Conseil d’Etat, 14 décembre 2009, n° 330052, Département du CHER c/ société Kéolis Centre - Mentionné dans les tables du recueil Lebon
L’acte par lequel une collectivité territoriale propose de confier à un tiers l’exécution du service de transport scolaire n’est pas constitutif d’une activité d’exploitation de réseau ni davantage d’une activité de mise à disposition de réseau au sens de l’article 135 du code des marchés publics, même si le contrat envisagé comporte des stipulations manifestant le contrôle de la collectivité sur les conditions d’organisation et de fonctionnement du service public en cause. Ainsi la collectivité ne peut être regardée comme exerçant une activité d’opérateur de réseaux et donc comme une entité adjudicatrice au sens des dispositions de l’article 134 du code des marchés publics.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000021497639
Texte
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Considérant que le DEPARTEMENT DU CHER se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 7 juillet 2009 par laquelle le juge des référés précontractuels du tribunal administratif d'Orléans, saisi par la société Kéolis Centre, dont l'offre avait été rejetée concernant 15 des 18 lots d'un marché de transports scolaires pour lesquels elle avait soumissionné, a annulé la procédure de passation de ces 18 lots au motif que le département n'agissait pas en l'espèce en tant qu'opérateur de réseau au sens des dispositions de l'article 135 du code des marchés publics et ne pouvait dès lors recourir, en tant qu'entité adjudicatrice, à une procédure négociée sur le fondement de l'article 144 du même code ;
Considérant, en premier lieu, que l'article 2 du code des marchés publics dispose : " Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent code sont : (...) 2° Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux. " ; qu'aux termes de l'article 134 du même code, définissant le champ d'application de sa deuxième partie : " I. - Les dispositions de la présente partie s'appliquent aux marchés et accords-cadres passés par les entités adjudicatrices. Les entités adjudicatrices sont les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 lorsqu'ils exercent une des activités d'opérateurs de réseaux énumérées à l'article 135. " ; que selon son article 135 : " Sont soumises aux dispositions de la présente partie les activités d'opérateurs de réseaux suivantes : (...) 5° Les activités d'exploitation de réseaux destinés à fournir un service au public dans le domaine du transport par chemin de fer, tramways, trolleybus, autobus, autocar, câble ou tout système automatique, ou la mise à la disposition d'un exploitant de ces réseaux. Le service de transport est regardé comme fourni par un réseau de transport lorsqu'une autorité nationale ou territoriale compétente définit les conditions générales d'organisation du service notamment en ce qui concerne les itinéraires à suivre, la capacité de transport disponible ou la fréquence du service (...) " ; que son article 144 prévoit que : " Les entités adjudicatrices passent leurs marchés et accords-cadres dans les conditions suivantes. I.-Elles choisissent librement entre les procédures formalisées suivantes : 1° Procédure négociée avec mise en concurrence préalable ; 2° Appel d'offres ouvert ou restreint ; 3° Concours, défini à l'article 38 ; 4° Système d'acquisition dynamique, défini à l'article 78 (...) " ;
Considérant qu'en jugeant que l'acte par lequel DEPARTEMENT DU CHER se proposait de confier à un tiers l'exécution du service de transport scolaire n'était pas constitutif d'une activité d'exploitation de réseau ni davantage une activité de mise à disposition de réseau au sens de l'article 135 du code marchés publics, nonobstant la circonstance que le contrat envisagé comporte des stipulations manifestant le contrôle du département sur les conditions d'organisation et de fonctionnement du service public en cause, et qu'ainsi le département ne pouvait être regardé comme une entité adjudicatrice au sens des dispositions précitées, le juge des référés, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en second lieu, qu'il appartient au juge des référés, saisi en vertu des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice, de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ; qu'ainsi, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, par une ordonnance qui est suffisamment motivée, que le département avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence pour avoir lancé une procédure négociée avec mise en concurrence préalable sur le fondement des dispositions de l'article 144 du code des marchés publics, procédure applicable aux seules entités adjudicatrices, et que la société requérante était susceptible d'avoir été lésée par ce manquement bien qu'elle ait participé à la procédure jusqu'à son terme et que son offre ait été retenue pour certains lots, dès lors que le département avait effectivement négocié les offres qui lui étaient soumises et qu'il n'établissait pas qu'il aurait été à même de le faire dans les mêmes conditions s'il avait appliqué les dispositions de la première partie du code des marchés publics ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi du département du Cher doit être rejeté, ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du département une somme de 3000 euros à verser à la société Kéolis Centre ;
[…]
Jurisprudence
TA Paris, 13 juin 2024, n° 2225483 (Qualification de pouvoir adjudicateur d’une association dont la part des ressources versée par des pouvoirs adjudicateurs, a excédé le taux de 50%. Application de l'article L1211-1 du code de la commande publique, qui transpose l'article 2 de la directive du 26 février 2014 et reprend le contenu de l'article 10 de l'ordonnance du 23 juillet 2015. En l’espèce, le tribunal a fondé sa décision sur plusieurs arguments dont 1/ La part majoritaire de financement public. Le fait que l'association ait reçu une subvention importante du FAMI, un instrument financier public, démontre que son activité est majoritairement financée par des pouvoirs adjudicateurs. 2/ Le contrôle par l'État français. L'État français exerce un contrôle important sur le programme FAMI en France, notamment en définissant les priorités et les règles d'éligibilité. Ce contrôle s'étend aux bénéficiaires des subventions, comme l'association Centre Primo Levi, qui doivent respecter certaines obligations en matière de passation de marché. 3/ La nature d'intérêt général de l'activité. Le projet de l'association Centre Primo Levi s'inscrit dans le cadre d'une mission d'intérêt général, à savoir l'aide aux personnes exilées victimes de violence. Cette mission d'intérêt général renforce le lien entre l'association et les pouvoirs adjudicateurs).
CE, 11 avril 2024, n° 489440 (Les personnes morales de droit privé gestionnaires des établissements et services sociaux et médico-sociaux énumérés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, y compris les organismes à but lucratif, sont ils des pouvoirs adjudicateurs au sens du b) du 2° de l'article L1211-1 du code de la commande publique ?).
CE, 2 février 2024, n° 489820, (Dysfonctionnement informatique et accès à des informations confidentielles. La cause d’exclusion facultative prévue à l’article L. 3123-8 du code de la commande publique (CCP) est constituée lorsque l’autorité concédante identifie des éléments précis et circonstanciés indiquant que l’opérateur a effectué des démarches qu’il savait déloyales en vue d’obtenir des informations dont il connaissait le caractère confidentiel et qui étaient susceptibles de lui procurer un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation. En l'espèce, à la suite d’un dysfonctionnement informatique, la société Veolia avait eu accès à des données confidentielles concernant une offre concurrente et les négociations en vue de l’attribution de la concession ont été suspendues. L’acheteur a pris la décision de mettre un terme aux négociations, de ne pas inviter les soumissionnaires à soumettre une offre finale et d’attribuer le contrat au regard des offres intermédiaires. Un pouvoir adjudicateur qui confie à un tiers l’exploitation du réseau dont il a la charge n'est pas une entité adjudicatrice au sens du 1° de l’article L. 1212-1 du code de la commande publique).
CE, 23 novembre 2011, n° 349746 (Qualité de pouvoir adjudicateur et non d'entité adjudicatrice d’une une personne publique confiant à un tiers l'exécution d'un service public spécifique (transport des personnes à mobilité réduite) directement exploité par l'entreprise attributaire du marché. Les dispositions de l'article 135 du code des marchés publics ne s'appliquent pas aux actes par lesquels une personne publique confie à un tiers l'exploitation de l'un des réseaux fixes qu'il mentionne et agit ainsi en qualité de pouvoir adjudicateur. En confiant à un tiers l'exécution d'un service public spécifique (transport des personnes à mobilité réduite) directement exploité par l'entreprise attributaire du marché, sans se borner à faire l'acquisition d'équipements ou de matériels adaptés au transport des personnes à mobilité réduite, une communauté d'agglomération a agi en qualité de pouvoir adjudicateur et non en qualité d'entité adjudicatrice. Par suite, le marché litigieux devait être passé non pas sur le fondement des dispositions de l'article 135 du code des marchés publics mais sur celui des dispositions de la première partie de ce code).
CE, 24 juin 2011, n° 346529, Communauté d'agglomération Rennes Métropole (Pouvoir adjudicateur ou entité adjudicatrice ? Rappel du Conseil d'Etat. L’acquisition, par un pouvoir adjudicateur, d’un équipement destiné à la constitution d’un réseau de transport public ou s’intégrant à un réseau de transport public déjà constitué, que son exploitation ait été ou non déléguée, doit être regardée, en fonction de son mode de gestion, soit comme une activité d’exploitation d’un réseau soit comme une activité de mise à disposition du réseau, au sens de l’article 135 du code des marchés publics, et par suite comme une activité exercée par une entité adjudicatrice pour l’application de l’article 134 de ce code).
Fiches de la DAJ de Bercy
Fiche technique DAJ – La passation des contrats de transports scolaires - 8 février 2010.