Conseil d’Etat, 17 octobre 2023, n° 469071, SIEL Territoire d’énergie Loire - Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Paiement direct du sous-traitant : le refus opposé par l’entrepreneur principal à une telle demande fait obstacle à ce droit au paiement par le maitre d’ouvrage. Le Conseil d’État précise les conséquences que le maître d’ouvrage doit tirer d’une opposition du titulaire au paiement direct.
Il résulte de la combinaison des articles 8 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et de l'article 116 du code des marchés publics (CMP) que, pour obtenir le paiement direct par le maître d’ouvrage de tout ou partie des prestations qu’il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l’entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s’il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l’issue de cette procédure, le maître d’ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s’il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d’exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s’opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir, auprès du maître d’ouvrage, d’un droit à ce paiement. Le refus motivé du titulaire du marché d’accepter la demande de paiement direct du sous-traitant, notifié dans le délai de quinze jours à compter de sa réception, fait également obstacle à ce que le sous-traitant puisse se prévaloir, auprès du maître d’ouvrage, d’un droit à ce paiement.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000048222718
Résumé
Le litige en l'espèce concerne une demande de paiement direct en sous-traitance dans le cadre d'un marché public de travaux attribué par le Syndicat Intercommunal d'Énergies du Département de la Loire (SIEL Territoire d'énergie Loire) à un groupement d'entreprises solidaires.
Un membre du groupement a sous-traité la réalisation de prestations à la société NGE Infranet.
Le SIEL a accepté ce sous-traitant et agréé ses conditions de paiement pour les prestations. Le SIEL ayant refusé de procéder au paiement direct du sous-traitant, ce dernier a demandé au tribunal administratif de condamner le SIEL à lui verser les sommes au titre des travaux réalisés.
A la suite du rejet de la requête par le tribunal administratif, la cour administrative d’appel a partiellement fait droit à ses conclusions en condamnant le SIEL à verser à la société une somme au titre de certaines prestations qu'elle a réalisées.
Le SIEL Territoire d'énergie Loire se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
Dispositions de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance et l'article 116 du code des marchés publics
Le Conseil d’Etat rappelle les dispositions de l'article 8 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance et de l'article 116 du code des marchés publics alors en vigueur désormais codifiées aux articles R2193-11 à R2193-16 du code de la commande publique).
Conformément à ces dispositions, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, plusieurs étapes doivent être suivies :
- Le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché.
- Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande.
- Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception.
- A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct.
« Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement. Le refus motivé du titulaire du marché d'accepter la demande de paiement direct du sous-traitant, notifié dans le délai de quinze jours à compter de sa réception, fait également obstacle à ce que le sous-traitant puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement. »
Le refus motivé de l'entrepreneur principal justifie le rejet de la demande de paiement direct
En l’espèce la société NGE Infranet a adressé au SIEL Territoire d'énergie Loire une demande de paiement direct au titre des prestations effectuées au maître d'ouvrage et à la société mandataire du groupement titulaire.
Or la société, membre du groupement titulaire qui a contracté avec ce sous-traitant, a manifesté son opposition expresse et motivée à ce paiement, d'une part au SIEL, d'autre part, à la société NGE Infranet, dans le délai de quinze jours imparti par les dispositions précitées.
L’entrepreneur principal a notifié son refus motivé d'accepter la demande de paiement direct de la société NGE Infranet dans le délai imparti. Par cette seule raison, le SIEL Territoire d'énergie était donc fondé à refuser le paiement direct.
En conséquence, le SIEL Territoire d'énergie peut soutenir que la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit en le condamnant à verser une somme à la société NGE Infranet au titre de certaines prestations sous-traitées.
Texte
[...]
2. Aux termes de l'article 6 de la loi du 31
décembre 1975 relative à la sous-traitance : "
Le sous-traitant direct du titulaire du marché
qui a été accepté et dont les conditions de
paiement ont été agréées par le maître de
l'ouvrage, est payé directement par lui pour la
part du marché dont il assure l'exécution (...)
". Aux termes de l'article 8 de la même loi : "
L'entrepreneur principal dispose d'un délai de
quinze jours, comptés à partir de la réception
des pièces justificatives servant de base au
paiement direct, pour les revêtir de son
acceptation ou pour signifier au sous-traitant
son refus motivé d'acceptation. / Passé ce
délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir
accepté celles des pièces justificatives ou des
parties de pièces justificatives qu'il n'a pas
expressément acceptées ou refusées. / Les
notifications prévues à l'alinéa 1er sont
adressées par lettre recommandée avec accusé de
réception ". Aux termes de l'article 116 du code
des marchés publics alors en vigueur : " Le
sous-traitant adresse sa demande de paiement
libellée au nom du pouvoir adjudicateur au
titulaire du marché, sous pli recommandé avec
accusé de réception (...) / Le titulaire dispose
d'un délai de quinze jours à compter de la
signature de l'accusé de réception ou du
récépissé pour donner son accord ou notifier un
refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre
part, au pouvoir adjudicateur (...) / Le
sous-traitant adresse également sa demande de
paiement au pouvoir adjudicateur (...),
accompagnée des factures et de l'accusé de
réception ou du récépissé attestant que le
titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis
postal attestant que le pli a été refusé ou n'a
pas été réclamé. / Le pouvoir adjudicateur (...)
adresse sans délai au titulaire une copie des
factures produites par le sous-traitant. / Le
pouvoir adjudicateur procède au paiement du
sous-traitant (...) / Le pouvoir adjudicateur
informe le titulaire des paiements qu'il
effectue au sous-traitant ".
3. Il
résulte de la combinaison de ces dispositions
que, pour obtenir le paiement direct par le
maître d'ouvrage de tout ou partie des
prestations qu'il a exécutées dans le cadre de
son contrat de sous-traitance, le sous-traitant
régulièrement agréé doit adresser sa demande de
paiement direct à l'entrepreneur principal,
titulaire du marché. Il appartient ensuite au
titulaire du marché de donner son accord à la
demande de paiement direct ou de signifier son
refus dans un délai de quinze jours à compter de
la réception de cette demande. Le titulaire du
marché est réputé avoir accepté cette demande
s'il garde le silence pendant plus de quinze
jours à compter de sa réception. A l'issue de
cette procédure, le maître d'ouvrage procède au
paiement direct du sous-traitant régulièrement
agréé si le titulaire du marché a donné son
accord ou s'il est réputé avoir accepté la
demande de paiement direct. Cette procédure a
pour objet de permettre au titulaire du marché
d'exercer un contrôle sur les pièces transmises
par le sous-traitant et de s'opposer, le cas
échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance
par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce
qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître
d'ouvrage, d'un droit à ce paiement. Le refus
motivé du titulaire du marché d'accepter la
demande de paiement direct du sous-traitant,
notifié dans le délai de quinze jours à compter
de sa réception, fait également obstacle à ce
que le sous-traitant puisse se prévaloir, auprès
du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis
aux juges du fond que la société NGE Infranet a
adressé au SIEL Territoire d'énergie Loire une
demande de paiement direct au titre des
prestations effectuées pour les points de
mutualisation n°s 170, 171 et 161 par un
courrier du 7 mai 2018 reçu par le maître
d'ouvrage le 11 mai 2018 et par la société
Serpollet, mandataire du groupement titulaire,
le 14 mai 2018. Or la société SERP, membre du
groupement titulaire qui a contracté avec ce
sous-traitant, a manifesté son opposition
expresse et motivée à ce paiement, d'une part,
par un courrier du 18 mai 2018 adressé au SIEL
Territoire d'énergie Loire et, d'autre part, par
un courrier de la même date adressé à la société
NGE Infranet, tous deux reçus le 23 mai 2018,
soit dans le délai de quinze jours imparti par
les dispositions mentionnées au point 2. Le
titulaire du marché ayant ainsi notifié son
refus motivé d'accepter la demande de paiement
direct formée par la société NGE Infranet dans
le délai de quinze jours qui lui était imparti,
le SIEL Territoire d'énergie était, par suite,
fondé, pour ce seul motif, qu'il avait
d'ailleurs opposé à la société NGE Infranet dès
son courrier du 24 mai 2018 rejetant sa demande
de paiement direct, à refuser de procéder à ce
paiement. Par suite, le SIEL Territoire
d'énergie est fondé à soutenir, par ce moyen
qui, contrairement à ce qui est soutenu en
défense, n'est pas soulevé pour la première fois
en cassation, qu'en le condamnant à verser la
somme de 42 963,91 euros toutes taxes comprises
à la société NGE Infranet au titre des
prestations qu'elle a réalisées pour le point de
mutualisation n° 170, la cour administrative
d'appel de Lyon a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans
qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre
moyen du pourvoi, que les articles 1er, 2 et 3
de l'arrêt attaqué doivent être annulés.
[...]
MAJ 18/10/2023 - Source legifrance
Jurisprudence
CE, 17 octobre 2023, n° 465913 (Paiement direct du sous-traitant : Des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d'un marché déterminé peuvent-il être regardés, pour l'application des relatives à la sous-traitance, comme de simples fournitures ? Le refus motivé par le titulaire de paiement direct du sous-traitant doit s’effectuer dans les délais).
CE, 19 avril 2017, n° 396174, Département de l'Hérault (Le sous-traitant a droit au paiement direct mais il doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal. La méconnaissance de la procédure l’empêche de se prévaloir d'un droit au paiement direct auprès du maître d'ouvrage. Le bénéfice du paiement direct est subordonné au respect de la procédure prévue par les dispositions de l’article 8 de la et de l’article 116 du code des marchés publics (repris au I de l'article 136 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, puis dans le code de la commande publique : Article R2193-11, Article R2193-12, Article R2193-14, Article R2193-15). Faute d’avoir respecté une telle procédure, un sous-traitant ne peut utilement se prévaloir d’un droit au paiement direct).