pas recours à un sous-critère, mais à une simple méthode de notation des offres destinée à les évaluer au regard du critère du prix. Il n'est donc pas tenu d'informer les candidats, dans les documents de la consultation, qu'il aura recours à une telle méthode).
Conseil d’État, 18 juin 2010, n° 337377, Commune de Saint Pal de Mons, Publié au recueil Lebon (Si le pouvoir adjudicateur décide de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, il doit porter ces dernières informations à la connaissance dès lors que ces sous-critères doivent être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection des offres)
CE, 21 mai 2010, n° 333737, Commune d'Ajaccio (En matière d'allotissement, le juge du référé précontractuel ne peut sanctionner qu'une erreur manifeste d’appréciation du pouvoir adjudicateur dans la détermination du nombre et de la consistance des lots eu égard à la nature des prestations et à l’objet du marché).