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CE, 9 mai 2012, n° 355756, Commune de Saint-Maur-des-Fossés

Conseil d’Etat, 9 mai 2012, n° 355756, Commune de Saint-Maur-des-Fossés - Principe d'impartialité - Publié au recueil Lebon

La seule circonstance qu'un membre du conseil municipal soit actionnaire d'une des entreprises candidates à un marché de la commune et ait un lien de parenté avec son dirigeant ne justifie pas d'écarter par principe l'offre de cette société, alors qu'il s'agit d'un marché de travaux habituels dont l'utilité n'est pas contestée et qu'il n'est pas allégué que le conseiller municipal, qui n'a participé qu'à la délibération autorisant la procédure de passation du marché, aurait exercé une influence particulière sur le vote [Non reconnaissance d’une situation de conflit d’intérêts]. Par cette décision, sur la notion de conflit d'intérêts, le Conseil d'État adopte une approche nuancée, refusant une application mécanique des règles relatives aux conflits d'intérêts. Il examine concrètement l'influence réelle qu'a pu avoir l'élu concerné sur la procédure de passation. Sur le principe de libre accès à la commande publique, il réaffirme la portée de ce principe, qui s'oppose à l'exclusion automatique d'un candidat en raison de ses liens avec un élu, sans examen de son offre. Il confirme le large pouvoir d'appréciation du juge des référés sur les faits de l'espèce, son contrôle en cassation se limitant à l'erreur de qualification juridique et à la dénaturation.

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000025833597

Contexte et procédure

La commune de Saint-Maur-des-Fossés a lancé le 30 août 2011 une procédure d'appel d'offres ouvert pour un marché de travaux d'amélioration de son réseau d'eau potable. Le 25 novembre 2011, la commune a informé la société Bâtiment Industrie Réseaux (BIR) que son offre avait été rejetée sans examen au motif que cette société "a des liens avec un des membres du conseil municipal".

La société BIR a alors saisi le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Melun sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative (CJA). Par ordonnance du 26 décembre 2011, le juge des référés a annulé la procédure de passation à compter de la remise des offres et enjoint à la commune de reprendre la procédure à ce stade si elle entendait conclure le contrat.

La commune de Saint-Maur-des-Fossés s'est pourvue en cassation contre cette ordonnance devant le Conseil d'État.

Problème juridique

La question principale posée au Conseil d'État était de déterminer si le pouvoir adjudicateur pouvait légalement écarter d'office l'offre d'une société en raison de ses liens avec un membre du conseil municipal, sans examiner cette offre.

Raisonnement du Conseil d'État

Le Conseil d'État commence par rappeler le cadre juridique applicable au référé précontractuel, en citant les articles L. 551-1 et L. 551-10 du CJA. Il précise notamment qu'"il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auxquels ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente".

Il examine ensuite les faits retenus par le juge des référés.

Mme X, conseillère municipale déléguée à l'urbanisme, avait un lien de parenté avec le président de la société BIR et était actionnaire de cette société. Cette conseillère avait participé à la délibération du conseil municipal autorisant le lancement de la procédure de passation du marché.

Cependant, à ce stade de la délibération, la procédure n'avait pas encore été organisée et les soumissionnaires n'étaient pas connus. Par ailleurs Mme X n'avait pas siégé à la commission d'appel d'offres et n'avait pris aucune part dans le choix de l'entreprise attributaire.

Le Conseil d'État considère que le juge des référés a porté sur ces faits "une appréciation souveraine exempte de dénaturation". Il ajoute qu'il s'agissait de "travaux habituels dont l'utilité n'était pas contestée et sur la définition et le lancement desquels il n'est pas allégué que l'intéressée aurait exercé une influence particulière".

Sur cette base, le Conseil d'État juge que le juge des référés "n'a ni inexactement qualifié ces faits ni commis d'erreur de droit en jugeant qu'ils n'étaient pas susceptibles de faire naître un doute sur l'impartialité du pouvoir adjudicateur". Par conséquent, en éliminant par principe l'offre de la société BIR, le pouvoir adjudicateur "avait méconnu le principe de libre accès à la commande publique et manqué à ses obligations de mise en concurrence".

[…]

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la COMMUNE DE SAINT-MAUR-DES-FOSSES a lancé, le 30 août 2011, une procédure d'appels d'offres ouvert pour la passation d'un marché de travaux portant sur l'amélioration de son réseau d'eau potable ; que par lettre du 25 novembre 2011, la commune a informé la société Bâtiment Industrie Réseaux, qui s'était portée candidate à l'attribution du marché, que son offre avait été rejetée sans être examinée au motif que cette société " a des liens avec un des membres du conseil municipal " ; que, saisi par la société Bâtiment Industrie Réseaux sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a, par l'ordonnance attaquée du 26 décembre 2011, annulé la procédure de passation du marché à compter de la remise des offres et enjoint à la commune, si elle entendait conclure le contrat, de reprendre la procédure à ce stade ;

Considérant que le juge des référés a relevé que Mme X, conseillère municipale de Saint-Maur-des-Fossés déléguée à l'urbanisme, avait un lien de parenté avec le président de la société Bâtiment Industrie Réseaux, était actionnaire de cette société et avait participé à la délibération du conseil municipal autorisant le lancement de la procédure de passation du marché, mais que, d'une part, à ce stade de la délibération, la procédure n'avait pas encore été organisée et les soumissionnaires n'étaient pas connus et que, d'autre part, Mme X n'avait pas siégé à la commission d'appel d'offres et n'avait pris aucune part dans le choix de l'entreprise attributaire ; qu'ayant, ce faisant, porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation, le juge des référés, s'agissant de travaux habituels dont l'utilité n'était pas contestée et sur la définition et le lancement desquels il n'est pas allégué que l'intéressée aurait exercé une influence particulière, n'a ni inexactement qualifié ces faits ni commis d'erreur de droit en jugeant qu'ils n'étaient pas susceptibles de faire naître un doute sur l'impartialité du pouvoir adjudicateur et, qu'en conséquence, en éliminant par principe l'offre de la société Bâtiment Industrie Réseaux, celui-ci avait méconnu le principe de libre accès à la commande publique et manqué à ses obligations de mise en concurrence ; qu'il suit de là que le pourvoi de la COMMUNE DE SAIT-MAUR-DES-FOSSES doit être rejeté ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Bâtiment Industrie Réseaux, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée à ce titre par la COMMUNE DE SAINT-MAUR-DES-FOSSES ; qu' il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Bâtiment Industrie Réseaux présentées sur le fondement des mêmes dispositions et de mettre à la charge de la commune le versement à cette société de la somme de 3 000 euros ;

[…]

MAJ 30/05/12 - Source Legifrance

Jurisprudence

Conseil d’Etat, 24 Juillet 2024, n° 491268 (Principe d’impartialité applicable à un pouvoir adjudicateur dans une délégation de service public. Un commentaire Facebook d'élu ne suffit pas à caractériser la partialité dans un contrat de la commande publique dès lors que la modération des propos et le contexte de cette publication ne révélaient ni parti pris ni animosité personnelle à l'encontre de la société).

CE, 28 février 2023, n° 467455 (Le dirigeant d'une société assistante à la maîtrise d'ouvrage de la commune de Caudry, est également le dirigeant d'une société éditeur du logiciel, que l'offre du groupement attributaire désignait comme son fournisseur. D'autre part, il ressort tant de l'ordonnance attaquée que des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société précitée a, au titre de sa mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, participé à l'analyse des offres et à leur notation et a été ainsi susceptible d'influencer l'issue de la procédure. Par suite, en jugeant que la participation de la société au déroulement de la procédure de passation du marché litigieux n'était pas de nature à compromettre l'impartialité de l'assistant à la maîtrise d'ouvrage ni, par conséquent, la régularité de la procédure de passation, le juge des référés a inexactement qualifié les faits de l'espèce. La commune a méconnu le principe d'impartialité et ses obligations de publicité et de mise en concurrence. La procédure de passation est annulée au stade de l'analyse des offres). [Conflit d'intérêt].