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TA Rennes, 16 janvier 2025, n° 2105086 - Offre irrégulière

TA Rennes, 16 janvier 2025, n° 2105086 - Offre irrégulière d’un concurrent évincé

Conditions de recevabilité des recours des candidats évincés en matière de marchés publics. Un candidat dont l'offre est irrégulière au regard des spécifications techniques du marché ne peut utilement contester son attribution, même si cette irrégularité n'avait pas été relevée lors de l'analyse des offres et que celles-ci avaient été analysées et classées. Pour la notion d'offre anormalement basse, le seul écart de prix entre les offres de 49% ne suffit pas à la caractériser. En l'espèce, non-conformité aux spécifications techniques de la requérante : le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) exigeait que les défibrillateurs puissent fonctionner dans des conditions de température comprises entre -10°C et +40°C. Or, le matériel proposé par la société requérante ne fonctionnait qu'entre 0°C et 50°C.

 

La commune de Saint-Brieuc avait lancé une consultation pour l'achat, l'installation et la maintenance de défibrillateurs automatisés externes (DAE) pour ses bâtiments municipaux. La société Locacœur, classée deuxième, a contesté l'attribution du marché à la société attributaire, notamment en invoquant l'irrégularité de l'offre retenue et l'insuffisance des critères d'analyse.

Le tribunal a d'abord rappelé le principe selon lequel un concurrent évincé ne peut invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles de passation en rapport direct avec son éviction. Plus particulièrement, il précise qu'« un candidat dont la candidature ou l'offre est irrégulière n'est pas susceptible d'être lésé par les manquements qu'il invoque, sauf si cette irrégularité est le résultat du manquement qu'il dénonce » (CE, 2 octobre 2013, n°368900 ; CE, 29 mai 2013, n° 366456). Cette règle s'applique même lorsque l'offre irrégulière a été analysée, notée et classée par le pouvoir adjudicateur.

Une application des exigences techniques du marché

En l'espèce, le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) exigeait que les défibrillateurs puissent fonctionner dans des conditions de température comprises entre -10°C et +40°C. Or, le matériel proposé par la société requérante ne fonctionnait qu'entre 0°C et 50°C. Cette non-conformité aux spécifications techniques rendait son offre irrégulière au sens de l'article L2152-2 du code de la commande publique, qui définit l'offre irrégulière comme celle « qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation ».

Le tribunal en tire une conséquence selon laquelle l'acheteur peut invoquer pour la première fois devant le juge l'irrégularité de l'offre du requérant, même s'il ne l'avait pas relevée lors de l'analyse des offres.  

Une approche pragmatique de l'offre anormalement basse

Le tribunal adopte également une approche pragmatique concernant la qualification d'offre anormalement basse. Conformément à l'article L2152-6 du code de la commande publique, il considère que le seul écart de prix entre les offres ne suffit pas à caractériser une offre anormalement basse. En l'espèce, bien que l'offre retenue (198 113 € HT) soit nettement inférieure à celle de la requérante (387 068 € HT) soit 49% de moins, le tribunal relève que cette dernière présentait l'offre la plus élevée parmi les dix reçues et que l'exécution du marché n'a généré aucun surcoût.

Cette position s'inscrit dans une jurisprudence constante qui exige des éléments probants, au-delà du simple différentiel de prix, pour qualifier une offre d'anormalement basse.  

MAJ 20/01/25

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4. En premier lieu, aux termes de l'article L2151-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Selon l'article L2152-2 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ".

5. Un candidat dont la candidature ou l'offre est irrégulière n'est pas susceptible d'être lésé par les manquements qu'il invoque, sauf si cette irrégularité est le résultat du manquement qu'il dénonce. Il en va ainsi alors même que son offre a été analysée, notée et classée par le pouvoir adjudicateur.

6. En l'espèce, l'article 2.1.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché précise les caractéristiques techniques attendues du matériel proposé, incluant notamment que l'utilisation du défibrillateur cardiaque soit possible " aux conditions de températures qui peuvent être comprises entre -10°C et +40°C ".

7. La commune de Saint-Brieuc soutient, sans être contestée, que l'offre présentée par la société Locacœur portait sur des défibrillateurs cardiaques qui ne respectaient pas l'intégralité des prescriptions du CCTP du marché, et particulièrement en ce qu'ils ne peuvent être utilisés en cas de températures négatives, puisque ne fonctionnant que dans l'hypothèse de températures comprises entre 0°C et 50°C. Dans ces conditions, alors même que l'offre présentée par la société requérante n'a pas été rejetée comme étant irrégulière et a même été classée, le pouvoir adjudicateur est fondé à soutenir, pour la première fois devant le juge, que cette offre était irrégulière et devait être écartée. Par suite, la société Locacœur n'est pas susceptible d'avoir été lésée par les manquements qu'elle invoque tirés de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire et du caractère insuffisant des critères d'analyse des offres. Ces moyens doivent être écartés comme étant inopérants.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L2152-6 du code de la commande publique : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. / Lorsque une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ".

9. Il résulte de l'instruction que le coût des prestations proposées par la société attributaire du marché litigieux s'élevait à 198 113 euros hors taxe (HT), dont 110 880 euros pour l'achat et l'installation de DAE et 87 233 euros HT pour la maintenance et la télésurveillance et que le règlement de consultation précisait que le montant maximum des prestations de l'accord-cadre à bons de commande était fixé à 450 000 euros HT. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le seul écart entre le prix de l'offre de la société attributaire et le prix de sa propre offre, qui s'élevait à 387 068 euros HT, dont 174 580 euros pour les prestations d'investissement et 212 488 euros pour les prestations de fonctionnement, ne saurait permettre de déduire que l'offre retenue était anormalement basse. En se bornant à des allégations sur la durée supposée des batteries du matériel proposé par la société attributaire et les coûts de fonctionnement qui auraient été omis, la société Locacœur n'établit pas que le prix de l'offre concurrente de la sienne était sous-évalué ou même compromettait la bonne exécution du marché. Au demeurant, la commune de Saint-Brieuc, qui expose que le prix contenu dans l'offre de la société requérante était le plus élevé des dix offres qu'elle a reçues pour l'attribution de l'accord-cadre en litige, fait valoir qu'en l'état de l'exécution du marché, elle n'a été exposée à aucun surcoût. Dans ces conditions, et en tout état de cause, la société Locacœur n'est pas fondée à soutenir que la commune de Saint-Brieuc a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant l'offre de la société Schiller France, laquelle ne revêtait pas le caractère d'une offre anormalement basse.

10. En troisième lieu, la société Locacœur ne saurait sérieusement soutenir, en se fondant sur la lecture de la documentation de la société Schiller France, que le matériel proposé ne répond pas à l'ensemble des exigences du cahier des charges et qu'il en résulterait un vice du consentement de l'acheteur public, qui n'aurait probablement pas lu le mode d'emploi du matériel proposé. À supposer même que les prestations proposées par la société attributaire ne respectent pas certaines des prescriptions du CCTP, cette circonstance ne suffit pas à caractériser un vice du consentement de la commune de Saint-Brieuc, qui disposait des éléments utiles pour apprécier l'offre qui lui était soumise.

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