CAA Marseille, 12 mars 2007, n°04MA00643, Commune de Bollène
Utilisation de la procédure dérogatoire de marché négocié sans publicité préalable et sans mise en concurrence fondée sur l'urgence impérieuse prévue par l'article 35-II 1° du code des marchés publics. Ceci afin rétablir dans l'urgence les voies et chemins sinistrés afin d'assurer la sécurité et permettre une circulation normale.
Compte tenu des désordres affectant des ouvrages de soutènement de voirie et d'évacuation des eaux, de nouvelles et fortes précipitations pouvaient aggraver les risques pour la sécurité des personnes et des biens.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000018002217/
Texte
Cour Administrative d’Appel de Marseille
N° 04MA00643
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre - formation à 3
M. GUERRIVE, président
M. Jean-Baptiste BROSSIER, rapporteur
Melle JOSSET, commissaire du gouvernement
CABINET CHAMPAUZAC, avocat(s)
lecture du lundi 12 mars 2007
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 19 mars 2004 sous le n°0400643, présentée par Me Begon, avocat, pour la COMMUNE DE BOLLENE, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE BOLLENE demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n°0205958 du 9 décembre 2003, notifié le 22 janvier 2004, par lequel le Tribunal administratif de Marseille, à la demande de Mme Marie-Claude X, a annulé la délibération du 17 octobre 2002 par laquelle le conseil municipal de BOLLENE a autorisé son maire à signer un marché négocié avec la société Braja Vesigne ;
2°) de condamner Mme X à lui verser la somme de 2.500 euros en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 février 2007 :
- le rapport de M. Brossier, rapporteur ;
- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la COMMUNE DE BOLLENE a passé avec la société Braja Vesigne un marché négocié de travaux sans publicité préalable mais après mise en concurrence, dans le cadre dérogatoire prévu par l’article 35-II-1° du code des marchés publics ; qu’à la demande de Mme X, conseillère municipale de BOLLENE, le Tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du conseil municipal de cette commune en date du 17 octobre 2002 autorisant le maire à signer ce marché public, au motif que les travaux qu’il prévoyait ne présentaient pas, à la date du 17 octobre 2002, un caractère d’urgence impérieuse de nature à autoriser la mise en oeuvre de la procédure dérogatoire prévue par l’article 35-II-1° du code des marchés publics ;
Sur l’urgence impérieuse :
Considérant qu’aux termes de l’article 35-II-1° du code des marchés publics : «Peuvent être négociés sans publicité préalable mais avec mise en concurrence: 1° Les marchés pour lesquels l’urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour la personne responsable du marché n’est pas compatible avec les délais exigés par les procédures d’appel d’offres ou de marchés négociés précédés d’un avis d’appel public à la concurrence» ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les intempéries survenues les 8 et 9 septembre 2002 sur le territoire de la COMMUNE DE BOLLENE, à la suite desquelles un arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle a été pris le 19 septembre 2002 par le ministre de l’intérieur, ont entraîné des dégâts importants affectant la voirie communale ainsi que ses accotements et soutènements, notamment son réseau d’évacuation des eaux pluviales ; que le premier constat des dégâts le 16 septembre 2002 après le retrait des eaux ne comportait pas les éléments suffisants pour lancer une mise en concurrence ayant pour objet la mise en sécurité des voies et chemins sinistrés, contrairement à ce que soutient Mme X, dès lorsqu’il préconise un recensement détaillé des voies communales sinistrées ; que la définition précise des travaux indispensables de reconstruction, nécessaire pour rédiger un dossier complet, a pris trois semaines jusqu’au début du mois d’octobre 2002 ;
Considérant que compte tenu des désordres susmentionnés affectant des ouvrages de soutènement de voirie et d’évacuation des eaux, de nouvelles et fortes précipitations pouvaient aggraver les risques pour la sécurité des personnes et des biens ; que la commune a estimé, compte-tenu de l’évolution climatique existant au début du mois d’octobre, que ce danger était imminent et a par suite décidé de lancer un appel à la concurrence le 7 octobre 2002, dans le cadre procédural de l’urgence impérieuse ; qu’il ressort effectivement des pièces du dossier, et qu’il n’est pas sérieusement contesté, que la dégradation climatique envisagée a obligé le maire de BOLLENE à prendre le 16 novembre 2002 des consignes d’évacuation touchant 2500 habitants et que de nouvelles intempéries sont effectivement survenues les 24 et 25 novembre 2002, à la suite desquelles un nouvel arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle a été pris le 17 janvier 2003 par le ministre de l’intérieur ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, le respect des délais exigés par les procédures d’appel d’offres ou de marchés négociés précédées d’un avis d’appel à la concurrence ne permettait pas de commencer en urgence les travaux indispensables de reconstruction à réaliser à Bollène avant la survenue de nouvelles intempéries, compte tenu notamment de ce que, en raison des intempéries généralisées et de l’importance des travaux urgents à réaliser dans la région, peu d’entreprises étaient susceptibles de répondre rapidement à un appel des candidatures ; qu’il résulte d’ailleurs de l’instruction, que même en procédure d’urgence impérieuse, une durée totale de trois semaines a été nécessaire pour mettre en concurrence quatre entrepreneurs le 7 octobre, recueillir leurs offres jusqu’au 11 octobre, les faire analyser, décider du choix en conseil municipal le 17 octobre, transmettre ce choix en préfecture et lancer les travaux par ordre de service du 30 octobre 2002 ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de BOLLENE est fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont estimé que la condition d’urgence impérieuse n’était pas remplie ; qu’il appartient à la Cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par Mme X devant les premiers juges ;
Sur les autres moyens d’annulation soulevés devant le Tribunal :
Considérant qu’aux termes de l’article 67 du code des marchés publics, relatif aux procédures négociées, alors en vigueur : «La personne responsable du marché dresse la liste des candidats invités à négocier. Elle adresse simultanément et par écrit aux candidats une lettre de consultation, et, le cas échéant, le dossier de consultation. Cette lettre comporte au moins la date limite de réception des offres, l’adresse à laquelle elles sont transmises (…) Après examen des offres, la personne responsable du marché engage les négociations (...) le nombre de candidats admis à négocier ne peut être inférieur à trois (…)» ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions précitées, plusieurs sociétés ont été consultées le même jour, le 7 octobre 2002, par une télécopie indiquant le 11 octobre comme date limite de remise des offres aux services techniques communaux et mentionnant la possibilité de voir sur place le dossier de consultation ; qu’aucune disposition des articles précités du code des marchés publics n’impose que le maire soit autorisé à lancer la procédure dite d’urgence impérieuse et qu’en tout état de cause, la commission d’appel d’offres a avalisé le 9 octobre 2002 le choix de cette procédure en motivant son avis par la nécessité de «rétablir dans l’urgence les voies et chemins sinistrés afin d’assurer la sécurité et permettre une circulation normale » ; que cette motivation suffisamment précise a été reprise par la délibération querellée du conseil municipal de Bollène du 17 octobre 2002 ; que quatre sociétés ont remis leur offre avant le 11 octobre 2002 et que l’offre de la moins disante, la société Braja-Vesigne, a été retenue pour un montant de 568.580 euros TTC, les autres offres s’élevant à 635.117, 658.018 et 672.026 euros TTC ; qu’un tel critère de choix, le prix du moins disant, n’est pas de nature à entacher la procédure de mise en concurrence suivie d’une quelconque irrégularité ; que les dispositions de l’article 67 du code des marchés publics n’imposent pas de relancer les négociations après l’ouverture des premières offres, contrairement à ce que soutient Mme X ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune appelante est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 17 octobre 2001 ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme Marie-Claude X la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par la commue de BOLLENE et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er: Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 9 décembre 2003 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme Marie-Claude X devant le Tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Mme Marie-Claude X versera à la commune de BOLLENE la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de BOLLENE, à Mme Marie-Claude X et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
MAJ 30/04/07 - Source legifrance
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