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TA Dijon, 20 février 2003, Société Jean Louis BERNARD Consultants c/ District de l'Agglomération Dijonnaise, n° 99245

TA Dijon, 20 février 2003, Société Jean Louis BERNARD Consultants c/ District de l'Agglomération Dijonnaise, n° 99245

VU le jugement en date du 18 avril 2000, ensemble les mémoires visés, par lequel le Tribunal administratif de DIJON, avant de statuer sur la demande de la Société Jean Louis BERNARD Consultants tendant, d'une part, à ce que soient annulées la décision du 4 décembre 1998 du président du District de l'agglomération dijonnaise rejetant son offre pour l'attribution du marché relatif au renouvellement du système d'information géographique du district et la décision du président du District de l'agglomération dijonnaise attribuant le dit marché à l'Institut géographique national et, d'autre part, à ce que le District de l'agglomération dijonnaise soit condamné à lui verser la somme de 15.000 Francs au titre de l'article L8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi N' 87-1127 du 31 décembre 1987 portant - réforme du contentieux administratif, de soumettre à l'examen du Conseil d'Etat la question suivante :

le principe de liberté de la concurrence qui découle de l'ordonnance du 1 er décembre 198 6 fait-il obstacle à ce qu'un marché soit attribué à un établissement public administratif qui, du fait de son statut, n'est pas soumis aux mêmes obligations fiscales et sociales que ses concurrents ;

VU l'avis du Conseil d'Etat en date du 8 novembre 2000

VU les mémoires, enregistrés les 2 février 2001, 30 octobre 2001, 5 mars 2002, 18 mai 2002, présentés pour la Société Jean Louis BERNARD Consultants par Me Gaël DECHELETTE avocat au barreau de PARIS ;

elle conclut aux mêmes fins que sa requête -

VU le mémoire, enregistré le 25 avril 2001, présenté pour la Communauté de l'agglomération dijonnaise par la SCP J. CURTIL - M.CURTIL-FAIVRE société d'avocats au barreau de DIJON concluant au rejet de la requête

VU les mémoires, enregistrés les 15 mai 2001, 18 janvier 2002, 12 avril 2002, 27 juin 2002 présentés pour l'Institut géographique national par Me Jean-Luc TIXIER, avocat au barreau des Hauts de Seine ;

il conclut au rejet de la requête et en outre à ce que la Société Jean Louis BERNARD Consultants lui verse la somme de 15.000F au titre de l'article L761 -1 du code de justice administrative

VU l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 18 novembre 2002 ;

VU les décisions attaquées ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

VU le code général des impôts ;

VU le code des marchés publics ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2003 :

- le rapport de M. ROUSSET, conseiller, les observations de Me DELECHETTE, avocat de la Société Jean Louis BERNARD Consultants, de Me CURTIL, avocat du District de l'agglomération dijonnaise et de Me TENAILLEAU, avocat de l'Institut géographique national,

- et les conclusions de M. HECKEL, commissaire du gouvernement

Considérant que le District de l'agglomération dijonnaise a fait un appel à la concurrence préalable à la conclusion d'un marché négocié, portant sur l'analyse du système d'information géographique du District, la réalisation d'une étude de définition pour son renouvellement et l'assistance à la mise en place du nouveau système ; que la Société Jean Louis BERNARD Consultants, requérante, a fait une offre ainsi que sept autres candidats ; qu'elle a été classée en cinquième position; qu'elle demande l'annulation de la décision en date du 4 décembre 1998 du président du District de l'agglomération dijonnaise rejetant son offre, ainsi que l'annulation de la décision attribuant le marché à l'Institut géographique national ; qu'à l'appui de cette demande, elle se prévaut notamment du principe de libre concurrence qui découle de l'ordonnance susvisée du ler décembre 1986 ; qu'ainsi elle fait valoir que l'attribution du marché à l'Institut géographique national serait entachée d'illégalité du fait du statut public de l'Institut qui le dispenserait des obligations fiscales et sociales qui pèsent sur ses concurrents, favoriserait la minoration des coûts réels de l'établissement et rendrait possible l'affectation à ses activités concurrentielles d'une partie des subventions perçues au titre de ses missions de service public;

Considérant que, d'une part, aucun texte ni principe n'interdit en raison de sa nature à un établissement public administratif de se porter candidat à un marché public; que, d'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles 1654 et 256 B du code général des impôts que les établissements publics, lorsqu'ils exercent une activité susceptible d'entrer en concurrence avec celle d'entreprises privées, sont tenus à des obligations fiscales comparables ; qu'enfin le statut des agents des établissements publics administratifs, qui sont soumis en ce qui concerne le droit du travail et de la sécurité sociale à une législation pour partie différente de celle dont relèvent les salariés de droit privé, n'a pas pour conséquence de placer les établissements publics administratifs dans une situation plus avantageuse que celle dans laquelle se trouvent les entreprises privées ; qu'il s'ensuit que la candidature de l'Institut géographique national à la consultation lancée par le District de l'agglomération dijonnaise, n'est pas, au regard de son régime fiscal et du régime social applicable à ses agents, de nature à fausser la concurrence ;

Considérant toutefois qu'il appartient à un établissement public administratif qui soumissionne pour l'attribution d'un marché publie de respecter le principe de la liberté de la concurrence qui découle notamment de l'ordonnance du ler décembre 1986 ; que ce principe suppose, d'une part, que le prix proposé par cet établissement public administratif soit déterminé en prenant en compte l'ensemble des coûts directs et indirects concourant à la formation du prix de la prestation objet du contrat, d'autre part, que cet établissement public n'ait pas bénéficié, pour déterminer le prix qu'il a proposé d'un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public et enfin qu'il puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d'information approprié ;

Considérant que l'Institut géographique national a remis au District de l'agglomération dijonnaise une offre d'un montant de 217 000 francs hors taxes ; que si l'écart de prix, même important, entre l'offre du candidat retenu et celles de ses concurrents n'est pas en soi constitutif ,d'un manquement au principe de libre concurrence, il appartient en revanche au Tribunal d'examiner les modalités de fixation de ce prix ; que l'Institut a produit un document, établi à partir de sa comptabilité analytique, par lequel il expose les conditions de détermination de son prix; qu'il en ressort que la nature de la prestation objet du marché justifiait l'affectation d'un ingénieur des travaux géographiques ; que le coût d'un ingénieur des travaux géographiques, dont le taux horaire catégoriel était statutairement fixé pour l'année 1998 à 195 francs, s'élevait pour une journée à 1 560 francs hors taxes ; que l'Institut a évalué à 74 le nombre de journées de travail nécessaire pour exécuter la mission; qu'ainsi les frais de personnel induits par la prestation s'élevaient, au total, à 115.440 francs hors taxes ; que l'Institut géographique national a, par ailleurs, estimé à 26 600 francs hors taxes les frais divers occasionnés par les déplacements au siège du District à Dijon et à 9 800 francs hors taxes les frais exposés pour soumissionner; qu'une part des frais généraux calculée par référence au montant total des frais de structure et des recettes d'activité de l'Institut pour l'année 1998 et fixée à 52 870 francs hors taxes a été prise en compte dans l'offre de prix remise au District de l'agglomération dijonnaise ; qu'enfin la marge bénéficiaire s'établit à 12 500 francs hors taxes environ ;

Considérant qu'il n'est pas établi que le nombre de journées de travail prévu pour assurer la prestation dans les conditions ci-dessus décrites serait insuffisant, qu'un ingénieur des travaux géographiques serait insuffisamment qualifié pour exécuter la mission, que le coût de la journée ingénieur, qui à la différence du barème public des prix de l'Institut géographique national, cité par le requerrant n'intègre pas les coûts indirects, serait sous évalué ou que la part des frais de structure imputée dans le prix aurait été sous estimée ; qu'à l'inverse le seul fait que l'Institut géographique national perçoive des subventions à raison de ses missions de service public, ainsi qu'en attestent le budget et le compte financier de l'année 1998 produits à l'instance, ou que les activités concurrentielles de l'Institut n'aient pas été isolées dans une structure juridique qui leur soit propre, ne suffisent pas à établir que l'offre remise au District de l'agglomération dijonnaise aurait porté atteinte au principe de libre concurrence ; qu'il s'ensuit, sans qu'il soit nécessaire de saisir le conseil de la concurrence, ni d'ordonner une expertise, ni d'exiger de l'Institut géographique national la production de sa comptabilité analytique et de la Société Jean Louis BERNARD Consultants la communication de pièces justificatives des conditions de fixation de son prix, que l'offre remise par l'Institut ne porte pas atteinte à la libre concurrence ;

Considérant qu'il ressort de ce qui précède, ainsi que du jugement du 18 avril 2000, qu'il y a lieu de rejeter les conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 4 décembre 1998 du président du District de l'agglomération dijonnaise rejetant l' offre de la Société Jean Louis BERNARD Consultants, et de la décision par laquelle le président du District de l'agglomération dijonnaise a attribué le marché à l'Institut géographique national ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées, à ce titre, par la Société Jean Louis BERNARD Consultants doivent dès lors être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Société Jean Louis BERNARD Consultants à payer à 1'Institut géographique national une somme de 1 100 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de la Société Jean Louis BERNARD Consultants est rejetée.

Article 2 : la Société Jean Louis BERNARD Consultants versera à l'Institut géographique national une somme de 1 100 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la Société Jean Louis BERNARD  Consultants, au District de l'agglomération dijonnaise et à l'Institut géographique national. En outre, copie en sera adressée au préfet du département de la Côte-d'Or.

Jurisprudence

CE, 14 juin 2019, n° 411444, Société Vinci Construction Maritime et Fluvial. (Candidature d’une personne publique à l'attribution d'un contrat de commande publique pour répondre aux besoins d'une autre personne publique et satisfaction d’un intérêt public local. Aucun principe ni aucun texte ne fait obstacle à ce que des collectivités ou leurs établissements publics de coopération se portent candidats. Toutefois, une telle candidature doit répondre à un intérêt public local, et donc constituer le prolongement d’une mission de service public dont la personne publique a la charge. Tel est le cas de l’amortissement des équipements, de la valorisation des moyens ou de l'assurance de l'équilibre financier).

CE, 18 septembre 2015, n° 390041, Association de gestion du CNAM des Pays de la Loire, Groupement URBEA et autres (Le juge du référé précontractuel doit vérifier le principe de spécialité auquel est tenu un établissement public qui présente sa candidature à un marché public. Rôle du juge du référé précontractuel si une personne publique se porte candidate à l’attribution d’un marché public).

CAA Bordeaux, 15 juillet 2008, n°07BX00373, Société Merceron TP (Le respect de la liberté du commerce et de l’industrie et du droit de la concurrence ne s’oppose pas à l’attribution d’un marché public à une collectivité publique par une autre. Pour intervenir sur un marché, elle doit d’une part agir dans la limite de ses compétences, et d’autre part justifier d’un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l’initiative privée).

Avis no 222208 du 8 novembre 2000. Jean Louis BERNARD Consultants NOR: CETX0004517V (Le principe de liberté de la concurrence qui découle de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne fait pas obstacle à ce qu'un marché soit attribué à un établissement public administratif qui, du fait de son statut, n'est pas soumis aux mêmes obligations fiscales et sociales que ses concurrents)