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CE, 18 juillet 2024, n° 492880 - Méthode de notation des offres et couleurs

CE, 18 juillet 2024, n° 492880 - Méthode de notation des offres reposant sur des couleurs et inégalité de traitement

Cette décision du Conseil d'État rappelle l'application des principes fondamentaux de la commande publique, notamment l'égalité de traitement des candidats. Elle illustre également l'approche pragmatique du juge dans l'appréciation des manquements invoqués, en tenant compte de leur impact réel sur la situation des candidats évincés.

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2024-07-18/492880

La commune de Menton procédait à la passation d'une délégation de service public pour l'exploitation de cinq lots de la plage des Sablettes à Menton. Les requérants, ont été informés que leurs offres pour les lots n°1 et 9 n'ont pas été retenues par la commission de délégation de service public. Ils ont alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative pour demander l'annulation des procédures de passation des concessions des lots n°1 et 9.

Le juge des référés a annulé ces procédures par une ordonnance du 8 mars 2024. La commune de Menton s'est pourvue en cassation contre cette ordonnance. Le Conseil d'Etat a été saisi pour statuer sur cette affaire.

Égalité de traitement des candidats

Le Conseil d'État valide l'appréciation du juge des référés qui a constaté une rupture d'égalité dans le traitement des offres. En effet, des documents présentant des non-conformités similaires ont été notés différemment selon les candidats (considérant 6).

Cette différence de traitement constitue une méconnaissance du "principe d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures".

Ce principe, consacré par la jurisprudence et désormais codifié à l'article L3 du Code de la commande publique, est fondamental dans le droit de la commande publique.

Portée de l'annulation

Le Conseil d'État censure partiellement l'ordonnance du juge des référés en ce qu'elle a annulé l'intégralité de la procédure (considérant 7). Il estime que le manquement constaté ne concernait que la phase d'admission des candidats à la négociation. Par conséquent, seule cette phase de la procédure aurait dû être annulée.

Méthode de calcul de la valeur estimée du contrat

Le Conseil d'État examine le moyen tiré de l'absence de précision sur la méthode de calcul de la valeur estimée des contrats de concession (considérants 9 et 10). Il rappelle l'obligation prévue à l'article R3121-1 du Code de la commande publique de préciser cette méthode dans les documents de la consultation.

Toutefois, le juge considère que ce manquement n'a pas été susceptible de léser les requérants, qui ont pu remettre leurs candidatures. Cette approche s'inscrit dans la logique de l'arrêt "SMIRGEOMES", qui exige que le manquement invoqué soit susceptible d'avoir lésé ou risqué de léser le requérant.

[…]

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis du 3 octobre 2023, la commune de Menton a lancé une procédure d'appel d'offres en vue de l'attribution de la délégation de service public portant sur l'exploitation de cinq lots de la plage des Sablettes à Menton. Par courrier du 6 février 2024, la commune de Menton a informé MM. B... et D... que les offres qu'ils avaient déposées pour les lots n os 1 et 9 ne faisaient pas partie de celles retenues par la commission de délégation de service public. La commune de Menton se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 mars 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a, à la demande de MM. B... et D..., annulé les procédures de passation des concessions des lots nos 1 et 9.

[…]

3. En premier lieu, la circonstance que l'offre du concurrent évincé, auteur du référé contractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire du contrat en litige.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que les lots nos 1 et 9 ont été respectivement attribués à la société AJP solutions et à la société SLC Développement III. Par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, le juge des référés a relevé que les offres de ces candidats comportaient, comme celles des requérants qui n'ont pourtant pas été admis à négocier, des non-conformités et insuffisances au regard du règlement de la consultation. Par suite, la circonstance que, par des motifs surabondants, le juge des référés a relevé que des offres non retenues étaient également irrégulières n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'erreur de droit l'ordonnance attaquée.

5. En deuxième lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi au choix de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

6. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés a constaté que des documents non-conformes ou insuffisants ont été notés " rouge " s'agissant des offres de MM. B... et D... alors que des documents présentés par des candidats admis à négocier et affectés de ces mêmes manquements ont été notés " jaune " ou " vert ". Le juge des référés en a conclu, au terme d'une appréciation souveraine des faits et sans se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres, que l'autorité concédante avait méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Par suite, les moyens tirés de ce que le juge des référés aurait commis une erreur de droit, méconnu son office et dénaturé les pièces du dossier ne peuvent qu'être écartés.

7. Toutefois, compte tenu du manquement relevé qui se rapportait à la phase d'admission des candidats à la négociation, le juge des référés a commis une erreur de droit en annulant l'ensemble de la procédure. Par suite, la commune de Menton est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice en tant seulement qu'elle a annulé la procédure d'attribution des concessions pour les lots nos 1 et 9 à un stade antérieur à la phase d'admission des candidats à négocier.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. Aux termes de l'article R. 3121-1 du code de la commande publique : " La valeur estimée du contrat de concession est calculée selon une méthode objective, précisée dans les documents de la consultation mentionnés à l'article R. 3122-7. Elle correspond au chiffre d'affaires total hors taxes du concessionnaire pendant la durée du contrat. / Le choix de la méthode de calcul utilisée par l'autorité concédante ne peut avoir pour effet de soustraire le contrat de concession aux dispositions du présent livre qui lui sont applicables, notamment en scindant les travaux ou services ".

10. Il résulte de l'instruction que l'avis de concession publié par la commune de Menton indiquait une valeur estimée de 300 000 euros hors taxes sur une durée de 144 mois pour le lot n° 1 et une valeur estimée de 360 000 euros hors taxes sur une durée de 144 mois pour le lot n° 9. Toutefois, si ni cet avis ni le règlement de la consultation ne comportaient d'indication sur la méthode de calcul de la valeur estimée des contrats, le moyen tiré de ce que la commune n'a pas précisé la méthode de calcul de la valeur estimée des contrats de concession pour les lots nos 1 et 9 ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant été susceptible de léser MM. B... et D... qui n'ont pas été dissuadés de remettre leurs candidatures et qui étaient, au surplus, en mesure de demander des précisions après la sélection de leurs candidatures.

11. MM. B... et D... ne se prévalant d'aucun autre manquement antérieur à la phase d'admission à la négociation, leurs conclusions tendant à l'annulation de l'ensemble des procédures de délégation des lots nos 1 et 9 ne peuvent qu'être rejetées.

[…]

L'article 1er de l'ordonnance du 8 mars 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a annulé les procédures de délégation de service public pour la concession des lots nos 1 et 9 de l'exploitation de la plage des Sablettes à Menton à un stade antérieur à la phase d'admission des candidats à négocier.

[…]

MAJ 23/07/23 - Source legifrance

Jurisprudence

CE, 3 mai 2022, n° 459678 (Validation d'une méthode d’évaluation reposant sur des flèches de couleur pour l’attribution d’un contrat de concession. Dans le cadre de cette méthode, une flèche verte orientée vers le haut représentait la meilleure appréciation, une flèche rouge vers le bas la moins bonne, tandis que des flèches orange orientées en haut à droite ou en bas à droite constituaient deux évaluations intermédiaires. Enfin, offres ayant été classées au regard de l’appréciation que l’autorité concédante avait portée sur chacun des critères. Cette méthode d’évaluation des offres, qui permet de comparer et de classer tant les évaluations portées sur une même offre au titre de chaque critère que les différentes offres entre elles, n’est pas de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et n’est, par suite, pas entachée d’irrégularité).