Répondre aux marchés publics pour les PME : Formation, aide et assistance sur tout le territoire (sur site ou à distance)
Entreprises - PME : Répondre aux marchés publics (DC1, DC2, ATTRI1, DC4, mémoire technique, ...) Acheteurs publics
DATES J01 Fondamentaux J02 Répondre aux AO J03 Réponse électronique J04 Mémoire technique Formations Assistance

Sources > CCP > CCAG > Directives > Lois > Ordonnances > Décrets > Arrêtés > Instructions > Avis > Circulaires > Dématérialisation des MP.

TA Mayotte, 4 juin 2024, n° 2400692 - Définition des besoins insuffisante

TA Mayotte, 4 juin 2024, n° 2400692 - Définition des besoins insuffisante malgré de multiples reports de la DLRO

https://mayotte.tribunal-administratif.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/le-juge-des-referes-annule-la-procedure-de-passation-du-marche-de-transports-publics-caribus

Faits et contexte

La communauté d'agglomération Dembéni-Mamoudzou (CADEMA) a lancé le 1er septembre 2023 une procédure d'appel d'offres ouvert pour un marché public de services de transport collectif urbain. Le marché était divisé en deux lots et devait donner lieu à la conclusion d'un accord-cadre d'une durée de quatre ans. Trois sociétés candidates évincées (SARL Carla Mayotte Transports Baltus, GIE Tama Ya Leo Na Messo, et SARL Transports du Nord) ont saisi le juge des référés du tribunal administratif pour demander l'annulation des décisions de rejet de leurs offres.

Problème juridique posé

La question principale est de savoir si la CADEMA a respecté ses obligations de publicité et de mise en concurrence dans le cadre de cette procédure de passation de marché public, notamment en ce qui concerne les modifications apportées au dossier de consultation des entreprises (DCE) au cours de la procédure.

Raisonnement juridique du tribunal

Le tribunal examine d'abord la recevabilité des requêtes, notamment celle de la société CMTB, dont l'intérêt à agir est contesté par la CADEMA. Le juge écarte cette fin de non-recevoir, considérant que le classement en quatrième position n'est pas en soi un motif d'irrecevabilité.

Ensuite, le tribunal analyse les moyens tirés de la méconnaissance du règlement de la consultation et de la modification substantielle du DCE. Il rappelle les dispositions du code de la commande publique relatives à la définition des besoins et aux modifications des documents de consultation.

Le juge constate que la CADEMA a effectué plusieurs modifications importantes du DCE (suppression de la billettique, de l'agence commerciale, du système d'aide à l'exploitation et à l'information des voyageurs) et a reporté à plusieurs reprises la date limite de remise des offres. Bien que ces reports aient été conformes au règlement de la consultation, le tribunal estime que ces modifications n'étaient pas mineures et changeaient de manière significative le périmètre des prestations demandées.

Le juge considère que ces modifications révèlent une insuffisante définition initiale des besoins, qui aurait dû conduire le pouvoir adjudicateur à reprendre la procédure depuis le début plutôt que de procéder par ajustements successifs.

Décision du tribunal

Le tribunal conclut que la CADEMA a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Il rejette l'argument de l'intérêt public avancé par la CADEMA pour maintenir la procédure, estimant que les avantages de l'annulation l'emportent sur les inconvénients.

Le juge annule donc la procédure de passation des deux lots du marché au stade de l'appel d'offres, ainsi que les décisions de rejet des offres des requérants et d'attribution aux sociétés retenues. Il enjoint à la CADEMA de reprendre la procédure au stade de l'appel d'offres si elle souhaite conclure un accord-cadre ayant le même objet.

[...]

6.Il résulte de l’instruction que la société à responsabilité limitée Carla Mayotte Transports Baltus (CMTB) s’est portée candidate pour les deux lots du marché litigieux. Elle a ainsi la qualité de candidate évincée d’un marché relevant de son champ de compétence pour lequel son intérêt à conclure le contrat est établi. La CADEMA fait valoir que compte tenu de son classement en quatrième position pour les deux lots, aucun des vices invoqués n’est susceptible de l’avoir lésé. Toutefois, cette seule circonstance n’est pas de nature à rendre irrecevable la requête, mais a seulement une incidence au stade de l’appréciation de la lésion en cas de manquement avéré du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. Il y a lieu, dès lors, d’écarter la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de ce que la société CMTB n’a pas intérêt pour agir.

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la procédure :

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du règlement de la consultation et de la modification substantielle du DCE :

7.D’une part, aux termes de l’article L. 2111-1 du code de la commande publique, « La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ». Aux termes de l’article R. 2132-1 du même code : « Les documents de la consultation sont l’ensemble des documents fournis par l’acheteur ou auxquels il se réfère afin de définir son besoin et de décrire les modalités de la procédure de passation, y compris l’avis d’appel à la concurrence. Les informations fournies sont suffisamment précises pour permettre aux opérateurs économiques de déterminer la nature et l’étendue du besoin et de décider de demander ou non à participer à la procédure. » et aux termes de l’article R. 2132-6 de ce code : « En cas de procédure formalisée, les renseignements complémentaires sur les documents de la consultation sont envoyés aux opérateurs économiques six jours au plus tard avant la date limite fixée pour la réception des offres, pour autant qu’ils en aient fait la demande en temps utile. / Lorsque le délai de réception des offres est réduit pour cause d’urgence en application des dispositions du titre VI, ce délai est de quatre jours. ». Aux termes de l’article R. 2151-4 du même code : « Le délai de réception des offres est prolongé dans les cas suivants : / () / 2° Lorsque des modifications importantes sont apportées aux documents de la consultation. / La durée de la prolongation est proportionnée à l’importance des informations demandées ou des modifications apportées. ». Il résulte des dispositions précitées de l’article R. 2151-4 du code de la commande publique qu’une personne publique ne peut apporter de modifications au dossier de consultation remis aux candidats à un appel d’offres que dans des conditions garantissant l’égalité des candidats et leur permettant de disposer d’un délai suffisant, avant la date limite fixée pour la réception des offres, pour prendre connaissance de ces modifications et adapter leur offre en conséquence.

8.D’autre part, aux termes de l’article 4.1 du règlement de consultation : " Le dossier de consultation des entreprises contient les pièces suivantes : / () / – Une annexe financière (AF) distincte pour chaque lot : Bordereau des prix pour les prestations, détail quantitatif estimatif, inventaire comptable des biens du service ; / () / – La copie du marché de billettique confié à un prestataire extérieur. / (). « et aux termes de l’article 4.2 du même règlement : » () / La CADEMA se réserve la possibilité d’effectuer des modifications non substantielles sur le dossier de consultation des entreprises, dans un délai de 10 jours calendaires précédant la date de remise des offres. Les candidats devront alors répondre sur la base du dossier modifié sans pouvoir élever aucune réclamation à ce sujet. / () ".

9. En premier lieu, il résulte de l’instruction que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) applicable au marché litigieux prévoyait à l’article 23, dans sa version initiale, que la gestion de la billettique serait confiée à un prestataire, mais que le titulaire du marché aurait à sa charge l’installation du système à bord des véhicules, le bon fonctionnement en service commercial et le soin du matériel mis à disposition. Il prévoyait également à l’article 16 la mise à disposition des usagers d’une agence commerciale fonctionnant toute l’année hors jours fériés. Il est toutefois constant que, sur interrogation de l’un des candidats, la CADEMA a complété et modifié le 27 septembre 2023 ledit CCTP en communiquant les annexes financières propres à chaque lot, en supprimant la question de la billettique et celle de l’agence commerciale et elle a décalé la date limite de réception des offres, initialement fixée au 6 octobre 2023 au 20 octobre 2023.

10.En second lieu, il résulte également de l’instruction que le 17 octobre 2023, la CADEMA a décidé de décaler de nouveau la date limite de remise des offres au 10 novembre 2023. Le 27 octobre 2023, cette date a été encore reportée au 1er décembre 2023 après avoir supprimé la question du système d’aide à l’exploitation et à l’information des voyageurs (SAEIV) initialement prévue à l’article 17 du CCTP. Le 1er décembre, la CADEMA a reporté la date limite de remise des offres au 22 décembre 2023. Enfin, le 20 décembre 2023, celle-ci a été encore décalée jusqu’au 29 décembre 2023.

11. Il est constant que si les multiples reports de la date de remise des offres, à l’exception du dernier, ont été conformes aux dispositions précitées de l’article 4.2 du règlement de la consultation, il résulte néanmoins de l’instruction que ces modifications du DCE n’étaient pas mineures en ce qu’elles changeaient de manière significative le périmètre des prestations demandées dans le cadre de la création et de la gestion du réseau de transports. Si la CADEMA fait valoir en défense que ces modifications ont dû être apportées au DCE en raison du fait, d’une part, que les marchés distincts concernant la billettique et le SAEIV n’avaient pas encore été lancés, et d’autre part, qu’une réflexion plus large sur le sujet de la billettique dans le secteur des transports, portée à l’échelle du Département, avait été engagée, ces retards et contretemps révélant l’insuffisante définition de la nature et des besoins à satisfaire auraient dû commander au pouvoir adjudicateur de reprendre la procédure à son commencement, une fois ces éléments précisément définis.

12.Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres manquements invoqués, les sociétés et le groupement requérants sont fondés à soutenir que le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

[...]

16. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler la procédure en litige au stade de l’appel d’offres et d’inviter la CADEMA, si elle entend conclure un accord-cadre ayant le même objet, à reprendre la procédure à ce stade.

[...]

MAJ 22/06/24

Jurisprudence

.