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jurisprudence

Conseil d’Etat, 12 janvier 2011, n° 334320, Société Léon GROSSE - Mentionné dans les tables du recueil Lebon

Conséquences d'une contradiction entre documents contractuels concernant la date de début d'exécution d'un marché public. Si une stipulation prévoyant un commencement d'exécution avant notification, en violation de l'article 81 du code des marchés publics, peut potentiellement entacher d'illicéité le contenu du contrat, elle n'entraîne pas automatiquement sa nullité. La hiérarchie des documents contractuels, lorsqu'elle est explicitement prévue, doit être respectée. Ainsi, quand l'acte d'engagement, document contractuel principal, stipule une prise d'effet conforme à la réglementation, la présence d'une date d'exécution anticipée dans un document de rang inférieur est sans incidence sur la validité du marché.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000023429750/ 

La présence d'une stipulation contraire à l'article 81 du code des marchés publics dans un document contractuel secondaire, prévoyant un commencement d'exécution avant notification du marché, n'entache pas de nullité le contrat dès lors que l'acte d'engagement, document contractuel principal, stipule une date de prise d'effet conforme à la réglementation.

En l’espèce, le Conseil d'État précise la hiérarchie des documents contractuels et leurs effets sur la validité d'un marché public.

Cela concernait un marché de rénovation et d'entretien du lycée Chatelet à Douai, conclu en 1998 entre la région Nord-Pas-de-Calais et la société Léon Grosse pour un montant de plus de 26 millions d'euros.

Le litige trouve son origine dans une demande d'indemnisation de la société Léon Grosse pour des travaux supplémentaires de désamiantage et des surcoûts liés au bouleversement du calendrier d'exécution. Le tribunal administratif de Lille avait soulevé d'office la nullité du marché, confirmée ensuite par la cour administrative d'appel de Douai. Cette dernière s'était fondée sur la présence, dans le document intitulé "Phasage prévisionnel des travaux", d'une date de début des travaux (1er février 1998) antérieure à la conclusion (21 avril 1998) et à la notification du marché (13 mai 1998).

Le Conseil d'État censure cette analyse en développant un raisonnement en deux temps.

Tout d'abord, la Haute juridiction pose le principe selon lequel "la présence parmi les documents contractuels d'un marché d'une stipulation prévoyant un commencement d'exécution avant sa conclusion, et donc avant sa notification en méconnaissance des dispositions de l'article 81 du code des marchés publics, pourrait être de nature à entacher d'illicéité le contenu du contrat". Cette formulation prudente ("pourrait") laisse entendre que la simple présence d'une telle stipulation n'entraîne pas automatiquement la nullité du marché.

Ensuite, le Conseil d'État examine la hiérarchie des documents contractuels établie par le cahier des charges. Il relève que l'article 43 de ce document établissait un ordre de priorité décroissant, plaçant l'acte d'engagement en première position dans la catégorie "Documents particuliers", tandis que le calendrier prévisionnel n'apparaissait qu'en troisième position. Or, l'acte d'engagement stipulait expressément que "le marché prendrait effet à compter de sa date de notification".

Cette analyse conduit le Conseil d'État à identifier deux erreurs de la cour administrative d'appel à savoir une erreur de droit et une dénaturation des clauses du contrat. En faisant prévaloir les stipulations du phasage prévisionnel sur celles de l'acte d'engagement, la cour a méconnu la hiérarchie contractuelle explicitement prévue par les parties.

Cette solution évite qu'une contradiction entre documents contractuels n'entraîne systématiquement la nullité du contrat, tout en réaffirmant le principe fondamental de l'interdiction du commencement d'exécution avant notification, désormais codifié à l'article L.2131-1 du code de la commande publique.

[...]

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la région Nord-Pas-de-Calais et le groupement d'entreprises Léon Grosse Rémy, représenté par la SOCIETE LEON GROSSE, ont conclu le 21 avril 1998 un marché d'une durée de dix ans et d'un montant de 171 221 011,11 francs (26 102 474,87 euros) portant sur des travaux de rénovation et d'entretien du lycée Chatelet à Douai ; que, par requête enregistrée le 2 juin 2003, la SOCIETE LEON GROSSE a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande de condamnation de la région Nord-Pas-de-Calais à lui payer une somme de 1 552 505,51 euros toutes taxes comprises ainsi que les intérêts moratoires afférents à cette somme et 50 000 euros d'intérêts compensatoires en conséquence de travaux supplémentaires constitués par le désamiantage des colles de revêtements de sols et de surcoûts résultant du bouleversement du calendrier d'exécution des travaux ; que, par jugement du 9 janvier 2007, le tribunal administratif de Lille a soulevé d'office la nullité du marché et a rejeté sa demande ; que la SOCIETE LEON GROSSE a relevé appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel de Douai à laquelle elle a demandé d'annuler le jugement et de condamner la région Nord-Pas-de-Calais, à titre principal, à lui payer ces mêmes sommes sur le fondement de la responsabilité contractuelle et, à titre subsidiaire, à lui payer une somme de 214 086,61 euros hors taxes au titre de l'enrichissement sans cause et une somme de 1 083 994,92 euros sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de la région Nord-Pas-de-Calais ; que la SOCIETE LEON GROSSE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir confirmé la nullité du marché, a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur l'enrichissement sans cause de la région Nord-Pas-de-Calais, condamné cette dernière à lui verser une somme de 373 520,70 euros sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle et rejeté le surplus de ses conclusions ;

Considérant que, pour constater la nullité du marché conclu entre la SOCIETE LEON GROSSE et la région Nord-Pas-de-Calais, la cour administrative d'appel de Douai, après avoir relevé que le document contractuel intitulé Phasage prévisionnel des travaux établi par la SOCIETE LEON GROSSE et signé par la région Nord-Pas-de-Calais prévoyait que les travaux de rénovation du lycée Chatelet à Douai devaient débuter le 1er février 1998, soit à une date antérieure à la conclusion et à la notification du marché qui sont intervenues respectivement les 21 avril et 13 mai 1998, a considéré que, nonobstant l'article 4 de l'acte d'engagement stipulant que le marché prendrait effet à compter de sa date de notification, la date prévue de commencement de l'exécution du marché avait été fixée en méconnaissance des dispositions de l'article 250 du code des marchés publics alors en vigueur imposant la notification du marché avant tout commencement d'exécution ;

Considérant que si la présence parmi les documents contractuels d'un marché d'une stipulation prévoyant un commencement d'exécution avant sa conclusion, et donc avant sa notification en méconnaissance des dispositions de l'article 81 du code des marchés publics, pourrait être de nature à entacher d'illicéité le contenu du contrat et à justifier en conséquence qu'il n'en soit pas fait application , il ressort en l'espèce des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'article 43 du cahier des charges intitulé Documents contractuels , qui fixait la liste des documents contractuels constitutifs du marché, stipulait que ces documents étaient énumérés par ordre de priorité décroissante et mentionnait en premier lieu, dans la catégorie Documents particuliers , l'acte d'engagement, lequel, ainsi que l'a d'ailleurs relevé la cour administrative d'appel de Douai, stipulait que le marché prendrait effet à compter de sa date de notification, alors que le calendrier prévisionnel d'exécution des travaux, qui prévoyait un commencement d'exécution avant la notification et même la conclusion du marché, ne figurait qu'en troisième position au sein de ces documents ; que, par suite, en faisant prévaloir les stipulations du document contractuel intitulé Phasage prévisionnel des travaux sur celles de l'acte d'engagement pour considérer que le marché stipulait une date de commencement d'exécution antérieure à la date de sa conclusion et de sa notification et qu'il était en conséquence nul et ne pouvait recevoir application dans le litige qui lui était soumis, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit et dénaturé les clauses du contrat ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Douai et, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions du pourvoi incident présentées par la région Nord-Pas-de-Calais ;

[...]

Jurisprudence

CAA Nantes, 10 février 2012, n° 10NT02502, Sarl QUADRIA (Attention à la prévalence des pièces contractuelles du marché. Les dispositions de l’acte d'engagement prévalent sur celles du cahier des clauses administratives particulières et s’imposent contractuellement pour l’exécution du marché, lorsque telle est la volonté des parties formulée dans les documents de la consultation)

CE, 23 novembre 2011, n° 350519, Département des Bouches-du-Rhône (Un manquement se rapportant à la composition même des offres des entreprises, comme la méconnaissance des exigences d'un programme fonctionnel, doit conduire à l'annulation de l'ensemble des étapes postérieures de la procédure de passation. Un tel vice révèle l'inadaptation des offres aux besoins à satisfaire et affecte leur comparaison. Des documents de la consultation contradictoires et susceptibles d’induire en erreur les candidats, alors même que la contradiction résulterait d’une annexe non contraignante du règlement de la consultation, constituent un manquement aux obligations de mise concurrence).

CAA Bordeaux, 11 mars 2008,  req n° 06BX00950 et 06BX02599, Compagnie AGF c/ Département de l'Aveyron (Prévalence des pièces des pièces constitutives d'un marché (marché d'assurances)