CE, 2 février 2024, n° 489820, dysfonctionnement informatique et accès à des informations confidentielles
En l'espèce, à la suite d’un dysfonctionnement informatique, la société Veolia avait eu accès à des données confidentielles concernant une offre concurrente et les négociations en vue de l’attribution de la concession ont été suspendues. L’acheteur a pris la décision de mettre un terme aux négociations, de ne pas inviter les soumissionnaires à soumettre une offre finale et d’attribuer le contrat au regard des offres intermédiaires. Un pouvoir adjudicateur qui confie à un tiers l’exploitation du réseau dont il a la charge n'est pas une entité adjudicatrice au sens du 1° de l’article L. 1212-1 du code de la commande publique.
En l’espèce, le Conseil d’État considère en se référant à sa décision CE, 8 novembre 2017 n°412859, Société Transdev que le SEDIF pouvait valablement modifier le déroulement de la procédure en mettant fin aux négociations avant le dépôt des offres finales et procéder au choix du délégataire sur la base des offres intermédiaires.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000049085018
Résumé
La cause d’exclusion facultative prévue à l’article L. 3123-8 du code de la commande publique (CCP) est constituée lorsque l’autorité concédante identifie des éléments précis et circonstanciés indiquant que l’opérateur a effectué des démarches qu’il savait déloyales en vue d’obtenir des informations dont il connaissait le caractère confidentiel et qui étaient susceptibles de lui procurer un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation.
Article L3123-8
Création Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 - art.
L'autorité concédante peut exclure de la procédure de passation d'un
contrat de concession les personnes qui ont entrepris d'influer indûment
le processus décisionnel de l'autorité concédante ou d'obtenir des
informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage
indu lors de la procédure de passation du contrat de concession, ou ont
fourni des informations trompeuses susceptibles d'avoir une influence
déterminante sur les décisions d'exclusion, de sélection ou
d'attribution.
Syndicat des eaux d’Ile-de-France (SEDIF) ayant engagé une procédure de mise en concurrence en vue de l’attribution d’un contrat de concession. Sociétés Suez Eau France et Veolia ayant chacune présenté une offre initiale puis une offre « intermédiaire ». SEDIF ayant ensuite informé Suez Eau France qu’à la suite d’un dysfonctionnement informatique, Veolia avait eu accès à des données confidentielles concernant son offre et que les négociations en vue de l’attribution de la concession étaient suspendues. SEDIF ayant pris la décision de mettre un terme aux négociations, de ne pas inviter les soumissionnaires à soumettre une offre finale et d’attribuer le contrat au regard des offres intermédiaires. Suez Eau France ayant demandé au juge du référé précontractuel d’annuler cette procédure au stade de cette décision du SEDIF et de lui enjoindre de reprendre la procédure de passation en se conformant à ses obligations.
Juge des référés ayant relevé, pour juger que Veolia ne pouvait être regardée comme ayant entrepris d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation en litige, que des fichiers concernant l’offre de Suez Eau France et identifiables comme tels avaient été mis à la disposition de Veolia en raison d’un dysfonctionnement informatique majeur dû à une erreur de programmation de la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur et que, si cette dernière société les avait téléchargés, en avait pris connaissance et les avait dupliqués et avait tardé plusieurs jours avant d’informer le pouvoir adjudicateur de cet incident, elle l’en avait averti avant la poursuite de la procédure de négociation et le dépôt de son offre finale, de sorte qu’elle devait être regardée comme ayant nécessairement renoncé à tirer parti de ces éléments dans le cadre de la procédure.
Le juge de référés ne commet ni erreur de qualification juridique des faits ni erreur de droit en en déduisant que le SEDIF n’était pas tenu d’exclure la société Veolia de la procédure de passation en litige sur le fondement de l’article L. 3123-8 du CCP.
Texte
[…]
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que, par un avis publié le 2 juin 2021 au Journal officiel de l'Union européenne, le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF) a engagé une procédure de mise en concurrence en vue de l'attribution d'un contrat de concession portant sur le renouvellement de la délégation du service public de l'eau potable dont il a la charge pour une durée de 12 ans à compter du 1er janvier 2024 reportée, en cours de procédure, au 1er janvier 2025, selon une procédure restreinte se déroulant en deux phases successives, la première portant sur la sélection des candidats admis à présenter une offre et la seconde sur le choix de l'offre finale d'un soumissionnaire à l'issue de négociations. En juillet 2021, les sociétés Suez Eau France et Veolia ont été admises à participer à la phase de négociations. Elles ont chacune présenté une offre initiale puis, le 17 novembre 2022, une offre " intermédiaire ". Par un courrier du 17 avril 2023, le SEDIF a informé la société Suez Eau France qu'à la suite d'un dysfonctionnement informatique, la société Veolia avait eu accès à des données confidentielles concernant son offre et que les négociations en vue de l'attribution de la concession étaient suspendues. Par une décision du 17 octobre 2023, le SEDIF, estimant que les conditions d'une reprise des négociations n'étaient pas remplies, a mis un terme à celles-ci, indiqué aux soumissionnaires qu'ils ne seraient pas invités à soumettre une offre finale et décidé que le contrat de concession serait attribué au regard des offres intermédiaires remises par les soumissionnaires en novembre 2022 après qu'il aurait été procédé à une mise au point avec chacun d'eux. La société Suez Eau France a demandé au juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris d'annuler cette procédure au stade de la décision du 17 octobre 2023 et d'enjoindre au SEDIF de reprendre la procédure de passation en se conformant à ses obligations. Par une ordonnance du 29 novembre 2023 contre laquelle la société Suez Eau France se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
[…]
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1211-1 du code de la commande publique : " Les pouvoirs adjudicateurs sont : / 1° Les personnes morales de droit public ; (...) ". Aux termes de l'article L. 1212-1 du même code : " Les entités adjudicatrices sont : / 1° Les pouvoirs adjudicateurs qui exercent une des activités d'opérateur de réseaux définies aux articles L. 1212-3 et L. 1212-4 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 1212-3 de ce code : " Sont des activités d'opérateur de réseaux : / 1° La mise à disposition, l'exploitation ou l'alimentation de réseaux fixes destinés à fournir un service au public dans le domaine de la production, du transport ou de la distribution : / (...) c) d'eau potable ".
4. Le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France, établissement public de coopération intercommunale, a, en vertu des dispositions précitées du code de la commande publique, la qualité de pouvoir adjudicateur lorsqu'il confie à un tiers l'exploitation du réseau d'eau dont il a la charge. Les dispositions des articles L. 551-1 à L. 551-4 du code de justice administrative sont donc dans cette hypothèse applicables. Dès lors, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a inexactement qualifié les faits et commis une erreur de droit en estimant que, dans le cadre de la procédure en litige, visant au renouvellement de la délégation du service public de l'eau potable, le SEDIF agissait en qualité d'entité adjudicatrice et en fondant par conséquent son ordonnance, sur les dispositions des articles L. 551-5 à L. 551-9 du code de justice administrative. Toutefois, d'une part, n'étaient invoqués devant le juge des référés, par la société Suez Eau France, que des moyens tirés de la méconnaissance par le SEDIF des dispositions de l'article L. 3123-8 du code de la commande publique relatives à la possibilité offerte à l'autorité concédante d'exclure un candidat ayant entrepris d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui conférer un avantage indu, ainsi que les principes de transparence et d'égalité de traitement entre les candidats, pour lesquels les règles applicables aux entités adjudicatrices et aux pouvoirs adjudicateurs sont identiques. D'autre part, si le juge, lorsqu'il est saisi sur le fondement des articles L. 551-5 à L. 551-9 du code de justice administrative, dispose de pouvoirs moins étendus que lorsqu'il est saisi sur le fondement des articles L. 551-1 à L. 551-4 du même code, le juge des référés a, en l'espèce, rejeté les conclusions dont il était saisi. Ainsi, l'erreur commise par le juge des référés du tribunal administratif de Paris en se fondant sur les dispositions des articles L. 551-5 à L. 551-9 du code de justice administrative, applicables aux entités adjudicatrices, pour écarter les moyens soulevés devant lui et rejeter la demande de la société Suez Eau France, est demeurée sans incidence sur le dispositif de son ordonnance comme sur les motifs qui en constituent le soutien nécessaire. Le moyen tiré de ce qu'il aurait méconnu son office doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 3123-8 du code de la commande publique : " L'autorité concédante peut exclure de la procédure de passation d'un contrat de concession les personnes qui ont entrepris (...) d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du contrat de concession (...) ". Cette cause d'exclusion facultative est constituée lorsque l'autorité concédante identifie des éléments précis et circonstanciés indiquant que l'opérateur a effectué des démarches qu'il savait déloyales en vue d'obtenir des informations dont il connaissait le caractère confidentiel et qui étaient susceptibles de lui procurer un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation. Aux termes de l'article 10 du règlement de consultation " phase offres " : " En application de l'article L. 3123-15 du code de la commande publique, lorsqu'un opérateur économique est au cours de la procédure de consultation, placé dans l'une des situations prévues aux articles L. 3123-1 à L. 3123-13 du code de la commande publique, il informe sans délai le SEDIF / Le SEDIF prend alors la décision d'exclusion de la procédure. (...) ".
6. Pour juger que la société Veolia ne pouvait être regardée comme ayant entrepris d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation en litige, le juge des référés a relevé que des fichiers concernant l'offre de la société Suez Eau France et identifiables comme tels avaient été mis à la disposition de la société Veolia en raison d'un dysfonctionnement informatique majeur dû à une erreur de programmation de la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur et que, si cette dernière société les avait téléchargés, en avait pris connaissance et les avait dupliqués et avait tardé plusieurs jours avant d'informer le pouvoir adjudicateur de cet incident, elle l'en avait averti avant la poursuite de la procédure de négociation et le dépôt de son offre finale, de sorte qu'elle devait être regardée comme ayant nécessairement renoncé à tirer parti de ces éléments dans le cadre de la procédure. En déduisant de ces faits, sur lesquels il a porté une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le SEDIF n'était pas tenu d'exclure la société Veolia de la procédure de passation en litige sur le fondement de l'article L. 3123-8 du code de la commande publique, le juge des référés n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ni commis d'erreur de droit.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Les collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics peuvent confier la gestion d'un service public dont elles ont la responsabilité à un ou plusieurs opérateurs économiques par une convention de délégation de service public définie à l'article L. 1121-3 du code de la commande publique préparée, passée et exécutée conformément à la troisième partie de ce code ". Aux termes de l'article L. 1411-5 du même code : " I.- Une commission analyse les dossiers de candidature et dresse la liste des candidats admis à présenter une offre (...). / Au vu de l'avis de la commission, l'autorité habilitée à signer la convention de délégation de service public peut organiser librement une négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans les conditions prévues par l'article L. 3124-1 du code de la commande publique (...) ". Aux termes de l'article L. 3124-1 du code de la commande publique : " Lorsque l'autorité concédante recourt à la négociation pour attribuer le contrat de concession, elle organise librement la négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / La négociation ne peut porter sur l'objet de la concession, les critères d'attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation ".
8. Ni les dispositions des articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ni celles, législatives ou réglementaires, du code de la commande publique, ne font obligation à l'autorité délégante de définir, préalablement à l'engagement de la négociation, les modalités de celle-ci ni de prévoir le calendrier de ses différentes phases. Toutefois, dans le cas où l'autorité délégante prévoit que les offres seront remises selon des modalités et un calendrier fixé par le règlement de consultation qu'elle arrête, le respect du principe de transparence de la procédure exige en principe qu'elle ne puisse remettre en cause les étapes essentielles de la procédure et les conditions de la mise en concurrence. A cet égard, lorsqu'un règlement de consultation prévoit que les candidats doivent, après une phase de négociation, remettre leur offre finale à une date déterminée, cette phase finale constitue une étape essentielle de la procédure de négociation qui ne peut normalement pas être remise en cause au cours de la procédure.
9. Il appartient cependant à l'autorité délégante de veiller en toute hypothèse au respect des principes de la commande publique, en particulier à l'égalité entre les candidats. Après avoir relevé que la décision par laquelle le SEDIF a modifié le déroulement de la procédure en renonçant à recueillir les offres finales des soumissionnaires et en décidant de procéder au choix du délégataire non sur la base de celles-ci mais sur celle des offres intermédiaires déposées en novembre 2022 après une mise au point avec chacun des candidats, avait été prise pour remédier à la transmission par erreur à la société Veolia, de documents relatifs à la négociation menée entre le SEDIF et la société Suez Eau France et aux éléments de l'offre intermédiaire de celle-ci, c'est sans dénaturer les faits de l'espèce et sans commettre d'erreur de droit que le juge des référés a pu en déduire que, dans les circonstances très particulières de l'espèce et en l'absence de manœuvre, le SEDIF avait pu légalement décider de procéder ainsi au choix du délégataire.
[…]
Le pourvoi de la société Suez Eau France est rejeté.
[…]
MAJ 28/02/24 - Source legifrance
Jurisprudence
CE, 8 novembre 2017 n°412859, Société Transdev
2. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance
attaquée que, par une délibération du 1er avril 2016, le conseil
métropolitain de la métropole européenne de Lille a approuvé le principe
d'une concession de service public pour l'exploitation du service public
des transports urbains de personnes sur le territoire métropolitain pour
une durée de sept ans, à compter du 1er janvier 2018 ; qu'après qu'une
première procédure de publicité et de mise en concurrence a été déclarée
infructueuse en décembre 2016, un nouvel avis de publicité préalable a
fixé la date limite de remise des candidatures et des offres au 30
janvier 2017 ; que la société Keolis et la société Transdev, ayant
déposé leurs candidatures et offres initiales dans les délais, ont été
admises à participer à la phase de négociation ; que les négociations
organisées avec les deux soumissionnaires ont donné lieu, d'une part, à
la tenue de huit réunions avec chacun d'entre eux, dont une séance de
présentation de l'offre initiale aux élus et aux services de la
métropole européenne de Lille, trois réunions plénières de négociations
et quatre journées d'ateliers thématiques, et, d'autre part, à de
nombreux échanges écrits ; que ces négociations se sont achevées, le 19
mai 2017, avec l'envoi par la métropole européenne de Lille d'un
courrier par lequel elle sollicitait des deux sociétés admises aux
négociations la production de leurs offres finales pour le 12 juin 2017,
courrier auquel était jointe une clé USB censée contenir les documents
devant être produits avec les offres finales ; que, par un courrier en
date du 23 mai 2017, la société Transdev a accusé réception de cet
envoi, tout en informant la métropole de la présence sur la clé USB d'un
dossier de fichiers informatiques intitulé " Keolis " ; que par une
décision du 2 juin 2017, confirmée le 7 juin suivant, la métropole
européenne de Lille a informé les sociétés soumissionnaires qu'elle
abandonnait sa demande de dépôt des offres finales et qu'elle
procèderait au choix du délégataire sur la base des offres
intermédiaires déposées le 18 avril 2017 et complétées par les éléments
fournis par les parties durant les négociations jusqu'au 19 mai 2017 ;
que la société Transdev se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du
13 juillet 2017 par laquelle le juge des référés, statuant sur le
fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice
administrative, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions
des 2 et 7 juin 2017 ainsi que de la procédure de passation du contrat
de concession de service public litigieux ;
3. Considérant, en
premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des
collectivités territoriales : " Une délégation de service public est un
contrat de concession au sens de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier
2016 relative aux contrats de concession, conclu par écrit, par lequel
une autorité délégante confie la gestion d'un service public à un ou
plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à
l'exploitation du service, en contrepartie soit du droit d'exploiter le
service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix
" ; que l'article L. 1411-5 du même code dispose que : " I. - Une
commission ouvre les plis contenant les candidatures ou les offres et
dresse la liste des candidats admis à présenter une offre (...) / Au vu
de l'avis de la commission, l'autorité habilitée à signer la convention
peut organiser librement une négociation avec un ou plusieurs
soumissionnaires dans les conditions prévues par l'article 46 de
l'ordonnance du 29 janvier 2016 susmentionnée. Elle saisit l'assemblée
délibérante du choix de l'entreprise auquel elle a procédé. Elle lui
transmet le rapport de la commission présentant notamment la liste des
entreprises admises à présenter une offre et l'analyse des propositions
de celles-ci, ainsi que les motifs du choix de la candidate et
l'économie générale du contrat " ; qu'aux termes de l'article 38 de
l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : "
I. - Sans préjudice des dispositions législatives ou réglementaires
relatives à l'accès aux documents administratifs, l'autorité concédante
ne peut communiquer les informations confidentielles qu'elle détient
dans le cadre du contrat de concession, telles que celles dont la
divulgation violerait le secret en matière industrielle et commerciale
ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs
économiques, notamment par la communication, en cours de consultation,
de la valeur globale ou détaillée des offres (...) " ; qu'aux termes de
l'article 46 de la même ordonnance : " Les autorités concédantes peuvent
organiser librement une négociation avec un ou plusieurs
soumissionnaires dans des conditions prévues par voie réglementaire. La
négociation ne peut porter sur l'objet de la concession, les critères
d'attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées
dans les documents de la consultation " ;
4. Considérant que ni
les dispositions des articles L. 1411-1 et suivants du code général des
collectivités territoriales ni celles de l'ordonnance du 29 janvier 2016
et du décret du 1er février 2016 pris pour son application ne font
obligation à l'autorité délégante de définir, préalablement à
l'engagement de la négociation, les modalités de celle-ci ni de prévoir
le calendrier de ses différentes phases ; que toutefois, dans le cas où
l'autorité délégante prévoit que les offres seront remises selon des
modalités et un calendrier fixé par le règlement de consultation qu'elle
arrête, le respect du principe de transparence de la procédure exige en
principe qu'elle ne puisse remettre en cause les étapes essentielles de
la procédure et les conditions de la mise en concurrence ; qu'à cet
égard, lorsqu'un règlement de consultation prévoit que les candidats
doivent, après une phase de négociation, remettre leur offre finale à
une date déterminée, cette phase finale constitue une étape essentielle
de la procédure de négociation qui ne peut normalement pas être remise
en cause au cours de la procédure ;
5. Considérant,
cependant, qu'il appartient à l'autorité délégante de veiller en toute
hypothèse au respect des principes de la commande publique, en
particulier à l'égalité entre les candidats ; qu'il ressort en l'espèce
des éléments de la procédure soumise au juge des référés que la décision
par laquelle la métropole européenne de Lille a modifié le déroulement
de la procédure, en renonçant à recueillir les offres finales des
soumissionnaires et en s'engageant à prendre en considération, pour le
choix de l'attributaire, l'état des offres à la date du 19 mai 2017, a
été prise pour remédier à la transmission par erreur, ce 19 mai 2017, à
la société Transdev de documents relatifs à la négociation menée entre
la métropole et la société Keolis et aux éléments de l'offre de cette
dernière ; que cette divulgation à l'un des candidats de documents se
rapportant à l'offre de son concurrent était de nature à nuire à la
concurrence entre les opérateurs et, dans les circonstances de l'espèce,
à porter irrémédiablement atteinte à l'égalité entre les candidats, dans
le cadre de la procédure en cours comme dans le cadre d'une nouvelle
procédure si la procédure de passation devait, à brève échéance, être
reprise depuis son début ; que la décision de la métropole, consistant à
figer l'état des offres à la date de la divulgation, a entendu pallier
cette atteinte à l'égalité entre les candidats ; qu'à cette date, les
négociations avaient donné lieu à de nombreux échanges entre la
métropole et les candidats qui avaient disposé d'un délai suffisant, et
strictement identique, pour présenter leurs offres ;
6.
Considérant, dans ces conditions, que le juge des référés a pu, sans
commettre d'erreur de droit ni dénaturer les faits de l'espèce, juger,
par l'ordonnance attaquée qui est suffisamment motivée, que la métropole
européenne de Lille avait pu, dans les circonstances très particulières
de l'espèce et en l'absence de manoeuvre, décider de procéder au choix
du délégataire non sur la base des offres finales dont il était
initialement prévu qu'elles devaient être déposées le 12 juin 2017, mais
sur celle des offres intermédiaires déposées le 18 avril 2017 et
complétées par les éléments fournis par les parties durant les
négociations menées avec la métropole jusqu'au 19 mai 2017, alors même
qu'en principe l'autorité délégante ne peut revenir en cours de
procédure sur une étape essentielle de la procédure qu'elle avait prévue
dans le règlement de la consultation ;
7. Considérant, en
deuxième lieu, qu'en jugeant, après avoir relevé que la société Transdev
avait, par un courrier du 18 avril 2017 adressé à la métropole
européenne de Lille, indiqué que " l'ensemble des modifications
proposées permettent de considérer notre offre comme engageante ", que
les informations financières complémentaires transmises le 18 avril 2017
par la société Transdev constituaient une offre et non de simples
documents préparatoires, le juge des référés s'est livré à une
appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'en retenant, pour écarter
le moyen soulevé devant lui par la société Transdev et tiré de ce que
l'analyse des seules offres intermédiaires conduirait nécessairement la
métropole européenne de Lille à retenir une offre qui ne répondrait pas
à l'ensemble de ses besoins et qui ne constituerait pas la meilleure
offre au regard de son avantage économique global, en méconnaissance des
dispositions des articles 27 et 47 de l'ordonnance du 29 janvier 2016,
qu'un tel manquement n'était en tout état de cause pas susceptible
d'avoir lésé la société requérante, le juge du référé précontractuel n'a
pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;
9.
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la
société Transdev doit être rejeté ;
CE, 23 novembre 2011, n° 349746 (Qualité de pouvoir adjudicateur et non d'entité adjudicatrice d’une une personne publique confiant à un tiers l'exécution d'un service public spécifique (transport des personnes à mobilité réduite) directement exploité par l'entreprise attributaire du marché. Les dispositions de l'article 135 du code des marchés publics ne s'appliquent pas aux actes par lesquels une personne publique confie à un tiers l'exploitation de l'un des réseaux fixes qu'il mentionne et agit ainsi en qualité de pouvoir adjudicateur. En confiant à un tiers l'exécution d'un service public spécifique (transport des personnes à mobilité réduite) directement exploité par l'entreprise attributaire du marché, sans se borner à faire l'acquisition d'équipements ou de matériels adaptés au transport des personnes à mobilité réduite, une communauté d'agglomération a agi en qualité de pouvoir adjudicateur et non en qualité d'entité adjudicatrice. Par suite, le marché litigieux devait être passé non pas sur le fondement des dispositions de l'article 135 du code des marchés publics mais sur celui des dispositions de la première partie de ce code).
CE, 24 juin 2011, n° 346529, Communauté d'agglomération Rennes Métropole (Pouvoir adjudicateur ou entité adjudicatrice ? Rappel du Conseil d'Etat. L’acquisition, par un pouvoir adjudicateur, d’un équipement destiné à la constitution d’un réseau de transport public ou s’intégrant à un réseau de transport public déjà constitué, que son exploitation ait été ou non déléguée, doit être regardée, en fonction de son mode de gestion, soit comme une activité d’exploitation d’un réseau soit comme une activité de mise à disposition du réseau, au sens de l’article 135 du code des marchés publics, et par suite comme une activité exercée par une entité adjudicatrice pour l’application de l’article 134 de ce code).