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TA Rouen, 13/09/24, n° 2403392 - irrégularité des offres d'entreprises liées

Tribunal administratif de Rouen, 13 septembre 2024, n° 2403392 - Irrégularité des offres d'entreprises liées

Rejet du référé précontractuel d'une société dont l'offre avait été écartée d'un marché public de travaux. La requérante et une autre société candidate constituaient un opérateur économique unique en raison de leur absence d'autonomie commerciale, caractérisée par des moyens communs, des offres similaires et des liens structurels. Cette qualification a entraîné l'irrégularité des deux offres, justifiant leur rejet par le pouvoir adjudicateur. La décision précise ainsi les critères d'appréciation de l'opérateur économique unique et ses conséquences sur la régularité des offres dans les marchés publics, renforçant la sécurité juridique des procédures de passation.

Lorsque deux personnes morales distinctes présentent des offres pour un même lot d'un marché public, l'absence d'autonomie commerciale entre elles, caractérisée par des moyens communs, des offres similaires et des liens structurels, permet de les considérer comme un seul et même opérateur économique. Dans ce cas, si leurs offres ont eu une influence réciproque, elles peuvent être considérées comme irrégulières et rejetées par le pouvoir adjudicateur, sans qu'il soit nécessaire d'en analyser une en particulier.

En l'espèce, le juge a constaté que les sociétés TPR et MBTP partageaient des moyens humains et matériels, avaient la même présentation logistique, utilisaient les mêmes fournisseurs, présentaient des offres très similaires et avaient le même président. Il en a déduit leur absence d'autonomie commerciale et l'irrégularité de leurs offres, justifiant ainsi le rejet de la candidature de la société TPR. 

Un référé précontractuel introduit par la société Travaux Publics Rouennais (TPR) contre le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Rouen. TPR conteste le rejet de sa candidature au lot n°21 d'un marché de travaux d'entretien et de réhabilitation du patrimoine immobilier.

Le CHU soutenait que les offres de TPR et de la société MBTP, qui avait également candidaté, révélaient une absence d'autonomie commerciale et devaient être considérées comme émanant d'un seul et même opérateur économique (considérant 4).

Le juge rappelle les termes de l'article L1220-3 du code de la commande publique : " Un soumissionnaire est un opérateur économique qui présente une offre dans le cadre d'une procédure de passation d'un marché public. ". Il rappelle ensuite le principe posé par l'article R2151-6 du code de la commande publique : "Le soumissionnaire transmet son offre en une seule fois. Si plusieurs offres sont successivement transmises par un même soumissionnaire, seule est ouverte la dernière offre reçue par l'acheteur dans le délai fixé pour la remise des offres." (considérant 5).

Il résulte de ces dispositions qu'un même soumissionnaire ne peut présenter qu'une seule offre pour chaque lot.

Il précise ensuite les critères permettant de qualifier deux personnes morales de même opérateur économique : "si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même candidat lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d'autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l'absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot" (considérant 6).

En l'espèce, le juge relève plusieurs éléments démontrant l'absence d'autonomie commerciale entre TPR et MBTP :

  • Mêmes moyens humains et matériels
  • Même présentation des moyens logistiques
  • Utilisation des services de la même société de transport
  • Mêmes fournisseurs
  • Méthodologie d'étude similaire
  • Prix quasiment identiques (3% d'écart)
  • Même président

Il en conclut que "les offres des sociétés TPR et MBTP ne peuvent être regardées comme formulées de manière indépendante et révèlent une absence d'autonomie commerciale" (considérant 7).

Le juge écarte ensuite l'argument de TPR selon lequel, si les deux sociétés devaient être regardées comme un seul opérateur, la dernière offre déposée aurait dû être analysée en application de l'article R2151-6 du CCP.

Il considère qu'il "appartient au pouvoir adjudicateur d'examiner et d'apprécier les faits, afin de déterminer si le rapport existant entre deux entités a exercé une influence concrète sur le contenu respectif des offres déposées dans le cadre d'une même procédure d'adjudication publique, la constatation d'une telle influence, sous quelque forme que ce soit, étant suffisante pour que lesdites entreprises puissent être exclues de la procédure" (considérant 9).

En l'espèce, le juge estime que "les offres des sociétés MBTP et TPR ont eu une influence certaine l'une sur l'autre" et qu'elles étaient donc toutes deux irrégulières (considérant 10).

Il en conclut que la société requérante n'était pas susceptible d'avoir été lésée et rejette sa demande.

[...]

3. Le Centre Hospitalier Universitaire de Rouen a lancé une procédure de passation, portant sur la conclusion d'un accord-cadre ayant pour objet les " travaux d'entretien et de réhabilitation du patrimoine immobilier du GHT Rouen Cœur de Seine pour les années 2024-2028 ". La consultation a été engagée sous la forme d'un appel d'offres ouvert, selon une procédure formalisée. Le marché public a été alloti en 27 lots, le lot n° 21 concernant les " travaux de VRD, commun au GHT Rouen Cœur de Seine ". La société Travaux Publics Rouennais (TPR) a ainsi déposé sa candidature et son offre pour le lot n° 21. A l'issue de la sélection des candidatures, la société requérante a été informée par un courrier du 16 août 2024 que sa candidature avait été rejetée comme irrecevable. La société TPR demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administratif, à titre principal, d'enjoindre au CHU de Rouen de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la procédure de passation du marché en litige, à titre subsidiaire, de reprendre la procédure au stade de l'analyse des candidatures et des offres.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

4. Le CHU de Rouen soutient que l'offre de la société requérante était irrégulière de sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'avoir été lésée par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Il fait valoir que les offres de la société TPR et la société MBTP qui a également présenté une offre pour le lot du marché litigieux, révèlent une absence d'autonomie commerciale et que les deux sociétés peuvent en conséquence être considérées comme un seul et même opérateur économique.

5. Aux termes de l'article L. 1220-3 du code de la commande publique : " Un soumissionnaire est un opérateur économique qui présente une offre dans le cadre d'une procédure de passation d'un marché public. ". Aux termes de l'article R. 2151-6 du même code : " Le soumissionnaire transmet son offre en une seule fois. Si plusieurs offres sont successivement transmises par un même soumissionnaire, seule est ouverte la dernière offre reçue par l'acheteur dans le délai fixé pour la remise des offres. " Il résulte de ces dispositions qu'un même soumissionnaire ne peut présenter qu'une seule offre pour chaque lot.

6. Si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même candidat lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d'autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l'absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot.

7. Il résulte de l'instruction et notamment des mémoires techniques de la société requérante et de la société MBTP, qui a présenté une offre pour le lot n° 21 du marché litigieux que les sociétés disposent en partie des mêmes moyens humains, plusieurs personnes occupant les mêmes fonctions dans les deux sociétés, des mêmes moyens matériels, la présentation des moyens logistiques est identique, les deux sociétés utilisent les services de la même société de transport et travaillent avec les mêmes fournisseurs, présentent une méthodologie d'étude du besoin de l'établissement similaire et proposent des prix identiques à la différence près que ceux de la société requérante sont 3% plus élevés que ceux de la société MBTP. Dans ces conditions, outre la circonstance que les deux sociétés sont présidées par la même société, les offres des sociétés TPR et MBTP ne peuvent être regardées comme formulées de manière indépendante et révèlent une absence d'autonomie commerciale.

8. La société requérante fait valoir que si les deux sociétés doivent dès lors être regardées comme un seul opérateur économique, en application des dispositions rappelées de l'article R. 2151-6 du code de la commande publique, la dernière offre déposée devait être analysée par le pouvoir adjudicateur.

9. Toutefois, il appartient au pouvoir adjudicateur d'examiner et d'apprécier les faits, afin de déterminer si le rapport existant entre deux entités a exercé une influence concrète sur le contenu respectif des offres déposées dans le cadre d'une même procédure d'adjudication publique, la constatation d'une telle influence, sous quelque forme que ce soit, étant suffisante pour que lesdites entreprises puissent être exclues de la procédure.

10. Compte tenu de ce qui a été dit au point 7, il résulte de l'instruction que les offres des sociétés MBTP et TPR ont eu une influence certaine l'une sur l'autre. Les deux offres étaient dès lors irrégulières. La société requérante n'est ainsi pas susceptible, en l'espèce, d'avoir été lésée. Par suite, la demande de la société TPR ne peut qu'être rejetée.

[...]

Textes

.

Jurisprudence

Conseil d'État, 20 décembre 2021, n° 454801 (En cas d'offres successives le Conseil d’Etat fait une application pragmatique des dispositions de l’article R2151-6 du code de la commande publique qui ne s’applique pas aux contrats de concession. Le seul renvoi à un guide d'utilisation de la plateforme de dématérialisation ne constitue pas une règle).

CE, 11 juillet 2018, n° 418021, communauté d'agglomération du Nord Grande-Terre (Il incombe au juge des référés de vérifier si le délai de consultation, quand bien même il serait supérieur au délai minimal fixé par les textes applicables, n'est néanmoins pas manifestement inadapté à la présentation d'une offre compte tenu de la complexité du marché public et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leurs candidatures et leurs offres. Société candidate créée par le fils de la gérante d'une autre société, n'ayant pas de moyens propres, mais se prévalant uniquement de ceux de cette dernière société, qui s'était engagée à mettre à sa disposition les véhicules nécessaires à l'exécution des marchés en question, la quasi-totalité des moyens matériels de la première société étaient ceux de seconde. Du fait que ces deux sociétés ne mettaient pas en oeuvre de moyens distincts, elles devaient être regardées comme un seul et même candidat).

Actualités

Offres successives transmises par un même soumissionnaire : Le dernier pli reçu doit-il être systématiquement regardé comme une offre ?