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29 décembre 2018
Les conditions cumulatives de passation d'un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence exigent notamment des raisons tenant à la protection de droits d’exclusivité, mais aussi que celles-ci rendent indispensable l’attribution du marché à un prestataire déterminé. Un « certificat d’exclusivité » établi par une société qui se borne notamment à énumérer de manière succincte et générique une liste de matériels et prestations pour lesquels ladite société disposerait d’une exclusivité ne respecte les exigences.
Dans son arrêt du 11/12/19 (CAA Paris, 11 décembre 2018, n° 17PA01588, Société Steam France) la cour administrative d'appel précise l’application du recours aux « certificats d’exclusivité » fréquemment utilisés dans les marchés publics relatifs aux dispositifs médicaux et également dans les marchés d’informatique notamment en matière de logiciels.
Il s’agit ici du recours aux marchés négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence pour un marché passé sous l’empire du code des marchés publics de 2006 alors applicable et se fondant sur les dispositions de l’article 35-II 8° du code des marchés publics.
Cette procédure est dérogatoire et l’interprétation du juge administratif est stricte. Il s’agit, en effet, de la passation d’un marché négocié sans publicité préalable et sans mise en concurrence au motif qu’il ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons tenant à la protection de droits d’exclusivité.
Dans une réponse à une question écrite au sénat le ministère des armées avait justifié le recours à une telle procédure en précisant que "L'attestation d'exclusivité fournie par Microsoft a montré que cette société est la seule habilitée à fournir les prestations demandées, dans le cadre d'une offre globale et intégrée" (QE Sénat n° 00359, Mme Joëlle Garriaud-Maylam).
L’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a attribué un marché à bons de commandes à la société Getinge France. Le marché a été passé sur le fondement de la procédure négociée, sans publicité préalable ni mise en concurrence, instituée par l’article 35 II 8° du code des marchés publics alors applicable et désormais codifiée à l'article R2122-3 du Code de la commande publique.
Ce marché avait pour objet le renouvellement des prestations de maintenance et de fourniture de pièces détachées des laveurs désinfecteurs d’instruments de chirurgie ou de verrerie de laboratoire, de marques Getinge, Maquet et Lancer, comportant également de la télémaintenance.
La société Steam France estimant qu’elle aurait pu candidater pour l’attribution de ce marché, s’il avait été précédé d’une mise en concurrence, a demandé à l’AP-HP de le déclarer sans suite et de passer un nouveau marché dans le cadre d’une procédure comportant une publicité préalable et la mise en concurrence, ce qui a été refusé.
La société Steam France a alors saisi le Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation du marché et la société relève appel du jugement.
La Cour administrative d’appel de Paris annule le jugement du Tribunal administratif de Paris.
La Cour rappelle les dispositions de l'article 35-II 8° du code des marchés publics alors applicable et les conditions cumulatives de son application qui exigent :
Le 8° du II de l'article 35 du code des marchés publics concerne « Les marchés et les accords-cadres qui ne peuvent être confiés qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité ». La disposition relative à la protection des droits d'exclusivité se retrouve à l’article 30-I 3° du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ainsi qu’à l'article R2122-3 du code de la commande publique.
Dans une décision CE, 2 octobre 2013, n° 368846, Département de l’Oise / Sté Itslearning France le Conseil d’Etat avait admis la justification des droits d’exclusivité sur un logiciel par un certificat délivré par l’Agence pour la protection des programmes (APP) et une attestation non contestée émanant de la société éditrice, cette exclusivité englobant l’exploitation et la maintenance d’un logiciel.
Par ailleurs la Cour rappelle que « C’est à l’autorité adjudicatrice qu’il appartient d’établir non seulement la nature et l’étendue des besoins à satisfaire conformément à l’article 5 du code des marchés publics, mais aussi, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, et notamment de la décision n° C-385/02 Commission contre République italienne du 14 septembre 2004 (CJUE, 14 septembre 2004, Commission c/République italienne, aff. C-385/02), l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant une dérogation aux règles visant à garantir l’effectivité du principe de libre concurrence. ». Pour cette dernière décision voir les points 19 et 37.
L’acheteur doit ainsi justifier que les conditions de recours à la procédure dérogatoire d’un tel marché négocié sont remplies.
La jurisprudence a déjà précisé les règles en la matière
La Cour constate que :
La Cour applique les dispositions précitées au cas d’espèce pour conclure que l’acheteur n’établit pas qu’à la date à laquelle a été attribué le marché l’opérateur économique aurait disposé de droits d’exclusivité qui rendaient indispensable l’attribution du marché à cette société sans mise en concurrence.
Elle en déduit que la société requérante est dès lors fondée à soutenir que le marché en litige a été conclu à l’issue d’une procédure irrégulière, qui a eu pour effet de l’évincer de ce marché, et qui n’est pas susceptible d’être couverte par une mesure de régularisation de l'offre.
Actualités
Marchés négociés sans publicité ni mise en concurrence et certificat d’exclusivité. - 29 décembre 2018.
Questions écrites au sénat ou à l'assemblée nationale - Réponses ministérielles
QE Sénat n° 00359, Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Renouvellement du contrat avec Microsoft Irlande et attestation d'exclusivité de la distribution des licences Microsoft en Europe).