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Dans un jugement du 9 juillet 2024, le tribunal administratif de Versailles a sanctionné plusieurs irrégularités dans la passation de marchés publics globaux de performance. La juridiction a relevé des manquements concernant l'estimation des besoins, le respect des critères de sélection, la composition du jury et la compétence des signataires. Ces irrégularités, jugées suffisamment graves pour porter atteinte aux principes fondamentaux de la commande publique, ont conduit le tribunal à prononcer la résiliation des contrats, écartant l'argument de l'intérêt général avancé par les défendeurs.
En matière de marchés publics, les acheteurs doivent respecter les règles de passation prévues par le code de la commande publique, notamment en ce qui concerne la définition des besoins (articles R2121-1 et suivants du CCP), la publicité (articles R2131-1 et suivants du CCP), la mise en concurrence (articles L2124-1 et suivants du CCP), la sélection des candidatures et des offres (articles R2142-1 et suivants du CCP), ainsi que la composition des jurys (article R2171-17 du CCP). Tout manquement à ces règles, même s'il n'affecte pas le consentement de la personne publique ou le bien-fondé du contrat, peut justifier la résiliation du marché si ces irrégularités ont porté atteinte aux principes fondamentaux de la commande publique énoncés à l'article L3 du CCP, tels que la transparence des procédures et l'égalité de traitement des candidats.
En l’espèce, le tribunal administratif de Versailles a constaté plusieurs irrégularités dans la passation des marchés publics globaux de performance, notamment des imprécisions dans l'avis d'appel à la concurrence, une estimation déraisonnable du prix des marchés, un non-respect des critères de sélection, une composition irrégulière du jury et des problèmes de compétence du signataire. Ces manquements, bien que n'affectant pas le consentement de la personne publique ou le bien-fondé des contrats, ont été jugés suffisamment graves pour justifier la résiliation des marchés, le tribunal considérant qu'ils avaient porté atteinte aux principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats.
Résumé
La commune d'Orgeval a publié le 27 janvier 2022 un avis d'appel public à la concurrence pour un marché public global de performance, conformément à l'article L2171-3 du code de la commande publique (CCP), ayant pour objet la construction d'un groupe scolaire et d'une crèche sur son territoire.
Le groupement ayant pour mandataire la SAS OBM Construction s'est vu attribuer :
Mme A., élue municipale de la commune d'Orgeval, ainsi que Mme B. et M. C., contribuables locaux de la commune d'Orgeval, ont saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande d'annulation de ces deux marchés, ainsi que des avenants n°1 et n°2 conclus le 21 juillet 2023.
Les requérants soulèvent plusieurs moyens à l'encontre des marchés contestés :
Le tribunal administratif de Versailles a prononcé la résiliation des deux marchés attaqués ainsi que des avenants n°1 et n°2 au marché concernant le groupe scolaire.
Le tribunal écarte la fin de non-recevoir opposée par les défendeurs concernant les conclusions tendant à l'annulation des avenants n°1 et n°2. Il considère que ces conclusions n'ont pas un objet entièrement différent des conclusions principales et ont été présentées dans le délai de recours.
Le tribunal retient plusieurs irrégularités :
Le tribunal retient également deux irrégularités spécifiques à ce marché :
Le tribunal considère que ces irrégularités ont porté atteinte aux obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par les articles L3 et L2124-1 du CCP, ainsi qu'au principe de transparence de la procédure énoncé à l'article L3 du CCP. Bien qu'elles ne justifient pas une annulation des contrats, ces irrégularités sont de nature à justifier leur résiliation.
Le tribunal écarte l'argument des défendeurs selon lequel un motif d'intérêt général s'opposerait à la résiliation. Il estime que la nécessité de construire le groupe scolaire n'est pas justifiée et que les travaux ne sont pas suffisamment avancés.
Cette décision du tribunal administratif de Versailles apporte plusieurs éléments en ce qui concerne les marchés publics globaux de performance.
Sur l'estimation du besoin, le tribunal rappelle l'importance d'une estimation raisonnable du prix des marchés dans l'avis d'appel à la concurrence, conformément aux articles R2121-1 et R2121-3 du CCP.
Pour la prise en compte de la part confiée aux PME, le juge souligne l'obligation pour les acheteurs d'examiner les candidatures au regard du critère de la part d'exécution confiée aux PME, même lorsque l'attributaire est lui-même une PME, en application de l'article L2171-8 du CCP.
Quant au le respect des critères de sélection, la décision rappelle l'importance du respect de la pondération des critères de sélection mentionnée dans le règlement de consultation, conformément à l'article R2142-15 du CCP.
Par rapport à la composition du jury, le tribunal insiste sur le respect des dispositions de l'article R2171-17 du CCP concernant la composition du jury, notamment la présence d'au moins un tiers de membres possédant une qualification professionnelle particulière lorsqu'elle est exigée.
Sur la compétence du signataire, le jugement souligne l'importance de vérifier la compétence de l'autorité signataire de l'acte d'engagement, conformément à l'article L1414-2 du code général des collectivités territoriales.
En ce qui concerne les opérations de passation, la décision met en évidence la nécessité pour l'acheteur compétent de réaliser lui-même les opérations de passation du marché, conformément à l'article L1414-1 du code général des collectivités territoriales.
Quant aux conséquences des irrégularités, le tribunal est nuancé en prononçant la résiliation des contrats plutôt que leur annulation, tout en écartant l'argument tiré de l'intérêt général qui aurait pu s'opposer à cette résiliation.
Texte
[...]
1. La commune d’Orgeval a publié le 27 janvier 2022 un avis d’appel public à la concurrence pour un marché public global de performance ayant pour objet la construction d’un groupe scolaire et d’une crèche sur le territoire de la commune d’Orgeval. Trois candidats ont été sélectionnés et le groupement ayant pour mandataire la SAS OBM Construction s’est vu attribuer le marché global de performance pour la conception, la réalisation et l’exploitation / maintenance d’un groupe scolaire et d’un parking pour un montant de 14 407 680 euros HT par un acte d’engagement signé par le maire d’Orgeval le 29 juillet 2022, et un marché global de performance pour la conception, la réalisation et l’exploitation / maintenance d’une crèche pour un montant de 3 088 600 euros HT par un acte d’engagement signé par la présidente du SIVU de la petite enfance le 18 août 2022. Par la présente requête, Mme A., élue municipale de la commune d’Orgeval, ainsi que Mme B. et M. C. contribuables locaux de la commune d’Orgeval, demandent l’annulation de ces deux marchés, ainsi que des avenants n°1 et n°2 conclus le 21 juillet 2023.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Le 22 septembre 2022, les requérants ont saisi le tribunal d’une demande d’annulation des marchés publics conclus le 29 juillet 2022 et le 18 août 2022 relatifs à la construction d’un groupe scolaire avec parking et d’une crèche. Les défendeurs font valoir que cette demande constitue un recours en contestation de la validité de ces contrats administratifs dont la nature ne pouvait plus être modifiée après l’expiration du délai de recours contentieux et que, par suite, les conclusions, enregistrées le 12 octobre 2023, postérieurement au délai de recours contentieux, tendant à l’annulation des avenants n°1 et n°2 signés par le maire d’Orgeval le 21 juillet 2023 relatifs au marché de construction d’un groupe scolaire et d’un parking du 29 juillet 2022 constituent des conclusions nouvelles et donc irrecevables. Toutefois, il ressort des écritures que les requérants demandent au tribunal, dans le délai de recours concernant ces actes, d’annuler les avenants n°1 et n°2 conclus par le maire d’Orgeval le 21 juillet 2023 avec le groupement mené par la SAS OBM Construction, et que ces conclusions n’ont pas un objet entièrement différent des conclusions présentées à titre principal tendant l’annulation des marchés relatifs à la conception, la réalisation et l’exploitation-maintenance d’un groupe scolaire, d’une crèche et d’un parking. Par suite, la fin de non-recevoir présentée par les défendeurs doit être écartée.
Sur les conclusions en contestation de la validité des contrats signés le 29 juillet 2022 et le 18 août 2022
3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l’Etat dans le département et les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l’appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d’ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.
4. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l’auteur du recours autre que le représentant de l’Etat dans le département ou qu’un membre de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu’il critique sont de celles qu’il peut utilement invoquer, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier l’importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice du consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui- ci. Il peut enfin, s’il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu’il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice découlant de l’atteinte à des droits lésés.
En ce qui concerne les moyens communs aux deux marchés :
Quant à l’atteinte portée au respect de la concurrence :
5. L’avis d’appel à la concurrence, publié le 27 janvier 2022 dans le journal officiel de l’Union européenne, ne mentionne que la commune d’Orgeval comme pouvoir adjudicateur et précise que ce marché a pour objectif la construction d’un groupe scolaire ainsi que la construction d’une crèche, ce dernier objet ne relevant pas des compétences de la commune. De plus, alors que l’avis d’appel à la concurrence précise que le marché ne fera pas l’objet de lots, la procédure de passation a finalement abouti à la signature de deux actes d’engagements par la commune d’Orgeval et par le SIVU de la petite enfance, présentés comme deux lots d’une même opération, alors même qu’aucun groupement de commandes n’a été conclu entre les deux acheteurs. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que l’avis d’appel à la concurrence contenait des imprécisions et inexactitudes qui ont pu réduire ou fausser la concurrence.
Quant à la définition des besoins :
6. Aux termes de l’article R.2121-1 du code de la commande publique : « L'acheteur procède au calcul de la valeur estimée du besoin sur la base du montant total hors taxes du ou des marchés envisagés. / Il tient compte des options, des reconductions ainsi que de l'ensemble des lots et, le cas échéant, des primes prévues au profit des candidats ou soumissionnaires. ». Aux termes de l’article R. 2121-3 du même code : « La valeur du besoin à prendre en compte est celle estimée au moment de l'envoi de l'avis d'appel à la concurrence ou, en l'absence d'un tel avis, au moment où l'acheteur lance la consultation. ».
7. Les requérants soutiennent que les besoins ont été mal définis dès lors que le montant estimatif du marché, valant pour le marché de construction du groupe scolaire et d’un parking et de la crèche et d’un parking s’élevait à 8,3 millions d’euros HT dans l’avis d’appel à la concurrence, alors que l’acte d’engagement signé par le maire d’Orgeval indique un montant de 14,40 millions d’euros HT pour le seul marché de construction du groupe scolaire et d’un parking et l’acte d’engagement signé par la présidente du SIVU de la petite enfance pour la construction d’une crèche indique un montant de 3,08 millions d’euros HT. Si les défendeurs font valoir à juste titre que cette estimation imprécise n’a pas conduit à sous-estimer le seuil au- delà duquel une procédure formalisée est obligatoire et n’a pas conduit à une absence ou à un nombre trop limité de candidatures, les requérants sont fondés à soutenir que l’estimation du prix des marchés mentionnée dans l’avis d’appel à la concurrence n’était pas raisonnable.
Quant à la part d’exécution du marché que le soumissionnaire s’engage à confier à des artisans et des petites et moyennes entreprises (PME) :
8. Aux termes de l’article L. 2171-1 du code de la commande publique : « L’acheteur tient compte, parmi les critères d’attribution des marchés globaux mentionnés à l’article L. 2171-1 du code de la commande publique de la part d’exécution du marché que le soumissionnaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ». De plus, aux termes de l’article R. 2171-23 du même code : « Si le titulaire d’un marché global n’est pas lui-même une petite et moyenne entreprise ou un artisan, la part minimale qu’il s’engage à confier, directement ou indirectement, à des petites ou moyennes entreprises ou à des artisans, en application de l’article L. 2171-8 est fixée à 10% du montant prévisionnel du marché, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas. ».
9. Si les requérants soutiennent que les acheteurs n’ont pas tenu compte, parmi les critères d’attribution, de la part d’exécution que le soumissionnaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises (PME), les défendeurs font valoir, sans être contredits, que la société OBM Construction, attributaire du marché, appartient elle-même à la catégorie des PME et qu’il n’y avait dès lors pas lieu de fixer de critère spécifique. Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur le fait les acheteurs auraient dû examiner les diverses candidatures à l’aune de ce critère, et qu’ils ont méconnu les dispositions de l’article L. 2171-1 du code de la commande publique en ne procédant pas à un tel examen.
Quant au respect des critères pour sélectionner les candidats autorisés à soumettre une offre :
10. Il ressort des termes de l’article 5.6.4 du règlement de consultation que les candidatures devaient être analysées au regard des capacités techniques et professionnelles via une note sur 100 points, se décomposant en 40 points pour l’évaluation des effectifs, des titres d’études et professionnels des cadres de l’entreprise, ainsi que du matériel ou de l’équipement technique, et en 60 points pour l’évaluation des références du candidat. Si les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’acheteur a examiné les candidatures selon un troisième critère non prévu, à savoir leur chiffre d’affaires, alors qu’il s’agissait d’un critère de recevabilité des candidatures, il n’est pas contesté en revanche que le jury n’a pas indiqué dans le rapport d’analyse des candidatures la pondération des critères de sélection selon les deux notes sur 40 et sur 60. Si la commune soutient qu’il y a bien eu calcul de ces notes, elle n’en justifie pas. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que les candidatures ont été examinées sans respecter la pondération des critères de sélection mentionnée dans le règlement de consultation.
Quant à la composition du jury :
11. Aux termes de l’article R. 2171-17 du code de la commande publique : « Le jury est composé de personnes indépendantes des candidats. Lorsqu'une qualification professionnelle particulière est exigée pour participer à la procédure, au moins un tiers des membres du jury doit posséder cette qualification ou une qualification équivalente. ».
12. Un premier jury s’est tenu le 15 mars 2022 pour donner un avis sur la sélection des candidatures, composé de 14 membres, parmi lesquels siégeaient deux architectes et un ingénieur au titre des personnalités qualifiées, auxquels les défendeurs ajoutent un membre de la commission d’appel d’offres qui est architecte et un adjoint au maire qui est ingénieur. Toutefois, le deuxième jury qui s’est réuni le 28 juin 2022 pour donner un avis sur la sélection des offres était composé de 12 membres et ne comptait parmi ses membres que deux ingénieurs et aucun architecte. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que la composition du jury du 28 juin 2022 méconnaissait les dispositions de l’article R. 2171-17 du code de la commande publique.
En ce qui concerne les moyens spécifiques au marché relatif à la crèche :
Quant à la compétence du signataire de l’acte d’engagement du 18 août 2022 :
13. Aux termes de la délibération n°13 du 22 juillet 2020 du comité syndical du SIVU de la petite enfance, « La présidente est chargée, pour la durée du présent mandat, et par délégation du comité syndical, : (…) de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres ainsi que toute décision concernant leurs avenants, lorsque les crédits sont inscrits au budget (…) ».
14. En l’absence de production du budget 2022 du SIVU de la petite enfance, il ne résulte pas de l’instruction que les crédits nécessaires à la construction d’une crèche y auraient été inscrits. Par suite, il n’est pas établi que la présidente du SIVU de la petite enfance disposait de la compétence pour signer le 18 août 2022 l’acte d’engagement relatif à ce marché.
Quant aux opérations de passation :
15. Aux termes de l’article R.2131-16 du code de la commande publique : « Pour les marchés passés selon une des procédures formalisées énumérées aux articles R2124-2 à R2124-6 : 1° L’Etat, ses établissements publics autres qu’à caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements publient un avis de marché dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Journal officiel de l’Union européenne ; 2° Les autres acheteurs publient un avis de marché au Journal officiel de l’Union européenne. ». De plus, aux termes de l’article R. 2131-12 du même code : « Les marchés passés selon une procédure adaptée par l’Etat, ses établissements publics autres qu’à caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, font l’objet d’une publicité dans les conditions suivantes : 1° Lorsque la valeur estimée du besoin est inférieure à 90 000 euros hors taxes, les modalités de publicité sont librement adaptées en fonction des caractéristiques du marché, notamment de son montant et de la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause ; 2° Lorsque la valeur estimée du besoin est égale ou supérieure à 90 000 euros hors taxes et inférieure aux seuils de procédure formalisée, un avis de marché établi conformément au modèle fixé par un arrêté du ministre chargé de l’économie figurant en annexe du présent code est publié soit dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics soit dans un journal habilité à recevoir des annonces légales. / L’acheteur apprécie si, compte tenu de la nature ou du montant des travaux, des fournitures ou des services en cause, une publication dans un journal spécialisé correspondant au secteur économique concerné ou au Journal officiel de l’Union européenne est en outre nécessaire pour garantir l’information des opérateurs économiques raisonnablement vigilants pouvant être intéressés par le marché. ». Aux termes de l’article R.2171-3 du code de la commande publique : « Pour attribuer le marché global de performance, l'acheteur se fonde sur une pluralité de critères parmi lesquels figurent le critère du coût global ainsi qu'un ou plusieurs critères relatifs aux objectifs de performance définis en fonction de l'objet du marché. ». De plus, aux termes de l’article R. 2171-6 du code de la commande publique : « Un jury est désigné par l’acheteur (…) ».
16. Il résulte de l’instruction que le seul avis d’appel à la concurrence concernant la réalisation d’une crèche sur la commune d’Orgeval est celui mentionné au point 5, concernant la construction d’une crèche et la construction d’un groupe scolaire, publié au journal officiel de l’Union européenne le 27 janvier 2022, et mentionnant la commune comme seul pouvoir adjudicateur. De plus, le jury de concours a été nommé par une délibération de la commune d’Orgeval du 10 février 2022, l’avis et les procès-verbaux du jury de concours en date des 15 mars et 28 juin 2022 ont été rédigés par la commune d’Orgeval pour l’analyse des candidatures et la sélection des offres, et c’est la commission d’appel d’offres de la commune d’Orgeval réunie le 8 juillet 2022 qui a proposé d’attribuer à la société OBM Construction les deux marchés publics attaqués, finalement présentés comme des lots. Il résulte de ce qui précède que les opérations de passation du marché public concernant la construction d’une crèche n’ont pas été réalisées par l’acheteur, à savoir le SIVU de la petite enfance, alors même que ni le SIVU ni la commune d’Orgeval ne se prévalent d’une convention de groupement de commandes.
Sur les conséquences à tirer des vices entachant les contrats signés le 29 juillet 2022 par le maire de la commune d’Orgeval et le 18 août 2022 par la présidente du SIVU de la petite enfance :
17. Les irrégularités mentionnées aux points 5 à 7 et 16 du présent jugement ont porté atteinte aux obligations de publicité et de mise en concurrence. De plus, les vices mentionnés aux points 8 à 14 du présent jugement ont porté atteinte au principe de transparence de la procédure de passation des marchés publics. En outre, à l’exception du vice concernant la compétence du signataire du marché relatif à la crèche, ces vices ne peuvent pas être couverts par une mesure de régularisation. Ces illégalités, qui n’affectent ni le consentement de la personne publique ni le bien-fondé des contrats, et en l’absence de toutes circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, ne justifient pas une annulation des contrats litigieux. Toutefois, ces irrégularités mettent en cause la transparence de la procédure d’attribution et les conditions dans lesquelles la concurrence entre acheteurs a pu s’exercer, ce qui est de nature à justifier la résiliation de ces contrats.
18. Pour soutenir qu’un motif d’intérêt général viendrait s’opposer à la résiliation des deux marchés publics attaqués, les défendeurs se fondent sur un rapport de prospective scolaire produit par la commune d’Orgeval, daté du 8 juillet 2021, et établi par le cabinet D., montrant qu’une saturation des équipements scolaires de la commune est prévisible avec, dès 2024, trois classes manquantes dans chaque école. Toutefois, alors que les requérants se fondent sur une étude indiquant que certains programmes de construction de logements neufs attendus au cours de la période 2021-2025 ne seront pas livrés sur cette période, les défendeurs ne justifient pas de la nécessité de construire le groupe scolaire qui fait l’objet d’un des deux marchés contestés. De plus, il ne résulte pas de l’instruction que les travaux de construction des équipements seraient avancés, dès lors que seuls des travaux de préparation et de décaissement du terrain, et les réseaux divers auraient été réalisés. Par suite, dès lors que l’intérêt général n’y fait pas obstacle, il y a lieu de prononcer la résiliation des deux marchés attaqués, et des avenants n°1 et n°2 au marché concernant le groupe scolaire.
19. Il résulte de ce qui précède que le marché signé le 29 juillet 2022 par le maire d’Orgeval ayant pour objet la construction d’un groupe scolaire et d’un parking et le marché signé le 18 août 2022 par la présidente du SIVU ayant pour objet la construction d’une crèche doivent être résiliés.
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Source Site du TA de Versailles
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