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TA Paris, 24 sept 2024, n° 2423321 - Exigences excessives pour candidater

Tribunal administratif de Paris, 24 septembre 2024, n° 2423321 - Exigences excessives pour candidater

Dans le cadre d'une procédure de passation d'un marché public, l'acheteur doit respecter strictement les dispositions du code de la commande publique et de l'arrêté du 22 mars 2019 concernant les renseignements et documents pouvant être demandés aux candidats. Les critères de sélection des candidatures doivent être objectifs, non-discriminatoires et précisément définis. Toute exigence allant au-delà de ce cadre légal, ou manquant de précision, est susceptible d'être sanctionnée par le juge des référés précontractuels.

En l'espèce, l'acheteur a demandé des renseignements excédant ce que permettait l'arrêté du 22 mars 2019, notamment concernant la composition détaillée de l'équipe projet et une note d'intention. De plus, le critère relatif à la compréhension du projet et de ses enjeux était insuffisamment défini, la description des enjeux et objectifs de chacun des lots étant très limitée dans l'avis d'appel public à la concurrence. Ces irrégularités ont conduit le juge à annuler la procédure de passation, considérant qu'elles étaient susceptibles d'avoir lésé la société requérante. .

Cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris, porte sur un référé précontractuel introduit par la société Softway Medical Imaging contre la procédure de passation d'un accord-cadre lancée par le Groupement d'Intérêt Public (GIP) SESAN pour la mise en place d'une plateforme régionale d'imagerie médicale.

Le juge des référés annule la procédure de passation des lots 1 et 2 de cet accord-cadre en raison de manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, susceptibles d'avoir lésé la société requérante.

Rappel des faits et de la procédure

Le 15 mai 2024, le GIP SESAN a publié un avis d'appel public à la concurrence pour la passation d'un accord-cadre relatif à la mise en place d'une plateforme régionale d'imagerie médicale, dénommée S-PRIM (Services partagés régionaux en imagerie médicale) - 2ème génération.

La procédure, menée sous la forme d'une procédure avec négociation limitée à quatre candidats, comportait deux lots :

  • Lot 1 : fourniture et mise en œuvre d'un service PACS (Picture Archiving and Communications System)
  • Lot 2 : fourniture et mise en œuvre d'un service VNA (Vendor Neutral Archive)

La société Softway Medical Imaging a candidaté pour les deux lots. Par courriers du 17 juillet 2024, le pouvoir adjudicateur l'a informée du rejet de sa candidature, classée en 5ème position pour chacun des deux lots.

Estimant que la procédure de consultation était entachée d'irrégularités, la société a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris sur le fondement de l'article L551-1 du code de justice administrative (CJA).

Analyse des moyens

Le juge des référés examine deux principaux griefs soulevés par la société requérante, relatifs aux conditions de participation à la procédure et aux critères de sélection des candidatures.

Sur les conditions de participation à la procédure

Le juge rappelle le cadre juridique applicable en matière de conditions de participation à une procédure de passation d'un marché public.

L'article L2142-1 du code de la commande publique (CCP) dispose que : "L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché."

L'article R2142-15 du CCP permet à l'acheteur de limiter le nombre de candidats admis à soumissionner ou à participer au dialogue.

L'article R2142-16 du CCP précise que l'acheteur doit indiquer "dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt, les critères objectifs et non-discriminatoires qu'il prévoit d'appliquer à cet effet".

L'article R2142-13 du CCP autorise l'acheteur à imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l'expérience nécessaires pour exécuter le marché.

Enfin, l'article R2143-11 du CCP limite les renseignements et documents que l'acheteur peut exiger pour vérifier que les candidats satisfont aux conditions de participation à ceux figurant dans l'arrêté du 22 mars 2019 annexé au code de la commande publique.

Le juge en déduit que lorsqu'un acheteur entend limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre, il ne peut déroger aux dispositions générales des conditions de participation et imposer aux candidats de produire d'autres renseignements et documents que ceux limitativement prévus par l'arrêté du 22 mars 2019.

Sur les critères de sélection des candidatures

Le juge examine ensuite les critères de sélection des candidatures fixés par le GIP SESAN dans l'avis d'appel public à la concurrence du 15 mai 2024 :

1) Pertinence et qualité des références fournies par le prestataire (40%)

2) Qualité des effectifs dédiés au projet (15%)

3) Compréhension du projet et de ses enjeux au regard de la note d'intention produite par les candidats (45%)

Le juge relève deux irrégularités dans ces critères :

1. Sur la qualité des effectifs dédiés au projet

Le juge constate que le GIP SESAN a exigé des informations excédant ce qu'il pouvait demander en application de l'arrêté du 22 mars 2019, notamment :

  • Le total des effectifs affectés au projet (décomposition en profils junior/senior et expert)
  • Les CV des effectifs dédiés au projet
  • Le rôle spécifique tenu par chaque profil sur les différentes phases d'exécution du projet
  • Une note expliquant la constitution des effectifs pour le projet et la méthodologie de travail envisagée

Le juge considère que ces exigences vont au-delà de ce que permet l'article 3 de l'arrêté du 22 mars 2019, qui se limite à autoriser :

  • "Une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du candidat et l'importance du personnel d'encadrement pendant les trois dernières années"
  • "L'indication des titres d'études et professionnels du candidat ou des cadres de l'entreprise, et notamment des responsables de prestation de services ou de conduite des travaux de même nature que celle du marché public"

2. Sur la compréhension du projet et de ses enjeux

Le juge relève deux problèmes concernant ce critère :

a) La production d'une "note d'intention" n'est pas prévue par l'arrêté du 22 mars 2019 comme un renseignement pouvant être demandé aux soumissionnaires en phase d'analyse des candidatures.

b) La définition de ce critère est imprécise. Le juge souligne que la description des enjeux et objectifs de chacun des lots, qui relève de la détermination des besoins essentiels de l'acheteur, est très limitée dans l'avis d'appel public à la concurrence. En effet, le paragraphe 5.1 de l'avis se borne à préciser que le lot 1 "consiste en la fourniture d'un service de diagnostic et de collaboration pour les structures productrices d'imagerie médicale" et que le lot 2 "consiste en la fourniture d'un service de conservation des données pour les structures productrices d'imagerie médicale".

Le juge conclut que ces irrégularités constituent des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, susceptibles d'avoir lésé la société requérante, eu égard aux notes attribuées en particulier au titre de ce critère.

Portée de la décision

Cette ordonnance apporte plusieurs enseignements.

Les acheteurs publics doivent strictement respecter les dispositions de l'arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des renseignements et documents pouvant être demandés aux candidats, même lorsqu'ils entendent limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre.

Il est important de définir avec précision les critères de sélection des candidatures, en particulier lorsqu'il s'agit d'apprécier la compréhension du projet et de ses enjeux par les candidats.

Il faut prendre garde à ne pas demander, dès le stade de l'analyse des candidatures, des éléments relevant davantage de l'analyse des offres (comme une note d'intention détaillée ou la composition précise de l'équipe projet).

Elle confirme que le juge des référés précontractuels exerce un contrôle approfondi sur la régularité de la procédure de passation, y compris sur les critères de sélection des candidatures.

 Elle applique le principe selon lequel il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

[...]

1. Le Groupement d'Intérêt Public (GIP) SESAN (Service Numérique de Santé), a publié le 15 mai 2024 un avis d'appel public à la concurrence au bulletin officiel des annonces de marchés publics en vue de la passation d'un accord-cadre relatif à la mise en place de la plateforme régionale d'imagerie médicale S-PRIM (Services partagés régionaux en imagerie médicale) - 2ème génération, pour les services de diagnostic, de collaboration et de conservation des données pour les structures productrices d'imagerie médicale d'Ile de France. Cette procédure avec négociation, limitée à quatre candidats, comportait un premier lot relatif à la fourniture et mise en œuvre d'un service PACS (Picture Archiving and Communications System) et un second lot relatif à la fourniture et mise en œuvre d'un service VNA (Vendor Neutral Archive). La société softway medical imaging a candidaté au titre des deux lots et, par courriers du 17 juillet 2024, le pouvoir adjudicateur l'a informée du rejet de sa candidature arrivée en 5ème position dans chacun de ces deux lots. Cette dernière, qui estime que la procédure de consultation a été entachée de plusieurs irrégularités en demande son annulation.

[...]

4. Aux termes de l'article L. 2142-1 du code de la commande publique : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. ". Lorsqu'en application de l'article R. 2142-15 dudit code, un acheteur entend limiter le nombre de candidats admis à soumissionner ou à participer au dialogue, les dispositions de l'article R. 2142-16 précisent que l'acheteur indique " () dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt, les critères objectifs et non-discriminatoires qu'il prévoit d'appliquer à cet effet, (). ". Selon l'article R. 2142-13 du même code : " L'acheteur peut imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l'expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié. A cette fin, dans les marchés de services () comprenant des prestations de service, l'acheteur peut imposer aux candidats qu'ils indiquent les noms et les qualifications professionnelles pertinentes des personnes physiques qui seront chargées de l'exécution du marché en question. ". Enfin aux termes de l'article R 2143-11 dudit code : " Pour vérifier que les candidats satisfont aux conditions de participation à la procédure, l'acheteur peut exiger la production des renseignements et documents dont la liste figure dans un arrêté annexé au présent code. ". Il résulte de ces dispositions, toutes relatives aux conditions de participation à la phase de candidature, que lorsqu'il entend limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre, l'acheteur ne peut déroger aux dispositions générales des conditions de participation et imposer aux candidats de produire d'autres renseignements et documents que ceux limitativement prévus par l'arrêté susvisé du 22 mars 2019 annexé au code de la commande publique.

5. En l'espèce, le GIP SESAN a indiqué dans un avis d'appel public à la concurrence publié le 15 mai 2024, que les quatre candidats qu'il entendait autoriser à présenter une offre, seraient sélectionnés sur la base de trois critères identiques aux deux lots, tenant d'abord à la pertinence et à la qualité des références fournies par le prestataire pour 40 %, ensuite à la qualité des effectifs dédiés au projet pour 15 % et enfin, à la compréhension du projet et de ses enjeux au regard de la note d'intention que doivent produire les candidats à cet effet, ce dernier critère étant pondéré à 45 %.

6. L'article 3 de l'arrêté susvisé du 22 mars 2019 prévoit que " I.'-'Dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités techniques et professionnelles des candidats, l'acheteur peut exiger un ou plusieurs renseignements ou documents figurant dans la liste ci-dessous. Pour les marchés publics autres que de défense ou de sécurité, cette liste est limitative. / () 3° Une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du candidat et l'importance du personnel d'encadrement pendant les trois dernières années'; / 4° Pour les marchés publics (), de services () l'indication des titres d'études et professionnels du candidat ou des cadres de l'entreprise, et notamment des responsables de prestation de services ou de conduite des travaux de même nature que celle du marché public ".

7. En premier lieu, au titre de la phase d'examen des candidatures, pour apprécier les capacités techniques et professionnelles des candidats, l'avis de marché du 15 mai 2024 vise la " qualité des effectifs dédiés au projet " appréciée en fonction de la " composition de l'équipe projet et de la qualification/expériences des effectifs spécifiquement affectés au projet et, de la cohérence de l'équipe spécifiquement proposée au regard du projet " et, les articles 3.3, 3.4 et 3.6 du règlement de consultation exigent des candidats, la fourniture du " total des effectifs affectés au projet (décomposition en profils junior/senior et expert). () les CV des effectifs dédiés au projet indiquant pour chaque type de profil : () ; le rôle spécifique tenu par chaque profil sur les différentes phases d'exécution du projet et une note de 2 pages expliquant la constitution des effectifs pour le projet et la méthodologie de travail envisagée ". Il résulte de ce qui précède que le GIP SESAN, pour procéder à la sélection des candidats admis à présenter une offre, a exigé, dans l'avis de marché du 15 mai 2024 et le règlement de consultation, les informations précitées qui, à supposer même qu'elles ne relèvent pas de la phase d'analyse des offres, excédaient en tout état de cause, ce qu'il pouvait exiger en application de l'arrêté du 22 mars 2019.

6. En second lieu, il résulte des mêmes articles 3.3, 3.4 et 3.6 du règlement de consultation, que pour apprécier les capacités techniques et professionnelles des candidats, le GIP SESAN, a également exigé des soumissionnaires la production d'une " note d'intention " constituant aussi le principal critère, pondéré à 45 %, de sélection des quatre candidats autorisés à présenter une offre. D'une part, il est constant qu'une telle note explicitant les enjeux et risques du projet, et présentant les facteurs de succès du soumissionnaire, n'est pas au nombre des renseignements que l'acheteur, en application de l'arrêté du 22 mars 2019, est susceptible de demander aux soumissionnaires en phase d'analyse des candidatures. D'autre part il résulte de l'examen du règlement de consultation que la définition de ce critère se borne à indiquer qu'il consiste en " une note d'intention présentant la compréhension du candidat des enjeux et objectifs du projet. Le candidat présentera notamment sa capacité à répondre à ces enjeux et indiquer les facteurs clés de succès ainsi que les risques. ", alors que la définition même des enjeux et objectifs de chacun des lots, qui relève de la détermination des besoins essentiels de l'acheteur et, pour lequel le GIP a rappelé en audience le caractère particulièrement technique et les forts enjeux en matière de sécurisation et de continuité du service, se limite en l'état des pièces produites au dossier, à la description de chacun des lots au paragraphe 5.1 de l'avis d'appel public à la concurrence publié le 15 mai 2024, qui se borne à préciser que le lot 1 " consiste en la fourniture d'un service de diagnostic et de collaboration pour les structures productrices d'imagerie médicale " et que le lot 2 " consiste en la fourniture d'un service de conservation des données pour les structures productrices d'imagerie médicale ". Dans ces conditions, en raison de cette imprécision du principal critère de sélection des candidats et pour lequel le pouvoir adjudicateur a de nouveau exigé, la production d'un document et de renseignements qui, à supposer même qu'ils ne relèvent pas de la phase d'analyse des offres, excédaient en tout état de cause, ce qu'il pouvait exiger en application de l'arrêté du 22 mars 2019, la société requérante est fondée à soutenir que le GIP SESAN a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence et, qu'eu égard aux notes attribuées en particulier au titre de ce critère, ces manquements sont susceptibles de l'avoir lésée.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la procédure de passation des lots 1 et 2 de l'accord-cadre relatif à la mise en place de la plateforme régionale d'imagerie médicale S-PRIM doit être annulée..

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