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CRIM 99-06 G3/19-05-99 - NOR : JUSD9930072C.
Jugement. Marché public.

Synthèse de quatre années de jurisprudence administrative en matière de droit des marchés publics

Plan de la circulaire

 

Textes sources :
Document de travail «marchés publics et politique criminelle», février 1996, p.63 à 78.
Circulaire du 2 juillet 1998 portant bilan des premières condamnations intervenues en matière de favoritisme.


POUR ATTRIBUTION
Mesdames et Messieurs les procureurs généraux, les procureurs de la République, tous les magistrats du parquet,
les premiers présidents, les présidents, et les tous magistrats du siège.

19 mai 1999


Par circulaire du 2 juillet 1998, vous avez été rendus destinataires d’une première synthèse des décisions rendues sur le fondement de l’article 432-14 du code pénal, qui réprime les faits de favoritisme dans la dévolution des marchés publics et des conventions de délégation de services publics.

Compte tenu de la structure même de ce délit, qui vise le fait de «procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public», les juridictions judiciaires se trouvent nécessairement conduites à apprécier des faits qui peuvent par ailleurs donner lieu à un contentieux de nature administrative.

C’est pourquoi, il a semblé utile de prolonger l’étude susvisée par une analyse de la jurisprudence administrative la plus récente en ce domaine.

Tel est l’objet du document ci-joint en annexe.
Il importe toutefois de préciser au préalable que, en raison des modalités particulières de saisine et de jugement des juridictions administratives, ainsi que de la nécessité, pour la mise en oeuvre des sanctions pénales prévues par l’article 432-14 du code pénal, de réunir l’ensemble des éléments constitutifs du délit, les solutions rendues par le juge administratif quant à la légalité des marchés et des délégations de service public qui lui sont soumis ne sauraient en rien préjuger de l’existence ou de l’absence d’une infraction.

Pour le garde des sceaux, ministre de la justice,
Le directeur des affaires criminelles et des grâces,
Y. CHARPENEL


Synthèse de quatre années de jurisprudence administrative en matière de droit des marchés publics

Les marchés publics : quatre années de jurisprudence administrative.

La présente étude est basée sur l’analyse de 93 arrêts du Conseil d’État et de 18 arrêts des cours administratives d’appel rendus depuis le 1er janvier 1994 sur la validité des marchés publics au regard des règles de procédure, de transparence et de mise en concurrence qui leur sont applicables.

L’objectif de cette étude est de préciser l’interprétation qui est donnée par le juge administratif de pratiques qui sont par ailleurs susceptibles d’être portées à la connaissance de l’autorité judiciaire sur le fondement du délit de favoritisme.

Dès lors, la jurisprudence administrative peut constituer un point de repère utile lorsque les questions qui sont soumises aux magistrats des juridictions répressives portent sur des faits similaires.

Cette étude met en évidence l’extrême diversité des irrégularités commises, soit avant le lancement des consultations (I), soit au cours de l’examen des offres (II), soit enfin après l’attribution du marché (III). Enfin, le juge administratif est amené à se prononcer sur la qualification du contrat afin de déterminer les règles qui lui sont applicables (IV).

I. - Les irrégularités commises avant le lancement des consultations

1. Lors de la préparation du marché

1.1. Le rôle de l’assemblée délibérante au regard de l’autorité contractante

Aux termes de l’article L2122-21 du code général des collectivités territoriales, «sous le contrôle du conseil municipal, le maire est chargé d’une manière générale d’exécuter les décisions du conseil municipal et en particulier : ... 6° de souscrire les marchés» ; le maire ne peut donc contracter au nom de la commune sans y avoir été autorisé par une délibération expresse du conseil municipal.

Ainsi, la passation d’un marché public d’une commune est illégale si elle a été réalisée sans l’autorisation du conseil municipal, même si le maire a informé le conseil de la décision qu’il avait prise de préparer et de passer le marché en cause (CE, 27 octobre 1997, préfet de la Seine-et-Marne).

Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire, notamment du code des marchés publics, n’oblige l’assemblée délibérante à se prononcer avant que le choix du titulaire soit effectué dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres (CE, 4 avril 1997, préfet du Puy-de-Dôme) ou d’un marché négocié (CAA Lyon, 20 novembre 1997, préfet de la Savoie/commune d’Ugine).

Il suffit qu’elle délibère de façon à approuver la procédure et à autoriser le représentant légal à signer le marché.

La délibération autorisant le maire à signer avec une entreprise désignée doit, au demeurant, intervenir après que la CAO se soit réunie pour retenir cette entreprise. Si, à la date à laquelle la délibération a été prise, la CAO n’a pas retenu l’offre de cette entreprise, le conseil municipal ne peut pas autoriser le maire à conclure avec l’entreprise le marché litigieux (CAA Bordeaux, 27 avril 1998, commune de Rémoulins).

1.2. L’obligation de motiver le recours à un concours

L’article 302 du CMP prévoit qu’il ne peut être fait appel au concours que lorsque des motifs d’ordre technique ou esthétique justifient des recherches particulières.

Dans la mesure où le concours est une procédure d’exception par rapport à l’appel d’offres, l’autorité chargée de la passation des marchés ne peut user de cette procédure qu’après adoption des motifs qui la justifient par l’assemblée délibérante de la collectivité.

L’adoption d’une telle délibération constitue une condition de la légalité du marché et le fait de ne pas motiver le recours au concours entraîne l’annulation de la délibération et du marché (CE, 13 janvier 1995, société Baudin Châteauneuf, CE, 29 décembre 1997, préfet des Côtes-d’Armor).

2. Les règles de publicité dans l’avis d’appel à candidature

Le non-respect de l’article 38 du CMP ou des textes qui prévoient des modalités spécifiques pour la publicité sont de nature à altérer la légalité du marché.

2.1. L’absence de publicité

Un marché négocié qui n’a pas été précédé des formalités de publicité prévues par l’article 38 du CMP entache d’illégalité le marché qui a été conclu (CE, 26 septembre 1994, commune de Pont-à-Marcq).

2.2. La non-publication au BOAMP pour les marchés supérieurs à 900 000 F

L’article 38 du CMP prévoit que, lorsque le montant estimé du marché est supérieur à
900 000 F, l’avis d’appel à la concurrence doit être publié dans le Bulletin officiel des annonces de marchés publics. L’estimation de ce marché doit être sincère et raisonnable.
Estimant que son projet de marché serait inférieur à ce seuil, un acheteur public n’avait pas fait une publication au BOAMP. Or, toutes les offres lui étant supérieures, une nouvelle délibération portait l’évaluation définitive à 950 000 F. Les circonstances de l’espèce n’ont pas permis de conclure qu’il n’avait pas été procédé initialement à une évaluation sincère et raisonnable du montant du marché (CE, 14 mars 1997, préfet des Pyrénées-orientales).

2.3. Le non-respect du délai entre la publication et la date limite de dépôt des offres

Dans le cas des marchés négociés, un délai de quinze jours doit s’écouler entre l’envoi à la publication et le début des négociations.
Dès lors que les négociations ont été engagées dans un délai de 11 jours suivant l’envoi de l’avis d’information, le marché doit être annulé (CE, 8 décembre 1995, préfet du département de la Haute-Corse).

Il en est de même lorsque l’entreprise attributaire a fourni des éléments techniques et financiers faisant l’objet d’un devis communiqué un mois avant que l’avis d’appel public à la concurrence ait été envoyé (CE, 25 juillet 1997, préfet de la Seine-Saint-Denis).

Dans le cadre d’un appel d’offres ouvert, le délai de réception des offres ne peut être inférieur à 36 jours (15 jours en cas d’urgence) à compter de la date d’envoi de l’avis à la publication (art. 296 du CMP) ; cette publication doit intervenir dans les 11 jours (6 en cas d’urgence) après réception par l’organe chargé de la publication (art. 38 du CMP). Les dispositions du CMP ne sont donc pas respectées lorsque le délai qui s’est écoulé entre la date limite de réception des offres pour un appel d’offres ouvert et la date de publication au BOAMP est de 6 jours (CE, 19 février 1996, société Aubettes).

2.4. L’imprécision de l’objet du marché dans la publicité

L’avis d’appel à la concurrence pour un contrat de maîtrise d’oeuvre doit, en application des articles 314 bis et 314 ter du CMP, indiquer l’objet du marché et le contenu de la mission. L’imprécision de la description de l’objet du marché dans l’avis d’appel à candidature ne peut être regardée comme ayant satisfait aux obligations de publicité et le marché qui a été conclu doit être annulé (CE, 29 décembre 1997, département de Paris).

3. Les irrégularités rompant l’égalité des candidats

Les candidats doivent pouvoir disposer des mêmes conditions d’information ou de dépôt des offres afin de pouvoir postuler dans une stricte égalité.

3.1. L’insuffisance d’informations avant le dépôt des offres

Le fait de ne pas communiquer à la société attributaire, malgré sa demande, la liste des salariés à reprendre en application d’une convention collective du personnel de nettoyage de locaux méconnaît le principe d’égalité des candidats et peut justifier que cette entreprise retire son offre. Cet élément essentiel du marché aurait dû être porté à la connaissance de tous les candidats (CE, 6 juin 1997, société anonyme société industrielle de nettoyage).

De même, la non-communication d’informations qu’une entreprise sollicitait sur le kilométrage du réseau et sur la masse salariale du personnel à reprendre a rompu l’égalité des candidats au motif que tous les candidats n’ont pas été mis à même de prendre connaissance des éléments essentiels de la convention leur permettant d’apprécier les charges du cocontractant et d’élaborer une offre satisfaisante (CE, 13 mars 1998, SA transports Galiero).

3.2. La modification des conditions de l’appel d’offres

La durée de validité des offres dans le cadre d’une délégation de service public ne peut être prolongée qu’avec l’accord de l’ensemble des candidats admis à présenter une offre. Le fait que seuls trois candidats sur les cinq retenus aient donné leur accord entache la procédure d’irrégularité (CE, 13 décembre 1996, syndicat intercommunal pour la revalorisation des déchets du secteur Cannes Grasse et autres).

La communication aux candidats, la veille de la date limite de dépôt des offres, d’exigences nouvelles relatives aux résultats à atteindre en ce qui concerne les temps de réponses du système informatique, constituant l’un des objets principaux du marché, a modifié le programme fonctionnel détaillé du marché dans des conditions de délai qui ne permettaient pas d’assurer le respect de l’égalité entre les candidats. La personne responsable du marché a ainsi méconnu les obligations de mise en concurrence qui lui incombent et le marché doit être suspendu (CE, 19 mars 1997, ministère de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation/société Bull).

3.3. Le recours à l’urgence non justifié

La validité du recours à l’urgence pour limiter le délai de dépôt des offres s’apprécie au cas par cas au regard de la nature des travaux et de leur imprévisibilité pour le maître d’ouvrage.

Pour que le délai normal de réception des offres de 36 jours soit ramené au délai exceptionnel de 15 jours (art. 296 du CMP), il faut qu’il y ait urgence et que le cas d’urgence invoqué ne résulte pas du fait de la personne publique. La nature des travaux concernant la réfection d’une chaufferie d’un collège et la proximité de la rentrée scolaire ne justifient pas la procédure d’urgence dans la mesure où les travaux étaient programmés dès le mois de janvier et que le retard apporté à la procédure d’appel d’offres résulte du fait de l’autorité responsable du marché (CE, 4 avril 1997, département d’Ille-et-Vilaine).

Le recours à l’urgence par le syndicat d’agglomération nouvelle est en revanche justifié et le délai peut être ramené à 18 jours pour un marché relatif au maintien de la propreté sur les espaces publics, en raison de la situation créée d’une part par le retard avec lequel l’établissement public d’aménagement lui a remis les ouvrages et d’autre part par la proximité de l’ouverture du parc «Eurodisney» (CE, 30 septembre 1996, préfet de la Seine-et-Marne/syndicat de l’agglomération nouvelle des Portes de la Brie).

3.4. L’exigence de critères spécifiques

Aux termes de l’article 298 bis du CMP, «les candidatures sont transmises par tout moyen permettant de déterminer de façon certaine la date et l’heure de leur réception» ; l’avis d’appel à la concurrence ne peut donc imposer aux entreprises une modalité exclusive de transmission de leur offre. Un avis d’appel d’offres restreint précisant qu’aucun envoi postal ne serait admis et que les dossiers de candidature devaient être impérativement portés au secrétariat des services techniques et remis contre récépissé est illégal et entraîne l’annulation du marché (CAA Paris, 4 décembre 1997, commune de Noisy-le-Sec/préfet de la Seine-Saint-Denis).

L’autorité compétente peut fixer des spécifications supérieures aux normes en vigueur dès lors qu’elles sont justifiées par les nécessités propres au service public d’alimentation en eau potable, dans la mesure où ces spécifications réduisent la variété des produits qui y répondent et donc limitent la concurrence entre les fournisseurs possibles. Or, ces spécifications, qui ont eu pour résultat d’écarter du marché l’ensemble des charbons actifs traités à la vapeur en privilégiant un seul type de charbon actif traité chimiquement, constituent un manquement aux obligations de mise en concurrence et conduisent à l’annulation de la procédure d’appel d’offres (CE, 3 novembre 1995, district de l’agglomération Nancéienne).

3.5. La participation du candidat à la préparation du marché

Le règlement d’un concours précisait que ne peuvent participer au concours les personnes qui ont pris part à son organisation et à l’élaboration du programme. Or, un des membres du groupement retenu avait participé l’année précédente à l’élaboration d’un pré-programme dont était directement inspiré le programme du concours. Il ne pouvait donc être attributaire du marché et la délibération y afférent doit être annulée (CE, 8 septembre 1995, commune d’Evreux).

4. Le recours injustifié à la procédure du marché négocié

Le recours au marché négocié est limité dans les conditions fixées par les articles 103, 104, 308 et 309 du CMP. Il s’agit d’une procédure d’exception qui peut être retenue soit après une mise en concurrence (art. 104-I) résultant d’une publicité et d’une négociation basée sur une consultation sommaire, essentiellement lorsque le marché est inférieur à un certain seuil, soit sans mise en concurrence (art. 104-II), lorsque le marché ne peut être réalisé que par une seule entreprise.
Le marché négocié peut également être utilisé lorsque l’appel d’offres est déclaré infructueux (cf. infra, paragraphe II.6).

4.1. Le non-respect des seuils

L’arrêté du 7 janvier 1982 fixait le seuil maximum des marchés négociés à 350 000 F, puis il a été porté en 1992 à 700 000 F.
Pour des opérations relevant de l’ancien seuil, deux marchés de 350 000 F avaient été passés à la même date, avec la même entreprise, en vue de l’approvisionnement en produits laitiers de plusieurs établissements scolaires d’une commune. Bien qu’ils étaient distribués à différentes catégories d’élèves et qu’ils faisaient l’objet d’une imputation sur des budgets différents de la caisse des écoles, il s’agissait sous l’apparence de marchés distincts de la réalisation d’une même opération de 700 000 F dépassant le seuil au-delà duquel la procédure du marché négocié ne peut plus être utilisée. Les marchés ont donc été annulés (CE, 29 juillet 1994, caisse des écoles d’Epinay-sur-Seine).

La même solution a été retenue pour quatre marchés, qui avaient fait l’objet d’un unique avis d’information, conclus pour la réalisation de trottoirs en quatre endroits d’un même quartier de la commune utilisant des procédés techniques identiques et devant être effectués dans des délais identiques.

Sous l’apparence de quatre marchés, il s’agissait en fait d’une même opération, dont le montant global s’élevait à 425 588 F (CE, 26 septembre 1994, préfet d’Eure-et-Loir).

De même, des travaux de voirie d’un montant de 356 384 F qui ont été présentés comme trois prestations distinctes constituent une seule opération (CE, 12 décembre 1994, SARL Viale Vendôme).

Pour une opération relevant du seuil de 700 000 F, des marchés d’équipement en mobiliers et fournitures diverses de dix lycées ont été conclus à la même date par la collectivité avec un seul fournisseur pour un montant de 1 875 399 F. Ils ont été regardés comme une opération unique ne pouvant être passée sous la forme de marchés négociés (CE, 14 janvier 1998, conseil régional de la région Centre).

4.2. La justification fondée sur la capacité d’une seule entreprise

Le recours à cette justification permet d’éviter toute mise en concurrence. Le juge administratif s’emploie à vérifier si, au regard des travaux en cause, l’acheteur public a réellement évalué l’état de la concurrence pour affirmer que l’entreprise retenue est bien la seule capable de réaliser le marché.

4.2.1. Dans le cadre de marchés de maîtrise d’oeuvre (anciennes dispositions de l’art. 314 bis)

Une commune ne peut adopter la procédure du marché négocié pour un marché de maîtrise d’oeuvre au motif qu’une seule entreprise peut l’exécuter, alors qu’elle n’a pas procédé avant la délibération du conseil municipal au recensement des entreprises capables de réaliser la mission, en application de l’article 314 bis alors en vigueur (CE, 3 mars 1995, commune de Rombas/M. Muller).

Une commune qui se limite, après avoir établi la liste des architectes, à leur demander de faire état de leurs références et d’établir une esquisse d’ambiance pour un marché d’étude en vue de la construction d’un foyer de personnes âgées ne satisfait pas aux conditions de mise en compétition prévues par l’article 314 bis, alors en vigueur, qui impose le recensement des personnes morales ou physiques qualifiées et la mise en compétition. La commune ne pouvant pas justifier qu’une exception à l’obligation de mise en concurrence pouvait s’appliquer, la délibération autorisant le maire à conclure avec le cabinet retenu est annulée (CE, 26 septembre 1994, Romani).
Une opération complexe, mi-publique, mi-privée, de construction d’un ensemble immobilier unique comprenant des locaux mis à la disposition du bureau d’aide sociale et des logements, ainsi que les études déjà réalisées par le maître d’oeuvre ne peuvent être regardées comme créant des nécessités techniques ou ayant entraîné des investissements préalables importants, susceptibles de conférer à ce maître d’oeuvre la qualité de seul cocontractant possible. Le recours au marché négocié sans mise en concurrence est donc injustifié et entraîne l’annulation du marché (CE, 15 avril 1996, M. Ghiulamila).

4.2.2. Dans le cadre des articles 104 II et 308 du CMP

1° Savoir-faire spécifique

Une commune ne peut se fonder sur le caractère original de la conception et de la réalisation d’une fontaine qui exigeait des compétences particulières et un talent artistique pour conclure un marché négocié sans mise en concurrence avec un sculpteur et un tailleur de pierre, alors qu’il n’est pas établi que les personnes retenues étaient les seules à pouvoir réaliser les travaux (CE, 8 décembre 1995, préfet du département de la Haute-Corse).

Le moyen soulevé par le préfet tiré de ce qu’une société n’était pas la seule entreprise à pouvoir assurer l’exécution du marché est apparu sérieux et a justifié le sursis à exécution du marché litigieux (CE, 25 mars 1996, société Geomer).

L’exigence d’un brevet, d’une licence ou de droits exclusifs n’est pas justifiée pour un marché portant sur l’étude de la gestion départementale du conseil général, dès lors qu’il pouvait être réalisé par des procédés différents et ne nécessitait nullement la mise en oeuvre de droits exclusifs de modèles de pictogrammes, organigrammes, diagrammes et fiches diverses détenus par l’entreprise attributaire. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette entreprise ait été le seul prestataire de service à posséder le savoir-faire nécessaire pour réaliser le marché (CE, 29 novembre 1996, département des Alpes-de-Haute-Provence).

2° Critère de l’habitude

Le fait qu’une société d’économie mixte travaille depuis près de quinze ans avec une collectivité, qu’elle ait réalisé des investissements importants pour l’informatisation des services de la collectivité et qu’elle ait développé des applications informatiques spécifiques sur lesquelles elle détient des droits exclusifs, qu’elle ait ainsi acquis une expérience professionnelle et un savoir-faire, ne suffisent pas à établir que cette SEM était la seule entreprise à laquelle la collectivité pouvait confier la gestion et le développement de l’informatique et donc ne justifie pas le recours au marché négocié sans mise en concurrence (CAA Bordeaux, 17 mars 1997, département de l’Hérault).

La circonstance qu’un cabinet d’expertise comptable contrôlait depuis de nombreuses années les comptes d’une association n’était pas de nature à faire regarder ce cabinet comme le seul prestataire de service à posséder le savoir-faire nécessaire pour procéder au contrôle plus approfondi de cette association et ne justifiait pas le recours au marché négocié sans mise en concurrence (CE, 25 février 1998, ville de Bordeaux).

3° Investissements préalables

Le fait de se fonder sur les investissements déjà effectués par une entreprise, pour estimer qu’elle était la seule capable de réaliser des prestations relatives à la gestion du stationnement sur la voie publique, est inopérant dans la mesure où ces travaux d’investissements eux-mêmes ont fait l’objet d’une mesure de sursis à exécution par le juge administratif (CE, 2 avril 1997, commune de Montgeron).

4° Poursuite d’un marché en cours

Un avenant à un marché de réfection de la charpente d’une chapelle, concernant des travaux complémentaires rendus nécessaires par l’état de cette charpente, peut être conclu avec l’entreprise attributaire du marché négocié initial sans qu’il y ait lieu de procéder à une mise en concurrence, dans la mesure où les travaux complémentaires ne pouvaient être réalisés que par l’entreprise qui avait commencé à exécuter le marché (CE, 1er avril 1998, Coenon).

La solution inverse a été retenue pour un marché de réfection de chaussée qui a donné lieu à un avenant concernant les bordures de la route, les trottoirs et ouvrages annexes à la suite de désordres intervenus sur le chantier imputables à des travaux de déplacement de réseaux. La circonstance invoquée que les travaux faisant l’objet de l’avenant devaient être étroitement coordonnés avec ceux initialement prévus ne suffit pas à établir que ces travaux ne pouvaient être confiés qu’au seul groupement titulaire du marché initial (CE, 13 mars 1998, département du Pas-de-Calais).

4.3. Les irrégularités dans la procédure de marché négocié

4.3.1. La non-consultation de la commission d’appel d’offres

L’article 308 du CMP prévoit que, lorsque le marché est passé sans mise en concurrence en application de l’article 104 II du CMP (une seul entreprise capable), les discussions préalables ne peuvent être engagées qu’après consultation de la commission de l’article 279 (commission d’appel d’offres), même si le montant du marché est inférieur à 700 000 F. Est donc irrégulier un marché négocié conclu sans mise en concurrence, alors que l’avis de la commission n’a pas été sollicité (CAA Paris, 17 avril 1997, syndicat des eaux d’Ile-de-France).

4.3.2. La régularisation d’un marché négocié sans mise en concurrence non justifié

Des marchés litigieux qui avaient pour objet l’aménagement des cuisines de 12 établissements scolaires n’entraient dans aucun des cas prévus à l’article 104 II du CMP dans lesquels il peut être passé des marchés négociés sans mise en concurrence préalable. Il ne pouvait donc pas être procédé à leur régularisation sur cette base en passant des marchés postérieurs à l’exécution des travaux (CE, 27 mai 1998, commune d’Agde).

4.3.3. Le non-respect de la procédure de consultation écrite

L’article 308 du CMP prévoit qu’une procédure de consultation écrite au moins sommaire doit être organisée. Un syndicat intercommunal a saisi verbalement 3 sociétés moins-disantes qui s’étaient présentées à un précédent marché sans qu’il y ait eu demande écrite du syndicat ni propositions écrites des 3 sociétés. Aucun échange de correspondance n’ayant été opéré, les formalités de l’article 308 ne sont pas respectées (CE, 1er juin 1994, syndicat intercommunal de réalisation et de gestion du collège de Noyal-sur-Vilaine et autres).

5. Le recours au marché à bons de commande d’une durée excessive

Les marchés à bons de commande sont des marchés qui fixent un minimum et un maximum de prestations en valeur ou en quantité susceptibles d’être commandées au cours d’une période déterminée qui ne doit pas excéder cinq ans.

Un marché qui prévoit la fourniture, l’installation et l’entretien de 150 abribus pour voyageurs, ainsi que la conception et la réalisation de 10 campagnes annuelles d’information comportant chacune la pose d’une affiche dans chacun des abris installés, constitue un marché à bons de commande qui ne peut excéder cinq ans. Le marché doit en conséquence être annulé (CE, 19 février 1996, société Aubettes).

Il en est de même d’un marché conclu pour dix ans, dont le prix comportait un minimum et un maximum, qui avait pour objet l’informatisation du réseau d’éclairage public de la ville, l’entretien et le remplacement ponctuel des installations concernées ainsi que des travaux de mises en conformité et de renouvellement des équipements, à l’exclusion de tous travaux neufs (CE, 8 décembre 1997, société Sotracer, ville d’Auxerre).

II. - Les irrégularités commises au cours de l'examen des offres

1. La composition irrégulière de la commission d’appel d’offres

La composition de la CAO est fixée par l’article 83 du CMP pour les marchés de l’Etat, par l’article 279 du CMP pour les marchés des collectivités et par les articles 108 ter et 314 ter pour les jurys de concours. Ces dispositions visent à conférer à cette instance des gages d’impartialité et de transparence dans l’examen des offres. Leur non-respect est susceptible d’affecter la légalité du marché.

1.1. L’irrégularité en raison du nombre insuffisant de membres

Pour les communes de plus de 3 500 habitants, la CAO doit être composée de 6 membres. Bien qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’ait fixé le quorum applicable aux décisions de la CAO, celle-ci ne peut valablement délibérer dès lors que plus de la moitié des membres à voix délibérative est absente.

Lorsque seuls 3 membres sur 6 sont présents, le quorum n’est pas atteint et la procédure d’attribution du marché est irrégulière (CE, 21 novembre 1997, commune de Blanc-Mesnil, CE, 14 janvier1998, commune de Blanc-Mesnil).

1.2. L’irrégularité en raison du nombre excessif de membres

Pour une commune de moins de 3 500 habitants, la CAO doit être composée du maire ou de son représentant et de 3 membres. Dès lors qu’elle comporte en plus du maire 4 membres, la décision d’attribution d’un marché a été effectuée dans des conditions irrégulières et doit être annulée (CE, 8 décembre 1997, société Ricard).

La présence dans une CAO d’un syndicat intercommunal de suppléants qui ont participé et voté pour l’attribution d’un marché à une entreprise alors que les titulaires étaient présents est irrégulière et entraîne l’annulation du marché (CE, 13 mars 1998, syndicat intercommunal d’adduction d’eau potable du pont du Gard).

1.3. La composition d’un jury de concours non conforme

L’attribution d’un marché par un jury qui ne comprenait pas, en violation des prescriptions de l’article 314 ter du CMP, un tiers au moins de maîtres d’oeuvre est irrégulière et conduit à l’indemnisation des candidats des frais inutilement engagés dans la réalisation d’un avant-projet sommaire, dans la mesure où l’irrégularité les a privés de toute chance d’obtenir le marché (CAA Nantes, 24 avril 1997, commune de Briec-de-l’Odet).

1.4. La non-convocation de la DDCCRF

Le directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes doit assister aux réunions de la CAO avec voix consultative. Sa non-convocation par une commune à la séance d’ouverture des plis pour l’attribution d’un marché entache le marché d’irrégularité et entraîne l’annulation du marché (CE, 16 octobre 1996, société SCREG Ile-de-France).

1.5. La présence dans la CAO d’un membre intéressé au marché

La présence d’un entrepreneur qui a présenté des offres pour des marchés dans la CAO qui statuait sur l’attribution de ces marchés est irrégulière et conduit à l’annulation de ces marchés (CE, 10 octobre 1994, préfet de la Seine-Maritime).

La présence du fils d’un entrepreneur à la CAO chargée d’examiner les offres relatives à un marché a vicié la procédure relative à l’ensemble des lots pour lesquels cet entrepreneur avait soumissionné, alors même qu’un seul lot lui a été attribué (CE, 3 novembre 1997, préfet de la Marne/commune de Francheville).

2. Le non-respect de la date limite de réception des offres

Les dispositions des articles 296 ter et 299 du CMP prévoient que ne peuvent être ouverts les plis qui ont été reçus après la date limite de réception des offres.

Dès lors, l’attribution d’un marché fondé sur l’offre d’une entreprise parvenue hors délai entache d’irrégularité la passation du marché et entraîne son annulation (CE, 4 novembre 1996, département de la Dordogne).

De même, est illégale l’attribution d’un marché lorsque l’offre a été reçue, non signée, avant la date limite de dépôt des offres, la signature ayant été apposée après cette date et après la réunion de la CAO. L’acte d’engagement doit être daté et signé par le candidat qui présente son offre au plus tard à la date limite de remise des offres (CE, 3 novembre 1997, préfet de la Marne/commune de Francheville).

3. L’absence de transparence dans la mise en concurrence

3.1. La mise à l’écart

1° Au motif que l’offre était anormalement basse

L’offre d’une entreprise a été écartée au motif qu’elle était anormalement basse et ne présentait donc pas des garanties de bonne fin.
Par ailleurs, la compétence de l’entreprise n’a pas été appréciée au regard de l’ensemble des références produites mais seulement sur les travaux réalisés dans la région. Or, l’offre répondait aux exigences de la réglementation et des pièces contractuelles et la seule modération de son prix ne pouvait révéler l’incapacité technique de l’entreprise à réaliser les travaux en cause. C’est donc par une erreur manifeste d’appréciation que la CAO a rejeté son offre et le marché doit être annulé (CE, 15 avril 1996, commune de Poindimie).

2° Sur des obligations non prévues par le CMP

Un candidat ne peut être écarté au seul motif que l’attestation de paiement des cotisations sociales qu’il a produite ne porte pas le cachet de l’URSSAF, dans la mesure où cette prescription n’est pas prévue par le CMP. Il appartient seulement à la CAO de vérifier le caractère probant de l’attestation ainsi produite (CE, 22 juin 1998, région Ile-de-France).

3° Les possibles justifications de mises à l’écart

La mise à l’écart du moins-disant justifiée par le choix d’une entreprise qui présente sur le plan qualitatif des garanties supérieures n’est pas entachée d’illégalité (CE, 14 janvier 1994, M. Gicquel).
L’absence de la déclaration de soumissionner qui constitue une pièce essentielle du dossier remis par l’entreprise justifie sa mise à l’écart (CE, 6 juin 1997, M. Marcilly).
La mise à l’écart au motif que l’entreprise n’était pas à jour de ses obligations fiscales est justifiée même si le percepteur détient, à un autre titre, une caution d’un montant supérieur à celui de la dette fiscale (CE, 13 mars 1998, SARL Le Marin).

3.2. Le choix de l’entreprise fondé sur le critère de proximité : «localisme»

Une commune avait décidé d’attribuer le marché de préférence à une entreprise locale, lorsque celle-ci présenterait des propositions n’excédant pas 4 % du devis d’éventuels soumissionnaires, ceci dans un souci de favoriser le maintien des emplois locaux et l’acquittement au bénéfice de la commune des taxes professionnelles. Or, il n’était pas démontré que l’implantation locale de l’entreprise ait été l’une des conditions de bonne exécution des travaux. Les motifs visant à favoriser l’emploi et équilibrer les finances locales sont sans rapport avec la réglementation des marchés et la décision d’attribuer le marché doit donc être annulée (CE, 29 juillet 1994, commune de Ventenac-en-Minervois).

Le choix d’une CAO ne peut reposer sur un critère tiré du lieu d’établissement des candidats (CE, 16 octobre 1996, préfet de la Haute-Garonne).

Un règlement de consultation prévoyait l’obligation pour l’attributaire de posséder une antenne locale. Le marché a été attribué à l’entreprise moins-disante qui, bien que n’ayant pas d’antenne locale, s’était engagée à la créer si le marché lui était confié. Un candidat évincé, alors qu’il disposait déjà d’une antenne locale, contestait l’attribution du marché. Mais l’acheteur public n’aurait pas pu légalement faire de l’existence d’une implantation préalable dans le département une condition à l’obtention du marché et pouvait considérer sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que l’obligation, justifiée en l’espèce par l’objet du marché, de posséder une antenne locale était satisfaite par l’engagement pris par l’entreprise attributaire (CE, 14 janvier 1998, société Martin-Fourquin).

3.3. Des procédures viciées

Après avoir lancé une procédure d’appel d’offres restreint, une commune a retenu les 7 entreprises qui ont proposé une offre pour les 7 marchés proposés sans procéder à une mise en concurrence au motif que les travaux à réaliser étaient urgents. Or, aucune disposition du CMP ne prévoit qu’une telle circonstance, à la supposer établie, permette de déroger à la formalité substantielle de mise en concurrence (CE, 29 octobre 1997, commune de Chateauneuf-Villevieille).

Une CAO avait décidé de retenir certains lots et, pour les autres, de déclarer l’appel d’offres infructueux. Or, les lots validés l’ont été sous réserve d’analyse, sans préciser l’identité des entreprises effectivement retenues, ni le montant de leurs offres. Le maître d’oeuvre a ensuite fait une analyse précise de ces offres, mais la CAO ne s’est pas réunie à nouveau pour examiner ces analyses. En l’absence de procès-verbal retraçant les choix faits par la CAO, le maire ne pouvait pas donner suite à la procédure (CE, 8 avril 1998, préfet de la Sarthe/commune de La Ferté-Bernard).

L’attribution d’un marché de réhabilitation doit être motivée conformément à l’objet du marché et aux critères spécifiques sur les plans architectural, technique et méthodologique. La CAO ne peut donc choisir le titulaire du marché que si les documents qui lui sont fournis par les services techniques sont de nature à lui permettre de se prononcer en fonction de ces critères spécifiques. Si tel n’est pas le cas et, notamment, si les documents ne contiennent pas de réelles argumentations, l’attribution du marché est illégale (CAA Paris, 3 mars 1998, Office départemental d’HLM de la Seine-Saint-Denis).

Après avoir recueilli l’avis du jury qui avait fait son choix entre deux projets, une commune avait demandé à un architecte conseil de procéder à une analyse comparative de ces projets. Si le responsable du marché n’est pas lié par l’avis du jury, il ne peut pas faire procéder par un tiers à un nouvel examen comparé des offres qui ait le même objet et la même nature que celui effectué par le jury qui présente les garanties d’impartialité et de transparence. La délibération qui attribue le marché conformément à l’avis de l’architecte conseil et contre l’avis du jury est entachée d’illégalité (CE, 1er octobre 1997, commune de Palluel).

4. L’analyse de l’offre non conforme au contenu de l’avis d’appel à la concurrence

Le fait pour la CAO ou le jury d’accepter d’analyser des offres non conformes au règlement de la consultation, d’attribuer le marché à une entreprise qui ne respecte pas les critères de l’avis d’appel à la concurrence ou de mettre à l’écart sans justification des entreprises qui respectent les critères entache la validité du marché.

4.1. Le non-respect de l’avis d’appel à la concurrence sur les conditions de l’attribution

Un règlement de concours précisait que ne devaient participer à la deuxième phase du concours que les concurrents sélectionnés lors d’une première phase. La décision du jury qui, lors de sa deuxième réunion, a décidé d’admettre la participation de 3 concurrents qui avaient été éliminés en premier lieu et a attribué le marché à l’une d’elles est entachée d’illégalité (CE, 23 mars 1994, syndicat intercommunal à vocation unique pour l’étude et la réalisation du golf de Cognac).

Un règlement de concours avait limité le nombre des candidats admis à concourir à 6. Le jury a bien retenu 6 candidats, mais une délibération du conseil général décidait d’ajouter un autre candidat. Cette délibération, qui a méconnu la portée de la délibération du jury, est entachée d’irrégularité (CE, 28 mars 1994, M. Cencelme et autres).

Deux lots de travaux de couverture et de zinguerie ont été attribués à une entreprise au motif qu’elle avait déjà obtenu le lot relatif aux travaux de charpente. Or, si rien n’interdit à la CAO d’attribuer plusieurs lots à une même entreprise, elle ne pouvait, dans la mesure où le règlement de l’appel d’offres ne le prévoyait pas, attribuer à une même entreprise les marchés relatifs à des lots qu’elle estimait complémentaires sans procéder à une comparaison lot par lot des propositions présentées par les différentes entreprises (CE, 9 décembre 1994, préfet des Vosges commune de Chatel-sur-Moselle).

Une procédure de concours sur appel d’offres restreint était organisée pour choisir l’aménageur d’une zone d’aménagement concertée. La commune a méconnu les conditions de sélection du lauréat puisqu’elle a invité deux candidats à compléter et préciser leurs projets après la date limite de dépôt des offres et alors que les projets concurrents étaient connus. Un de ces candidats a été désigné comme lauréat et il a été autorisé à s’associer avec un autre candidat qui n’avait pas été retenu par le jury chargé d’apprécier les offres des candidats (CE, 26 mars 1997, commune de Sceaux).

Un avis d’appel d’offres pour un marché de travaux d’entretien et de grosses réparations dans les collèges d’un département divisé en plusieurs lots limitait, pour chaque lot, la possibilité de retenir l’offre d’une même entreprise pour au maximum 2 secteurs. Dès lors, la décision d’attribuer 3 marchés à une même entreprise doit être annulée (CE, 1er avril 1998, département de Seine-et-Marne).

4.2. La mise à l’écart non fondée d’entreprises qui respectent les critères

Un règlement de consultation donnait le choix entre deux conceptions pour la réalisation d’un tablier métallique à dalles de béton, une solution «béton» et une solution «mixte». Une entreprise qui proposait une solution «mixte» a été écartée au motif que la CAO connaissait mieux la technique «béton», alors qu’elle n’avait pas d’expérience de celle correspondant à la solution «mixte». En retenant un tel critère pour sélectionner les offres, la commission a porté atteinte à l’égalité des entreprises, selon que leur offre était fondée sur l’une ou l’autre des solutions, et sa décision doit être annulée (CE, 1er avril 1994, SA Etablissement J. Richard Ducros).

Le cahier des clauses techniques particulières exigeait que les caveaux préfabriqués destinés au nouveau cimetière soient pourvus d’un système d’épuration agréé par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales. Or, la CAO, pour attribuer le marché à une société, s’est fondée sur le fait que le procédé utilisé par cette société était, d’après une lettre du ministre de la santé, le seul à avoir reçu un avis favorable de principe du Conseil supérieur d’hygiène public de France. En s’abstenant d’apprécier l’ensemble des caractéristiques des diverses offres, la CAO a commis une erreur de droit et sa décision doit être annulée (CE, 26 septembre 1994, commune de Lattes /société Pierres et Portail du Midi).

La CAO ne peut pas légalement refuser d’examiner une offre qui répondait aux qualifications de l’appel d’offre et parallèlement accepter d’examiner des offres qui ne répondaient pas aux critères fixés dans l’appel à candidature (CE, 1er avril 1998, département de Seine-et-Marne).

4.3. L’acceptation d’une offre non conforme aux critères initiaux

Un règlement de la consultation exigeait des candidats à un marché de travaux routiers qu’ils possèdent les «identifications FNTP» ou des références équivalentes. Or, la société retenue ne possédait pas toutes les références exigées et c’est donc «en méconnaissance des obligations de mise en concurrence» que la CAO a analysé son offre et retenu sa candidature (CE, 10 février 1997, société REVILLON).

Des clauses techniques particulières prévoyaient la fourniture de tamaris «tige 10/14 en conteneur» ou «tige 12/14 racines nues». L’offre de l’Office national des forêts qui ne correspondait ni à l’une, ni à l’autre de ces solutions a été illégalement acceptée puisqu’elle n’était pas conforme aux critères exigés (CE, 9 juillet 1997, Office national des forêts).

Dans le cadre d’un concours d’architecture et d’ingénierie, la délibération qui a désigné un architecte comme lauréat, alors que son offre ne répondait pas aux prescriptions du règlement du concours en ce qui concerne le coût total des travaux, la superficie des constructions à réaliser et l’implantation retenue pour le futur bâtiment doit être annulée (CE, 17 juin 1998, M. Laffly).

4.4. L’acceptation d’une offre sur des critères non prévus : variante

Un règlement particulier d’appel d’offres prévoyait que les candidats devaient faire une offre conforme à la solution de base pour la construction d’un navire monocoque en acier et pouvaient proposer des variantes expressément définies. Or, le marché a été attribué à une entreprise qui proposait, en plus d’une offre conforme à la solution de base, la réalisation d’un catamaran en aluminium, l’acheteur public ayant été séduit par cette solution présentée comme une variante. Cette proposition n’étant pas au nombre des variantes possibles, la procédure d’attribution était déclarée irrégulière (CE, 30 décembre 1996, SA Chantiers Piriou).

Un règlement particulier d’appel d’offres restreint pour des prestations de collecte des ordures ménagères d’une durée de cinq ans prévoyait la possibilité de variante technique. L’entreprise sélectionnée proposait une durée du contrat de dix ans, ce qui lui permettait, en raison d’une durée d’amortissement plus longue, de faire une offre à un prix très inférieur. Or, la modification de la durée du contrat, qui n’était pas au nombre des variantes autorisées, a remis en cause les conditions de l’appel à la concurrence et a rompu l’égalité entre les entreprises soumissionnaires. Il appartenait à l’administration, si elle entendait conférer au contrat une durée de dix ans, de rouvrir la consultation, en vue de permettre à tous les candidats d’adapter leurs propositions (CE, 4 avril 1997, commune de l’Ile-d’Yeu).

5. La modification de l’offre

La commission chargée d’examiner les offres qui les modifie d’elle-même ou qui négocie avec certains candidats rompt l’égalité des concurrents.

5.1. Rectification de l’offre par la CAO elle-même

La CAO a décidé d’office de modifier l’offre d’une entreprise moins-disante, estimée anormalement basse, sans consulter cette entreprise. Elle a procédé à un relèvement des quantités de matériaux à fournir et a modifié les prix proposés en les alignant sur des prix de série donnés par l’office des prix du bâtiment et la centrale d’architecture. Cette modification, qui a avantagé une autre société dont les propositions devenaient de ce fait plus avantageuses, entache la décision d’attribution du marché d’illégalité (CE, 9 décembre 1994, Coenon).

5.2. Modification à la suite de négociations avec certains candidats

Après une séance d’ouverture de plis, il a été demandé à un groupement d’entreprises d’établir un nouveau profil en long d’un ouvrage de rejet en mer d’eaux usées. Or, ce document présentait d’importantes modifications par rapport au plan remis initialement et était de nature à influer sur l’appréciation de la valeur technique du projet et donc sur un des éléments à prendre en compte pour l’attribution du marché. La production d’un nouveau profil en long ne peut donc être regardée comme l’une des précisions ou l’un des compléments que la CAO est en droit de demander aux candidats, en application de l’article 300 du CMP (CE, 26 octobre 1994, SIVOM de Carry-le-Rouet et Sausset-les-Pins).

Après l’ouverture des plis, la CAO invitait deux entreprises candidates à deux lots différents à proposer des rabais sur leurs offres, auxquels elles ont consenti sous réserve d’obtenir d’autres lots. Or, si la CAO peut engager des négociations avec les entreprises qui proposent des offres équivalentes, elle ne peut limiter cette consultation à une seule d’entre elles (CE, 9 décembre 1994, préfet des Vosges/commune de Chatel-sur-Moselle).

Avant d’émettre son avis, le jury peut demander à l’ensemble des concurrents d’apporter certaines modifications à leurs propositions, afin de faciliter l’harmonisation des différentes offres. Dès lors que tous les concurrents avaient présenté des offres qui ne donnaient pas les précisions nécessaires pour s’assurer que les besoins exprimés seraient satisfaits et que seule une société a été invitée à modifier sa proposition sur ce point, le principe d’égalité n’a pas été respecté (CE, 17 juin 1996, préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris).

La CAO ne peut demander de nouvelles offres que pour départager des candidatures équivalentes. Hormis ce cas, elle ne peut discuter avec les candidats que pour leur faire préciser ou compléter la teneur de leurs offres. En demandant à une société de s’aligner sur l’entreprise la moins-disante et d’ajouter une prestation à son offre initiale, la CAO a outrepassé sa compétence (CE, 14 janvier 1998, préfet du Val-d’Oise).

Lors de l’examen des offres, la CAO a estimé ne pas pouvoir prendre de décision, en raison de l’écart entre les offres, et a décidé de se réunir après nouvelle étude. En fait, une négociation a été engagée avec 2 groupements d’entreprises, afin de procéder à une modification des offres. Illégalité de la procédure (CE, 8 avril 1998, préfet de l’Aube).

6. Les irrégularités liées à la déclaration de l’appel d’offres infructueux

L’appel d’offres peut être déclaré infructueux si aucune offre n’est acceptable. Il est alors procédé soit à un nouvel appel d’offres, soit à un marché négocié. L’appel d’offres peut être déclaré abusivement infructueux dans le seul but de pouvoir consulter les entreprises plus librement dans le cadre de la procédure de marché négocié après avoir, le cas échéant, modifié substantiellement l’objet du marché.

6.1. La mise à profit de l’infructuosité pour modifier l’objet du marché

Un appel d’offres avait été déclaré infructueux au motif que les deux seules offres étaient d’un montant supérieur à l’estimation prévisionnelle. La conclusion d’un marché négocié était alors décidée mais d’importantes modifications étaient apportées au projet ; en particulier, la construction d’un bâtiment prévu initialement à deux niveaux était réduit à un seul niveau. Cette modification visait à permettre à l’entreprise au départ la plus-disante d’obtenir le marché ; qui plus est, la version initiale du projet a été rétablie par avenant quelques mois après. La délibération décidant l’attribution du marché à cette entreprise a été annulée (CE, 5 décembre 1994, commune du Vésinet).

Un appel d’offres ouvert pour l’attribution de 10 lots a été déclaré infructueux après que la CAO ait examiné les offres sans retenir d’entreprise. Dix marchés négociés ont ensuite été conclus. Or, les négociations ont été effectuées sur la base de substantielles modifications du programme par rapport aux travaux qui avaient fait l’objet de la mise en concurrence initiale, représentant près du quart du marché. La procédure du marché négocié ne devait donc pas être utilisée et il convenait de lancer un nouvel appel d’offres (CE, 14 mars 1997, préfet du Maine-et-Loire).

6.2. Les motifs invoqués pour déclarer l’infructuosité

Le règlement particulier et le cahier des clauses particulières d’un appel d’offres pour des travaux de terrassement prévoyaient un seul niveau de construction en sous-sol, alors que le dossier mis à la disposition des entreprises contenait le plan d’un second niveau souterrain. Compte tenu des incertitudes qui ont pu affecter la consultation des entreprises, l’appel d’offres a été déclaré à juste titre infructueux (CE, 13 janvier 1995, chambre de commerce de la Vienne).

L’entreprise attributaire avait dissimulé qu’elle se trouvait en état de redressement judiciaire, alors qu’elle avait indiqué ne pas être en état de «règlement judiciaire» sur le formulaire joint à sa candidature. La CAO décidait d’écarter cette entreprise et de reprendre l’examen des offres sans déclarer l’appel d’offres infructueux. Bien que les règles du CMP fassent obstacle à ce que la CAO, après avoir fait son choix, procède à un nouvel examen des offres et retienne finalement l’offre d’une autre entreprise que celle initialement retenue, il en va différemment lorsque le choix de la CAO a été fondé sur des éléments entachés d’erreurs matérielles ou de fraude. La décision de la CAO de reprendre l’examen des offres est donc justifiée (CE, 8 décembre 1997, société A 2 IL).

Un appel d’offres a été déclaré infructueux au motif que les offres dépassaient l’estimation du maître d’ouvrage. En fait, le coût estimé était fixé de manière tellement irréaliste, puisqu’il existait un écart de 70 % entre l’estimation et l’offre la moins-disante, qu’il ne permettait pas la réussite de l’appel d’offres.
Le marché négocié a donc été conclu selon une procédure irrégulière (CE, 29 décembre 1997, préfet de Seine-et-Marne).

6.3. Les irrégularités au stade de la procédure négociée

Après avoir déclaré un appel d’offres infructueux concernant des travaux de rénovation et de gros entretien d’un établissement scolaire, 6 marchés négociés étaient passés sans mise en concurrence en se fondant sur la notion d’urgence impérieuse en raison de la proximité de la rentrée scolaire. Ce recours au marché négocié sans mise en concurrence était illégal, car il n’y avait pas urgence dans la mesure où le programme de rénovation avait été arrêté deux ans auparavant. Par ailleurs, la rentrée scolaire ne peut pas être considérée comme un événement imprévisible (CE, 1er octobre 1997, Hemmerdinger).

III. - Les irrégularités commises après le choix de l'attributaire

Après l’attribution du marché, l’irrégularité la plus fréquente consiste à conclure des avenants qui permettent de compléter le marché initial. Le recours à l’avenant dans des conditions non conformes aux dispositions du CMP peut, en effet, porter atteinte à l’égalité des candidats, en particulier lorsque celui-ci bouleverse l’économie du marché.

L’article 272 du CMP prévoit que les prestations qui font l’objet du marché doivent être déterminées dans leur consistance et leurs spécifications avant tout appel à la concurrence ou négociation. Les avenants ne peuvent donc être conclus que dans des cas strictement limités par l’article 255 bis du CMP.

1. Les avenants réguliers visant à poursuivre le marché en cas de dépassement du plafond

L’article 255 bis du CMP prévoit que, lorsque le montant des prestations exécutées atteint le montant fixé par le marché, la poursuite de l’exécution des prestations est subordonnée soit à la conclusion d’un avenant, soit, si le marché le prévoit, à une décision de poursuivre prise par la collectivité.

La passation d’avenants est donc régulière lorsque ceux-ci ont pour objet de permettre, en application de l’article 255 bis du CMP, la poursuite de l’exécution des prestations prévues par les marchés correspondants, alors que le montant des prestations exécutées avait atteint le plafond fixé par ces marchés. Ils ne constituent donc pas de nouveaux marchés dont la passation aurait dû être effectuée après mise en concurrence (CE, 29 juillet 1994, communauté urbaine de Lyon, CE, 13 juin 1995, commune d’Aulnay-sous-Bois, CE, 22 juin 1998, préfet du Puy-de-Dôme).

2. Les avenants irréguliers

2.1. Des travaux prévus par avenant dissociables du marché initial

L’avenant est irrégulier lorsqu’il augmente considérablement le montant du marché, qu’il est conclu de façon à permettre le paiement de travaux, d’ailleurs déjà exécutés, qui pour l’essentiel sont dissociables des travaux prévus par le marché initial. L’avenant aurait dû donner lieu à la passation d’un marché distinct (CE, 30 janvier 1995, société Viafrance - société Sparfel).

Six entreprises attributaires de marchés de réhabilitation de logements de fonction affectés à six établissements scolaires ont bénéficié d’un avenant dont l’objet principal était de leur confier la réhabilitation de logements situés dans d’autres établissements. Or, les travaux prévus par l’avenant étaient dissociables du marché initial et auraient dû faire l’objet d’un marché distinct (CE, 28 juillet 1995, préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris/société de gérance Jeanne d’Arc : 6 arrêts identiques concernant 6 sociétés distinctes).

2.2. L’avenant fondé sur des sujétions techniques imprévues non justifiées

L’article 255 bis du CMP prévoit que, sauf en cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, avenants et décisions de poursuivre ne peuvent bouleverser l’économie du marché.

Un avenant à un marché de terrassement a été conclu en raison de travaux supplémentaires rendus nécessaires par l’obligation d’atteindre une cote plus profonde que celle initialement prévue afin de trouver un sol stable apte à recevoir les constructions. Or, en se fondant sur des plans utilisés pour la construction de logements voisins et en s’abstenant de procéder à un relevé topographique exact du terrain et aux études de sol nécessaires, la commune ne s’est pas mise en mesure de déterminer exactement la consistance des travaux objet du marché, conformément à l’article 272 du CMP. Les travaux supplémentaires, objet de l’avenant litigieux, dont la nécessité n’a été révélée que par un relevé topographique et par des sondages postérieurs à la conclusion du marché, ne présentent pas le caractère de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties. Par ailleurs, l’avenant qui a augmenté le prix du marché de 43 % a eu pour effet de bouleverser l’économie du marché (CE, 8 mars 1996, commune de Petit-Bourg).

Un avenant à un marché de voirie a été conclu à la suite de désordres intervenus sur le chantier imputables à des travaux de déplacements de réseaux réalisés par des concessionnaires du domaine public. La réalisation de prestations, qui n’étaient pas prévues dans le marché initial et qui résultent des dommages provoqués par des tiers par rapport au marché, doit s’analyser comme un nouveau marché, la circonstance alléguée que les travaux complémentaires avaient un caractère imprévisible n’ayant pas été retenue (CE, 13 mars 1998, département du Pas-de-Calais).

2.3. L’avenant de régularisation

Un avenant portant sur des travaux complémentaires au marché initial a été transmis au préfet après que ces travaux aient été exécutés, d’ailleurs en même temps que les travaux réalisés en exécution du marché initial. La date de commencement de l’exécution de l’avenant a donc été fixée à une date antérieure à la conclusion de l’avenant et à celle de sa transmission au préfet. L’avenant est irrégulier non pas en tant que tel, mais seulement parce qu’il s’agit d’un avenant de régularisation (CAA Paris, 4 décembre 1997, Etablissement public d’aménagement du secteur IV de Marne-la-Vallée).

IV. - Autres dispositions applicables aux contrats des collectivités publiques et problèmes de frontières

Si les dispositions du code des marchés publics ne s’appliquent pas à toutes les commandes passées par l’acheteur public, d’autres dispositions sont susceptibles néanmoins de s’appliquer.
En particulier, lorsqu’il s’agit d’une délégation de service public ou d’un contrat passé par une société d’économie mixte, les dispositions de la loi du 29 janvier 1993 doivent être respectées.

Or, ces textes prévoient des règles différentes en ce qui concerne la publicité de l’opération et la procédure de mise en concurrence.
Par ailleurs, l’application des dispositions prévues par le droit communautaire dépend du type de contrat en cause.

Dans ces conditions, la détermination de la nature juridique d’un contrat est indispensable pour apprécier la validité de l’opération au regard des dispositions applicables et de la jurisprudence utile. Cette détermination peut parfois s’avérer difficile, notamment lorsque le montage juridique utilisé pour passer la commande publique est complexe et flou.

A ce titre, certains contrats, tels les marchés d’entreprise de travaux publics, en application de la loi sur la maîtrise d’ouvrage, ainsi que les contrats de mobiliers urbains, suscitent des questions délicates de frontières avec d’autres contrats.

1. La détermination de la nature juridique du contrat

1.1. La distinction entre les marchés publics relevant du code des marchés publics et les autres contrats

1.1.1. Délégation de service public et marchés publics

Plus que par référence à l’objet du contrat, le critère de distinction essentiel repose sur le mode de rémunération de l’entreprise.

1° Est une délégation de service public

La convention qui confie la responsabilité de la gestion du service de transport public de voyageurs à une entreprise privée, qui perçoit des redevances sur les usagers et supporte dans certaines limites le risque financier de l’exploitation, caractérise l’existence d’une délégation de service public (CE, 15 juin 1994, syndicat intercommunal des transports publics de la région de Douai).

2° Sont des marchés soumis au CMP

Un contrat qui confie l’activité de collecte et d’évacuation des ordures ménagères et la gestion de la décharge communale dont la rémunération est assurée par un prix payé par la commune n’est pas une délégation de service public, mais un marché soumis aux règles régissant les marchés publics.

L’article 38 de la loi du 29 janvier 1993 n’a pas eu pour objet et ne saurait être interprété comme ayant pour effet de faire échapper, au respect des règles régissant les marchés publics, tout ou partie des contrats dans lesquels la rémunération du cocontractant de l’administration n’est pas substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation (CE, 15 avril 1996, préfet Bouches-du-Rhône).

Des contrats de déneigement et de salage des voies départementales confiés à des entreprises doivent être conclus selon les règles du CMP et non, comme le prévoyait la délibération autorisant le marché, selon la procédure de la délégation de service public. En effet, aucun texte n’autorise la perception par la collectivité publique d’une redevance sur l’usage des voies publiques départementales et leur entretien ne pouvait donc donner lieu à une exploitation susceptible d’assurer la rémunération des cocontractants (CAA Lyon, 22 mai 1997, département de Saône-et-Loire).

1.1.2. Contrats faussement qualifiés soumis au code des marchés publics

1° Des travaux connexes à une convention de régie intéressée.

Une convention de régie intéressée concernant la gestion du service public de la distribution de l’eau en Ile-de-France était complétée par des conventions particulières prévoyant la réalisation de travaux de fourniture et de pose de conduites ou d’équipements hydrauliques dans trois sites différents. Or, ces travaux ne devaient pas être regardés comme la continuation de l’exploitation du réseau et donc de la régie intéressée, mais comme des marchés de travaux publics qui devaient être soumis à une mise en concurrence (CAA Paris, 10 février 1998, syndicat des eaux d’Ile-de-France, Compagnie générale des eaux : 3 arrêts identiques concernant 3 sites différents).

2° Un marché d’études lié à une concession de travaux publics.

Une convention chargeait une entreprise d’effectuer des études destinées à examiner la possibilité de réaliser une voie rapide souterraine. Cette convention prévoyait également de concéder la construction et l’exploitation de l’ouvrage prioritairement à cette entreprise si son projet était réalisable. Si la concession lui était attribuée, les frais d’études restaient à sa charge. En revanche, si le projet n’était pas réalisé, la convention prévoyait une rémunération forfaitaire de 3 millions de francs. Le marché d’étude était donc analysé par le maître d’ouvrage comme une «préconcession» de service public et n’avait pas fait l’objet d’une mise en concurrence.
Mais, les modalités particulières de rémunération ne pouvaient avoir pour effet de soustraire cette convention aux règles posées par le CMP. L’argument tiré de ce que l’entreprise choisie était la seule à pouvoir réaliser les études n’est pas établi par les circonstances (CE, 30 septembre 1996, commune de Grenoble, M. Avrillier).

1.2. Le cas des marchés de mobilier urbain

Aucune décision administrative ne s’est prononcée pendant la période de la présente étude sur la nature juridique des contrats visant à mettre gratuitement à la disposition de la collectivité des mobiliers urbains en contrepartie du droit exclusif pour l’entreprise d’utiliser ces supports à des fins publicitaires. Toutefois, compte tenu de la spécificité de ces contrats, il apparaît utile d’apporter quelques précisions au regard de la jurisprudence administrative plus ancienne en la matière.

Dans un avis du 14 octobre 1980, le Conseil d’Etat précisait que ce type de contrat constituait une variété de marchés publics.
Cette analyse a été confortée par la jurisprudence administrative qui, dans d’autres domaines que les mobiliers urbains, a qualifié des contrats de marchés publics même en l’absence du paiement d’un prix par l’administration à son contractant (CE, 22 février 1980, SA des Sablières modernes d’Aresy, CE, 18 mars 1988, société civile des néo polders).

En ce qui concerne les mobiliers urbains, la jurisprudence administrative considère que le droit de faire de la publicité sur les équipements constitue le prix des prestations fournies (TA, 2 juin 1992, préfet des Alpes-Maritimes/ville de Nice). Par analogie avec un contrat d’édition à titre gratuit d’un bulletin municipal en contrepartie de la perception des recettes publicitaires tirées de la diffusion des publicités dans ce bulletin, le prix des prestations correspond au montant prévisionnel des ressources publicitaires abandonnées par la collectivité au profit de la société attributaire du marché (CAA, 11 octobre 1994, SARL Editor Tennor/commune de Houilles).

Ainsi, même en l’absence de prix versé par la collectivité, le contrat est qualifié de marché public et est donc soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence édictées par le code des marchés publics.

2. La loi sur la maîtrise d’ouvrage public (loi MOP) et le marché d’entreprise de travaux publics (METP)

2.1. Les irrégularités dans le choix du maître d’ouvrage délégué

Après avoir accepté le don d’un «scanographe» par une association, un établissement hospitalier confiait la prise en charge des travaux d’installation de l’appareil à cette association et lui déléguait la maîtrise d’ouvrage. Or, les associations n’entrent dans aucune des catégories de personnes morales auxquelles, en application de l’article 4 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, peut être confiée par une collectivité ou un établissement public une mission de maîtrise d’ouvrage déléguée (CE, 11 mars 1996, centre hospitalier de Moutiers).

Une convention de régie intéressée confiant à la Compagnie générale des eaux (CGE) la gestion du service public de l’eau prévoyait que celle-ci apportait son concours au maître d’ouvrage pour la préparation des appels à la concurrence portant sur des travaux dits «de premier établissement» autres que ceux qui lui étaient directement confiés. C’est ainsi que la CGE a passé, sous sa responsabilité, pour le compte du maître d’ouvrage, des marchés de travaux de terrassement et de génie civil nécessaires à la pose de canalisation. Or, ces fonctions relèvent des attributions du maître d’ouvrage délégué telles qu’elles sont définies par l’article 3 de la loi du 12 juillet 1985 et la CGE n’est pas au nombre des personnes morales limitativement énumérées à l’article 4 de cette loi (CAA Paris, 18 avril 1997, Compagnie générale des eaux, syndicat des eaux d’Ile-de-France, CAA Paris, 4 novembre 1997, Compagnie générale des eaux, syndicat des eaux d’Ile-de-France : 4 arrêts identiques concernant des marchés différents).

2.2. La qualification erronée de METP

Un contrat qui avait pour objet l’informatisation du réseau d’éclairage public de la ville, l’entretien et le remplacement ponctuel des installations concernées et des travaux de mises en conformité et de renouvellement des équipements, à l’exclusion de tous travaux neufs, était rémunéré par une redevance forfaitaire payable mensuellement. Les travaux, objets d’ordre de service, étaient en outre réglés sur présentation de factures dans des limites comprises entre 1 million et 1,6 million de francs.

Ce contrat n’a pas eu pour objet de confier à l’entreprise l’exploitation du réseau d’éclairage de la ville et, compte tenu du mode de rémunération choisi, il ne peut se voir reconnaître la nature de marché d’entreprise de travaux publics. La conclusion de ce contrat était dès lors soumise au respect des règles fixées par le CMP (CE, 8 décembre 1997, société Sotracer, ville d’Auxerre).

Une collectivité avait conclu une contrat de mandat confiant à une société le soin de réaliser pour son compte une étude relative au tri sélectif, à la collecte et à l’élimination des déchets ménagers. La convention déclarait se conformer aux dispositions des articles 3 et suivants de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée. Si le champ d’application de la loi MOP exclut les unités de traitement des déchets, les parties peuvent toutefois s’en inspirer pour établir leur convention de mandat (CE, 8 avril 1998, préfet de l’Aube).

3. Les obligations du droit communautaire

La détermination de la nature juridique du contrat se pose également lorsqu’il s’agit de savoir si les dispositions résultant du droit communautaire ont lieu de s’appliquer. En effet, selon la nature du contrat, les modalités de publicité et de mise en concurrence sont différentes. En particulier, le seuil à partir duquel la publication au Journal officiel des Communautés européennes (JOCE) est spécifique à chaque type de marché.
Cette question est d’autant plus déterminante que le juge administratif admet que s’appliquent des dispositions de directives communautaires alors même que celles-ci n’ont pas été transposées en droit français, leur conférant ainsi implicitement un effet direct.

3.1. La détermination du seuil applicable

Un marché ayant pour objet d’assurer le remplacement et la mise en service de candélabres et de lanternes destinés à l’éclairage de la commune présente le caractère d’un marché de travaux et non de fournitures puisque les biens deviennent des immeubles par destination. Dès lors, le seuil du marché étant inférieur au seuil rendant obligatoire la publicité au JOCE, cette formalité n’avait pas à être remplie (CAA Paris, 3 février 1998, préfet de la Seine-Saint-Denis/commune de Montreuil-sous-Bois).

3.2. L’effet direct des directives communautaires

La convention de concession en vue de la réalisation du périphérique de Lyon a été conclue sans respecter les règles de publicité communautaires prévues par la directive n° 71-305 CEE du 26 juillet 1971 modifiée par la directive n° 89-440 du 18 juillet 1989 portant coordination des procédures de passation de marchés publics de travaux.

Or, les règles de publicité communautaires s’appliquent aux contrats de concession de travaux lorsque leur valeur est supérieure à 5 000 000 écus. Ainsi, la délibération autorisant la concession, fondée sur l’application de règles générales de nature essentiellement jurisprudentielle, a été adoptée irrégulièrement, même si les règles nationales applicables à ce type de contrat n’avaient pas transposé la directive (CE, 6 février 1998, M. Tête, Association de l’Ouest lyonnais).

Le contrat de service passé entre deux établissements publics de coopération intercommunale, dont l’un est adhérent de l’autre pour gérer, par leurs moyens communs, un service entrant dans leur compétence, n’est pas soumis au CMP. En revanche, s’agissant d’un marché de services, celui-ci est soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence édictées par la directive n° 92/50 relative aux marchés de services. Les dispositions de cette directive devaient donc être respectées bien qu’elle n’ait pas été transposée en droit français au moment de la passation du contrat (CE, 20 mai 1998, Communauté de communes du Piémont de Barr, services des eaux et de l’assainissement du Bas-Rhin).